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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/20353/2024

ACJC/560/2025 du 24.04.2025 sur JTBL/1286/2024 ( SBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/20353/2024 ACJC/560/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU JEUDI 24 AVRIL 2025

 

Entre

Monsieur A______ et Madame B______, domiciliés ______ [GE], recourants contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 16 décembre 2024, représentés par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6,

et

Madame C______ et Madame D______, domiciliées respectivement ______ [GE] et ______ [GE], intimées, représentées par [la régie] E______, ______ [GE].

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTBL/1286/2024 du 16 décembre 2024, le Tribunal des baux et loyers statuant par voie de procédure sommaire en protection des cas clairs, a condamné A______ et B______ à évacuer immédiatement de leur personne et de leurs biens ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec eux l'appartement de 2,5 pièces situé au 1er étage de l'immeuble sis route 1______ no. ______ à G______(GE) (ch. 1 du dispositif), a autorisé C______ et D______ à requérir l'évacuation par la force publique des précités dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

En substance, les premiers juges ont retenu que les conditions d'une résiliation selon l'article 257d al. 1 CO étaient réunies, les locataires n'ayant pas rendu vraisemblable que l'une ou l'autre d'entre elles ferait défaut. Depuis l'expiration du terme fixé, les précités ne disposaient plus d'aucun titre juridique les autorisant à rester dans les locaux, de sorte que leur évacuation devait être prononcée. Par ailleurs, les locataires n'ayant pas réussi à démontrer avoir entrepris des démarches sérieuses et concrètes en vue de se reloger et les bailleresses peinant à obtenir le paiement des loyers malgré plusieurs relances depuis l'été 2024, le Tribunal a considéré qu'aucun sursis humanitaire ne pouvait être accordé, la pénurie de logement ne constituant au demeurant pas un motif de sursis. En revanche, il a considéré que la situation juridique quant à l'aspect pécuniaire n'était pas claire, les locataires ayant allégué que des versements avaient été faits.

B.            a. Par acte déposé le 27 janvier 2025 à la Cour de justice, A______ et B______ (ci‑après, ensemble : les locataires) ont formé recours contre ce jugement, sollicitant l'annulation de son chiffre 2 et ont conclu à l'octroi d'un sursis jusqu'au 30 juin 2025.

Ils ont préalablement conclu à la suspension par la Cour du caractère exécutoire du jugement contesté.

b. Par arrêt ACJC/151/2025 du 3 février 2025, la Cour a rejeté la demande d'effet suspensif formulée par les locataires.

c. Par réponse du 5 février 2025 à la Cour, les bailleresses ont conclu au déboutement des locataires de leurs conclusions et à la constatation de la force exécutoire du jugement dès le 1er février 2025.

d. Les parties ont été avisées par plis du greffe de la Cour du 26 février 2025 de ce que la cause était gardée à juger.

 

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. En date du 18 juillet 2018, les bailleresses, d'une part, et A______, d'autre part, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 2,5 pièces situé au 1er étage de l'immeuble sis route 1______ no. ______ à G______(GE).

Le contrat a été conclu pour une durée d'un an, du 1er août 2018 au 31 juillet 2019. Il n'est pas contesté que le bail s'est depuis lors renouvelé.

Le montant mensuel du loyer a été fixé en dernier lieu à 1'100 fr. et les charges ont été fixées à 110 fr.

b. Un dépôt de garantie n° 2______ a été effectué auprès de F______ à hauteur de 3'300 fr. le 23 juillet 2018.

c. Par avis comminatoire du 15 mai 2024, les bailleresses ont mis A______ et B______ en demeure de leur régler dans les 30 jours le montant de 2'398 fr. 05 fr. aux titres d'arriérés de loyers et de charges pour la période du 1er avril 2024 au 31 mai 2024, et les a informés de leur intention, à défaut de paiement intégral de la somme réclamée dans le délai imparti, de résilier le bail conformément à l'art. 257d CO.

d. Considérant que la somme susmentionnée n'avait pas été intégralement réglée dans le délai imparti, les bailleresses ont, par avis officiels du 25 juin 2024, résilié le bail pour le 31 juillet 2024.

e. Par requête en protection de cas clair déposée le 30 août 2024 au greffe du Tribunal, les bailleresses ont introduit action en évacuation assortie de mesures d'exécution directe et ont conclu à la condamnation des locataires à leurs verser 1'210 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 15 août 2024, ainsi qu'à la libération de la garantie bancaire.

f. A l'audience du 16 décembre 2024 du Tribunal, la représentante des bailleresses a indiqué que l'arriéré de loyer s'élevait à 2'420 fr. et a amplifié ses conclusions à hauteur de ce montant, décompte à l'appui.

A______ a déclaré avoir à tort réglé trois fois le loyer du parking; la régie lui ayant alors dit que ce qu'il avait payé en trop serait mis sur le compte de l'appartement. Il n'avait pas pu payer la semaine précédente les montants qu'il entendait régler, motif pris de ce qu'en tant que carreleur et peintre indépendant, il devait attendre que ses clients le paient. Son épouse demeurait à la maison et s'occupait des trois enfants en bas âge. Il avait fait des recherches de logement mais sans succès; il faisait l'objet de poursuites et ne savait pas où aller vivre dans le cas où sa famille et lui devaient être évacués. Il a conclu à l'octroi d'un sursis humanitaire de 6 mois.

La représentante des bailleresses s'y était opposée, une première procédure ayant été diligentée en 2022, retirée en mars 2024 dès lors que les locataires s'étaient engagés à trouver un nouveau logement.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 Seule la voie du recours est ouverte contre les mesures d'exécution (art. 309 let. a CPC). Le recours, écrit et motivé, doit être introduit dans un délai de dix jours pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 321 al. 2 CPC), ce qui est le cas dans des procédures en protection des cas clairs (art. 248 let. b et 257 CPC).

1.2 Formé dans le délai et la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 321 al. 2 CPC), le recours est recevable.

1.3 Le recours n'est recevable que pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art 320 CPC).

2. Les recourants reprochent au Tribunal de ne pas leur avoir accordé un sursis humanitaire à l'évacuation venant à échéance le 30 juin 2025.

2.1 L'exécution forcée d'un jugement ordonnant l'expulsion d'un locataire est réglée par le droit fédéral (cf. art. 335 et ss CPC).

En procédant à l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit tenir compte du principe de la proportionnalité. L'expulsion ne saurait être conduite sans ménagement, notamment si des motifs humanitaires exigent un sursis, ou lorsque des indices sérieux et concrets font prévoir que l'occupant se soumettra spontanément au jugement d'évacuation dans un délai raisonnable. En tout état de cause, l'ajournement ne peut être que relativement bref et ne doit pas équivaloir en fait à une prolongation de bail (ATF 119 Ia 28 consid. 3; 117 Ia 336 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7; 4A_207/2014 du 19 mai 2019 consid. 3.1).

L'art. 30 al. 4 LaCC concrétise le principe de la proportionnalité en cas d'évacuation d'un logement, en prévoyant que le tribunal peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire ou du fermier. Cette disposition s'applique, selon ses propres termes, aux logements, c'est-à-dire aux habitations (arrêt du Tribunal fédéral 4A_207/2014 du 19 mai 2014 précité consid. 3.1).

S'agissant des motifs de sursis, différents de cas en cas, ils doivent être dictés par des "raisons élémentaires d'humanité"; sont notamment des motifs de ce genre la maladie grave ou le décès de l'expulsé ou d'un membre de sa famille, le grand âge ou la situation modeste de l'expulsé; en revanche, la pénurie de logements ou le fait que l'expulsé entretient de bons rapports avec ses voisins ne sont pas des motifs d'octroi d'un sursis (ACJC/777/2024 du 17 juin consid. 2.1; ACJC/269/2019 du 25 février 2019 consid. 3.1; ACJC/247/2017 du 6 mars 2017 consid. 2.1; ACJC/422/2014 du 7 avril 2014 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral du 20 septembre 1990, in Droit du bail 3/1991 p. 30 et les références citées). La présence d'un enfant dans le logement ne donne pas, en elle-même et à elle seule, le droit à l'obtention d'un sursis (ACJC/1111/2024 du 16 septembre 2024 consid. 3.2).

Le juge ne peut pas différer longuement l'exécution forcée et, ainsi, au détriment de la partie obtenant gain de cause, éluder le droit qui a déterminé l'issue du procès. Le délai d'exécution ne doit notamment pas remplacer la prolongation d'un contrat de bail à loyer lorsque cette prolongation ne peut pas être légalement accordée à la partie condamnée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7; 4A_389/2017 du 26 septembre 2017 consid. 8; 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

2.2 En l'espèce, le Tribunal a refusé de surseoir à l'exécution du jugement d'évacuation, motifs pris de ce que les recourants n'avaient pas démontré avoir entrepris des recherches de logement, de ce que les bailleresses, après avoir peiné à obtenir le paiement des loyers, leur avaient adressés plusieurs relances pour qu'ils trouvent une solution de relogement depuis l'été 2024.

Les recourants ont cité différents arrêts de la Cour pour soutenir qu'un sursis de six mois devrait leur être accordé. Ils concernent des situations différentes de la leur.

Dans les ACJC/78/2017 et ACJC/57/2017, la Cour n'a fait que confirmer les sursis de nonante jours octroyés par le Tribunal. Dans son arrêt ACJC/1270/2018 du
12 septembre 2018, la Cour a accordé un sursis de quatre mois, le locataire occupant le logement en cause depuis 15 ans. Dans l'arrêt ACJC/123/2017 du 6 février 2017, des circonstances particulières avaient été prises en considération pour l'octroi d'un sursis, soit notamment le fait que ce délai permettait à l'enfant des locataires de finir son année scolaire dans l'établissement qu'il fréquentait avant d'avoir à déménager. Dans l'ACJC/213/2012 du 20 février 2012, le locataire avait démontré avoir effectué des recherches sérieuses pour se reloger. Le paiement des loyers était à jour et celui des indemnités pour occupation illicite était régulièrement effectué directement par l'Hospice général, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Dans le JTBL/771/2021 du 2 septembre 2021 cité par les recourants, il était établi que les locataires cherchaient activement un autre logement, et leurs enfants étaient scolarisés dans le quartier. Dans le JTBL/925/2021 du 21 octobre 2021, la locataire vivait depuis près de dix ans dans son logement, seule avec cinq enfants, elle était en mauvaise santé et percevait une rente d'invalidité à 100%. Dans le JTBL/763/2024 du 20 juin 2024, la locataire avait démontré avoir effectué des recherches de relogement, sans succès. Aucune de ces situations n'est comparable au cas présent.

S'agissant du principe de la proportionnalité, il sera relevé que les recourants occupent sans droit l'appartement et le parking depuis la résiliation de ces derniers, au 31 juillet 2024. Ils ont ainsi bénéficié, de fait, depuis cette date, de plus de 7 mois d'occupation de l'appartement, de sorte qu'ils ont eu le temps d'entreprendre des démarches afin de se reloger. Par ailleurs, ils n'ont pas rendu vraisemblable avoir effectué des recherches de logement qui se seraient révélés vaines. Ils ne sauraient ainsi obtenir un délai qui reviendrait à leur octroyer une prolongation de bail, à laquelle ils ne sauraient prétendre. Par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet de retenir que l'exécution de l'évacuation leur serait moins pénible à l'échéance du délai qu'il sollicite.

Par conséquent, aucun motif ne justifie l'octroi d'un sursis humanitaire. Les griefs des recourants sont dès lors infondés.

Ainsi, il apparait que le Tribunal n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en autorisant les intimées à requérir l'évacuation des recourants dès l'entrée en force du jugement.

Par conséquent, le recours sera rejeté.

3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6; arrêt du Tribunal fédéral 4A_219/2020 du 12 mars 2021 consid. 7).

* * * * *

 

 

 



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 27 janvier 2025 par A______ et B______ contre le jugement JTBL/1286/2024 rendu le 16 décembre 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/20353/2024‑3.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Nicolas DAUDIN, Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 







Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 15'000 fr.