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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/10992/2022

ACJC/1660/2024 du 11.12.2024 sur JTBL/666/2024 ( OBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/10992/2022 ACJC/1660/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU MERCREDI 11 DECEMBRE 2024

 

Entre

Madame A______ et Monsieur B______, domiciliés c/o C______, ______ [GE], appelants d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 11 juin 2024,

Et

Madame D______ et Monsieur E______, domiciliés ______ [GE], intimés, représentés par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6.


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/666/2024 daté du 11 juin 2024, reçu par A______ et B______ le 19 juin 2024, le Tribunal des baux et loyers (ci-après: le Tribunal), statuant par voie de procédure simplifiée, a fixé à 915 fr., charges forfaitaires comprises, dès le 14 juin 2021, le loyer mensuel du studio sis avenue 1______ no. ______ à Genève que louaient D______ et E______ (ch. 1 du dispositif), condamné A______ et B______, conjointement et solidairement, à verser la somme de 18'495 fr. à D______ et E______, pris conjointement et solidairement (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

B. a.a Par courrier réceptionné au greffe le 25 juillet 2024, B______ et A______ ont informé la Cour de justice de ce qu'ils formaient une "déclaration d'appel" contre ce jugement, en indiquant "attaquer" tous les chiffres du dispositif, sans autre conclusion ou motivation.

a.b Par acte réceptionné le 29 juillet 2024 par la Cour, B______ et A______ ont formé un appel de 98 pages, contenant vingt-sept chefs de conclusions exposés sur 7 pages. Ils ont conclu, préalablement, à ce que la Cour déclare leur appel recevable et annule le jugement rendu par le Tribunal (chiffres 1 et 2 du chapitre "conclusions" du mémoire d'appel). Ils ont ensuite formé les conclusions principales suivantes (chiffres 3 à 8):

"3. Dire que le loyer dans les 2 baux signés de CHF 1'600.00 du studio meublé de 45m2 avec toutes les charges comprises situé à l'Avenue 1______ no. ______ à Genève est un loyer non abusif selon l'art. 269 CPC pour le quartier et pour la période du 1er juillet 2021 jusqu'au 29 février 2024;

Autrement dit, «Monsieur E______ et Madame D______ paient un loyer de CHF 1'600.00 par mois avec toutes les charges comprises et ils n'ont pas d'autres frais supplémentaires pour vivre dans le quartier de F______ [GE] dans un studio indépendant meublé de 45m2 avec un jardin de 1'000m2 et une grande terrasse pour 20 personnes, des places de parking visiteurs, une buanderie avec lave-linge gratuit et l'entretien des espaces communs pris en charge. C'est un loyer très correct et il n'y a rien d'abusif. De plus, Mme A______ doit payer quelqu'un pour venir nettoyer toutes les semaines les espaces communs salis par leurs visiteurs et remasser [sic] leurs déchets. Ces frais n'étaient pas prévus et ne devraient pas exister».

4. Annuler la procédure C/10992/2022 de fixation judiciaire du loyer;

Autrement dit, «le loyer est correct et non abusif, il n'y a aucune raison de procéder à une fixation judiciaire du loyer».

5. Condamner Monsieur E______ et Madame D______, conjointement et solidairement, à payer un loyer de CHF 1'600.00 pour le studio meublé de 45m2 avec toutes les charges comprises situé à l'Avenue 1______ no. ______ à Genève pour la période du 1er juillet 2021 jusqu'au 29 février 2024;

Autrement dit, «les locataires doivent payer le montant des loyers qu'ils ont signés dans leurs deux baux».

6. Condamner Monsieur E______ et Madame D______, conjointement et solidairement, à verser à Madame A______ la somme de CHF 4'800.00 avec intérêts à 5% à compter du 1er mars 2024 pour les loyers impayés;

7. Transmettre le dossier au Ministère public pour multiples violations de l'art. 306 CP par Monsieur E______ et Madame D______ dans les multiples procédures déposées en lien avec l'objet loué car ils voulaient gagner de l'argent avec des procédures abusives et ils ont fait de fausses accusations et des fausses déclarations pour soutenir leurs procédures abusives;

8. Débouter Monsieur E______ et Madame D______, conjointement de toutes autres ou contraires conclusions".

S'ensuivent dix-neuf chefs de conclusions subsidiaires (chiffres 9 à 27), dont certaines sont décomposées en sous-chapitres, d'autres font référence à des pièces de la procédure ou renvoient à d'autres conclusions citées plus haut moyennant la mention "idem…", et d'autres encore sont particulièrement longues, à l'instar de la conclusion 22 libellée d'une seule phrase qui s'étend sur 15 lignes. Toujours dans le chapitre "conclusions" du mémoire d'appel, figurent finalement les chiffres 28 à 61, lesquels semblent avoir pour vocation de récapituler la procédure.

a.c Cet appel comprend une partie "en fait", prolixe et confuse, qui s'étend sur environ 44 pages, au fil de laquelle les appelants dressent leur propre état de fait, lequel mélange les faits et le droit, sans souci d'ordre chronologique et sans que l'on puisse discerner sur la base de quelle systématique s'ordonne cette partie. Les appelants commentent de nombreux points du jugement querellé, formulant au passage de multiples digressions, ce qui rend difficile la compréhension des faits réellement contestés. Ce faisant, ils s'en prennent à leurs parties adverses et à leur conseil, formulant des affirmations péremptoires que l'on ne parvient pas à relier à des éléments factuels concrets.

a.d Les mêmes caractéristiques affectent la partie intitulée "en droit" de l'appel, qui comprend 42 pages.

a.e Entre le 25 et le 31 juillet 2024, la Cour a reçu un nombre important de pièces à l'appui du mémoire d'appel, la plupart non numérotées et non listées, le "sommaire" produit avec le mémoire d'appel ne pouvant être rattaché à aucun des chargés de pièces produits. Par courrier du 2 août 2024 adressé à la Cour, B______ et A______ ont récapitulé avoir expédié 18 chargés de pièces, en sus de leur appel, dans 19 courriers recommandés distincts.

b. Invités à se déterminer, D______ et E______ ont conclu à ce que la Cour déclare l'appel et l'intégralité des pièces nouvelles déposées à l'appui de celui-ci irrecevables, subsidiairement, à ce qu'elle déboute les appelants de toutes leurs conclusions.

c. Par courrier du 21 août 2024, reçu le 26 août 2024, la Cour a transmis à B______ et A______ la réponse à appel de D______ et E______, et leur a fixé un délai de trente jours pour répliquer.

d. B______ et A______ ont répliqué le 27 septembre 2024 persistant dans leurs conclusions. Ils ont produit des pièces nouvelles.

e. Les parties ont été informées le 3 octobre 2024 de ce que la cause était gardée à juger par la Cour. D______ et E______ ont reçu à cette occasion une copie de la réplique.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. A______ est propriétaire d'une maison de 375m2 sise avenue 1______ no. ______ à Genève.

b. Le 14 juin 2021, un premier contrat de bail avec D______ et E______ (ci-après: les locataires), portant sur la location d'un studio meublé de 45m2 au sein d'une annexe à cette maison, a été signé. Il était prévu une fin de bail au 30 septembre 2021, mais la mention "renouvelable" était indiquée sur le contrat.

Le loyer mensuel net était fixé à 1'100 fr., auquel s'ajoutaient des charges forfaitaires mensuelles de 50 fr. pour le chauffage et l'eau chaude, 50 fr. pour l'eau et les eaux usées, 50 fr. pour l'entretien de l'immeuble, 50 fr. pour l'électricité, 50 fr. pour l'entretien du jardin, 50 fr. pour internet, 100 fr. pour l'administration et 100 fr. pour les autres charges, soit un total de 1'600 fr. Le loyer devait être versé sur le compte bancaire détenu par B______.

Aucun avis officiel de fixation du loyer initial n'a été remis aux locataires.

c. Un second contrat a été conclu avec les mêmes locataires le 14 novembre 2021. Il était prévu que le bail durerait du 1er octobre 2021 au 30 septembre 2022.

Le loyer mensuel net était toujours fixé à 1'100 fr., auquel s'ajoutaient des charges forfaitaires mensuelles de 100 fr. pour le chauffage et l'eau chaude, 40 fr. pour l'eau et les eaux usées, 30 fr. pour l'entretien de l'immeuble, 180 fr. pour l'électricité, 50 fr. pour internet et 100 fr. pour les autres charges, soit un total de 1'600 fr. Le loyer devait toujours être versé sur le compte bancaire de B______, qui est mentionné comme bailleur dans ce contrat.

Aucun avis officiel de fixation du loyer initial n'a été remis aux locataires.

d. Par acte déposé le 8 juin 2022 auprès de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers et introduit au fond le 28 septembre 2022 devant le Tribunal, les locataires ont conclu à ce que celui-ci fixe le loyer de la "chambre meublée" à 600 fr. par mois, charges comprises, dès le 1er juillet 2021, condamne les bailleurs à leur restituer le trop-perçu et dise qu'ils étaient autorisés à restituer la "chambre" en tout temps moyennant un préavis de 15 jours pour le 15 ou la fin d'un mois.

e. Dans leur réponse du 28 novembre 2022, A______ et B______ ont conclu au rejet des conclusions des locataires. A titre reconventionnel, ils ont notamment conclu à ce que le Tribunal condamne ces derniers à payer le loyer du mois de novembre 2022, les frais de nettoyage consécutifs aux fêtes qu'ils avaient organisées, les factures de consommation excessive d'électricité et 5'000 fr. de tort moral pour dénonciation calomnieuse.

f. Par ordonnance du 16 mars 2023, le Tribunal a imparti aux bailleurs un délai au 17 avril 2023 pour lui transmettre un calcul de rendement de l'appartement des locataires, ainsi que, à tout le moins, le contrat d'achat de l'immeuble, les plans de l'immeuble et du bâtiment, ainsi que tout document permettant de connaître les sources du financement et la preuve des versements effectués, et tout document relatif aux frais accessoires d'acquisition, respectivement aux charges hypothécaires pour les années 2020 et 2021, aux amortissements effectués, aux charges d'entretien pour les années 2020 et 2021 et à l'état locatif en 2020 et 2021.

g. A______ et B______ ont demandé à trois reprises des prolongations de délai pour fournir les informations et documents sollicités, prolongations qui leur ont à chaque fois été octroyées, sans qu'aucune pièce ne soit fournie.

h. A______ et B______ ne se sont pas présentés à l'audience de plaidoiries fixée le 4 septembre 2023, dont ils avaient sollicité, en vain, le report. A l'issue de cette audience, les locataires ont plaidé et la cause a été gardée à juger.

i. Par ordonnance du 6 octobre 2023, le Tribunal a admis la requête en restitution formée par A______ au vu des certificats médicaux produits par cette dernière, et a convoqué une nouvelle audience de plaidoiries finales le 13 novembre 2023.

j. Sur demande de A______ et B______, l'audience a encore été déplacée au 4 décembre 2023.

k. Par courrier du 25 novembre 2023, les bailleurs ont sollicité un ultime report d'audience et un délai pour produire des pièces, ce que le Tribunal a rejeté.

A l'appui de ce courrier, ils ont déposé une liasse de pièces, notamment des relevés de comptes, sans explication, un courrier de la [banque] G______ du 25 février 2022 dénonçant le prêt hypothécaire, diverses factures et reçus relatifs à la période allant de 2019 à 2023 portant sur des travaux et sur la consommation d'électricité, de gaz et d'eau.

Ils ont également fourni un document non signé à l'en-tête d'une étude genevoise de notaires, duquel résulte un prix d'achat de l'immeuble litigieux de 2'311'693.20 fr., frais d'acquisition compris, dont 1'760'000 fr. de prêt hypothécaire.

l. Lors de l'audience du 4 décembre 2023, les bailleurs se sont présentés avec une valise contenant un volume important de pièces, dont le Tribunal a refusé de se saisir. Les bailleurs ont néanmoins déposé deux liasses de pièces, d'un volume plus raisonnable.

Celles-ci contiennent notamment des photos de détritus et des copies de plaintes pénales déposées contre inconnu, des factures d'entreprises pour des travaux ou des interventions réalisés postérieurement à la conclusion du premier contrat de bail.

D______ et E______ ont conclu à l'irrecevabilité de ces pièces et, sur le fond, ont persisté dans leurs conclusions. S'agissant du trop-perçu, ils ont exposé qu'ils réclamaient la somme de 25'400 fr. pour la période de juillet 2021 à septembre 2023.

A______ et B______, de leur côté, ont persisté dans leurs conclusions.

La cause a été gardée à juger à l'issue de cette audience.

m. D______ et E______ ont quitté le logement litigieux le 24 février 2024, étant précisé qu'ils avaient, au préalable, contesté devant le Tribunal les congés reçus des bailleurs pour le 30 septembre 2022, puis pour le 30 novembre 2022, et conclu à ce qu'il soit dit que les parties étaient liées par un contrat de durée indéterminée. Ces procédures, qui avaient été jointes à la présente cause, sont devenues sans objet avec le départ des locataires.

n. A______ et B______ ont encore déposé à sept reprises des courriers, pour la plupart accompagnés de nouvelles pièces, entre le 1er février et le 4 juin 2024.

D. Dans le jugement querellé, le Tribunal a retenu que, faute d'avis officiel de fixation du loyer remis aux locataires, le contrat de bail était entaché d'une nullité partielle limitée à la seule fixation du loyer. Pour fixer le loyer, le Tribunal a retenu le critère absolu du rendement net, l'immeuble ayant été acquis moins de deux ans avant la conclusion du bail. Bien que les bailleurs n'aient fautivement pas permis au Tribunal de disposer de toutes les informations nécessaires, il fallait retenir que les fonds propres investis s'élevaient à 551'693 fr. sur la base du prix d'achat de 2'311'693 fr. 20, après déduction de l'hypothèque de 1'760'000 fr. Il convenait d'appliquer à ces fonds propres investis réévalués le taux de rendement admissible de 2% au-dessus du taux hypothécaire de référence, de 1,25% en juin 2021, ce qui donnait un rendement admissible annuel de quelque 18'000 fr. A ce montant, s'ajoutaient les charges immobilières, à savoir 22'000 fr. d'intérêts annuels (application du taux hypothécaire de 1,25% aux 1'760'000 fr. empruntés) et 38'500 fr. de charges spécifiques sur l'immeuble (1,75% du prix d'acquisition tel que proposé par les locataires). L'état locatif admissible de l'immeuble était ainsi de 78'500 fr. Une fois ce montant ventilé sur les 45m2 du studio loué par les locataires par rapport à la surface habitable totale de 375m2, le loyer annuel net dudit studio s'élevait à 9'420 fr., soit 785 fr. par mois, auquel 5% devaient être ajoutés pour l'ameublement spartiate qui était inclus, soit un loyer de 825 fr. par mois.

Concernant les charges forfaitaires mensuelles, il convenait de retenir 50 fr. pour le chauffage et l'eau chaude, comme indiqué dans le premier bail, 5 fr. pour l'eau et les eaux usées ainsi que 20 fr. pour l'électricité sur la base d'une facture des SIG (après avoir rapporté le montant au 45m2 du studio) et 15 fr. pour internet sur la base des allégations des bailleurs. Les autres charges (entretien de l'immeuble, entretien du jardin, administration) devaient être écartées, faute d'avoir été suffisamment étayées. Il en résultait que 90 fr. de charges s'ajoutaient au montant mensuel du loyer fixé judiciairement à 825 fr., pour un loyer total de 915 fr., charges forfaitaires comprises.

A______ et B______ devaient ainsi être condamnés, conjointement et solidairement, à restituer aux locataires le trop-perçu de 18'495 fr. pour les loyers de juillet 2021 à septembre 2023, ces derniers ayant versé un loyer de 1'600 fr. par mois durant cette période.

Le Tribunal a débouté les bailleurs de toutes leurs conclusions reconventionnelles, faute de les avoir chiffrées et démontré leur bien fondé.

EN DROIT

1.             1.1 Les jugements finaux rendus par le Tribunal des baux et loyers sont susceptibles d'appel si l'affaire est non pécuniaire ou si, pécuniaire, sa valeur litigieuse au dernier état des conclusions devant l'autorité de première instance atteint 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

En l'espèce, la valeur litigieuse des dernières conclusions de première instance était supérieure à 10'000 fr. (cf. art. 92 al. 1 CPC), de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 122 let. a LOJ), dans le délai utile de 30 jours (art. 311 al. 1 CPC) et selon la forme écrite prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable de ces points de vue.

1.3 Selon l'art. 243 al. 2 let. c CPC, la procédure simplifiée s'applique aux litiges portant sur les baux à loyer en ce qui concerne la protection contre les loyers ou les fermages abusifs.

2. Les intimés contestent la recevabilité de l'appel – en tout état examinée d'office par la Cour (art. 60 CPC) – en raison notamment de la longueur de sa motivation et de la formulation de ses conclusions. Ce moyen étant susceptible de sceller le sort de l'appel, il convient de l'examiner en priorité.

2.1 A teneur de l'art. 311 al. 1 CPC, l'appel s'introduit par un acte "écrit et motivé".

2.1.1 La motivation de l'appel doit indiquer en quoi la décision de première instance est tenue pour erronée. La partie appelante ne peut pas simplement renvoyer à ses moyens de défense soumis aux juges du premier degré, ni limiter son exposé à des critiques globales et superficielles de la décision attaquée. Elle doit plutôt développer une argumentation suffisamment explicite et intelligible, en désignant précisément les passages qu'elle attaque dans la décision dont est appel, et les moyens de preuve auxquels elle se réfère (arrêts du Tribunal fédéral 4A_621/2021 du 30 août 2022, consid. 3.1 et les références citées; 4A_274/2020 du 1er septembre 2020 consid. 4). La motivation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre sans effort (arrêts du Tribunal fédéral 5A_209/2014 du 2 septembre 2014 consid. 4.2.1; 4A_97/2014 et 4A_101/2014 du 26 juin 2014 consid. 3).

Si l'instance d'appel applique le droit d'office, elle le fait uniquement, en vertu de l'art. 311 al. 1 CPC, sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante et, partant, recevable, pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC; arrêts du Tribunal fédéral 4A_263/2015 du 29 septembre 2015 consid. 5.2.2; 4A_382/2015 et 4A_404/2015 du 4 janvier 2016 consid. 11.3.1). Le pouvoir d'examen complet de la cause dont jouit l'autorité d'appel, ne signifie toutefois pas qu'elle est tenue de rechercher d'elle-même, comme une autorité de première instance, toutes les questions de fait et de droit qui se posent, lorsque les parties ne les posent plus en deuxième instance. Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance. Il n'incombe pas à l'autorité d'appel de rechercher de sa propre initiative des motifs d'admission de l'appel (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_281/2023 du 2 mai 2024 consid. 8.1).

Conformément à l'art. 221 al. 1 let. e CPC – applicable par analogie à l'acte d'appel (ATF 138 III 213 consid. 2.3) – la demande contient l'indication, pour chaque allégation, des moyens de preuves proposés. Un moyen de preuve ne doit être considéré comme régulièrement offert que lorsque l'offre de preuve peut être reliée sans équivoque à l'allégation de fait qui doit ainsi être prouvée, et inversement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_360/2017 du 30 novembre 2017 consid. 4). Un simple renvoi global aux pièces annexes ne suffit en général pas (arrêts du Tribunal fédéral 4A_264/2015 du 10 août 2015 consid. 4.2.2; 5A_61/2015 du 20 mai 2015 consid. 4.2.1.3). Il importe que le tribunal et la partie adverse n'aient pas besoin de rechercher la présentation des faits dans l'ensemble des annexes. Ce n'est pas à eux qu'il incombe de fouiller dans les pièces pour chercher si l'on peut y trouver des éléments en faveur de la partie qui supporte le fardeau de l'allégation (arrêt du Tribunal fédéral 4A_195/2014 du 27 novembre 2014 consid. 7.3.3).

L'acte d'appel, à l'image des autres actes des parties, ne doit être ni illisible, ni inconvenant, ni incompréhensible, ni prolixe (art. 132 al. 2 CPC). Dans les causes soumises à la procédure simplifiée, selon l'art. 243 CPC, la motivation de l'appel peut être brève et succincte; néanmoins, un renvoi aux actes de procédure antérieurs n'est pas suffisant. Inversement, l'appelant doit s'abstenir de toutes explications prolixes (arrêt du Tribunal fédéral 4A_659/2011 du 7 décembre 2011 consid. 3; Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse, in FF 2006 p. 6841 ss, spéc. p. 6980).

La motivation de l'appel constitue une condition de recevabilité qui doit être examinée d'office (arrêts du Tribunal fédéral 5A_453/2022 du 13 décembre 2022 consid. 3.1 et 5A_89/2014 du 15 avril 2014 consid. 5.3.2.). Lorsqu'elle examine un acte déposé par une partie non assistée ne disposant pas d'une formation juridique, l'autorité d'appel ne doit pas se montrer trop stricte s'agissant de l'existence de motivation (arrêts du Tribunal fédéral 4A_117/2022 du 8 avril 2022 consid. 2.1.1; 4A_56/2021 du 30 avril 2021 consid. 5.1). Même rédigé par un non-juriste, l'appel doit néanmoins permettre de comprendre sur quels points la décision attaquée serait erronée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_577/2020 du 16 décembre 2020 consid. 6).

2.1.2 Selon la jurisprudence, l'acte d'appel doit également comporter des conclusions lesquelles doivent indiquer sur quels points la partie appelante demande la modification ou l'annulation de la décision attaquée. L'appel a un effet réformatoire, ce qui signifie que l'instance d'appel a le pouvoir de statuer elle-même sur le fond, en rendant une décision qui se substitue au jugement attaqué (art. 318 al. 1 let. b CPC). Il s'ensuit que la partie appelante ne saurait se limiter, sous peine d'irrecevabilité, à conclure à l'annulation de la décision entreprise, mais doit prendre des conclusions au fond, libellées de telle manière que l'instance d'appel statuant à nouveau puisse les incorporer sans modification au dispositif de sa décision (ATF 137 III 617 consid. 4.2 et 4.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_207/2019 du 17 août 2020 consid. 3.2). Cette exigence découle aussi du principe de disposition (art. 58 al. 1 CPC), qui interdit au juge d'allouer plus que ce qui est réclamé (ATF 137 III 617 consid. 4.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_60/2022 du 21 mars 2023 consid. 7.3.1). En règle générale, les conclusions portant sur des prestations en argent doivent être chiffrées (ATF 137 III 617 consid. 4.2 et 4.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_653/2018 du 14 novembre 2019 consid. 6.3).

Les conclusions circonscrivent la ou les prétentions que le demandeur réclame et sur lesquelles le tribunal doit statuer. Elles doivent exprimer clairement la prétention réclamée et la nature de l'action (condamnatoire, formatrice ou en constatation de droit; arrêt du Tribunal fédéral 4A_39/2022 du 7 février 2023 consid. 4.3). Si nécessaire et à l'instar de toute déclaration en procédure, les conclusions doivent être interprétées de bonne foi, en particulier sur la base de la motivation qui les accompagne (arrêts du Tribunal fédéral 4A_653/2018 du 14 novembre 2019 consid. 6.3; 5A_188/2017 du 8 août 2017 consid. 2.1). 

2.1.3 L'art. 317 al. 2 CPC autorise une modification des conclusions en appel à la double condition que les conclusions modifiées soient en lien de connexité avec la prétention initiale ou que la partie adverse ait consenti à la modification, d'une part (art. 317 al. 2 let. a et 227 al. 1 CPC), et qu'elles reposent sur des faits ou moyens de preuve nouveaux, d'autre part (art. 317 al. 2 let. b CPC). A cet égard, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (art. 317 al. 1 let. a CPC) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (art. 317 al. 1 let. b CPC).

2.2 En l'espèce, la motivation et les conclusions de l'appel ne respectent pas les exigences précitées.

2.2.1 En effet, s'agissant d'une affaire traitée en procédure simplifiée, l'on pouvait attendre une certaine mesure de la part des parties dans leurs écritures d'appel afin de conserver un cadre raisonnable au procès. Or, le mémoire d'appel de près de 100 pages déposé contre le jugement de 15 pages rendu par le Tribunal est disproportionné. A cela s'ajoutent les centaines de pièces non répertoriées et non numérotées qui accompagnent cet appel, sans être reliées de manière claire aux allégations de fait auxquelles elles se rapportent. La longueur exagérée de cette écriture et l'ampleur des documents produits en première et en seconde instances – auxquels il est certes fait référence, mais sans qu'ils soient clairement identifiés ou identifiables – la rend illisible et incompréhensible.

Ainsi, quand bien même les appelants indiquent au début de la partie "en fait" de leur acte (page 12) qu'ils considèrent que le Tribunal aurait établi les faits "de manière incomplète, arbitraire et inexacte", que "les éléments écartés par le Tribunal seront précisés ci-dessous et feront l'objet d'un grief soulevé eu égard au jugement rendu" et qu' "il sera, pour le surplus, respectueusement renvoyé à l'état de faits exposé par le Tribunal", l'on constate que le jugement présente un état de fait de sept pages, alors que l'appel en contient une quarantaine, mélangeant les faits et le droit. L'exposé est si confus, prolixe et truffé de digressions et d'accusations envers les intimés, qu'il en devient impossible de comprendre quels éléments précis de l'état de fait retenu par le Tribunal sont en définitive admis ou contestés. Les intimés n'ont d'ailleurs pas non plus été en mesure de comprendre le mémoire d'appel, ni de se déterminer sur celui-ci.

Certains passages traitent de volets du litige devenus sans objet avant le prononcé du jugement attaqué, à l'instar des passages relatifs au départ des locataires et à la nature des contrats de bail conclus, tels que le chapitre b) de la partie "en fait" intitulé "des fausses allégations qu'un bail à durée déterminée devienne un bail à durée indéterminée" qui s'étend sur cinq pages.

La structure du mémoire d'appel est décousue et redondante. Elle ne suit aucun ordre chronologique et l'on ne parvient pas à en percevoir la logique. A titre d'exemple, la partie "en fait" comporte un titre sous lettre d) intitulé "des fausses déclarations et des fausses accusations et des faux calculs de Monsieur E______ et Madame D______, représentés par Maître H______ dans la requête de fixation de loyer en violation de l'art. 306 CP", dont on découvre, à la lettre h) – soit quatre chapitres plus loin –, qu'il contient une deuxième partie intitulée "des fausses déclarations et des fausses accusations et des faux calculs de Monsieur E______ et Madame D______, représentés par Maître H______ dans la requête de fixation de loyer en violation de l'art. 306 CP (partie 2)".

Les tableaux récapitulatifs des charges de l'immeuble, des assurances ou encore des loyers encaissés rédigés par les appelants ne sont pas exploitables, faute de rattacher les montants indiqués à des pièces facilement identifiables dans les multiples chargés de pièces produits, d'une part, et faute d'être recevables sous l'angle des faits et moyens de preuve nouveaux, d'autre part.

En effet, les pièces produites avec l'appel sont pour la grande majorité des factures relatives aux années 2020 à 2023, irrecevables au regard des conditions posées par l'art. 317 al. 1 CPC. Les appelants n'expliquent pas pour quel motifs les pièces nouvelles produites en appel ne pouvaient pas être fournies devant le Tribunal. Les pièces nouvelles déposées devant la Cour sont ainsi irrecevables, ainsi que les allégations de faits qui s'y rapportent.

2.2.2 Les mêmes failles procédurales affectent la partie "en droit" du mémoire d'appel.

Si les appelants critiquent les considérants du Tribunal, leur exposé est cependant noyé dans une profusion de chiffres, de calculs et de nouvelles pièces, parfois même intégrées dans le mémoire lui-même, ce qui rend leur argumentation inintelligible et sibylline.

En dépit des obstacles qui se posent à la compréhension de l'écriture d'appel, la Cour croit, par ailleurs, saisir que les appelants concentrent une grande partie de leur critique du jugement sur les chiffres retenus dans le calcul de rendement effectué par le Tribunal+ par rapport aux nouvelles pièces qu'ils produisent. Or, dès lors que l'intégralité des pièces déposées devant la Cour sont irrecevables, l'argumentaire des appelants n'apparait pas susceptible d'infirmer les calculs des premiers juges, comme le relèvent à juste titre les intimés.

Finalement, comme exposé précédemment, il n'incombe pas à l'autorité d'appel de rechercher de sa propre initiative des motifs d'admission de l'appel ou d'entreprendre son propre examen de toutes les questions de fait et de droit susceptibles de se poser, mais uniquement d'examiner la décision de première instance sur la base des critiques formulées, ce qui n'est pas possible en l'espèce, vu la manière décousue et prolixe dont les griefs des appelants sont présentés.

Dans ces circonstances, l'appel ne répond pas aux exigences de motivation prévues par l'art. 311 al. 1 CPC, ce qui le rend irrecevable pour ce motif déjà.

2.2.3 En ce qui concerne les conclusions de l'appel – redondantes et peu claires –, elles ne respectent pas non plus les exigences précitées (cf. consid. 2.1.2). Ces conclusions ne pourraient en aucun cas, s'il y avait lieu, être incorporées sans modification au dispositif de la décision de l'autorité d'appel, sous réserve des deux premiers chefs de conclusions relatifs à la recevabilité de l'appel et à l'annulation du jugement du Tribunal. Cela n'est toutefois pas suffisant au vu de la nature réformatoire de l'appel qui oblige l'appelant à prendre des conclusions sur le fond.

A cela s'ajoute que, sur les vingt-sept chefs de conclusions des appelants, beaucoup d'entre eux sont nouveaux et ne répondent pas aux critères posés par l'art. 317 al. 2 CPC, ce qui entraîne leur irrecevabilité.

Les conclusions ne peuvent finalement pas être mises en lien avec la motivation de l'appel, laquelle est irrecevable pour les raisons évoquées plus haut, de sorte qu'elles doivent également être déclarées insuffisantes de ce fait, sans qu'il soit nécessaire d'examiner chaque chef de conclusions plus en détail.

2.2.4 Au vu de ce qui précède, l'appel, qui ne respecte aucune des conditions procédurales rappelées ci-dessus sera déclaré irrecevable.

2.2.5 Le Tribunal a retenu que B______ agissait au titre de bailleur dans cette affaire, au motif qu'il avait pris des conclusions en paiement du loyer. La qualité de bailleur du précité n'est contestée par aucune des parties devant la Cour. Au vu du sort réservé à l'appel, il n'est pas nécessaire d'analyser cette question.

3. À teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

Déclare irrecevable l'appel interjeté le 25 juillet 2024 par A______ et B______ contre le jugement JTBL/666/2024 rendu le 11 juin 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/10992/2022.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Pauline ERARD et Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ et Monsieur Damien TOURNAIRE, juges assesseurs; Madame Victoria PALAZZETTI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.