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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/2314/2019

ACJC/1294/2024 du 16.10.2024 sur JTBL/1020/2023 ( OBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/2314/2019 ACJC/1294/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU MERCREDI 16 OCTOBRE 2024

 

Entre

A______ SA, sise ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 30 novembre 2023, représentée par Me Hrant HOVAGEMYAN, avocat, rue Charles-Bonnet 2, case postale, 1211 Genève 3,

et

B______ LTD, ayant son siège à ______, Iles Caïmans, représentée par sa succursale, B______ LTD, Geneva Branch intimée, représentée par Me C______, avocat,

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/1020/2023 du 30 novembre 2023, reçu par A______ SA le 4 décembre 2023, le Tribunal des baux et loyers a déclaré recevable la demande déposée par B______ LTD (ch. 1 du dispositif), condamné A______ SA à payer à celle-ci les montants suivants : 7'000 fr., avec intérêts à 5% dès le 1er octobre 2017; 94'237 fr. 60, avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2018; 22'437 fr. 50, avec intérêts à 5% dès le 30 janvier 2018; 94'237 fr. 60, avec intérêts à 5% dès le 1er avril 2018; 94'237 fr. 60, avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 2018; 67'492 fr. 10, avec intérêts à 5% dès le 1er octobre 2018 et 4'092 fr. 60, avec intérêts de 5% dès le 3 janvier 2019 (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

B. a. Le 19 janvier 2024, A______ SA a formé appel de ce jugement, concluant principalement à ce que la Cour de justice l'annule, constate l'invalidité de l'autorisation de procéder du 3 avril 2019, déclare irrecevable la demande formée par B______ LTD, voire la rejette, et condamne celle-ci à lui verser 87'500 fr. avec intérêts à 5% dès le 22 novembre 2016.

b. Le 21 février 2024, B______ LTD a conclu à la confirmation du jugement querellé.

c. Dans sa réplique du 8 avril 2024, A______ SA a persisté dans ses conclusions.

d. B______ LTD en a fait de même dans sa duplique du 23 avril 2024.

e. A______ SA a déposé une écriture spontanée le 6 mai 2024.

f. Par ordonnance du 25 juin 2024, la Cour a imparti un délai au 19 août 2024 à la présidente de la 13ème chambre du Tribunal pour se déterminer sur l'appel et, en particulier, indiquer les motifs des changements successifs de composition du Tribunal concernant les juges assesseurs.

g. La présidente précitée a déposé sa détermination dans le délai imparti par la Cour.

h. Le 9 septembre 2024, A______ SA s'est déterminée sur l'écriture précitée.

B______ LTD a pour sa part indiqué qu'elle souscrivait aux observations de la présidente.

i. Les parties ont été informées le 4 octobre 2024 de ce que la cause était gardée à juger par la Cour.

 

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. B______ LTD, GENEVA BRANCH est, à teneur de l'extrait du Registre foncier, propriétaire du "D______" (ci-après : Hôtel D______) sis no. ______, rue 1______, à Genève (immeuble n° 2______/3______ de la commune E______).

Cette entité est inscrite au Registre du commerce de Genève en tant que succursale de B______ LTD, laquelle a son siège à F______, Iles Caïmans.

D'après le Registre du commerce, G______ et H______ ont tous deux le pouvoir de représenter la succursale collectivement à deux. Leurs pouvoirs sont limités aux affaires de la succursale.

b.a Le 14 novembre 2016, B______, GENEVA BRANCH, représentée par G______ et H______, en tant que bailleresse, et A______ SA, en tant que locataire, ont conclu un contrat portant sur la location d'une arcade commerciale de 25 m2 située au rez-de-chaussée de l'Hôtel D______.

Le bail débutait le 15 novembre 2016 et était conclu pour une durée déterminée jusqu'au 31 décembre 2017.

Le loyer mensuel convenu, hors TVA, était de 22'453 fr. 65 du 15 au 30 novembre 2016, de 33'101 fr. 85 du 1er au 31 décembre 2016 et de 29'166 fr. 70 du 1er janvier au 31 décembre 2017.

b.b A la même date, les mêmes entités ont conclu un autre contrat de bail portant sur la location d'une vitrine située à l'extérieur de l'Hôtel D______.

Le bail était conclu pour une durée d'un an, du 1er décembre 2016 au 31 décembre 2017. Il était renouvelable tacitement pour une période de douze mois, sauf résiliation trois mois avant le 31 décembre 2017.

Le loyer hors TVA a été fixé à 50'000 fr. par an, payable au 30 janvier de chaque année.

b.c Un montant de 87'500 fr. a été versé par A______ SA sur un compte de la bailleresse, à titre de garantie de loyer.

c. Le 12 décembre 2017, H______, directeur de l'Hôtel D______, a communiqué à A______ SA le nouveau contrat pour l'année 2018, signé par ses soins, précisant que les conditions contractuelles restaient les mêmes.

Il ajoutait ce qui suit : "I'm really happy and proud, that you have decided to continue our partnership and I wish you much success in this upcoming year":

Lors de son audition par le Tribunal, H______ a précisé que, par cette formule, il n'entendait pas parler d'un partenariat légal impliquant des obligations mutuelles. Il s'agissait juste de décrire une relation saine du point de vue des synergies, qui ne se limitait pas à donner et encaisser de l'argent. L'hôtel ne s'était jamais engagé à trouver des clients potentiels pour la locataire.

d. A______ SA a répondu le lendemain qu'elle allait signer le contrat et le retourner, ce qu'elle a fait. Elle précisait qu'elle n'avait vendu aucune montre les deux derniers mois et qu'elle était disposée à faire des réductions importantes sur certains modèles avant Noël.

e. Un nouveau bail pour l'arcade commerciale a ainsi été conclu le 12 décembre 2017, pour une durée déterminée d'un an, à savoir du 1er janvier au 31 décembre 2018. Le loyer mensuel hors TVA était fixé à 29'166 fr. 70, payable trimestriellement.

f. Au début du mois de mars 2018, A______ SA a annoncé à H______ qu'elle ne souhaitait plus louer l'arcade. Il pouvait également disposer de la vitrine, celle-ci devant toutefois encore être vidée.

H______ a répondu que le loyer serait dû pour toute l'année 2018, sous réserve de relocation des locaux avant cette date.

g. Par courrier du 11 mai 2018, l'Hôtel D______, pour le compte de la bailleresse, a pris acte de la résiliation des deux baux moyennant la remise des clés par la locataire. Elle n'acceptait cependant ces résiliations que pour le prochain terme contractuel, soit le 31 décembre 2018. A______ SA a en outre été mise en demeure de verser des arriérés de loyer tant pour l'arcade (94'500 fr. pour le dernier trimestre 2017 et 188'475 fr. 20 pour les deux premiers trimestres 2018, sous déduction de la garantie de loyer du montant de 87'500 fr.), que pour la vitrine (53'850 fr.).

Lors de son audition par le Tribunal, H______ a indiqué que le montant de 87'500 fr. faisant office de garantie de loyer se trouvait bien sur un compte de la bailleresse. Cette dernière était disposée à le restituer à la locataire moyennant paiement par celle-ci de ce qui lui était réclamé.

h. L'Hôtel D______ a informé la locataire que la vitrine avait trouvé un repreneur depuis le 1er juin 2018. Le loyer dû jusqu'à cette date s'élevait à 22'437 fr. 50.

i. L'arcade a été relouée pendant 9 jours du 6 au 14 novembre 2018 puis dès le 1er décembre 2018.

La bailleresse en a informé la locataire par courrier du 21 novembre 2018 et a déduit les montants ainsi perçus de ses prétentions (30'308 fr. et 22'437 fr. 50). Elle lui a imparti un délai au 26 novembre 2018 pour récupérer un coffre-fort qui se trouvait dans l'arcade.

La locataire a répondu qu'elle n'était pas propriétaire de ce coffre-fort qui se trouvait déjà dans les locaux lorsqu'elle y était entrée. Elle ne l'a jamais récupéré, en dépit de la mise en demeure adressée par la bailleresse.

j. La bailleresse a fait déplacer le coffre-fort le 30 novembre 2018, moyennant des frais de 4'092 fr. 60.

k. Lors de son audition par le Tribunal, H______ a expliqué que, dès la réception des clés, lui-même et des personnes chargées de la location auprès de l'Hôtel D______ avaient prospecté auprès de potentiels locataires pour relouer l'arcade et la vitrine. Le contrat de bail ne comportait pas d'autre engagement de la part de la bailleresse que la mise à disposition de locaux, même si un esprit de partenariat était nécessaire entre les co-contractants, étant donné que les locaux se situaient dans le bâtiment de l'Hôtel D______.

I______, administratrice de la locataire, a pour sa part exposé que H______ souhaitait une ouverture de sa boutique 6 jours sur 7, ce qui avait nécessité l'engagement de deux employés. Après une année, à la fin de 2017, il n'y avait pas de rentrées d'argent. H______ l'avait convaincue de signer un nouveau contrat, indiquant que ses équipes pourraient lui amener des clients fortunés de l'hôtel. Tel n'avait pas été le cas, de sorte qu'elle avait rendu les clés. Elle n'avait en outre pas renouvelé le contrat de vitrine pour 2018. Le coffre-fort avait été installé par la précédente locataire; elle l'avait donc laissé sur place lors de son départ.

l. Le 1er février 2019, B______ LTD, représentée par B______ GENEVA BRANCH, a déposé à l'encontre de A______ SA une demande en paiement devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers.

Dans le corps de la requête, il est précisé que B______ LTD a spécifiquement mandaté "la bailleresse" pour la représenter dans la présente procédure.

B______ LTD a produit une résolution du 15 novembre 2018 de son conseil d'administration, composé de trois directeurs, à savoir J______, K______ et L______ autorisant l'un des précités à conférer une procuration à G______ et H______ (pièce 5 et 8 dem.).

La page de signature correspondant à cette résolution manquait dans le chargé initialement produit par B______ LTD. Elle a par la suite été fournie, d'abord en copie, puis en version originale, suite à la demande de A______ SA.

Sur la base de cette résolution L______ a signé le 15 novembre 2018 une procuration conférant à G______ et H______ tous pouvoirs pour représenter B______ LTD dans le cadre du litige l'opposant à A______ SA, en particulier celui de transiger.

Les précités ont quant à eux signé une procuration en faveur de Me C______, l'autorisant à représenter B______ LTD dans le litige l'opposant à A______ SA, avec faculté de substitution.

m. A l'audience de conciliation du 3 avril 2019, B______ LTD était représentée par G______ et H______, munis de la procuration précitée, assistés de leur avocate, Me M______, excusant Me C______.

A______ SA a contesté la validité de cette procuration, faute de pouvoirs de sa signataire. La signature collective à deux de G______ et de H______ ne valait par ailleurs que pour les activités de la succursale, alors que la demande émanait de la société mère sise aux Iles Caïmans. La bailleresse était par conséquent défaillante à l'audience de conciliation.

Il résulte du procès-verbal de l'audience que la Commission de conciliation a délivré l'autorisation de procéder et refusé de statuer sur la question du défaut de la bailleresse, laissant le soin au Tribunal de la trancher.

n. La demande a été introduite le 15 mai 2019 par-devant le Tribunal des baux et loyers. B______ LTD a conclu à ce que le Tribunal constate que le contrat du bail du 12 décembre 2017 portant sur l'arcade avait pris fin le 31 décembre 2018, que le contrat du 14 novembre 2016 portant sur la vitrine avait pris fin le 31 mai 2018 et condamne A______ SA à lui verser les montants suivants : 94'500 fr., avec intérêts à 5% dès le 1er octobre 2017, à titre de loyer de l'arcade pour le dernier trimestre de 2017; 94'237 fr. 60, avec intérêts de 5% dès le 1er janvier 2018, à titre de loyer de l'arcade pour le premier trimestre de 2018; 22'437 fr. 50, avec intérêts de 5% dès le 30 janvier 2018, à titre de loyer pour la vitrine du 1er janvier au 31 mai 2018; 94'237 fr. 60, avec intérêts de 5% dès le 1er avril 2018, à titre de loyer de l'arcade pour le deuxième trimestre de 2018; 94'237 fr. 60, avec intérêts de 5% dès le 1er juillet 2018, à titre de loyer de l'arcade pour le troisième trimestre de 2018; 67'492 fr. 10, avec intérêts de 5% dès le 1er octobre 2018, à titre de loyer de l'arcade pour le quatrième trimestre de 2018; 4'092 fr. 60, avec intérêts de 5% dès le 3 janvier 2019, à titre de frais pour le déplacement du coffre-fort.

La bailleresse a également conclu à ce qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle pouvait compenser les montants dus par A______ SA avec la garantie de loyer de 87'500 fr. versée par l'intéressée.

o. Le 9 août 2019, A______ SA a conclu à ce que le Tribunal constate d'emblée l'irrecevabilité de la demande. Elle a fait valoir que sa partie adverse n'avait pas été valablement représentée lors de l'audience de conciliation, ce qui entraînait l'invalidité de l'autorisation de procéder.

p. Par mémoire réponse du 18 octobre 2019, A______ SA a conclu à ce que le Tribunal constate la nullité de l'autorisation de procéder délivrée le 3 avril 2019, dise que la demande était irrecevable faute d'autorisation de procéder valable, constate l'absence de légitimation active de la demanderesse et la déboute de toutes ses conclusions.

Sur le fond, la locataire a allégué qu'à la fin de l'année 2017, un partenariat avait été conclu avec H______ afin de stimuler les ventes de montres, celui-ci s'étant engagé à lui apporter de la clientèle en contrepartie d'un loyer particulièrement élevé pour l'arcade. Faute de respect de cet engagement, I______ avait rendu les clés en guise d'invalidation du contrat de partenariat.

A______ SA a formé une demande reconventionnelle tendant à la condamnation de B______ LTD à lui payer 87'500 fr.

q. B______ LTD a conclu au déboutement de A______ SA de ses conclusions sur demande reconventionnelle.

r. En cours de procédure, la Cour a été saisie à plusieurs reprises de recours formés par A______ SA.

En particulier, par arrêt du 19 octobre 2020, la Cour a constaté que le Tribunal avait tardé de manière injustifiée à statuer sur sa demande de limiter la procédure.

Par arrêt du 14 mars 2022, la Cour a en outre déclaré irrecevable le recours formé par A______ SA contre une ordonnance du Tribunal rendue le 25 octobre 2021.

s. Au cours de la présente procédure, le Tribunal a tenu cinq audiences, dans les compositions suivantes :

s.a Le 28 mai 2021 : N______, présidente, ainsi que O______ et P______, juges assesseurs.

Le 3 juin 2022 : N______, présidente ainsi que Q______ et R______, juges assesseurs.

Les 16 décembre 2022, 9 février et 30 mars 2023 : S______, ainsi que O______ et R______, juges assesseurs.

Chacune de ces audiences a fait l'objet d'un procès-verbal détaillé, retranscrivant les déclarations des personnes présentes à l'audience.

s.b A teneur des explications fournies par la présidente S______, les raisons de ces changements sont les suivantes :

Les juges assesseurs O______ et P______ ayant siégé lors de la première audience du Tribunal ont été remplacés par les juges assesseurs Q______ et R______ lors de l'audience du 3 juin 2022 dans le souci de convoquer une audience à brève échéance dès réception de l'arrêt de la Cour du 14 mars 2022. La Cour avait en effet constaté dans un arrêt précédent un retard du Tribunal à statuer et celui-ci tenait à faire diligence pour permettre l'avancement de la procédure.

Par la suite, la juge assesseur Q______ n'avait plus pu siéger dans la mesure où, suite à un arrêt maladie constaté par certificat médical, elle avait démissionné de ses fonctions au sein du Tribunal. Elle avait été remplacée par la juge assesseur O______, qui avait siégé lors de la première audience. La composition du Tribunal n'avait plus varié par la suite.

t.a Parallèlement, le 3 juin 2022, A______ SA a demandé la récusation de la présidente N______.

Par ordonnance OTPI/555/2022 du 25 août 2022, la délégation du Tribunal civil chargée de trancher cette requête l'a déclarée sans objet suite à la réattribution de la cause à la présidente S______.

t.b Le 16 décembre 2022 A______ SA a de plus demandé la récusation de l'ensemble des juges assesseurs ayant siégé dans la présente cause, à savoir O______, P______, Q______ et R______.

Dans ce cadre A______ SA a notamment fait valoir que la juge assesseur Q______ était également avocate et représentait une partie adverse de l'un de ses clients.

Par ordonnance du 29 juin 2023, la délégation du Tribunal civil saisie de cette requête l'a déclarée irrecevable en tant qu'elle concernait les juges assesseurs P______, R______ et Q______ et l'a rejetée pour le surplus.

u. Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience du 30 mars 2023, lors de laquelle les avocats des parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions.

v. Par ordonnance du 3 avril 2023, le Tribunal a suspendu la procédure jusqu'à droit jugé sur la demande de récusation visant les juges assesseurs.

La procédure a été reprise par ordonnance du 21 novembre 2023.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel, formé dans les délais et forme légaux, contre une décision finale rendue dans une affaire patrimoniale avec une valeur litigieuse supérieure à 10'000 fr. est recevable (art. 308 et 311 CPC).

1.2 L'instance d'appel dispose d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit. En particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus. Il incombe toutefois au recourant de motiver son appel (art. 311 al. 1 CPC)
(ATF
138 III 374  consid. 4.3.1).

2. L'appelante a formulé un certain nombre de griefs contre l'état de fait retenu par le Tribunal. Celui-ci a été modifié et complété de manière à y intégrer tous les faits pertinents pour l'issue du litige.

3. Le Tribunal a retenu que la procuration produite par l'intimée à l'audience de conciliation du 3 avril 2019 en faveur de G______ et H______ n'était pas suffisamment probante, car elle était signée par une personne dont les pouvoirs n'avaient pas été établis à ce moment-là. L'intimée était cependant valablement représentée à l'audience de conciliation car G______ et H______ avaient, selon l'inscription au Registre du commerce, le pouvoir d'engager la succursale genevoise de l'intimée, ce qui incluait celui de représenter cette dernière. Cela était confirmé par le fait que celle-ci avait mentionné dans la requête qu'elle était représentée par sa succursale, qui était de plus partie au contrat de bail litigieux.

L'appelante fait valoir que G______ et H______ ne pouvaient pas représenter l'intimée car ils n'avaient qu'une signature collective limitée aux affaires de la succursale, ce qui était attesté par le fait que l'intimée leur avait conféré une procuration spécifique pour l'audience. Cette dernière n'était ainsi pas valablement représentée à l'audience de conciliation, de sorte que la cause aurait dû être rayée du rôle.

3.1.
3.1.1
Selon l'art. 204 al. 1 CPC, les parties doivent comparaître en personne à l’audience de conciliation. Est notamment dispensée de comparaître personnellement et peut se faire représenter la personne qui a son domicile en dehors du canton ou à l’étranger (art. 204 al. 3 let a CPC). La partie adverse est informée à l’avance de la représentation (al. 4).

Le tribunal doit examiner, même sans objection du défendeur, s'il existe une autorisation de procéder valable. Le défendeur ne peut d'emblée contester la validité de l'autorisation de procéder que dans la procédure de première instance sur la demande. Le tribunal doit alors examiner, dans le cadre de la clarification des conditions de recevabilité, si le vice invoqué de la procédure de conciliation entraîne l'invalidité de l'autorisation de procéder. Si l'autorisation de procéder n'est pas valable, le tribunal ne peut pas entrer en matière sur la demande
(ATF 146 III 185 consid. 4.4.2). 

Pour savoir si une personne morale est domiciliée à l'étranger, il faut tenir compte de son siège, et non du domicile des personnes physiques qui comparaissent pour elle. Le motif lié au siège de la personne morale en dehors du canton ou à l'étranger (art. 204 al. 3 lit. a CPC) est un motif objectif et évident de dispense de comparution personnelle à l’audience de conciliation. Il doit être relevé d’office, même si la personne morale requérante a choisi de comparaître, mais ne comparaît (prétendument) pas régulièrement. En effet, elle ne peut être traitée plus sévèrement que si elle ne s'était pas présentée et avait uniquement envoyé son avocat à sa place, ce dont elle avait le droit, de par la loi. Il peut dès lors être constaté, même rétroactivement, et d’office (art. 57 CPC), que la requérante n'était pas défaillante et que l'autorisation de procéder était valable (arrêt du Tribunal fédéral 4A_179/2022 du 13.9.2022 consid. 5 – 6).

3.1.2 Le tribunal fixe un délai pour la rectification des vices de forme telle l’absence de signature ou de procuration. A défaut, l’acte n’est pas pris en considération (art. 132 al. 1 CPC).

3.1.3 La succursale d'une société étrangère en Suisse est un établissement commercial qui se caractérise par une dépendance juridique à l'égard de l'établissement principal, assortie d'une certaine indépendance économique qui lui permet de conduire des affaires en son propre nom. Elle n'a pas de personnalité juridique propre et ne bénéficie pas d'un statut juridique indépendant de celui de son établissement principal (Guillaume, Commentaire romand de la Loi sur le droit international privé - LDIP, n. 3 ad art. 160 LDIP).

La succursale ne peut pas ester en justice, ni être poursuivie. Elle ne peut pas non plus être représentée: les "représentants de la succursale" sont en fait les représentants de l'entreprise principale. La "représentation de la succursale" est généralement confiée à un directeur ou à un fondé de procuration (arrêt du Tribunal fédéral 4A_476/2021 du 6 juillet 2022, consid. 3.1).

Il arrive que la société confère à sa succursale une autorisation spéciale de la représenter pour un procès spécifique. Il faut cependant garder à l'esprit que cette procuration ad litem est déjà comprise dans les pouvoirs du directeur de la succursale ou d'un fondé de procuration (arrêt du Tribunal fédéral 4A_476/2021 du 6 juillet 2022, consid. 3.2).

3.2 En l'espèce, le Tribunal a retenu à bon droit que G______ et H______, qui, selon le Registre du commerce, disposent d'une signature collective à deux leur permettant d'engager l'intimée, ont valablement représenté celle-ci lors de l'audience de conciliation. Aucune conclusion contraire ne peut être tirée du fait que les pouvoirs des précités sont limités aux affaires de la succursale, puisque les contrats litigieux ont précisément été conclus dans le cadre des affaires de celle-ci, la succursale intervenant comme bailleresse. Elle figure en outre au Registre foncier comme propriétaire des locaux loués.

Il importe par ailleurs peu que les précités n'aient pas les fonctions de directeurs. Sur ce point, l'appelante se réfère en vain à l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_476/2021 du 6 juillet 2022. Ledit arrêt confirme expressément que l'autorisation de la succursale de représenter la société principale pour un procès spécifique est comprise dans les pouvoirs des fondés de procuration, même si la société représentée prend soin de confier en outre à ceux-ci une procuration spécifique ad litem.

Le fait que l'intimée ait conféré à H______ et G______ une procuration spécifique en vue de l'audience de conciliation tenue dans la présente cause ne veut ainsi pas dire que les représentants de l'intimée présents lors de l'audience n'avaient pas la capacité de la représenter.

A cela s'ajoute que ladite procuration était parfaitement valable, contrairement à ce que soutient l'appelante. La procuration datée du 15 novembre 2018 a en effet été valablement signée par L______, administratrice de l'intimée, conformément à la résolution du conseil d'administration datée du même jour. Le fait qu'une page de ladite résolution n'ait, par inadvertance, pas été produite par l'intimée à l'appui de sa demande en paiement n'est pas déterminant. Cette informalité a en effet été réparée par la suite, conformément à l'art. 132 CPC.

Enfin, comme le relève l'intimée, celle-ci n'était en tout état de cause pas tenue de comparaître personnellement à l'audience de conciliation puisqu'elle pouvait se prévaloir du motif de dispense prévu par l'art. 204 al. 3 let. a CPC, son siège se trouvant à l'étranger. Selon la jurisprudence, la partie qui choisit de comparaître personnellement à l'audience, alors qu'elle bénéficie d'un motif de dispense, ne doit pas être traitée plus sévèrement que celle qui se fait représenter par un avocat. In casu, la présence de l'avocate de l'intimée, valablement mandatée par celle-ci par l'intermédiaire de la procuration signée par H______ et G______, était suffisante pour satisfaire aux conditions légales.

Il résulte de ce qui précède que le Tribunal a considéré à juste titre que l'intimée était valablement représentée lors de l'audience de conciliation du 3 avril 2019. Il n'y avait dès lors pas lieu de rayer la cause du rôle, contrairement à ce que soutient l'appelante.

4. Le Tribunal a retenu que l'appelante n'avait pas établi que les parties étaient liées par un contrat de partenariat; il n'était en particulier pas démontré qu'une éventuelle promesse de la part de H______ en apport de clientèle avait été prise en compte contractuellement, en contrepartie d'un loyer plus élevé.

L'appelante remet en cause cette constatation, se plaignant d'un manque de motivation du Tribunal constituant une violation de son droit d'être entendue.

4.1.
4.1.1
A teneur de l'art. 311 al. 1 CPC, l'appel s'introduit par un acte « écrit et motivé ». La motivation de l'appel doit indiquer en quoi la décision de première instance est tenue pour erronée. La partie appelante ne peut pas simplement renvoyer à ses moyens de défense soumis aux juges du premier degré, ni limiter son exposé à des critiques globales et superficielles de la décision attaquée. Elle doit plutôt développer une argumentation suffisamment explicite et intelligible, en désignant précisément les passages qu'elle attaque dans la décision dont est appel, et les moyens de preuve auxquels elle se réfère (arrêt du Tribunal fédéral 4A_274/2020  du 1er septembre 2020 consid. 4).

4.1.2 Le droit d'être entendu, en tant que droit personnel de participer à la procédure, exige que l’autorité écoute effectivement, puis examine soigneusement et sérieusement, et prenne en compte dans sa décision, les arguments de la personne dont la décision touche la position juridique. Il implique l'obligation, pour l'autorité, de motiver sa décisionafin que son destinataire puisse la comprendre et l'attaquer utilement s'il y a lieu. Le juge n'a en revanche pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties; il suffit qu'il mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 142 III 433 consid. 4.3.2, JdT 2016 II 347; 129 I 232 consid. 3.2, JdT 2004 I 588, SJ 2003 I 513; arrêt du Tribunal fédéral 4A_523/2010 du 22 novembre 2010 consid. 5.3).

Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision. En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2015 du 20 octobre 2015 consid. 3.1).

Le droit d’être entendu n’implique aucune obligation d’étudier des questions qui ne sont pas pertinentes pour la décision (arrêt du Tribunal fédéral 4A_502/2019 du 15 juin 2020 consid. 4).

4.2 En l'espèce, le Tribunal a suffisamment motivé sa décision d'écarter la thèse de l'appelante selon laquelle les parties avaient conclu un contrat de partenariat, de sorte que le grief de violation du droit d'être entendue de l'appelante doit être écarté.

Sur le fond, le grief de l'appelante relatif à la conclusion du partenariat dont elle se prévaut ne respecte pas les exigences de recevabilité prévue par la loi et rappelées ci-dessus.

Au fil d'un exposé prolixe et décousu, l'appelante se limite à se référer à ses écritures de première instance (p. 14 et 15 de l'acte d'appel), ce qui n'est pas admissible. Elle mentionne une requête de production de documents formulée par ses soins et rejetée par le Tribunal, sans réitérer ladite requête, ni expliquer pourquoi elle devrait être admise, ni en quoi les documents en question seraient susceptibles d'étayer ses allégations sur des faits pertinents et contestés au sens de l'art. 150 al. 1 CPC (p. 15 et 16). L'appelante poursuit, en citant in extenso le contenu de plusieurs courriels échangés entre les parties et en retranscrivant leurs déclarations par devant le Tribunal (p. 16 à 19), sans exposer concrètement en quoi ces courriels et déclarations établiraient l'existence d'un partenariat entre les parties, ni, a fortiori, quelle en serait la teneur et quel impact ledit partenariat aurait sur l'issue du litige.

Le grief de l'appelante relatif à la conclusion d'un partenariat entre les parties est dès lors irrecevable.

Même s'il avait été recevable, ce qui n'est pas le cas, ce grief aurait été infondé. En effet, aucun élément de preuve figurant au dossier ne permet de retenir que les parties auraient conclu un contrat de partenariat dont la teneur serait susceptible d'avoir une influence sur l'issue du litige. En particulier, les contrats signés par les parties sont désignés comme des contrats de bail; ils contiennent tous les éléments constitutifs de tels contrats, mais rien de plus. Ils ne prévoient aucune obligation à charge du bailleur qui s'apparenterait à un partenariat. Le loyer est dû sans autre condition que la mise à disposition des locaux loués, obligation dont l'appelante ne prétend pas qu'elle n'aurait pas été respectée par l'intimée.

Le fait que H______ ait employé l'expression "partnership" à l'occasion d'un courriel adressé à l'intimée en décembre 2017 n'est pas décisif. Comme l'a expliqué l'intéressé par devant le Tribunal, ce terme ne se référait pas à un partenariat contraignant créant des obligations à la charge de l'intimée, mais reflétait le souci d'entretenir une relation harmonieuse avec sa locataire.

5. L'appelante fait valoir que le Tribunal aurait violé son droit d'être entendue car il ne lui aurait pas donné l'occasion de s'exprimer après le prononcé de la décision de la délégation du Tribunal rejetant sa demande de récusation.

5.1 Conformément aux art. 29 al. 2 Cst. et 6 CEDH, les parties ont le droit d'être entendues. Compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable, le droit d'être entendu comprend en particulier le droit, pour une partie à un procès, de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle soit ou non concrètement susceptible d'influer sur le jugement à rendre. Il appartient en effet aux parties, et non au juge, de décider si une prise de position ou une pièce nouvellement versée au dossier contient des éléments déterminants qui appellent des observations de leur part. Toute prise de position ou pièce nouvelle versée au dossier doit dès lors être communiquée aux parties pour leur permettre de décider si elles veulent ou non faire usage de leur faculté de se déterminer (ATF 146 III 97 consid. 3.4.1;
142 III 48 consid. 4.1.1).

Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours au fond. Toutefois une violation pas particulièrement grave du droit d’être entendu peut exceptionnellement être guérie si l’intéressé peut s’exprimer devant une instance de recours ayant libre pouvoir d’examen en fait comme en droit. Même en cas de violation grave du droit d’être entendu, la cause peut ne pas être renvoyée à l’instance précédente,  si et dans la mesure où ce renvoi constitue une démarche purement formaliste qui conduirait à un retard inutile, incompatible avec l’intérêt de la partie concernée (ATF 137 I 195 consid. 2.2, 2.3.2 et 2.6, SJ 2011 I 345).

Le droit d'être entendu n'est pas une fin en soi; il doit permettre d'éviter qu'une procédure judiciaire ne débouche sur un jugement vicié en raison de la violation du droit des parties de participer à la procédure, notamment à l'administration des preuves. Lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation du droit d'être entendu a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_141/2016 du 26 mai 2016 consid. 1.2).

Si la partie lésée a la possibilité d’exercer son droit d’être entendue dans le cadre de son appel, où l’autorité jouit d’un plein pouvoir d’examen en fait et en droit (art. 310 CPC), la violation est réparée. L’appelant ne peut alors pas se contenter de se plaindre de cette violation : il doit exercer son droit d’être entendu, par exemple formuler des observations sur la force probante de la pièce litigieuse communiquée avec la décision de première instance. Quel que soit le degré de gravité de la violation du droit d’être entendu, il ne peut exiger l’annulation de la première décision, dès lors qu'un renvoi en première instance ne constituerait qu’une vaine formalité (arrêt du Tribunal fédéral 5A_925/2015 du 4 mars 2016 consid. 2.3).

5.2 En l'espèce, il n'est pas nécessaire de trancher la question de savoir si le Tribunal a ou non violé le droit d'être entendue de l'appelante en rendant sa décision sans interpeller les parties après le prononcé de la décision sur la question de la récusation.

En effet, une éventuelle violation du droit d'être entendue de l'appelante peut être réparée par-devant la Cour de céans, qui a un pouvoir de cognition complet.

L'appelante n'explique de plus pas quel argument elle aurait pu faire valoir devant le Tribunal si elle avait pu s'exprimer une fois de plus avant le prononcé du jugement querellé.

Le grief de violation du droit d'être entendu doit dès lors être rejeté.

6. L'appelante fait valoir que le Tribunal aurait violé son droit à un Tribunal indépendant et impartial en raison du fait que la composition des juges assesseurs lors de l'audience du 3 juin 2022 était irrégulière. Les juges assesseurs siégeant lors de cette audience n'étaient pas les mêmes que ceux présent lors de l'audience précédente. Le remplacement de la présidente N______ par la présidente S______ n'était quant à lui pas contesté.

Dans ses déterminations déposées devant la Cour, cette dernière a exposé les raisons ayant motivé le changement des juges assesseurs en cours de procédure. Elle fait valoir que ceux-ci étaient justifiés du point de vue des principes de l'économie de la procédure et de la célérité. Compte tenu du fait que les juges assesseurs menaient une carrière professionnelle parallèlement à leurs fonctions judiciaires, il n'était pas possible de garantir l'immutabilité de leur présence dans une procédure aussi longue que celle du cas d'espèce, sous peine de ralentir de manière excessive l'avancement de la cause.

6.1 La modification de la composition de l’autorité judiciaire en cours de procédure ne constitue pas en tant que telle une violation de l’art. 30 Cst. Elle s’impose nécessairement lorsqu’un juge doit être remplacé par un autre ensuite de départ à la retraite, d’élection dans un autre tribunal, de décès ou en cas d’incapacité de travail de longue durée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_153/2009 du 1er mai 2009 consid. 3.1.1). 

Le changement de juges au cours d’une procédure civile viole le droit d’être entendu lorsque les membres du tribunal qui participent aux délibérations n’ont pas tous pris part à l’administration de preuves intervenue exclusivement par oral et non constatée dans un procès-verbal. Inversement, ce droit n’est pas violé, pour autant que le nouveau membre du tribunal participant aux délibérations puisse avoir connaissance de l'objet du procès par l'étude du dossier et qu’ainsi, tous les membres du tribunal participant au jugement aient les mêmes connaissances. Toute composition qui ne peut être objectivement justifiée viole la garantie du juge naturel. Une modification de la composition est admissible de cas en cas, par exemple lorsqu’un membre du tribunal part pour raison d’âge, ou lorsqu’il ne peut exercer sa fonction en raison d’une maladie de longue durée ou d’un congé-maternité, ou lorsqu’un remaniement du tribunal impose le changement
(ATF 142 I 93  consid. 6 (n.p.) et 8.2).

Lorsque les motifs du changement de composition du Tribunal ne ressortent pas de la décision contestée ou de la procédure de première instance, l'instance d'appel doit inviter le premier juge à les exposer, étant précisé que la guérison du vice de motivation par la voie de l'appel est possible (arrêt du Tribunal fédéral 5A_1002/2017 du 12 mars 2019 consid. 3).

6.2 En l'espèce, il résulte des explications de la présidente en charge de la présente procédure que les deux changements de composition des juges assesseurs intervenus se justifiaient par le souci de mener la procédure avec diligence, dans le respect du principe de célérité. Par ailleurs, le remplacement de la juge Q______ a été rendu nécessaire par son arrêt maladie, suivi de sa démission.

Il convient à cet égard de rappeler que l'art. 33 al. 2 LOJ prévoit expressément la possibilité pour les juges assesseurs d'une même juridiction de se suppléer entre eux.

Il n'est résulté aucun préjudice pour les parties de ces changements, puisque chaque audience a fait l'objet d'un procès-verbal détaillé, contenant leurs déclarations. Tous les membres du Tribunal ayant participé au jugement avaient ainsi une pleine connaissance des faits de la cause et de l'objet du procès, grâce à l'étude du dossier. Cela est d'autant plus vrai que la composition du Tribunal n'a plus varié après la troisième audience.

L'on relèvera de plus l'attitude contradictoire de l'appelante, qui, après avoir demandé la récusation de tous les juges assesseurs, se plaint de ce que certains d'entre eux aient été remplacés. Son avocat avait en particulier fait valoir en décembre 2022 que la juge assesseur Q______, avocate, représentait la partie adverse d'un de ses clients, ce qui était susceptible de mettre en cause son impartialité; l'appelante est ainsi mal venue de se plaindre maintenant de ce changement.

Contrairement à ce que fait valoir l'appelante, il n'y a pas lieu de mettre en doute les motifs avancés par la présidente S______. Il n'était en particulier pas nécessaire de produire dans la présente procédure une confirmation émanant de la magistrate précédemment en charge du dossier.

Le grief de composition incorrecte du Tribunal soulevé par l'appelante n'est dès lors pas fondé.

7. L'appelante fait valoir que les contrats liant les parties auraient été invalidés par ses soins le 23 février 2018 pour vice de la volonté, de sorte qu'ils ne l'obligeraient pas, ce d'autant plus que sa partie adverse avait accepté la remise des clés. En tout état de cause, elle pouvait opposer aux prétentions de l'intimée l'exception non adimpleti contractus ainsi qu'une créance en enrichissement illégitime pour le trop-perçu de loyer depuis novembre 2016. L'intimée devait en outre lui restituer le montant de 87'500 fr. qu'elle conservait sans droit en raison de l'invalidation des contrats.

7.1 Sous la note marginale "Vices du consentement", le code des obligations prévoit plusieurs hypothèses, à savoir l'erreur (art. 23 CO), le dol (art. 28 CO) et la crainte fondée (art. 29 CO), lesquelles permettent à une partie d'invalider un contrat, si les conditions légales sont réalisées, Dans tous les cas, la déclaration d'invalidation doit intervenir dans le délai d'un an dès que l'erreur ou le dol a été découvert ou dès que la crainte s'est dissipée (art. 31 CO).

A teneur de l'art. 82 CO, celui qui poursuit l’exécution d’un contrat bilatéral doit avoir exécuté ou offrir d’exécuter sa propre obligation, à moins qu’il ne soit au bénéfice d’un terme d’après les clauses ou la nature du contrat.

Selon l'art. 62 al. 1 CO, celui qui, sans cause légitime, s’est enrichi aux dépens d’autrui, est tenu à restitution. La restitution est due, en particulier, de ce qui a été reçu sans cause valable, en vertu d’une cause qui ne s’est pas réalisée, ou d’une cause qui a cessé d’exister (al. 2).

7.2 En l'espèce, l'appelante se prévaut d'un vice du consentement, sans même prendre la peine d'indiquer si elle aurait conclu le contrat sous l'emprise d'une erreur, d'une crainte fondée ou d'un dol. Elle n'établit pas que les conditions légales de l'une des dispositions topiques prévues par la loi seraient réalisées, ni que la déclaration d'invalidation, dont elle n'indique pas la teneur, serait intervenue en temps utile. Le fait que l'intimée ait accepté la remise des clés est quant à lui dénué de pertinence. La Cour retiendra par conséquent que les contrats liant les parties sont valables.

L'appelante n'a dès lors pas de créance en enrichissement illégitime à l'encontre de l'intimée.

L'appelante invoque l'art. 82 CO mais n'explique pas quelle obligation sa partie adverse aurait omis de respecter. Elle ne saurait donc se prévaloir de cette disposition pour refuser le paiement du loyer convenu.

Il résulte de ce qui précède que les griefs de l'appelante sont tous infondés. Le jugement querellé sera dès lors confirmé.

8. Il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens, s'agissant d'une cause soumise à la juridiction des baux et loyers (art. 22 al. 1 LaCC).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 19 janvier 2024 par A______ SA contre le jugement rendu le 30 novembre 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/2314/2019.

Au fond :

Confirme le jugement querellé.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ et Monsieur Damien TOURNAIRE, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.