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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/13480/2023

ACJC/271/2024 du 04.03.2024 sur JTBL/994/2023 ( SBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13480/2023 ACJC/271/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 4 MARS 2024

 

Entre

A______ SARL, p.a. c/o B______ et Monsieur B______, domicilié ______ [VD], appelants d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 23 novembre 2023, représentés par Me Oana STEHLE HALAUCESCU, avocate, route de Malagnou 32, 1208 Genève,

et

FONDATION COMMUNALE C______, sise ______ [GE], intimée, représentée par Me Tatiana GURBANOV, avocate, rue du Général-Dufour 11, 1204 Genève.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/994/2023 du 23 novembre 2023, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a condamné A______ SARL et B______ à évacuer immédiatement de leur personne et de leurs biens ainsi que de tout tiers le local commercial de 71 m2 environ servant de magasin et tea-room, le local de 135 m2 environ servant de laboratoire, le dépôt et toilettes pour le personnel ainsi que le dépôt de 40 m2 environ au rez-de-chaussée de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à D______ [GE], le bureau au rez-de-chaussée de l'immeuble sis rue 2______ à D______ et le local d'environ 81 m2 au rez-de-chaussée de l'immeuble sis route 5______ no. ______ à D______ (ch. 1 du dispositif), autorisé FONDATION COMMUNALE C______ à requérir l'évacuation par la force publique de A______ SARL et de B______ dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), condamné A______ SARL et B______, conjointement et solidairement, à verser à FONDATION COMMUNALE C______ la somme de 28'700 fr. 45 avec intérêts à 5% l'an dès le 15 août 2023 (ch. 3), autorisé la libération des garanties loyer constituées auprès de E______ (comptes n° 3______ constitué le 27 mai 2020; compte n° 4______ constitué le 26 avril 2021 et compte n° 6______ constitué le 3 mai 2021), en faveur de FONDATION COMMUNALE C______, les montants ainsi libérés venant en déduction de la somme due figurant sous chiffre 3 du dispositif (ch. 4), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5) et dit que la procédure était gratuite (ch. 6).

B. a. Par acte expédié le 11 décembre 2023 à la Cour de justice, A______ SARL et B______ (ci-après : les locataires ou les recourants) ont formé recours contre ce jugement, reçu le 29 novembre 2023, concluant à l'annulation du chiffre 2 de son dispositif, et, cela fait, à ce que FONDATION COMMUNALE C______ soit autorisée à faire exécuter par la force publique le jugement entrepris uniquement dès le 1er mars 2024.

b. Par réponse du 18 décembre 2023, FONDATION COMMUNALE C______ a conclu au rejet du recours. Elle a produit nouvellement un extrait du compte "locataire" au 18 décembre 2023.

c. Par arrêt présidentiel ACJC/1687/2023 du 19 décembre 2023, la Cour a suspendu le caractère exécutoire du chiffre 2 du dispositif du jugement entrepris.

d. Les parties ont été informées par courrier du greffe de la Cour du 18 janvier 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

e. Le 29 janvier 2024, la bailleresse a fait parvenir à la Cour un nouveau décompte "locataire" au 1er janvier 2024.


 

C. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier.

a. FONDATION COMMUNALE C______, propriétaire, a remis à bail le 31 août 1994 à F______ un local commercial de 71 m2 environ servant de magasin et tea-room, un local de 135 m2 environ servant de laboratoire, un dépôt et toilettes pour le personnel ainsi qu'un dépôt de 40 m2 environ au rez-de-chaussée de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à D______.

Le 14 avril 2020, le bail a été transféré à A______ SARL et à B______.

Le montant du loyer et des charges a été fixé en dernier lieu à 4'950 fr. par mois.

Un dépôt de garantie n° 3______ a été effectué auprès de E______ à hauteur de 10'188 fr. le 27 mai 2020.

b. Le 10 mars 2021, FONDATION COMMUNALE C______, en qualité de bailleresse, et A______ SARL et B______, en tant que locataires, ont conclu un contrat de bail portant sur un bureau au rez-de-chaussée de l'immeuble sis rue 2______ à D______.

Le montant du loyer et des charges a été fixé en dernier lieu à 600 fr. par mois.

Un dépôt de garantie n° 4______ a été effectué auprès de E______ à hauteur de 3'510 fr. le 26 avril 2021.

c. Le 10 mars 2021, FONDATION COMMUNALE C______, d'une part, et A______ SARL et B______, d'autre part, ont conclu un contrat de bail portant sur un local d'environ 81 m2 au rez-de-chaussée de l'immeuble sis route 5______ no. ______ à D______.

Le montant du loyer et des charges a été fixé en dernier lieu à 2'135 fr. par mois.

Un dépôt de garantie n° 6______ a été effectué auprès de E______ à hauteur de 12'810 fr. le 3 mai 2021.

d. Par avis comminatoires du 16 novembre 2022, la bailleresse a mis en demeure les locataires de lui régler dans les 30 jours le montant de 14'850 fr., à titre d'arriérés de loyer et de charges pour les locaux à la rue 1______, de 6'405 fr. pour les locaux à la route 5______ et de 1'785 fr. pour les locaux à la rue 2______ et les a informés de son intention, à défaut du paiement intégral de la somme réclamée dans le délai imparti, de résilier le bail conformément à l'art. 257d CO.

Considérant que les sommes susmentionnées n'avaient pas été intégralement réglées dans le délai imparti, la bailleresse a, par avis officiels du 19 janvier 2023, résilié les baux pour le 28 février 2023.

e. Par requêtes (distinctes pour chaque objet) en protection du cas clair déposées devant le Tribunal le 23 juin 2023, la bailleresse a conclu à l'évacuation des locataires des locaux loués, a sollicité l'exécution directe de l'évacuation et le paiement des arriérés ainsi que la libération des garanties bancaires.

f. Après reconvocation des parties à l'issue d'une audience tenue le 5 octobre 2023 devant le Tribunal, le 23 novembre 2023 la bailleresse a persisté dans ses conclusions et exposé que la continuation de la poursuite par voie de faillite avait été requise à l'encontre de la société locataire. Cette dernière avait des dettes totalisant plus de 260'000 fr., les poursuites ayant augmenté durant les derniers mois. En tant que fondation, la bailleresse était responsable de la bonne gestion de ses deniers. L'arriéré de l'ensemble des objets s'élevait à 28'745 fr. [recte : 28'700 fr. 45] avec intérêts à 5% dès le 15 août 2023 et elle en réclamait le paiement.

B______ a déclaré avoir subi les conséquences du COVID dans l'exploitation de son commerce, ce qui avait eu un effet boule de neige. Il avait encore effectué deux paiements les derniers jours, lesquels n'avaient pas encore été comptabilisés par la bailleresse. Il s'est opposé à la requête vu les efforts entrepris et a sollicité, subsidiairement, un délai au 31 janvier 2024 pour l'exécution de l'évacuation.

Le Tribunal a prononcé la jonction des causes lesquelles ont été gardées à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre des baux et loyers connaît des appels et des recours dirigés contre les jugements du Tribunal des baux et loyers (art. 122 let. a LOJ).

La voie du recours est ouverte contre les décisions du tribunal de l'exécution (art. 309 let. a et 319 let. a CPC).

1.2 En l'espèce, les recourants contestent les mesures d'exécution prononcées par le Tribunal, auquel ils reprochent de ne pas avoir assorti l'exécution de l'évacuation d'un sursis. La voie du recours est ainsi ouverte.

Interjeté auprès de l'autorité compétente, dans le délai applicable de dix jours (art. 142 al. 1, art. 321 al. 2 CPC) et dans la forme écrite prévue par la loi (art. 130 al. 1 et 131 CPC), le recours est recevable.

1.3 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (HOHL, Procédure civile, Tome II, 2010, n. 2307).

1.4 La procédure sommaire s'applique à la procédure de cas clair (art. 248 let. b CPC). La procédure est soumise aux maximes des débats et de disposition (art. 55 et 58 CPC; art. 255 CPC a contrario).

2. Les recourants concluent nouvellement à l'octroi d'un sursis jusqu'au 29 février 2024. Devant le Tribunal, ils avaient sollicité un sursis jusqu'au 31 janvier 2024.

2.1 Les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours (art. 326 CPC).

2.2 Les conclusions nouvelles prises par les recourants sont irrecevables.

Les pièces nouvelles produites par l'intimée sont également irrecevables.

Compte tenu des conclusions prises en première instance par les recourants, la cause est devenue sans objet, la date du 31 janvier 2024 étant dépassée.

Cela étant, et en tout état, le recours doit être rejeté pour les motifs qui suivent.

3. Le Tribunal a retenu que même si les efforts des locataires avaient été importants pour tenter de rattraper les arriérés de loyer et qu'il était indéniable que la crise du COVID avait impacté le commerce, avec des conséquences qui se répercutaient encore à ce jour, il n'en demeurait pas moins que la société était lourdement obérée et les arriérés dus à la bailleresse toujours importants. La situation financière de la société locataire ne permettait pas à celle-ci d'espérer pouvoir compter sur un codébiteur solvable. Au regard de la commination de faillite, un sursis à l'exécution viendrait prétériter les chances pour la bailleresse de récupérer rapidement les locaux et les arriérés dus.

Les recourants reprochent au Tribunal de ne pas avoir assorti l'exécution de l'évacuation d'un sursis, compte tenu de leur situation et des versements importants opérés sur une courte période.

3.1 L'exécution forcée d'un jugement ordonnant l'expulsion d'un locataire est réglée par le droit fédéral (cf. art. 335 ss CPC).

En procédant à l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit tenir compte du principe de la proportionnalité. Lorsque l'évacuation d'une habitation est en jeu, il s'agit d'éviter que des personnes concernées ne soient soudainement privées de tout abri. L'expulsion ne saurait être conduite sans ménagement, notamment si des motifs humanitaires exigent un sursis, ou lorsque des indices sérieux et concrets font prévoir que l'occupant se soumettra spontanément au jugement d'évacuation dans un délai raisonnable. En tout état de cause, l'ajournement ne peut être que relativement bref et ne doit pas équivaloir en fait à une nouvelle prolongation de bail (ATF 117 Ia 336 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

Selon l'art. 30 al. 4 LaCC, le Tribunal peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement d'évacuation dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire ou du fermier lorsqu'il est appelé à statuer sur l'exécution d'un jugement d'évacuation d'un logement, après audition des représentants du département chargé du logement et des représentants des services sociaux ainsi que des parties.

La protection de l'art. 30 al. 4 LaCC ne s'applique pas aux locaux commerciaux. Le fait qu'une évacuation immédiate entraînerait une cessation immédiate des activités professionnelles du locataire et des répercussions sur sa situation financière n'est pas pertinent et ne peut faire obstacle à l'exécution immédiate du jugement d'évacuation (ACJC/937/2018 du 12 juillet 2018 consid. 4.1; ACJC/671/2013 du 27 mai 2013 consid. 7.2).

3.2 En l'espèce, les recourants sont informés de la résiliation des baux, et donc de la nécessité pour eux de libérer les locaux litigieux – qu'ils ne contestent pas sur le fond – depuis le mois de janvier 2023. Ils ont donc déjà bénéficié d'un délai de plusieurs mois pour éponger l'arriéré, en vain. L'intérêt de l'intimée à récupérer rapidement les locaux pour éviter que la dette des recourants ne se creuse davantage mérite d'être sauvegardé, ce d'autant que les difficultés financières paraissent difficiles à surmonter dans un délai raisonnable, malgré les efforts consentis, comme relevé par le Tribunal.

Ainsi, le Tribunal n'a pas violé le principe de proportionnalité en autorisant l'intimée à faire appel à la force publique pour l'exécution du jugement dès l'entrée en force de celui-ci.

4. Il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (art. 22 al. 1 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 11 décembre 2023 par A______ SARL et B______ contre le chiffre 2 du dispositif du jugement JTBL/994/2023 rendu le 23 novembre 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/13480/2023.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD, Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Nevena PULJIC, Madame Cosima TRABICHET-CASTAN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.