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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/5956/2023

ACJC/155/2024 du 12.02.2024 ( SBL ) , CONFIRME

Normes : CPC.126
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/5956/2023 ACJC/155/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 12 FEVRIER 2024

 

Entre

Madame A______ et Monsieur B______, domiciliés c/o C______, ______ [GE], recourants contre une ordonnance rendue par le Tribunal des baux et loyers le 20 novembre 2023,

et

Monsieur D______ et Madame E______, domiciliés ______ [GE], intimés, représentés par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance OTBL/192/2023 du 20 novembre 2023, reçue par A______ et B______ (ci-après : les bailleurs) le 22 novembre 2023, le Tribunal des baux et loyers a ordonné la suspension de la procédure dans la cause C/5956/2023 et "invité la partie diligente à en solliciter la reprise au moment opportun".

B. a. Le 3 décembre 2023, les bailleurs ont formé recours contre cette ordonnance, concluant à ce que la Cour de justice l'annule et ordonne la poursuite de la présente procédure.

Ils ont déposé des pièces nouvelles.

b. Le 6 décembre 2023, D______ et E______ (ci-après : les locataires) ont conclu au rejet du recours.

c. Les parties ont été informées le 17 janvier 2024 de ce que la cause était gardée à juger par la Cour.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. Les locataires occupent depuis une date qui ne ressort pas du dossier un studio meublé sis dans un immeuble situé au no.______ avenue 1______, [code postal] Genève, appartenant aux bailleurs.

Aucun contrat de bail signé par leurs soins ne figure dans le dossier soumis à la Cour.

b. Les parties s'opposent dans le cadre de plusieurs procédures, civiles et pénales.

Il ressort en particulier du dossier que les locataires ont déposé, en juin 2022, une demande tendant à ce que le Tribunal des baux et loyers constate qu'ils sont au bénéfice d'un bail de durée indéterminée et fixe le montant du loyer. Cette procédure porte la référence C/2______/2022, est attribuée au même magistrat que celui chargé de la présente cause, et a été gardée à juger le 4 décembre 2023.

Les locataires ont également déposé en mars 2023 deux demandes en contestation de la validité de congés (causes C/3______/2023 et C/4______/2023). L'avancement de ces procédures ne ressort pas du dossier.

c. Le 13 mars 2023, les bailleurs ont déposé par devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers une requête en évacuation à l'encontre des locataires.

d. Lors de l'audience de conciliation du 11 mai 2023, cette demande a été scindée en deux causes, portant sur le même objet ("évacuation pour défaut de paiement") et opposant les mêmes parties, à savoir les causes C/5______/2023 et C/5956/2023. Deux autorisations de procéder comportant ces références ont été délivrées aux bailleurs.

e. Le 9 juin 2023, les bailleurs ont déposé devant le Tribunal deux actes identiques intitulés "demande en évacuation (article 257 CPC)", portant respectivement les références de cause précitées.

Ils ont conclu à ce que le Tribunal ordonne l'évacuation des locataires, prononce des mesures d'exécution de cette évacuation et condamne leurs parties adverses à leur payer différents montants au titre d'arriérés de loyer et de dommages intérêts.

Ils ont notamment allégué avoir conclu avec les locataires le 14 novembre 2021 un contrat de bail à loyer de durée déterminée prenant fin le 30 septembre 2022. Le montant du loyer était de 1'600 fr. par mois, charges comprises. Au jour du dépôt de la demande, les locataires avaient deux mois de loyer en retard, soit décembre 2022 et juin 2023. Le bail avait été résilié par avis officiel du 26 octobre 2022 avec effet au 30 novembre 2022 "en application de l'art. 266l al. 2 CO". Les locataires ne respectaient pas leur devoir de diligence et causaient des nuisances au voisinage.

Dans le corps de cet acte, rédigé de manière confuse et prolixe, les bailleurs ont indiqué que la procédure ordinaire était applicable.

f. Le 23 octobre 2023, le Tribunal a transmis la demande et les pièces aux locataires et leur a imparti un délai pour se déterminer sur la suspension de la présente procédure "dans l'attente du sort de la cause C/2______/2022".

g. Le 31 octobre 2023, les locataires ont fait savoir au Tribunal que la suspension de la présente procédure jusqu'à droit jugé dans la cause précitée leur semblait opportune.

h. Les bailleurs se sont opposés à la suspension.

i. La cause a été gardée à juger par le Tribunal sur la question de la suspension à une date qui ne ressort pas du dossier.

EN DROIT

1. 1.1 Interjeté dans le délai utile de dix jours et suivant la forme prescrite par la loi, à l'encontre d'une ordonnance de suspension au sens de l'art. 126 al. 1 CPC, laquelle entre dans la catégorie des ordonnances d'instruction (ATF 141 III 270 consid. 3) pouvant, conformément à l'art. 126 al. 2 CPC, faire l'objet du recours de l'art. 319 let. b ch. 1 CPC, le présent recours est recevable (art. 130, 131, 142 et 321 al. 1 et 2 CPC).

1.2 La cognition de la Cour est limitée à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

1.3 Les pièces nouvelles déposées par les recourants sont irrecevables, conformément à l'art. 326 al. 1 CPC, à l'instar des allégués s'y rapportant.

2. Le Tribunal a retenu que, à teneur du système informatique du Pouvoir judiciaire, les recourants avaient introduit une ou plusieurs requêtes en cas clair tendant à l'évacuation des intimés. Il n'entendait pas instruire en parallèle un nombre indéterminé de procédures dont les objets étaient similaires, voire identiques. Il convenait de traiter en premier lieu de la question de la durée déterminée ou indéterminée du bail ainsi que du "montant judiciaire du loyer", ces deux questions étant susceptibles d'influencer directement "l'existence même d'un objet procédural" dans les autres procédures.

Les recourants font valoir que la présente procédure est une procédure d'évacuation pour défaut de paiement, soit un cas clair, "qui n'a pas besoin d'attendre le jugement de la cause C/2______/2022". Cette dernière procédure avait été introduite de manière abusive par les intimés. Le bail avait pris fin, les intimés ne payaient pas leur loyer et leur causaient un dommage en se maintenant dans les locaux.

2.1 Selon l'art. 126 al. 1 CPC, le tribunal peut ordonner la suspension de la procédure si des motifs d'opportunité le commandent; la procédure peut notamment être suspendue lorsque la décision dépend du sort d'un autre procès.

Le juge bénéficie d'un large pouvoir d'appréciation en la matière (arrêt du Tribunal fédéral 4A_683/2014 du 17 février 2015 consid. 2.1).

Dès lors qu'elle contrevient à l'exigence de célérité de la procédure, imposée par les art. 29 al. 1 Cst et 124 al. 1 CPC, la suspension ne peut être ordonnée qu'exceptionnellement, en particulier lorsqu'il s'agit d'attendre le jugement principal d'une autorité compétente permettant de trancher une question de nature préjudicielle. Elle doit répondre à un besoin réel et être fondée sur des motifs objectifs. Elle ne saurait être ordonnée à la légère, les parties ayant un droit à ce que les causes pendantes soient traitées dans des délais raisonnables. Le juge doit procéder à une pesée des intérêts des parties, l'exigence de célérité l'emportant en cas de doute (ATF 135 III 127 consid. 3.4; 119 II 386 consid. 1b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_683/2014 du 17 février 2015 consid. 2.1; 9C_293/2014 du 16 octobre 2014 consid. 2.2.2 et 5A_218/2013 du 17 avril 2013 consid. 3.1; Frei, in Berner Kommentar, 2012, n. 1 ad art. 126 CPC).

Une suspension dans l'attente de l'issue d'un autre procès peut se justifier en cas de procès connexes, même s'il n'est pas nécessaire que l'objet du litige ou les parties soient les mêmes. Il s'agit en effet d'éviter des décisions contradictoires ou incohérentes (Gschwend/Bornatico, Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozes-sordnung, 3ème éd., 2017, n. 11 ad art. 126 CPC; Frei, op. cit., n. 3 ad art. 126 CPC). En outre, la seconde procédure, dont l'issue sera déterminante pour le sort de la procédure suspendue, doit être déjà bien avancée faute de quoi, en règle générale, la suspension ne sera pas compatible avec l'exigence de célérité (Frei, op. cit., n. 5 ad art. 126 CPC).

2.2 Selon l'art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l’application de la procédure sommaire lorsque les conditions suivantes sont remplies: a. l’état de fait n’est pas litigieux ou est susceptible d’être immédiatement prouvé; b. la situation juridique est claire. Le tribunal n’entre pas en matière sur la requête lorsque cette procédure ne peut pas être appliquée (al. 3).

2.3 En l'espèce, les recourants ne démontrent pas que le Tribunal aurait excédé les limites de son pouvoir d'appréciation en ordonnant la suspension de la présente procédure jusqu'à droit jugé dans le cadre de la cause C/2______/2022.

Contrairement à ce que font valoir les recourants, la présente procédure n'est pas un cas clair au sens de l'art. 257 CPC. Elle est instruite en procédure ordinaire, et non en procédure sommaire, conformément à ce qui a été demandé par les recourants.

Ceux-ci ont en effet requis une tentative de conciliation, ce qui n'a pas lieu d'être s'agissant d'une procédure sommaire pour cas clair. Ils ont ensuite introduit leur requête devant le Tribunal, dans le délai prévu par la loi, en précisant que la procédure ordinaire était applicable.

A cela s'ajoute que l'état de fait présenté par les recourants n'a rien de clair.

Les recourants, qui se limitent à opposer leur propre appréciation à celle du Tribunal et à répéter leurs affirmations confuses et prolixes formulées en première instance, ne critiquent pas de manière convaincante les considérants du Tribunal selon lesquels la procédure C/2______/2022 a une portée préjudicielle par rapport à la présente procédure.

Rien ne permet de retenir que c'est à tort que le Tribunal a retenu que les questions de la durée du bail et du montant du loyer, qui seront tranchées dans le cadre de la cause susmentionnée, sont susceptibles d'avoir une influence déterminante sur la présente cause, qui porte notamment sur la validité de la résiliation du bail et sur le paiement d'arriérés de loyer.

Il ne saurait par ailleurs être considéré à ce stade que la requête des intimés en fixation de loyer et en constatation de droit serait abusive, contrairement à ce que prétendent les recourants.

De plus, la cause C/2______/2022 touche à sa fin, puisque l'affaire a été gardée à juger le 4 décembre 2023.

Le recours sera par conséquent rejeté.

3. Il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens, s'agissant d'une cause soumise à la juridiction des baux et loyers (art. 22 al. 1 LaCC).

 

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 3 décembre 2023 par A______ et B______ contre l'ordonnance OTBL/192/2023 rendue le 20 novembre 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/5956/2023.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Pauline ERARD, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ et Monsieur Damien TOURNAIRE, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.