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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/17865/2023

ACJC/91/2024 du 26.01.2024 sur JTBL/876/2023 ( SBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/17865/2023 ACJC/91/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU VENDREDI 26 JANVIER 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié c/o M. B______, ______ [GE], recourant contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 19 octobre 2023,

et

C______ SA, sise ______ [GE], intimée, représentée par D______ SA, ______ [GE].

 

 

 

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/876/2023 du 19 octobre 2023, reçu par les parties le 24 octobre 2023, statuant par voie de procédure sommaire, le Tribunal des baux et loyers a condamné A______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens le studio situé au 5ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève (ch. 1 du dispositif), autorisé C______ SA à requérir l'évacuation de A______ par la force publique dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

Le Tribunal a considéré que le bail principal du studio occupé par A______ avait été résilié, de sorte que le contrat de sous-location dont bénéficiait celui-ci ne pouvait pas perdurer. Il convenait dès lors de faire droit à la requête de C______ SA, propriétaire du studio, et de prononcer l'évacuation du précité. L'exécution de l'évacuation par la force publique devait également être prononcée, dès lors qu'aucun motif humanitaire ne justifiait d'accorder au sous-locataire un délai supplémentaire. Plusieurs mois s'étaient en effet écoulés depuis le jugement prononçant l'évacuation du locataire principal et l'intervention d'un huissier judiciaire, sans que le sous-locataire ne s'acquitte de la moindre indemnité. Celui-ci occupait par ailleurs seul le logement litigieux et ne faisait pas état de poursuites à son encontre.

B. a. Par acte expédié le 3 novembre 2023 à la Cour de justice, A______ forme un recours contre ce jugement. Principalement, il sollicite qu'un sursis humanitaire de cinq mois lui soit accordé, afin que C______ SA ne puisse pas obtenir son évacuation par la force publique avant le 1er avril 2024.

A l'appui de son recours, il indique notamment avoir été trompé par le locataire principal. Il reconnait n'avoir pas payé de loyer ou d'indemnité d'occupation depuis le 1er avril 2023, dès lors notamment qu'il doit entretenir sa famille, qui vit en Algérie. Il serait disposé à s'acquitter de l'arriéré et à reprendre ses versements jusqu'à ce qu'il trouve un autre logement. Il craint en effet de se retrouver subitement à la rue au seuil de l'hiver.

b. A titre préalable, A______, a requis l'octroi de l'effet suspensif au recours, ce à quoi C______ SA s'est opposée.

Par arrêt ACJC/1503/2023 du 10 novembre 2023, la présidente de la Chambre des baux et loyers a rejeté la requête de suspension du caractère exécutoire du chiffre 2 du dispositif du jugement entrepris, considérant que le recours paraissait prima facie dénué de chances de succès. L'arriéré de loyer était en effet important et le recourant n'établissait pas avoir cherché de solution de relogement.

c. Invitée à se déterminer sur le fond du recours, C______ SA n'a pas répondu dans le délai qui lui était imparti, ni par la suite.

d. Les parties ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger par plis du greffe du 27 novembre 2023.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. En date du 27 mai 2008, C______ SA, propriétaire, et B______, locataire, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur un studio situé au 5ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève.

Le loyer a été fixé en dernier lieu à 1'200 fr. par mois, charges comprises.

b. A une date indéterminée, B______ a sous-loué le studio à A______.

c. Par jugement JTBL/411/2023 du 8 mai 2023, le Tribunal a prononcé l'évacuation du locataire principal à la suite d'un congé donné par C______ SA pour défaut de paiement du loyer, avec mesures d'exécution.

d. C______ SA n'a pas pu recouvrer la disposition du studio, bien qu'ayant mandaté un huissier judiciaire qui s'est rendu sur place le 17 août 2023. Le logement était alors occupé par A______.

e. Par acte du 29 août 2023, C______ SA a introduit une requête en cas clair devant le Tribunal des baux et loyers, sollicitant l'évacuation de A______ avec exécution directe.

f. Lors de l'audience du 19 octobre 2023, A______ a expliqué être sous-locataire depuis juin 2017. Il s'acquittait en mains du locataire principal d'un loyer mensuel de 1'500 fr. et avait introduit une procédure judiciaire en fixation du loyer. Il avait cessé tout versement en mains du locataire principal à titre de compensation et entendait régler les arriérés de loyer dus depuis avril 2023, estimant ne pas être redevable des montants pour les mois précédents.

C______ SA a persisté dans ses conclusions, vu l'arriéré de loyer en 13'475 fr. et la situation financière de A______. Ce dernier a sollicité un délai humanitaire de six mois, invoquant la situation de sa famille en Algérie.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre des baux et loyers connaît des appels et des recours dirigés contre les jugements du Tribunal des baux et loyers (art. 122 let. a LOJ).

La voie du recours est ouverte contre les décisions du tribunal de l'exécution (art. 309 let. a et 319 let. a CPC).

1.2 En l'espèce, le recourant conteste les mesures d'exécution prononcées par le Tribunal, soit de ne pas avoir assorti l'exécution de l'évacuation d'un sursis humanitaire. La voie du recours est ainsi ouverte.

Interjeté auprès de l'autorité compétente, dans le délai applicable de dix jours (art. 142 al. 1, art. 321 al. 2 CPC) et dans la forme écrite prévue par la loi (art. 130 al. 1 et 131 CPC), le recours est recevable.

1.3 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2010, n. 2307).

1.4 La procédure sommaire s'applique à la procédure de cas clair (art. 248 let. b CPC). La procédure est soumise aux maximes des débats et de disposition (art. 55 et 58 CPC; art. 255 CPC a contrario).

2. Le recourant reproche au Tribunal de ne pas avoir assorti l'exécution de l'évacuation d'un sursis humanitaire, compte tenu de sa situation. Il sollicite qu'un tel délai lui soit octroyé pour une durée de cinq mois.

2.1 L'exécution forcée d'un jugement ordonnant l'expulsion d'un locataire est réglée par le droit fédéral (cf. art. 335 ss CPC).

En procédant à l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit tenir compte du principe de la proportionnalité. Lorsque l'évacuation d'une habitation est en jeu, il s'agit d'éviter que des personnes concernées ne soient soudainement privées de tout abri. L'expulsion ne saurait être conduite sans ménagement, notamment si des motifs humanitaires exigent un sursis, ou lorsque des indices sérieux et concrets font prévoir que l'occupant se soumettra spontanément au jugement d'évacuation dans un délai raisonnable. En tout état de cause, l'ajournement ne peut être que relativement bref et ne doit pas équivaloir en fait à une nouvelle prolongation de bail (ATF 117 Ia 336 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

Selon l'art. 30 al. 4 LaCC, le Tribunal peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement d'évacuation dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire ou du fermier lorsqu'il est appelé à statuer sur l'exécution d'un jugement d'évacuation d'un logement, après audition des représentants du département chargé du logement et des représentants des services sociaux ainsi que des parties.

Les motifs de sursis doivent être dictés par des "raisons élémentaires d'humanité" et évalués de cas en cas. La pénurie de logement n'est pas un motif d'octroi de sursis (ACJC/247/2017 du 6 mars 2017 consid. 2.2.1; ACJC/422/2014 du 7 avril 2014 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral du 20 septembre 1990, publié in Droit du bail 3/1991 p. 30 avec les références citées). Ne constitue pas non plus un tel motif l'approche de l'hiver ou la difficulté à trouver un logement de remplacement en raison d'une période de chômage (ACJC/422/2014 consid. 4.3).

2.2 En l'espèce, le recourant est informé de la résiliation du bail principal, et donc de la nécessité pour lui de libérer les locaux litigieux – qu'il ne conteste pas sur le fond – depuis le 17 août 2023 au plus tard, soit depuis la visite de l'huissier judiciaire faisant suite à l'évacuation prononcée contre le locataire principal. Comme l'a relevé le Tribunal, le recourant a donc déjà bénéficié d'un délai de plusieurs mois pour trouver une solution de relogement, ce qu'il ne démontre pas avoir fait activement dans l'intervalle, se limitant à alléguer qu'il s'est inscrit au Secrétariat des Fondations Immobilières de Droit Public (SFIDP).

Malgré ses promesses, le recourant n'établit pas non plus avoir commencé à réduire l'arriéré du loyer principal, qui s'élève à près d'une année dudit loyer, ni avoir versé de quelconques indemnités pour son occupation courante. Le recourant reconnait par ailleurs occuper seul le logement litigieux et les difficultés auxquelles seraient confrontées sa famille en Algérie ne sont ici ni pertinentes, ni démontrées. Au demeurant, il ne soutient pas être dépourvu de revenus, ni qu'il ferait l'objet de poursuites, ce qui lui laisse raisonnablement la possibilité de trouver un autre logement. Compte tenu de ce qui précède, et conformément aux principes rappelés ci-dessus, la seule arrivée de l'hiver ne justifie pas non plus qu'il soit sursis plus longtemps à l'évacuation.

Par conséquent, le recours sera rejeté.

3. Il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (art. 22 al. 1 LaCC).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 3 novembre 2023 par A______ contre le jugement JTBL/876/2023 rendu le 19 octobre 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/17865/2023.

Au fond :

Rejette le recours.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Nevena PULJIC, Madame Cosima TRABICHET-CASTAN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.