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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/13637/2023

ACJC/89/2024 du 26.01.2024 sur JTBL/754/2023 ( SBL ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 09.02.2024, rendu le 06.03.2024, DROIT CIVIL, 4A_100/24
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13637/2023 ACJC/89/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU VENDREDI 26 JANVIER 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 21 septembre 2023, représenté par Me Pierre OCHSNER, avocat, place de Longemalle 1, 1204 Genève,

 

et

Monsieur B______, domicilié ______ [GE], intimé, représenté par Me Mark BAROKAS, avocat, rue de l'Athénée 15, case postale 368, 1211 Genève 12.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/754/2023 du 21 septembre 2023, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire en protection de cas clair, a condamné A______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens ainsi que de tout tiers les locaux commerciaux d'environ 134 m² situés au rez inférieur de l'immeuble 1______, plan 2______ de la Commune de C______ [GE], sis route 3______ no. ______, à Genève (ch. 1 du dispositif), a autorisé B______ à requérir l'évacuation par la force publique de A______ dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et a rappelé que la procédure était gratuite (ch. 4).

En substance, le Tribunal a retenu qu'à la suite du jugement rendu le 31 mars 2022, définitif et exécutoire, déclarant valable le congé notifié par B______ à A______ et accordant au premier nommé une unique prolongation de bail venue à échéance le 30 juin 2023, l'intéressé ne disposait plus d'aucun titre juridique l'autorisant à occuper les locaux en cause. Il devait ainsi être fait droit à la requête d'évacuation.

B. a. Par acte déposé le 9 octobre 2023 à la Cour de justice, A______ a formé appel de ce jugement, sollicitant son annulation. Il a conclu, principalement, à ce que la Cour déclare irrecevable la requête en évacuation, subsidiairement la rejette.

b. Dans sa réponse du 12 octobre 2023, B______ a conclu à la confirmation du jugement.

c. Les parties ont respectivement répliqué et dupliqué les 24 octobre et 8 novembre 2023.

d. Elles ont été avisées par plis du greffe du 6 décembre 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Le 6 juin 2013, D______, propriétaire, et B______, locataire, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur une surface commerciale d'environ 134 m² au rez inférieur de l'immeuble sis route 3______ no. ______, à Genève.

b. Le contrat a été conclu pour une durée de cinq ans, du 1er juillet 2013 au 30 juin 2018. Sauf préavis de résiliation donné six mois avant la fin du bail, le contrat se renouvelait pour une durée de cinq ans, et ainsi de suite de cinq ans en cinq ans.

c. Le loyer mensuel, charges comprises, a été fixé à 4'390 fr. Une clause d'indexation a été convenue.

d. Les locaux étaient destinés à l'exploitation d'un cabinet médical.

e. Le 14 août 2013, D______ et B______ ont signé un avenant au contrat de bail prévoyant que le contrat était conclu pour une durée initiale de dix ans, se terminant le 30 juin 2023, renouvelable de cinq ans en cinq ans, les autres clauses du contrat de bail demeurant inchangées.

f. Dans le courant du mois de juillet 2020, B______ et A______ ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la sous-location du cabinet médical, de la place de parking extérieure et du box au 1er sous-sol.

g. Le contrat a été conclu pour une durée d'une année, du 15 juillet 2020 au 30 juin 2021, renouvelable par tacite reconduction sauf préavis de résiliation donné trois mois avant l'échéance contractuelle.

h. Le loyer mensuel a été fixé à 4'390 fr., charges incluses, pour le cabinet, respectivement à 170 fr. pour la place de parking extérieure et 300 fr. pour le box.

i. Par avis du 28 septembre 2020, B______ a résilié le contrat de sous-location le liant à A______ pour son échéance du 30 juin 2021. Il a précisé accepter une restitution anticipée.

j. Le 30 octobre 2020, A______ a saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers d'une requête en contestation du congé. Non conciliée, elle a été portée devant le Tribunal le 15 février 2021.

k. Par jugement JTBL/256/2022 du 31 mars 2022, le Tribunal a notamment déclaré valable le congé notifié à A______ par B______ et octroyé à A______ une unique prolongation de bail de deux ans, échéant au 30 juin 2023. Le Tribunal a retenu que les enquêtes avaient permis d'établir que B______ souhaitait réintégrer les locaux, après avoir constaté que les visites à domicile n'étaient pas rentables, quand bien même l'argument de ce dernier selon lequel la résiliation avait été signifiée dans le but de s'assurer de la restitution des locaux au propriétaire en juin 2023 faisait douter de son besoin de reprendre le cabinet, à tout le moins à long terme. Le congé devait néanmoins être validé.

Ce jugement est définitif et exécutoire.

l. Par requête déposée le 3 juillet 2023 au Tribunal, B______ a sollicité l'évacuation de A______, sous la menace des peines de l'art. 292 CP, assortie de mesures d'exécution directe, en protection de cas clair.

m. A l'audience du Tribunal du 21 septembre 2023, B______ a persisté dans ses conclusions.

A______ s'est opposé à la requête, motif pris de ce que le bail principal était arrivé à échéance le 30 juin 2023. B______ ne disposait pas de la qualité pour agir.

B______ a déclaré que le bail principal s'était renouvelé à ladite échéance, pour une nouvelle période de cinq ans. Le jugement rendu par le Tribunal [le 31 mars 2022] était exécutoire, faute pour A______ de l'avoir contesté.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1.                  1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3 - JdT 2019 II 235 pp. 236 et 239; arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid.1; Lachat, Procédure civile en matière de baux et loyers, Lausanne 2019, pp. 69-70).

1.2 En l'espèce, la validité du congé a été tranchée définitivement par jugement du 30 mars 2022. La valeur litigieuse des locaux s'élève ainsi à 26'340 fr. (6 x 4'390 fr.), de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.3 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

1.4 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2.  L'appelant fait grief aux premiers juges d'avoir constaté inexactement les faits en ne retenant pas l'absence de qualité pour agir de l'intimé et conteste que le cas soit clair au sens de l'art. 257 CPC.

2.1
2.1.1
 Aux termes de l'art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire de protection dans les cas clairs lorsque les conditions suivantes sont remplies : (a) l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé et (b) la situation juridique est claire. En revanche, si ces conditions ne sont pas remplies, le tribunal n'entre pas en matière sur la requête (art. 257 al. 3 CPC). La recevabilité de la procédure de protection dans les cas clairs est donc soumise à deux conditions cumulatives.

Premièrement, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur; il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. La preuve n'est pas facilitée : le demandeur doit ainsi apporter la preuve certaine (voller Beweis) des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance (Glaubhaftmachen) ne suffit pas. Si le défendeur fait valoir des objections et exceptions motivées et concluantes (substanziiert und schlüssig), qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1 et les arrêts cités).

Secondement, la situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 138 III 123 consid. 2.1.2, 620 consid. 5.1.1, 728 consid. 3.3). En règle générale, la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation de la part du juge ou que celui-ci doit rendre une décision en équité, en tenant compte des circonstances concrètes de l'espèce (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 123 consid. 2.1.2; arrêt 4A_273/2012 du 30 octobre 2012 consid. 5.1.2, non publié in ATF 138 III 620).

2.1.2 La qualité pour agir (ou légitimation active) ou pour défendre (légitimation passive) est une question de droit matériel (ATF 125 III 82 consid. 1a; 123 III 60 consid. 3a; 121 III 118 consid. 3). La légitimation active se réfère à la titularité du droit matériel invoqué dans le cadre du procès, tandis que la légitimation passive se rapporte à l'obligation correspondante. L'une comme l'autre s'examinent au regard du droit matériel (Jeandin/Peyrot, Précis de procédure civile, 2015, n. 181 p. 66). Cette question - que le juge examine d'office - ressortit aux dispositions applicables au fond du litige; son défaut conduit au rejet de l'action, qui intervient indépendamment de la réalisation des éléments objectifs de la prétention concernée (ATF 138 III 537 consid. 2.2.1).

La première partie au contrat du bail est le bailleur. Il n'est pas nécessairement le propriétaire de la chose louée. Parfois, il est lui-même locataire (contrat de sous-location) ou bien il dispose de la chose louée en vertu d'un droit réel limité (usufruit, droit de superficie) (Lachat, Le bail à loyer, Lausanne 2019, p. 54).

2.1.3 A teneur de l'article 267 al. 1 CO, le locataire doit restituer la chose dans l'état qui résulte d'un usage conforme au contrat à la fin du bail. La restitution des locaux implique la renonciation claire du locataire à l'usage de la chose à un moment déterminé. Pour que l'obligation soit exécutée, il faut un transfert de possession. La restitution se fait ainsi par la remise de la chose elle-même ou des moyens qui la font passer dans la puissance du bailleur (Aubert, CPra Bail, n. 3 ad art. 267 CO et les références citées).

2.2 En l'espèce, les parties ont été liées par un contrat de sous-location. A la suite de sa résiliation et de la contestation de celle-ci, un jugement, définitif et exécutoire, a été rendu le 30 mars 2022 par le Tribunal, déclarant valable le congé et accordant à l'appelant une unique prolongation de bail échéant au 30 juin 2023. Depuis cette date, l'appelant ne dispose plus de titre l'autorisant à occuper les locaux commerciaux litigieux.

L'appelant fait grief au Tribunal d'avoir établi les faits de manière inexacte, en ne retenant pas que le bail principal avait pris fin définitivement. L'appelant soutient que l'intimé ne disposerait pas de la qualité pour agir en évacuation, dès lors qu'il ressortait du jugement précité du 31 mars 2022 que le précité avait résilié le contrat de sous-location en vue de l'échéance du contrat de bail principal au 30 juin 2023. Cette résiliation a été constatée par le Tribunal (let. K du jugement), de sorte qu'il a été correctement établi.

Le grief de l'appelant en lien avec le bail principal ne saurait prospérer. D'une part, il ne résulte pas des titres versés à la procédure que le contrat de bail principal aurait été résilié. D'autre part, il importe peu que le contrat principal ait été résilié ou non. Le sous-locataire doit restituer la chose louée à la fin du bail de sous-location. Ainsi, s'il se maintient dans les locaux après la fin du contrat, respectivement au-delà de l'échéance de la prolongation de bail, le sous-bailleur dispose de la qualité pour agir en expulsion du sous-locataire. C'est par conséquent à bon droit que le Tribunal a fait droit à la requête en évacuation de l'appelant.

2.3 Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé.

L'appelant n'a pour le surplus pas remis en cause les mesures d'exécution ordonnées par le Tribunal, de sorte qu'elles ne seront pas revues.

3. A teneur de l'article 22 alinéa 1 LaCC, la procédure est gratuite (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 9 octobre 2023 par A______ contre le jugement JTBL/754/2023 rendu le 21 septembre 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/13637/2023‑24-SD.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Zoé SEILER, Monsieur Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.2