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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/7192/2023

ACJC/56/2024 du 22.01.2024 sur JTBL/447/2023 ( SBL ) , RENVOYE

Normes : CPC.257; CPC.53
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7192/2023 ACJC/56/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 22 JANVIER 2024

 

Entre

Monsieur A______ et Madame B______, domiciliés ______, appelants d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 1er juin 2023,

et

Madame C______, domiciliée ______, intimée, représentée par
Me Nadia Isabel CLERIGO, avocate, quai des Bergues 23, 1201 Genève.


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/447/2023 du 1er juin 2023, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire, a condamné A______ et B______, conjointement et solidairement, à payer à C______ 59'320 fr. 77, plus intérêts à 5% dès le 1er avril 2022, en lien avec l'appartement de 4 pièces situé au 3ème étage de l'immeuble sis route 1______ no. ______ à D______ [GE] (ch. 1 du dispositif), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et dit que la procédure était gratuite (ch. 3).

La version motivée de ce jugement a été reçue par A______ et B______ (ci-après les locataires) le 7 juillet 2023.

B. a. Le 11 juillet 2023, les locataires ont formé appel de ce jugement, concluant à ce que la Cour de justice l'annule, subsidiairement renvoie la cause "au Tribunal ou à la CCBL" et, plus subsidiairement, suspende la procédure dans l'attente "de la procédure C/2______/2020 CCBL et la procédure pénale mentionnée dans l'annexe n° 3".

Ils ont déposé des pièces nouvelles.

b. Le 17 juillet 2023, C______ a conclu à la confirmation du jugement querellé.

c. Les locataires ont répliqué le 31 juillet 2023, persistant dans leurs conclusions.

d. C______ a dupliqué le 14 août 2023, persistant dans ses conclusions.

e. Les parties ont encore déposé des écritures spontanées les 4 et 12 septembre 2023, persistant dans leurs conclusions.

f. Elles ont été informées le 1er novembre 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. C______, d'une part, en tant que bailleresse et A______ et B______, d'autre part, en tant que locataires, ont conclu le 7 mars 2019 un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 4 pièces situé au 3ème étage de l'immeuble sis route 1______ no. ______, à D______.

Le loyer mensuel, charges comprises, a été fixé en dernier lieu à 1'931 fr.

b. Le 17 novembre 2020, le bail a été résilié pour défaut de paiement pour le 31 décembre 2020.

c. Par jugement JTBL/380/2021 du 27 avril 2021, le Tribunal a condamné les locataires à évacuer l'appartement. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la Cour ACJC/210/2022 du 14 février 2022, puis par arrêt du Tribunal fédéral 4A_125/2022 du 1er avril 2022.

d. Le 12 avril 2022, Me E______, huissier judiciaire mandatée par C______, s'est rendue à l'adresse litigieuse en compagnie de représentants du Service des évacuations et d'une patrouille de police dans le but d'évacuer les locataires.

A cette occasion, le locataire lui a présenté un contrat de sous-location daté du 1er juin 2020 en faveur de ses parents, F______ et G______, de sorte que ladite évacuation n'a pu avoir lieu.

L'entreprise [de serrurerie] H______ a facturé à C______ son déplacement et l'attente en 1'173 fr. 95.

e. Par jugement JTBL/533/2022 du 6 juillet 2022, le Tribunal a ordonné l'évacuation des sous-locataires. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la Cour ACJC/1588/2022 du 5 décembre 2022 et arrêt du Tribunal fédéral 4A_2/2023 du 10 février 2023.

f. Le 2 février 2023, Me I______, huissier judiciaire, s'est rendu sur place pour procéder au changement des cylindres avec la société [de serrurerie] J______ SARL. Le coût de son intervention a été de 856 fr. 22 et la facture du serrurier s'est montée à 420 fr.

g. Le 3 avril 2023, agissant par la voie de la protection pour cas clairs, C______ a conclu à ce que le Tribunal condamne les locataires à lui verser 59'320 fr. 77 avec intérêts à 5% dès le 1er avril 2022 (date moyenne). Ce montant se décompose comme suit : 56'870 fr. 60 au titre d'arriérés de loyers, indemnités pour occupation illicite et acomptes de charges pour la période de 2018 à 2022, 1'173 fr. 95 au titre de remboursement de la facture de H______, 856 fr. 22 au titre des honoraires de Me I______ et 420 fr. au titre de la facture de J______ SARL.

h. Le Tribunal a convoqué une audience pour le 1er juin 2023.

i. Par courrier du 12 mai 2023, les locataires ont conclu à ce que le Tribunal déclare irrecevable la requête de C______, annule l'audience du 1er juin 2023, subsidiairement renvoie la cause à la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, et, plus subsidiairement, suspende la procédure "dans l'attente de la procédure C/2______/2020".

Les locataires ont notamment fait valoir que la procuration produite par l'avocate de sa partie adverse n'était pas valable. La procédure civile C/3______/2020 ainsi qu'une procédure pénale pendantes entre les parties étaient susceptibles d'influencer l'issue du présent litige. Le contrat de sous-location n'avait pas été valablement résilié. Les factures de H______ et J______ SARL étaient contestées. Les clés avaient été renvoyées par les sous-locataires le 31 janvier 2023, de sorte que l'intervention de Me I______ n'était pas justifiée. Le relevé de compte présenté par C______ était contesté, de même que toutes ses allégations. Les conditions de l'application de la procédure pour cas clairs n'étaient pas réalisées et une audience de conciliation devait être convoquée. Sans réponse de la part du Tribunal dans les dix jours, les locataires partaient du principe que l'audience du 1er juin 2023 était annulée.

j. Le 30 mai 2023, C______ s'est prononcée sur les arguments de ses parties adverses, persistant dans ses conclusions et requérant le maintien de l'audience du 1er juin 2023.

k. Lors de l'audience du Tribunal 1er juin 2023, les locataires n'étaient ni présents, ni représentés. C______ a persisté dans ses conclusions et la cause a été gardée à juger par le Tribunal.

EN DROIT

1. L'appel, interjeté dans le délai légal contre une décision finale dans une cause portant sur une valeur litigieuse supérieure à 10'000 fr. est recevable (art. 308 et 314 CPC).

2. Le Tribunal a retenu que les frais d'huissier et de serruriers allégués par l'intimée étaient établis par pièces et que les appelants restaient devoir à celle-ci 56'870 fr. 60 au titre d'arriérés de loyers, indemnités pour occupation illicite et acomptes de charges. Il n'a examiné aucun des arguments soulevés par les appelants dans leur courrier du 12 mai 2023 et ne s'est pas prononcé sur la recevabilité de celui-ci.

Les appelant font valoir que leur droit d'être entendus a été violé car le Tribunal n'a pas répondu à leur demande de renvoi de l'audience du 1er juin 2023 et ne s'est pas prononcé sur leurs arguments, ni sur leurs conclusions.

2.1.1 La procédure de protection dans les cas clairs prévue par l'art. 257 CPC permet à la partie demanderesse d'obtenir rapidement une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire, lorsque la situation de fait et de droit n'est pas équivoque (ATF 141 III 23 consid. 3.2 et la référence citée). En vertu de l'art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire lorsque l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé (let. a) et que la situation juridique est claire (let. b). Le tribunal n'entre pas en matière sur la requête lorsque cette procédure ne peut pas être appliquée (art. 257 al. 3 CPC).  

Selon la jurisprudence, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur. Il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve doit être rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. Si le défendeur fait valoir des objections et exceptions motivées et concluantes, qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure pour les cas clairs est exclue et la requête irrecevable. A l'inverse, le cas clair doit être retenu lorsque sont émises des objections manifestement mal fondées ou inconsistantes sur lesquelles il peut être statué immédiatement. La situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées. En règle générale, la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation de la part du juge ou que celui-ci doit rendre une décision en équité, en tenant compte des circonstances concrètes de l'espèce, ce qui est notamment le cas lorsqu'il doit statuer sur la bonne foi (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 123 consid. 2.1.2).

2.1.2 Le droit d'être entendu, en tant que droit personnel de participer à la procédure, exige que l’autorité écoute effectivement, puis examine soigneusement et sérieusement, et prenne en compte dans sa décision, les arguments de la personne dont la décision touche la position juridique. Il implique l'obligation, pour l'autorité, de motiver sa décisionafin que son destinataire puisse la comprendre et l'attaquer utilement s'il y a lieu. Le juge n'a en revanche pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties; il suffit qu'il mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 142 III 433 consid. 4.3.2, JdT 2016 II 347; 129 I 232 consid. 3.2, JdT 2004 I 588, SJ 2003 I 513; arrêt du Tribunal fédéral 4A_523/2010 du 22 novembre 2010 consid. 5.3).

Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision. En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2015 du 20 octobre 2015 consid. 3.1).

Dans la mesure où l'instance précédente a violé des garanties formelles de procédure, la cassation de sa décision est la règle. En outre, les justiciables ont en principe le droit au respect des degrés de juridiction (ATF 137 I 195 consid. 2.7, SJ 2011 I 345).

2.2 En l'espèce, le Tribunal a violé le droit d'être entendus des appelants car il n'a traité aucun des arguments soulevés par ceux-ci dans leur détermination écrite et n'a statué sur aucune de leurs conclusions.

Le Tribunal n'a pas déclaré cette détermination irrecevable. En outre, il ne peut être d'emblée retenu que les arguments soulevés par les appelants étaient dénués de toute pertinence pour l'issue du litige.

Cette constatation doit conduire à l'annulation de la décision litigieuse et au renvoi de la cause au Tribunal pour qu'il examine les griefs soulevés par les appelants dans leur écriture du 12 mai 2023, à supposer qu'il considère cette écriture comme recevable. Si tel n'est pas le cas, il lui incombera d'exposer les raisons pour lesquelles l'écriture en question doit être considérée comme irrecevable.

3. Il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens, s'agissant d'une cause soumise à la juridiction des baux et loyers (art. 22 al. 1 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 11 juillet 2023 par A______ et B______ contre le jugement JTBL/447/2023 rendu le 1er juin 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/7192/2023-6-SD.

Au fond :

Annule le jugement précité.

Renvoie la cause au Tribunal des baux et loyers pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD et Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ et Monsieur Damien TOURNAIRE, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.