Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des baux et loyers

1 resultats
C/7675/2023

ACJC/1412/2023 du 23.10.2023 sur JTBL/460/2023 ( SBL ) , JUGE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7675/2023 ACJC/1412/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 23 OCTOBRE 2023

 

Entre

1) Monsieur A______, domicilié ______ [GE],

2) B______ SA, sise ______ [GE],

3) C______ SA, sise ______ [GE],
appelants d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 1er juin 2023, tous représentés par Me Stéphanie FONTANET, avocate, Fontanet & Associés, Grand-Rue 25, case postale 3200, 1211 Genève 3,

et

D______ SARL, sise c/o M. E______, ______ [GE], intimée, représentée par Me Maud VOLPER, avocate, VS AVOCATS, boulevard Georges-Favon 14, 1204 Genève.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/460/2023 du 1er juin 2023, reçu par les parties le 12 juin 2023, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire, a condamné A______, B______ SA et C______ SA à évacuer immédiatement de leur personne, de leurs biens ainsi que de toute personne dont ils sont responsables, l'arcade N° 3 de 63 m2 environ, située au rez-de-chaussée de l'immeuble sis no. ______, rue 1______, [code postal] Genève (ch. 1 du dispositif), autorisé D______ SARL à requérir l'évacuation par la force publique de A______, B______ SA et C______ SA, dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3), et dit que la procédure était gratuite.

En substance, les premiers juges ont retenu que les avis comminatoires adressés aux locataires, non retirés dans le délai de garde postal, étaient réputés être parvenus à ces derniers le 21 novembre 2022, de sorte que le délai comminatoire de dix jours commençait à courir le lendemain, à savoir le 22 novembre 2022 pour échoir le 1er décembre 2022. Le versement du montant réclamé de 16'468 fr. 95 le 2 décembre 2022 l'avait été après l'échéance de ce délai. Le loyer était en conséquence devenu exigible par trimestre d'avance dès le mois de janvier 2023. La bailleresse était dès lors en droit d'exiger, par avis comminatoire du 12 janvier 2023, le paiement du loyer par trimestre d'avance, sous menace de résiliation. Les locataires ne s'étant pas acquittés du montant réclamé dans le délai imparti, la bailleresse était fondée à donner le congé et à requérir l'évacuation, puisque les locataires n'avaient pas libéré les locaux à l'expiration du terme fixé.

B. a. Par acte expédié le 22 juin 2023 à la Cour de justice, A______, B______ SA et C______ SA (ci‑après : les locataires ou les appelants) ont formé appel et recours contre ce jugement, sollicitant son annulation et concluant, principalement à ce que la requête en évacuation formée par D______ SARL soit déclarée irrecevable. Sur recours, ils ont conclu à l'annulation du jugement entrepris.

Ils ont produit deux pièces nouvelles, à savoir des autorisations de procéder délivrées par la Commission de conciliation en matière de baux et loyer le 5 juin 2023 dans les causes C/2______/2022 et C/3______/2022.

b. Dans sa réponse du 30 juin 2023, D______ SARL (ci-après : D______ ou la bailleresse ou l'intimée) a conclu à la confirmation du jugement entrepris.

Elle a produit deux pièces nouvelles, soit un échange de courriers entre les parties respectivement des 14 et 20 juin 2023.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Elles ont été avisées par pli du greffe du 15 août 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Le 25 octobre 2018, les parties ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'une arcade N° 3 de 63 m2 environ, située au rez-de-chaussée de l'immeuble sis no. ______, rue 1______, [code postal] Genève. Le contrat était conclu pour une durée de dix ans et quinze jours, du 15 octobre 2018 au 31 octobre 2028. Les locaux étaient destinés à l'exploitation d'un café-restaurant.

Le loyer, hors charges, échelonné et indexé, a été fixé à 6'500 fr. du 15 octobre 2018 au 31 octobre 2020, 7'500 fr. du 1er novembre 2020 au 31 octobre 2021, 8'000 fr. du 1er novembre 2021 au 31 octobre 2023, 8'100 fr. du 1er novembre 2023 au 31 octobre 2024, 8'200 fr. du 1er novembre 2024 au 31 octobre 2025, 8'300 fr. du 1er novembre 2025 au 31 octobre 2026, 8'400 fr. du 1er novembre 2026 au 31 octobre 2027 et 8'500 fr. dès le 1er novembre 2027. L'acompte de charges était de 100 fr. par mois.

Le loyer était payable par mois et d'avance. Il a cependant été convenu que la bailleresse offrait un mois et demi de loyer (avec charges) aux locataires, comme participation exceptionnelle aux mois de non exploitation durant les travaux, de sorte que loyer n'était pas dû avant le 1er décembre 2018 (art. 6 des clauses additionnelles au bail).

Dans un délai de deux mois après que les travaux à réaliser par le locataire [isolation phonique, ventilation] aient été achevés, si celui-ci n'exploitait pas les locaux ou ne les exploitait pas conformément aux dispositions du contrat et s'il ne reprenait pas une exploitation conforme dans un délai de sept jours dès l'avertissement écrit de la bailleresse, celle-ci était en droit de résilier le contrat en application de l'art. 257f al. 3 CO (art.19 des clauses additionnelles).

Les conditions générales et Règles et usages locatifs appliqués dans le canton de Genève faisaient partie intégrante du contrat (Edition 2010). Selon l'art. 12 de celles-ci, lorsque le locataire est en retard de plus de dix jours dans le paiement d'une mensualité et qu'il a fait l'objet d'une vaine mise en demeure écrite, le bailleur peut exiger que le loyer, acomptes de chauffage et de frais accessoires, soient acquittés trimestriellement à l'avance, dès le mois suivant l'échéance du délai fixé dans la mise en demeure.

L'art. 49 des conditions générales prévoit ce qui suit : "Toute communication ou notification du bailleur au locataire, relative à l'exécution et à l'application du bail, lui est valablement adressée aux locaux loués ou à l'adresse indiquée dans le bail. Est également valable toute communication ou notification du bailleur qui atteint le locataire à une autre adresse. Toute communication ou notification du locataire au bailleur est valablement adressée à ce dernier à l'adresse figurant dans le bail."

b. Le 8 avril 2019, les locataires ont obtenu l'autorisation de transformer l'arcade en café-bar.

Entre avril et juillet 2019, des discussions ont eu lieu entre les parties et le département compétent de la Ville de Genève en lien avec le projet de réaménagement de la rue 1______, lequel ne permettait plus l'exploitation d'une terrasse par les locataires.

En août 2019, une autre solution que celle premièrement devisée a été envisagée s'agissant du système de ventilation de l'arcade et a fait l'objet d'échanges entre les parties. Le locataire a également rencontré le département compétent de la Ville de Genève dans ce cadre.

c. Par pli recommandé du 4 septembre 2019, les locataires ont été mis en demeure d'exploiter les locaux dans un délai de 15 jours, à défaut de quoi leur bail serait résilié.

Par avis de résiliation du 30 septembre 2019, la bailleresse a résilié le bail pour le 30 novembre 2019, au motif que l'arcade n'était toujours pas exploitée.

Le même jour, le bail a également été résilié pour le 31 octobre 2028, au motif que la bailleresse souhaitait reprendre possession de l'arcade.

Les locataires ont saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers d'actions en constatation de l'inefficacité de ces congés, subsidiairement en annulation. Les causes ont été enregistrées sous n° C/4______/2019 et C/5______/2019, et jointes sous n° C/4______/2019.

Par jugement JTBL/34/2022 du 17 janvier 2022, le Tribunal a déclaré inefficace le congé extraordinaire et annulé le congé ordinaire. Les premiers juges ont retenu d'une part que les locataires n'avaient pas violé l'art. 19 des clauses additionnelles du bail, les travaux n'étant pas achevés lors de l'envoi de la mise en demeure, et d'autre part que le congé ordinaire ne reposait sur aucun intérêt sérieux et était contraire à la bonne foi.

d. La bailleresse a alors interpellé les locataires à plusieurs reprises et les a mis en demeure d'exploiter l'arcade. Par courrier du 15 mars 2022, les locataires ont répondu que les travaux allaient pouvoir reprendre.

Les relations entre les parties se sont fortement dégradées en lien avec l'exécution des travaux et de nombreux échanges ont eu lieu entre elles en mai et juin 2022.

e. Par avis du 8 juillet 2022, la bailleresse a résilié le bail respectivement pour le 31 août 2022, pour violation du devoir de diligence, et pour le 31 octobre 2028, soit l'échéance du contrat.

Ces résiliations ont été contestées par les locataires, qui ont saisi la Commission de conciliation le 10 août 2022 (causes n° C/2______/2022 et C/3______/2022). Etaient jointes aux requêtes trois procurations des locataires en faveur de leur conseil, Me Stéphanie FONTANET, dans le cadre de "litige bail".

Les parties, sous la plume de leurs conseils respectifs, ont sollicité un report d'audience devant la Commission de conciliation par courrier du 8 février 2023.

f. Par courriers recommandés du 11 novembre 2022, la bailleresse a mis les locataires en demeure de s'acquitter, dans un délai de trente jours, de 16'468 fr. 95 au titre des loyers et charges des mois d'octobre et novembre 2022, frais de rappels antérieurs et frais de mise en demeure, sous menace de résiliation. Par ailleurs, à défaut de paiement dans un délai de dix jours, le paiement du loyer par trimestre d'avance serait exigé dès le mois suivant. Ces courriers ont été adressés à l'adresse personnelle de A______, à celle des locaux loués et au siège de la société C______ SA.

Les avis pour retrait ont été déposés dans les boîtes aux lettres respectives le 14 novembre 2022. Les plis n'ont pas été retirés par les locataires, ce dont la bailleresse a été informée à réception des plis en retour le 24 novembre 2022.

Par courrier du 25 novembre 2022, A______ a demandé à la régie, représentante de la bailleresse, de bien vouloir lui faire parvenir copie des courriers recommandés précités, dont il n'avait pu prendre connaissance "durant [ses] congés".

La régie a transmis les documents demandés le 28 novembre 2022 ainsi qu'une QR facture de 16'468 fr. 95, portant mention que le montant était exigible le 31 décembre 2022 et une de 8'100 fr. pour les mois suivants, l'exigibilité indiquée étant le 1er décembre 2022.

Le 2 décembre 2022 la bailleresse a reçu le montant de 16'468 fr. 95 versé la veille par les locataires (loyers d'octobre et de novembre 2022, y compris les frais).

g. A______ a été en arrêt de travail à 100% pour cause de maladie du 1er février au 30 avril 2023, puis à 50% du 1er au 31 mai 2023, selon les certificats médicaux produits. Il allègue avoir été en burnout.

h. Par courriers recommandés du 12 janvier 2023, la bailleresse a informé les locataires que, suite à sa mise en demeure du 11 novembre 2022, le loyer était payable par trimestre d'avance à partir du 1er janvier 2023. Partant, elle les a mis en demeure de lui régler dans les 30 jours le montant de 24'300 fr., à titre d'arriérés de loyer et de charges pour les mois de janvier à mars 2023, et les a informés de son intention, à défaut du paiement intégral de la somme réclamée dans le délai imparti, de résilier le bail conformément à l'article 257d CO.

Ces avis comminatoires ont été adressés aux locataires à l'adresse personnelle de A______, à celle des locaux loués et au siège de la société C______ SA par plis recommandés séparés du 12 janvier 2023 et avisés pour retrait le 13 janvier 2023.

Deux des trois avis comminatoires ont été distribués le 19 janvier 2023. Le troisième avis comminatoire, non réclamé, a été retourné à l'expéditeur le 21 janvier 2023, à l'issue du délai de garde arrivé à échéance le 20 janvier 2023.

i. Par courriers recommandés du même jour, soit le 12 janvier 2023, la bailleresse a mis les locataires en demeure de régler la somme de 8'229 fr. 25, au titre de loyer et charges pour le mois de décembre 2022, frais de rappel et de mise en demeure, dans un délai 30 jours, sous menace de résiliation. Ce montant a été payé le 3 février 2023.

j. Considérant que le montant de 24'300 fr. n'avait pas été réglé dans le délai imparti, la bailleresse a, par avis officiels du 24 février 2023, résilié le bail pour le 31 mars 2023.

Les courriers, envoyés à l'adresse personnelle de A______, à celle des locaux loués et au siège de la société C______ SA, n'ont pas été retirés.

k. Le 2 mars 2023, les locataires ont versé les loyers pour les mois de janvier et février 2023. Le loyer du mois de mars 2023 a été payé le 12 avril 2023.

l. Par requête en protection du cas clair expédiée le 6 avril 2023 au Tribunal, la bailleresse a conclu au prononcé de l'évacuation des locataires, avec mesures d'exécution directe. Il était précisé sur la requête que les locataires étaient représentés par Me Stéphanie FONTANET, en l'Etude de laquelle ils faisaient élection de domicile.

m. Lors de l'audience du 1er juin 2023, la bailleresse a persisté dans ses conclusions, précisant que la situation était à jour au 31 juillet 2023, s'agissant des indemnités courantes.

Les locataires ont exposé que l'arcade était exploitée, la bailleresse affirmant qu'elle l'était de manière irrégulière.

Cela dit, les locataires ont déposé un chargé de pièces et des déterminations écrites, et conclu à l'irrecevabilité du cas clair aux motifs que les mises en demeure et les avis de résiliation leur avaient été envoyés directement alors qu'ils avaient élu domicile auprès d'un Conseil dans le cadre des procédures en contestation de congé qui étaient à l'époque déjà pendantes (C/2______/2022 et C/3______/2022). La notification des mises en demeure et des avis de résiliation était donc viciée. Par ailleurs, les conditions permettant d'exiger le paiement des loyers par trimestre d'avance n'étaient pas réalisées en l'espèce puisque les 16'468 fr. 95 réclamés par les mises en demeures du 11 novembre 2022 avaient été payés pendant le délai comminatoire de dix jours et qu'en tout état aucun avis de payer par trimestre d'avance ne leur avait été notifié avant les mises en demeure du 12 janvier 2023.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Lorsque la décision de première instance a été rendue en procédure sommaire, le délai pour l'introduction du recours est de dix jours (art. 321 al. 2 CPC). La procédure sommaire s'applique à la procédure de cas clair (art. 248 let. b CPC).

Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche la résiliation des rapports de bail est également contestée, la valeur litigieuse est égale au loyer pour la période minimale pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle une nouvelle résiliation peut être signifiée; comme il faut prendre en considération la période de protection de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1 let. e CO, la valeur litigieuse correspondra en principe au montant du loyer brut (charges et frais accessoires compris) pendant trois ans (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3 = JdT 2019 II 235; arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid.1; LACHAT, Procédure civile en matière de baux et loyers, Lausanne 2019, pp. 69-70).

1.2 En l'espèce, la validité de la résiliation du bail est contestée, de sorte que la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est dès lors ouverte contre le prononcé de l'évacuation.

1.3 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

1.4 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

1.5 La voie du recours est ouverte contre la décision du Tribunal relative à l'exécution de l'évacuation. Le recours formé est également recevable.

1.6 Le recours est recevable pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

1.7 L'appel et le recours, formés contre la même décision, seront traités ensemble dans le présent arrêt (art. 125 CPC).

2. Les parties ont produit de nouvelles pièces.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuves nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Les deux conditions sont cumulatives (Jeandin, Commentaire Romand, Code de procédure civile 2ème éd., 2019, n. 6 ad art. 317 CPC).

Les exigences posées par l'art. 257 al. 1 CPC doivent être satisfaites en première instance déjà et le juge d'appel ne saurait contrôler l'appréciation du tribunal sur la base de pièces différentes, fussent-elles recevables au regard de l'art. 317 al. 1 CPC (arrêts du Tribunal fédéral 4A_420/2012 du 7 novembre 2012 consid. 5; 4A_312/2013 du 17 octobre 2013 consid. 3.2). Il en va de même des faits nouveaux, étant souligné que, dans la mesure où la maxime des débats est applicable à la procédure de protection dans les cas clairs, tout fait non contesté est un fait prouvé (cf. ATF 144 III 462 consid. 3.3.2).

2.2 Ainsi, les pièces nouvelles ne sont pas recevables. Elles ne sont en tout état pas pertinentes pour la solution du litige.

De plus, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours (art. 326 al. 1 CPC).

3. Les intimés reprochent au Tribunal d'avoir considéré que le cas était clair.

3.1
3.1.1
Aux termes de l'art. 257 al. 1 et 3 CPC, relatif à la procédure de protection dans les cas clairs, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire lorsque les conditions suivantes sont remplies : (a) l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé et (b) la situation juridique est claire (al. 1); le tribunal n'entre pas en matière sur la requête lorsque cette procédure ne peut pas être appliquée (al. 3).

Selon la jurisprudence, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur; il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. La preuve n'est pas facilitée : le demandeur doit ainsi apporter la preuve certaine des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance ne suffit pas. Si le défendeur fait valoir des objections et exceptions motivées et concluantes, qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1 et les arrêts cités).

La situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 138 III 123 consid. 2.1.2, 620 consid. 5.1.1, 728 consid. 3.3). En règle générale, la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation de la part du juge ou que celui-ci doit rendre une décision en équité, en tenant compte des circonstances concrètes de l'espèce (ATF 144 III 462 consid. 3.1 et les arrêts cités). Si le juge parvient à la conclusion que ces conditions sont remplies, le demandeur obtient gain de cause par une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire (ATF 138 III 620 consid. 5.1.1). Si elles ne sont pas remplies et que le demandeur ne peut donc obtenir gain de cause, le juge ne peut que prononcer l'irrecevabilité de la demande. Il est en effet exclu que la procédure puisse aboutir au rejet de la prétention du demandeur avec autorité de la chose jugée (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 140 III 315 consid. 5; arrêt du Tribunal fédéral 4A_600/2017 du 7 janvier 2019 consid. 3.3).

3.1.2 A teneur de l'art. 257d al. 1 CO, lorsque le locataire, après réception de la chose, a du retard pour s'acquitter d'un terme ou de frais accessoires échus, le bailleur peut lui fixer par écrit un délai de paiement et lui signifier qu'à défaut de paiement dans ce délai, il résiliera le bail. Le délai doit être d'au moins trente jours pour les baux d'habitation ou de locaux commerciaux. L'art. 257d al. 2 CO dispose qu'à défaut de paiement dans le délai fixé, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat.

La validité du congé suppose notamment que le locataire se soit effectivement trouvé en retard dans le paiement du loyer ou de frais accessoires lorsque la sommation lui a été adressée, d'une part, et qu'il ne se soit pas acquitté de cet arriéré dans le délai fixé, d'autre part (arrêt du Tribunal fédéral 4A_299/2011 du 7 juin 2011 consid. 5). Si ces conditions ne sont pas réalisées, le locataire peut faire valoir l'invalidité du congé à l'encontre de l'action en évacuation des locaux qui lui est plus tard intentée par le bailleur (ATF 121 III 156 consid. 1c/aa; 122 III 92 consid. 2d).

La jurisprudence admet que le congé prononcé conformément à l'art. 257d CO peut, à titre très exceptionnel, contrevenir aux règles de la bonne foi; la notion doit être interprétée très restrictivement, afin de ne pas mettre en question le droit du bailleur à recevoir le loyer à l'échéance. L'annulation entre en considération notamment dans les cas suivants : le bailleur a réclamé au locataire, avec menace de résiliation du bail, une somme largement supérieure à celle en souffrance, alors qu'il n'était pas certain du montant effectivement dû; ou encore, l'arriéré est insignifiant, ou a été réglé très peu de temps après l'expiration du délai comminatoire, alors que le locataire s'était jusque-là toujours acquitté du loyer à temps; ou enfin, le bailleur ne résilie le contrat que longtemps après l'expiration de ce même délai. Le fardeau de la preuve d'un congé contraire à la bonne foi incombe au demandeur à l'action en annulation (ATF 140 III 591 consid. 1).

L'annulation du congé doit rester une ultima ratio dans le cas du locataire qui ne paie pas son loyer (arrêt du Tribunal fédéral 4A_252/2014 du 28 mai 2014 consid. 4.2).

Le bailleur n'est pas habilité à résilier le contrat en application de l'art. 257d al. 2 CO lorsque le locataire est en retard notamment dans le paiement des frais de rappel (Lachat, Le bail à loyer, 2019, p. 870).

Le délai comminatoire commence à courir le premier jour qui suit la réception du pli recommandé ou le lendemain de l'expiration du délai de garde auprès de la poste. Le bailleur qui apprend que la sommation n'a pas été portée à la connaissance du locataire devrait, selon le principe de la bonne foi, la répéter sous pli simple ou par courriel, en précisant que ce second envoi ne fait pas partir un nouveau délai (Lachat, op. cit., 2019, p. 875).

3.1.3 En principe, les correspondances entre parties au bail doivent intervenir à l'adresse de notification mentionnée sur le bail. Faute de mention ou circonstance particulière, l'adresse de l'objet loué comme habitation ou locaux commerciaux peut généralement être retenue comme lieu de notification, compte tenu d'une interprétation objective des déclarations de volonté des parties selon le principe de la confiance. L'acte est en effet réputé notifié en matière conventionnelle lorsqu'il entre dans la sphère d'influence du destinataire (demeure ou domicile professionnel), qu'il lui soit remis ou déposé dans sa boîte aux lettres ou sa case postale. Lorsque le destinataire n'est plus atteignable à l'adresse mentionnée sur le bail, si l'auteur de l'acte ne dispose d'aucune information lui permettant de déterminer le lieu où le destinataire peut être atteint, la communication peut se faire à ladite adresse, puisque le dépôt dans la boîte aux lettres signifie que le pli entre dans la sphère d'influence du locataire. En revanche, si le bailleur sait le locataire absent et connaît avec précision le lieu où il peut être atteint (suite à une information de sa part ou de toute autre manière), c'est à ce lieu que la notification doit intervenir. A défaut, le bailleur qui se prévaudrait d'une notification dans de telles circonstances abuserait de son droit (art. 2 al. 2 CC) (Bohnet, Bail et notification viciée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_74/2011 du 2 mai 2011), Newsletter Bail.ch, juillet 2011).

3.2 En l'espèce, les mises en demeure du 11 novembre 2022 n'ont pas été retirées par les locataires, ce dont la bailleresse a été informée à réception des courriers en retour le 24 novembre 2022 et par le courrier du 25 novembre 2022 d'un des locataires. Le montant visé par ces mises en demeure a été payé le 1er décembre 2022, reçu le lendemain par la bailleresse, soit le 11ème jour suivant l'échéance du délai de garde à la poste, et dans les quatre jours suivant la réception effective par les locataires de la mise en demeure, soit peu après le délai de 10 jours et dans les trente jours impartis.

A cela s'ajoute que la bailleresse savait que les locataires avaient constitué un avocat et fait élection de domicile en son Etude, suite à la précédente résiliation du 8 juillet 2022, contestée devant le Tribunal. Elle n'a cependant pas adressé les nouvelles mises en demeure au domicile élu ni ne s'est enquise auprès du conseil constitué de savoir si l'élection de domicile était toujours valable.

En application des principes susmentionnés, la validité de la notification de la sommation, de l'exigibilité des loyers par trimestre et d'avance, par application de l'art. 12 des conditions générales et Règles et usages locatifs dans le canton de Genève, et de l'avis de résiliation peut se poser, en particulier sous l'angle de la bonne foi de la bailleresse. En effet, il apparait que la totalité du montant réclamé, y compris des frais de rappels et de mise en demeure qui n'avaient pas à être pris en compte, a été payé avec un jour de retard au maximum, voire dans le délai, suivant le moment retenu pour la notification.

Dès lors, au vu des particularités du cas d'espèce, la bonne foi de la bailleresse devait être examinée, ce qui implique l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation par le juge et exclut l'application de la procédure du cas clair. C'est ainsi à tort que le Tribunal a fait droit à la requête.

Le jugement entrepris sera en conséquence annulé et il sera statué à nouveau en ce sens que la requête en protection du cas clair de la bailleresse du 6 avril 2023 sera déclarée irrecevable.

Compte tenu de ce qui précède, il n'y a pas lieu de statuer sur le recours, qui devient sans objet.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevables l'appel et le recours interjetés le 22 juin 2023 par A______, B______ SA et C______ SA contre le jugement JTBL/460/2023 rendu le 1er juin 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/7675/2023-6-SE.

Au fond :

Annule ce jugement et, statuant à nouveau :

Déclare irrecevable la requête en protection du cas clair expédiée le 6 avril 2023 au Tribunal des baux et loyers par D______ SARL à l'encontre de A______, B______ SA et C______ SA.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD et Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

Le président :

Ivo BUETTI

 

La greffière :

Maïté VALENTE


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.