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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/8912/2023

ACJC/1270/2023 du 02.10.2023 sur JTBL/527/2023 ( SBL ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 08.11.2023, rendu le 04.01.2024, CONFIRME, 4A_541/2023
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/8912/2023 ACJC/1270/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 2 OCTOBRE 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], p.a. poste restante avenue des Morgines 27, 1213 Petit-Lancy, appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 23 juin 2023, comparant en personne,

et

1) Madame B______, domiciliée ______ [GE], intimée, comparant par Me Luc-Alain BAUMBERGER, avocat, Schmidt & Associés, rue du Vieux-Collège 10, 1204 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

2) Monsieur C______, domicilié ______ [GE], autre intimé, comparant en personne.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTBL/527/2023 du 23 juin 2023, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire en protection de cas clair, a condamné A______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens ainsi que de toute autre personne faisant ménage commun avec lui l'appartement de 2,5 pièces situé dans la villa sise chemin 1______ no. ______ à D______ [GE] (ch. 1 du dispositif), a autorisé B______ à requérir l'évacuation par la force publique de A______ dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), a déclaré irrecevable la demande en paiement formée par la précitée (ch. 3), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4) et a rappelé que la procédure était gratuite (ch. 5).

Le Tribunal a considéré que le bail principal ayant pris fin le 31 mars 2023, le contrat de sous-location ne pouvait perdurer au-delà de cette date. La résiliation du contrat de sous-location n'avait par ailleurs pas été contestée en temps utile. Le sous-locataire ne disposait dès lors plus d'aucun titre juridique l'autorisant à rester dans les locaux. La demande de prolongation du contrat pendante devant la juridiction des baux et loyers ne faisait pas obstacle à la clarté du cas, de sorte que son évacuation devait être prononcée.

B.            a. Par acte expédié le 10 juillet 2023 à la Cour de justice, A______, comparant en personne, a formé appel de ce jugement, sollicitant son annulation. Il a conclu à ce que la Cour renvoie "la cause au Tribunal des baux et loyers afin qu'il procède : aux enquêtes devant clarifier les conditions dans lesquelles ont été résiliés le bail principal et le bail de sous-location, et, la fixation judiciaire du loyer pour le bail principal et le bail de sous-location et le cas échéant le bail principal au profit de l'appelant, si le co-contractant C______ y consent et/ou que l'art. CO 273b alinéa 2 s'applique dans le cas d'espèce, et toutes autres conclusions figurant dans la réponse de l'appelant du 20.6.2023".

Il a formé de nouveaux allégués.

b. Dans sa réponse du 20 juillet 2023, B______ a conclu, préalablement à ce que la Cour constate que C______ n'est pas partie à la procédure, et, principalement, à l'irrecevabilité de l'appel, et subsidiairement à son rejet, sous suite de frais et dépens.

c. C______ ne s'est pas déterminé.

d. A______ n'ayant pas fait usage de son droit de réplique, les parties ont été avisées par plis du greffe du 23 août 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Le 30 décembre 2012, E______, propriétaire, et C______ et B______, locataires, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 2,5 pièces dans la villa sise chemin 1______ no. ______ à D______ [GE].

Le bail a été conclu pour une durée initiale de cinq ans dès 1er février 2013.

Le loyer annuel, charges non comprises, a été fixé en dernier lieu à 18'000 fr.

b. A une date qui ne résulte pas de la procédure, F______ est devenu propriétaire de l'immeuble en cause.

c. En 2018, C______ a quitté définitivement le logement. B______ est devenue seule titulaire du contrat.

d. Par contrat du 30 juin 2019, B______ a remis en sous-location l'appartement concerné à A______, pour une durée de 36 mois, renouvelable tacitement de mois en mois, moyennant un loyer mensuel de 1'525 fr., charges et électricité non comprises.

e. Par courriel du 7 août 2019, A______ a indiqué à F______ que le loyer du mois de juillet 2019 avait été réglé par B______ et que les loyers suivants seraient pris en charge par l'Hospice Général.

f. Par requête adressée le 27 avril 2022 à la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, A______ a sollicité la prolongation de son contrat de bail pour une durée de deux ans.

g. A l'audience de la Commission du 23 juin 2022, A______ a retiré sa requête, ce dont il a été pris acte par procès-verbal de conciliation du même jour (ACCBL/2______/2022 et ACCBL/3______/2022).

h. Par courrier du 23 juin 2022 à A______, B______ a indiqué ne plus vouloir revenir dans l'appartement et a réclamé le paiement de la somme de 1'525 fr. relative au loyer du mois de juillet 2019.

i. Par avis officiel du 19 octobre 2022, B______ a résilié le contrat de sous-location pour le 31 mars 2023, motif pris de la résiliation du contrat de bail principal.

j. Par pli du 20 octobre 2022, B______ a résilié le bail principal pour le 31 mars 2023.

k. Le 25 avril 2023, B______ a introduit une requête en protection de cas clair devant le Tribunal, sollicitant l'évacuation avec exécution directe de A______, le paiement de la somme de 1'525 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 1er août 2019, ainsi que la somme mensuelle de 1'525 fr. dès le 31 mars 2023, avec intérêts à 5% l'an dès chaque échéance mensuelle.

l. A l'audience du Tribunal du 22 juin 2023, le conseil de B______ a persisté dans ses conclusions.

A______ s'est opposé à la requête, invoquant la nullité du contrat de sous-location en tant que conclu uniquement avec B______, alors que C______ était également titulaire du bail principal. Pour ce même motif, la résiliation devait être considérée comme nulle. Il a sollicité l'audition de C______. Il a contesté devoir le loyer du mois de juillet 2019, dès lors qu'il l'avait versé sur le compte bancaire du compagnon de B______ de l'époque. A______ a déclaré avoir déposé une demande de prolongation du contrat de bail à l'encontre de B______ et C______ et a remis au Tribunal une réponse écrite à la requête.

Le conseil de B______ a invoqué la tardiveté de la requête en prolongation de bail.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche la résiliation des rapports de bail est également contestée, la valeur litigieuse est égale au loyer pour la période minimale pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle une nouvelle résiliation peut être signifiée; comme il faut prendre en considération la période de protection de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1 let. e CO, la valeur litigieuse correspondra en principe au montant du loyer brut (charges et frais accessoires compris) pendant trois ans (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3 - JdT 2019 II 235 pp. 236 et 239; arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid.1; Lachat, Procédure civile en matière de baux et loyers, Lausanne 2019, pp. 69-70).

En l'espèce, l'appelant remet en cause le prononcé de l'évacuation, se prévalant de la nullité de la résiliation de son contrat de sous-location. Eu égard au loyer mensuel de l'appartement, hors charges (lesquelles ne sont pas connues), soit 1'525 fr., la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., (1'525 fr. x 12 mois x 3 ans = 54'900 fr.), de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable, sous réserve de ce qui suit.

Le contrat sous-location a été conclu entre l'appelant et l'intimée. L'intimé C______ n'est pas partie audit contrat, de sorte qu'il n'a pas la qualité de partie à la présente procédure. L'appel, en tant qu'il est dirigé contre celui-ci, est ainsi irrecevable.

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2. L'appelant reproche au Tribunal de ne pas avoir considéré la nullité du contrat de sous-location et de la résiliation et d'avoir retenu que le cas était clair.

2.1
2.1.1
 Aux termes de l'art. 257 CPC, relatif à la procédure de protection dans les cas clairs, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire lorsque les conditions suivantes sont remplies : (a) l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé et (b) la situation juridique est claire (al. 1). Le tribunal n'entre pas en matière sur la requête lorsque cette procédure ne peut pas être appliquée (al. 3). La recevabilité de la procédure de protection dans les cas clairs est donc soumise à deux conditions cumulatives.

Premièrement, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur; il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. La preuve n'est pas facilitée : le demandeur doit ainsi apporter la preuve certaine des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance ne suffit pas. Si le défendeur fait valoir des objections et exceptions motivées et concluantes, qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1 et les arrêts cités).

Secondement, la situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 138 III 123 consid. 2.1.2, 620 consid. 5.1.1, 728 consid. 3.3). En règle générale, la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation de la part du juge ou que celui-ci doit rendre une décision en équité, en tenant compte des circonstances concrètes de l'espèce (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 123 consid. 2.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_273/2012 du 30 octobre 2012 consid. 5.1.2, non publié in ATF 138 III 620).

Si le juge parvient à la conclusion que ces conditions sont remplies, le demandeur obtient gain de cause par une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire (ATF 138 III 620 consid. 5.1.1). Si elles ne sont pas remplies et que le demandeur ne peut donc obtenir gain de cause, le juge ne peut que prononcer l'irrecevabilité de la demande. Il est en effet exclu que la procédure puisse aboutir au rejet de la prétention du demandeur avec autorité de la chose jugée (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 140 III 315 consid. 5).

2.1.2 L'action en contestation du congé formée par les locataires ne fait pas obstacle à l'action postérieure en expulsion selon l'art. 257 CPC, intentée par le bailleur (ATF 144 III 462 consid. 3.3.1).

2.1.3 S'il est vrai que la sous-location constitue un bail en soi distinct du bail principal, il n'en est pas totalement indépendant. Dans un contrat de bail, le bailleur s'engage à céder l'usage de la chose (art. 253 CO), ce qui suppose qu'il soit lui-même titulaire de ce droit d'usage. Dans le cas d'une sous-location, le sous-bailleur ne peut pas transférer plus de droits qu'il n'en a lui-même. Si le bail principal s'éteint, le sous-bailleur se trouve dans l'impossibilité de fournir sa prestation au sous-locataire. Dès lors que le droit d'usage ne lui est plus valablement cédé (personne ne peut céder plus de droits qu'il n'en possède), le sous-locataire doit restituer la chose (ATF 139 III 353 consid. 2.1.2).

Le bail de sous-location, même s'il n'a pas été résilié, ne peut pas perdurer au-delà du bail principal (art. 273b al. 1 CO).

2.1.4 Comme un contrat de bail ne fait naître que des obligations et n'a pas d'effet réel, il n'est nullement nécessaire que le bailleur soit propriétaire du bien remis à bail ou au bénéfice d'un droit réel (arrêt du Tribunal fédéral 4D_128/2010 du 1er mars 2011 consid. 2.2; Bohnet/Dietschy-Martenet, Commentaire pratique, Droit du bail à loyer et à ferme, 2ème éd., 2017, n. 3 ad art. 253 CO).

2.2 En l'espèce, l'appelant soutient que le contrat de sous-location serait nul, faute d'avoir été conclu avec les deux titulaires du contrat de bail principal. Ce faisant, A______ perd de vue que la loi n'exige pas que le contrat de sous-location soit conclu entre les colocataires, cotitulaires du bail principal, et le sous-locataire. En tout état, il n'est pas nécessaire d'examiner plus avant cette question, de même que celle de l'alléguée nullité du contrat de bail, en raison de ce qui suit.

Il n'est pas contesté que l'intimée, seule titulaire du contrat de bail principal, a résilié le contrat pour le 31 mars 2023. Selon les dispositions légales et la jurisprudence rappelées sous consid. 2.1.3 supra, le contrat de sous-location ne peut pas perdurer au-delà du contrat de bail principal, même s'il n'a pas été résilié. Pour le surplus, la saisine de l'autorité de conciliation d'une requête en prolongation de bail ne fait pas obstacle au prononcé de l'évacuation.

Ainsi, les faits sont établis et la situation juridique est claire. Par conséquent, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que les conditions du cas clair étaient réunies, ont déclaré la requête en évacuation recevable et prononcé l'évacuation de l'appelant.

2.3 Le jugement sera dès lors confirmé en tant qu'il prononce l'évacuation de l'appelant.

L'acte ne comportant aucune motivation relative aux mesures d'exécution, elles ne seront pas revues.

3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 10 juillet 2023 par A______ contre le jugement JTBL/527/2023 rendu le 23 juin 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/8912/2023-24-SD.

Le déclare irrecevable en tant qu'il est dirigé contre C______.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ et Monsieur Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.1.