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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/1647/2023

ACJC/1147/2023 du 11.09.2023 sur JTBL/368/2023 ( SBL ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 14.09.2023, rendu le 15.11.2023, IRRECEVABLE, 4A_446/23, 4A_446/2023
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/1647/2023 ACJC/1147/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 11 SEPTEMBRE 2023

 

Entre

A______ Sàrl et Monsieur B______, sise et domicilié ______ (VD), appelants d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 27 avril 2023, comparant par
Me Flore PRIMAULT, avocate, 2, rue Bellefontaine, 1003 Lausanne, en l'étude de laquelle ils font élection de domicile,

et

Monsieur C______, domicilié ______[GE], intimé, comparant par
Me Jacques BERTA, avocat, rue du Général-Dufour 11, 1204 Genève, en l'étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTBL/368/2023 du 27 avril 2023, expédié pour notification aux parties le 17 mai 2023, le Tribunal des baux et loyers a condamné B______ et A______ Sàrl à évacuer immédiatement de leur personne et de leurs biens ainsi que de tout tiers l'arcade commerciale d'environ 150 m2 au rez-de-chaussée et le sous-sol d'environ 50m2 sis route 1______ no. ______ à Genève (ch. 1), autorisé C______ à requérir l'évacuation par la force publique de B______ et A______ Sàrl dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 3) et rappelé que la procédure était gratuite (ch. 4).

B.            Par acte du 26 mai 2023 expédié à la Cour de justice, A______ Sàrl et B______ ont formé appel contre ce jugement. Ils ont conclu à l'annulation de la décision attaquée, cela fait à ce que la requête en évacuation de C______ soit déclarée irrecevable, subsidiairement à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal pour nouvelle décision, avec suite de dépens.

C______ a conclu à la confirmation de la décision déférée. Il a produit une pièce nouvelle (courrier de son conseil à l'avocate de ses parties adverses, daté du 21 septembre 2022, sous l'intitulé "Restaurant sis route 1______ no. ______ A______ Sàrl et Monsieur B______ Résiliation de bail pour justes motifs" transmettant "copie des avis de résiliation de bail et des courriers [adressés] ce jour à [ses] mandants par plis simples et plis recommandés "et sa preuve de réception).

Par avis du 3 juillet 2023, les parties ont été informées de ce que la cause avait été gardée à juger.

C.           Il résulte de la procédure les faits pertinents suivants :

a. Le 6 mars 2018, C______ a remis à bail une arcade d'environ 150 m2 au rez-de-chaussée avec un sous-sol d'environ 50 m2, route 1______ no. ______ à Genève. La rubrique "locataires" du contrat de bail a été libellée ainsi : "Le locataire A______ Sàrl (en cours de création) représentée par Monsieur B______ et Monsieur B______ agissant conjointement et solidairement entre eux". En fin de contrat, sous les mêmes intitulés, figurent deux signatures identiques.

Le contrat de bail était conclu pour une durée de dix ans, du 1er mars 2018 au 29 février 2028, renouvelable ensuite tacitement de cinq ans en cinq ans.

Les locaux étaient destinés à l'exploitation d'un restaurant.

Le loyer annuel, charges comprises, était fixé à 90'000 fr. jusqu'au 28 février 2023 puis à 96'000 fr.

L'art. 79 du contrat de bail stipulait que, en complément de l'art. 30 des conditions générales pour locaux commerciaux, le locataire déclarait faire élection de domicile à l'adresse figurant dans le bail pour toute communication, signification ou notification émanant d'une autorité administrative ou judiciaire.

b. Le ______ 2018, A______ Sàrl a été inscrite au Registre du commerce vaudois. Elle a pour associé gérant avec signature individuelle B______. L'adresse de la société était chemin 2______ no. ______ à D______ (VD) jusqu'en mai 2020, puis à nouveau depuis le 10 août 2022.

c. Le 15 juin 2020, A______ Sàrl et B______ ont saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers d'une requête, dirigée contre C______, en constatation de ce que B______ n'était pas partie au contrat de bail, et en réduction de loyer à 4'000 fr. par mois en raison de travaux et de la fermeture des établissements publics durant la pandémie. La procédure, enregistrée sous n° C/3______/2020, est pendante devant le Tribunal.

d. Par avis officiels du 18 août 2020, C______ a résilié le bail portant sur les locaux précités pour le 30 septembre 2020, en raison d'un défaut de paiement. La procédure entreprise par A______ Sàrl et B______, enregistrée sous n° C/4______/2020, s'est terminée par un jugement définitif du Tribunal, rendu le 30 mai 2023, qui a déclaré inefficace le congé.

e. A compter de juin 2021, les loyers et charges ont été consignés. A______ Sàrl a agi en validation de consignation par requête du 26 juillet 2021, procédure qui a été enregistrée sous n° C/5______/2021, pendante au Tribunal.

Au 28 février 2022, le montant consigné était de 63'300 fr.

f. Par avis comminatoires du 5 août 2022, C______ a mis en demeure A______ Sàrl et B______ de lui verser dans les trente jours 86'900 fr. à titre d'arriéré de loyer et de charges pour la période d'octobre à août 2022, et les a informés de son intention de résilier le bail en application de l'art. 257d CO, à défaut de paiement intégral du montant réclamé. Il était fait mention d'une consignation de loyer charges non valable, faute d'action commune des locataires et d'un non versement des mensualités dues de mars à août 2022.

Les courriers comportant les avis comminatoires adressés à A______ Sàrl à la route 1______ no. ______ à Genève, et à B______ au chemin 2______ no. ______ à D______ (VD) ont été retournés à l'expéditeur avec la mention "non réclamé".

g. Par avis officiels du 21 septembre 2022, C______, considérant que la somme réclamée n'avait pas été intégralement réglée dans le délai imparti, a résilié le bail pour le 31 octobre 2022.

Les courriers comportant ces avis, adressés à A______ Sàrl à la route 1______ no. ______ à Genève, et à B______ au chemin 2______ no. ______ à D______ (VD), ont été retournés à l'expéditeur avec la mention "non réclamé".

h. Le 1er février 2023, C______ a saisi le Tribunal d'une requête en évacuation, formée par la voie de la protection du cas clair, avec exécution directe.

Il a produit notamment copie d'un relevé de compte locataire faisant apparaître un montant dû de 182'911 fr. 30 et un relevé de compte de consignation de loyer, émanant des Services financiers du Pouvoir judiciaire, mentionnant un montant de 63'200 fr. pour la période du 1er janvier 2021 au 18 avril 2023.

i. A l'audience du Tribunal du 27 avril 2023, C______ a persisté dans sa requête.

A______ Sàrl et B______ ont déposé une réponse écrite et des pièces.

Parmi ces pièces figure une requête d'évacuation dirigée contre elles, déposée par C______ le 13 mai 2022, relative à un congé notifié le 9 novembre 2021, enregistrée sous n° C/6______/2022, procédure pendante devant le Tribunal.

A______ Sàrl et B______ ont conclu à l'irrecevabilité de la requête. Ils ont contesté le cas clair, les notifications n'étant pas valides pour avoir été opérées à l'adresse des locaux loués et non de la société. Ils ont invoqué une compensation exprimée "il y a de cela longtemps", et évoqué deux procédures en réduction de loyer.

C______ a conclu à l'irrecevabilité de la réponse écrite et persisté dans ses conclusions. Il a notamment relevé la tardiveté de l'invocation de la compensation.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. La voie de l'appel est ouverte contre les décisions d'évacuation, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), alors que la voie du recours est ouverte contre les décisions du Tribunal de l'exécution (art. 309 let. a CPC; art. 319 let. a CPC).

1.1 Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle.

S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche la résiliation des rapports de bail est également contestée, la valeur litigieuse est égale au loyer pour la période minimale pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle une nouvelle résiliation peut être signifiée; comme il faut prendre en considération la période de protection de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1 let. e CO, la valeur litigieuse correspondra en principe au montant du loyer brut (charges et frais accessoires compris) pendant trois ans (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3, JdT 2019 II 235 pp. 236 et 239; arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid.1; Lachat, Procédure civile en matière de baux et loyers, 2019, pp. 69-70).

1.2 En l'espèce, au vu du loyer mensuel, la valeur litigieuse est largement supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est dès lors ouverte en ce qui concerne le prononcé de l'évacuation.

1.3 Interjeté dans le délai et la forme prescrits par la loi (art. 130, 131 CPC), l'appel est ainsi recevable.

2. Dans un argumentaire non exempt de confusion et d'outrances, les appelants se plaignent, sans nommer explicitement le grief, d'une constatation inexacte des faits, liée, à bien les comprendre, à une violation du droit d'être entendus, et génératrice d'une violation du principe de litispendance.

Ils soutiennent que certains de leurs allégués, soit, en substance l'existence d'autres procédures pendantes devant le Tribunal (C/3______/2020, C/5______/2021 et C/6______/2022) aurait été omise dans l'état de fait. Pour sa part, l'intimé considère comme irrecevables ces allégués, qui n'auraient pas été formulés de manière recevable en première instance, puisqu'ils apparaissaient dans la réponse écrite irrecevable déposée par les appelants.

2.1 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2.2 Selon l'art. 253 CPC, lorsque la requête ne paraît pas manifestement irrecevable ou infondée, le tribunal donne à la partie adverse l'occasion de se déterminer oralement ou par écrit.

Le caractère écrit ou oral de la procédure est laissé à la libre appréciation du tribunal, ce qui permet de tenir compte du cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 5A_256/2020 du 8 novembre 2021 consid. 4.2).

Le défendeur ne peut pas librement décider de déposer, en lieu et place de comparution personnelle à l'audience, une détermination écrite (arrêt du Tribunal fédéral précité consid. 4.3.3).

2.3 Selon l'art. 64 al. 1 let. a CPC, la litispendance a pour effet que la même cause, opposant les mêmes parties, ne peut être portée en justice devant une autre autorité (effet négatif de la litispendance). L'art. 59 al. 2 let. d CPC range l'absence d'une litispendance préexistante parmi les conditions de recevabilité de l'action. A l'instar du principe de l'autorité de chose jugée, le principe de la litispendance tend en particulier à éviter qu'il existe, dans un ordre juridique déterminé, deux décisions judiciaires contradictoires sur la même action et entre les mêmes parties, qui seraient également et simultanément exécutoires. Plus généralement, il s'agit de prévenir les procédés inutiles de nature à surcharger les tribunaux, en empêchant qu'une contestation identique fasse l'objet de plusieurs procès distincts et simultanés entre les mêmes parties. Le tribunal examine d'office si la condition de l'absence de litispendance est remplie (cf. art. 60 CPC) (arrêt du Tribunal fédéral 4A_141/2013 du 22 août 2013 consid. 2.2).

L'identité de l'objet du litige, dont il est question à l'art. 64 al. 1 let. a CPC, suppose que, dans l'un et l'autre procès, soit soumise au juge la même prétention, fondée sur les mêmes causes juridiques et les mêmes faits. Elle s'entend au sens matériel (arrêt du Tribunal fédéral 4A_141/2013 précité consid. 2.2.3).

2.4 En l'occurrence, les deux procédures C/3______/2020 (réduction de loyer pour défaut) et C/5______/2021 (consignation) que les appelants citent comme ayant été ignorées par les premiers juges dans l'état de fait, ont été dûment retenues (certes, s'agissant de la seconde, sans désignation du numéro de la cause, ce qui est sans portée).

Quant à la procédure C/6______/2022, dont il n'est pas établi qu'elle aurait fait l'objet d'une mention orale à l'audience du Tribunal, elle résulte des pièces produites par les appelants, de sorte qu'elle a été retenue dans l'état de fait dressé ci-dessus.

A ce propos, rien n'indique que les pièces déposées par les appelants n'auraient pas été admises à la procédure. Pour le surplus, le Tribunal ayant ordonné une procédure orale, les appelants ne disposaient pas d'un droit à s'exprimer par écrit; à l'audience du Tribunal, ils ont pu se déterminer, faire des déclarations et plaider.

Le sort des griefs de constatation inexacte des faits et de violation du droit d'être entendu est ainsi scellé.

Au demeurant, s'agissant de ce dernier moyen, les appelants ne précisent pas les éléments qu'ils auraient été privés d'apporter oralement aux débats; ils se limitent à affirmer que le Tribunal aurait refusé de noter "plusieurs arguments", sans prétendre qu'ils auraient, en vain, requis une mention à ce propos au procès-verbal d'audience. Ils font encore grand cas de ce qu'ils n'étaient pas assistés d'un avocat, leur conseil ayant requis sans succès un renvoi d'audience; cette circonstance est sans portée, dans la mesure où il n'a pas été prétendu que ce conseil aurait réagi par écrit après l'audience, ce qui lui aurait incombé de faire à la lecture du procès-verbal cas échéant.

Reste, en lien avec la procédure C/6______/2022, la question de la litispendance, apparemment soulevée pour la première fois en appel. En tout état, elle est irrelevante, comme le souligne l'intimé, puisque la cause précitée a trait à une évacuation fondée sur un congé signifié le 9 novembre 2021. Les faits sont donc manifestement différents de ceux de la présente espèce, dans laquelle l'évacuation procède d'une résiliation notifiée le 21 septembre 2022, de sorte qu'il n'existe d'évidence aucune litispendance.

Le grief est ainsi infondé.

3. Les appelants reprochent ensuite au Tribunal d'avoir admis l'application du cas clair. A nouveau par une argumentation peu claire, ils se prévalent de ce que le Tribunal aurait à tort admis que les avis comminatoires et de résiliation avaient été valablement notifiés par l'intimé, qui aurait commis un abus de droit, et soutiennent que l'arriéré prétendu serait inexistant au vu de leurs créances en réduction de loyer articulées en procédure.

3.1 Aux termes de l'art. 257 al. 1 et 3 CPC, relatif à la procédure de protection dans les cas clairs, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire lorsque les conditions suivantes sont remplies : (a) l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé et (b) la situation juridique est claire (al. 1); le tribunal n'entre pas en matière sur la requête lorsque cette procédure ne peut pas être appliquée (al. 3).

Selon la jurisprudence, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur; il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. La preuve n'est pas facilitée : le demandeur doit ainsi apporter la preuve certaine des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance ne suffit pas. Si le défendeur fait valoir des objections et exceptions motivées et concluantes, qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1 et les arrêts cités).

La situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 138 III 123 consid. 2.1.2, 620 consid. 5.1.1, 728 consid. 3.3). En règle générale, la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation de la part du juge ou que celui-ci doit rendre une décision en équité, en tenant compte des circonstances concrètes de l'espèce (ATF 144 III 462 consid. 3.1 et les arrêts cités). Si le juge parvient à la conclusion que ces conditions sont remplies, le demandeur obtient gain de cause par une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire (ATF 138 III 620 consid. 5.1.1). Si elles ne sont pas remplies et que le demandeur ne peut donc obtenir gain de cause, le juge ne peut que prononcer l'irrecevabilité de la demande. Il est en effet exclu que la procédure puisse aboutir au rejet de la prétention du demandeur avec autorité de la chose jugée (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 140 III 315 consid. 5; arrêt du Tribunal fédéral 4A_600/2017 du 7 janvier 2019 consid. 3.3).

3.2 L'action en expulsion pour défaut de paiement du loyer au sens de l'art. 257d CO, comme celle pour défaut de paiement du fermage au sens de l'art. 282 CO, selon la procédure de protection dans les cas clairs (art. 257 CPC), présuppose que le bail ait valablement pris fin, puisque l'extinction du bail est une condition du droit à la restitution des locaux (art. 267 al. 1 CO, respectivement art. 299 al. 1 CO). Le tribunal doit donc trancher à titre préjudiciel la question de la validité de la résiliation, laquelle ne doit être ni inefficace, ni nulle, ni annulable (une prolongation du bail n'entrant pas en ligne de compte lorsque la résiliation est signifiée pour demeure conformément aux art. 257d ou 282 CO). Les conditions de l'art. 257 al. 1 CPC s'appliquent également à cette question préjudicielle (ATF 144 III 462 consid. 3; 142 III 515 consid. 2.2.4 in fine; 141 III 262 consid. 3.2 in fine).

Selon l'art. 257d CO, lorsque le locataire a reçu la chose louée et qu'il tarde à s'acquitter d'un terme ou de frais accessoires échus, le bailleur peut lui fixer par écrit un délai de paiement et lui signifier qu'à défaut de paiement dans ce délai, il résiliera le bail; ce délai doit être d'au moins trente jours pour les baux d'habitations ou de locaux commerciaux (al. 1). A défaut de paiement dans le délai fixé, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat; les baux d'habitations ou de locaux commerciaux peuvent être résiliés avec un délai de congé minimum de trente jours pour la fin d'un mois (al. 2).

3.3 Il appartient au bailleur d'alléguer et de prouver les conditions de l'art. 257d CO conformément aux exigences de l'art. 257 CPC. En effet, si le locataire conteste la résiliation du bail (art. 150 al. 1 in fine et 55 al. 1 CPC), le tribunal devra examiner la question de la validité de celle-ci à titre préjudiciel, autrement dit vérifier si les conditions matérielles de l'art. 257d al. 1 et 2 CO sont remplies. Les conditions de l'art. 257 CPC s'appliquent également à cette question préjudicielle (ATF 144 III 462 consid. 3.3.1; 142 III 515 consid. 2.2.4 in fine; 141 III 262 consid. 3.2 in fine).

De son côté, le locataire qui oppose la compensation doit prouver celle-ci sans délai. Le locataire doit alléguer et prouver que, sommé de payer son loyer sous menace de résiliation, il a fait la déclaration de compensation avant l'échéance du délai de grâce de l'art. 257d al. 1 CO (ATF 119 II 241 consid.6b/bb et cc; arrêt du Tribunal fédéral 4A_157/2021 du 15 juin 2021 consid. 7.2). Il doit également alléguer sa contre-créance et être en mesure de la prouver sans délai. Pour que soit respectée la volonté du législateur lors de l'adoption de l'art. 257d CO, le juge doit en effet pouvoir se prononcer sur l'existence et le montant de la contre-créance rapidement. Il doit en aller de même lorsque le locataire prétend seulement à une réduction de son loyer (arrêt du Tribunal fédéral 4A_574/2022 du 23 mai 2023 consid 3.3).

3.4 En principe, le congé est valablement notifié par le bailleur à l'adresse de correspondance indiquée dans le contrat de bail, laquelle correspond en général à l'adresse de l'objet loué dans les baux d'habitation (arrêt du Tribunal fédéral 4A_350/2014 du 16 septembre 2014 consid. 2.2). En cas d'absence de longue durée, il revient au locataire de s'organiser afin de pouvoir prendre connaissance de sa correspondance, et, le cas échéant, d'informer le bailleur de l'adresse à laquelle il peut être atteint. Dans ce cas, le bailleur qui sait que le locataire n'est pas atteignable à l'adresse du bail mais à une autre adresse de notification et que cette adresse lui a été communiquée par le locataire, commet en règle générale un abus de droit (art. 2 al. 2 CC) s'il se prévaut néanmoins d'une notification à l'adresse du bail (arrêts du Tribunal fédéral 4A_74/2011 du 2 mai 2011 consid. 3; 4A_67/2021 du 8 avril 2021 consid. 5.2; BOHNET, Bail et notification viciée, in: Newsletter Bail.ch juillet 2011).

3.5 En l'espèce, le bail relatif à l'objet loué stipule clairement l'adresse de notification des communications émanant de la partie bailleresse. Les avis ont donc été adressés conformément au contrat, comme l'a retenu le Tribunal, en citant à ce propos le "domicile élu".

L'appelante se prévaut de son siège situé dans le canton de Vaud pour soutenir qu'elle n'aurait pas été valablement atteinte, sans faire valoir de circonstance concrète qui l'aurait empêchée de recevoir le pli expédié à l'adresse des locaux loués.

Elle fait encore mine de confondre le "domicile élu" au sens du contrat de bail du 6 mars 2018 et l'élection de domicile valable pour les actes de procédure, pour en déduire que l'intimé, respectant celle-ci (de même que l'indication de siège ou domicile imposée par l'art. 133 let. a CPC) dans les causes C/3______/2020, C/5______/2021 et C/6______/2022, saurait "pertinemment où adresser ses courriers"; elle se plaint, en outre, de ce qu'aucune copie de la résiliation n'aurait été communiquée à son conseil, reproche que la pièce produite par l'intimé avec sa réponse d'appel (recevable, en tant que sa production a été rendue nécessaire par une contestation des appelants, qui ne pouvait pas être anticipée) a ruiné. Ces arguments, qui confinent au téméraire, ne portent pas.

L'appelant, pour sa part, ne développe aucun argument sur ce point, se retranchant derrière sa position de principe selon laquelle il ne serait pas partie au contrat de bail.

Pour le surplus, les appelants, pour soutenir que la situation juridique ne serait pas claire, se limitent à se référer aux procédures pendantes C/3______/2020 (réduction de loyer) et C/6______/2022 (évacuation), en lien avec des créances en restitution de trop perçu de loyer, respectivement "d'autres questions juridiques" non exposées. Ils ne développent, ce faisant, aucune critique à l'endroit du jugement, en tant que celui-ci a retenu, à raison, qu'ils n'ont procédé, durant le délai comminatoire, à aucune déclaration de compensation avec les créances dont ils se prévalent ainsi. Leur moyen est dès lors dépourvu de tout fondement.

4. Au vu de ce qui précède, l'appel est entièrement infondé. Le jugement entrepris sera confirmé.

5. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 26 mai 2023 par B______ et A______ Sàrl contre le jugement JTBL/368/2023 rendu le 27 avril 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/1647/2023.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame Pauline ERARD, juges; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.2