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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/1649/2023

ACJC/959/2023 du 13.07.2023 sur JTBL/304/2023 ( SBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/1649/2023 ACJC/959/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU JEUDI 13 JUILLET 2023

 

Entre

Madame A______ et Monsieur B______, domiciliés ______, recourants contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 28 mars 2023, comparant tous deux en personne,

et

FONDATION C______, sise ______, intimée, représentée par [la régie immobilière] D______, ______, en les bureaux de laquelle elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/304/2023 du 28 mars 2023, reçu par A______ le 25 avril 2023 et par B______ le 27 avril 2023, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a condamné A______ et B______ (ci-après : les locataires) à évacuer immédiatement de leurs personnes et de leurs biens ainsi que de toute autre personne faisant ménage commun avec eux, l'appartement de 5 pièces situé au 1er étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève (ch. 1 du dispositif), autorisé la FONDATION C______ (ci-après : la bailleresse) à requérir l'évacuation par la force publique des locataires dès le 30ème jour après l'entrée en force du jugement (ch. 2), condamné les locataires, solidairement entre eux, à verser à la bailleresse la somme de 18'156 fr. (ch. 3), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4) et dit que la procédure était gratuite (ch. 5).

En substance, le Tribunal a considéré que le contrat de bail avait été résilié valablement en application de l'art. 257d CO et que les locataires ne bénéficiaient plus d'aucun titre juridique les autorisant à rester dans les locaux loués. Il se justifiait de prononcer l'exécution forcée du jugement 30 jours après son entrée en force, afin de permettre aux locataires de prendre leurs dispositions pour libérer l'appartement. Ce délai tenait compte du montant de l'arriéré et du fait que le logement était occupé par une famille de trois personnes aux ressources financières limitées.

B. a. Par acte expédié le 3 mai 2023 à la Cour de justice (ci-après : la Cour), les locataires ont formé recours contre le chiffre 2 du dispositif de ce jugement, concluant à son annulation et, cela fait, à ce qu'il soit dit que la bailleresse était autorisée à requérir leur évacuation par la force publique dès le 28 septembre 2023.

Ils ont allégué des faits nouveaux et produit une pièce nouvelle.

b. Par arrêt du 10 mai 2023 (ACJC/607/2023), la Cour a fait droit à la conclusion préalable des locataires tendant à la suspension du caractère exécutoire du chiffre 2 du dispositif du jugement attaqué.

c. Dans sa réponse du 9 mai 2023, la bailleresse a conclu au rejet du recours.

d. En l'absence de réplique spontanée des locataires, la cause a été gardée à juger le 23 mai 2023, ce dont les parties ont été avisées le jour même.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure de première instance :

a. Les parties ont été liées par un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 5 pièces situé au 1er étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève. Le bail a été conclu pour une durée initiale d'une année et un mois, du 1er décembre 1988 au 31 décembre 1989. Il s'est ensuite renouvelé tacitement.

A______ est locataire de l'appartement concerné depuis le début du bail. Par avenant du 29 avril 2015, B______ est également devenu locataire de ce logement, conjointement et solidairement avec celle-ci.

Le montant du loyer et des charges a été fixé en dernier lieu à 1'296 fr. par mois.

b. Par avis comminatoire du 4 novembre 2022, la bailleresse a sommé les locataires de s'acquitter de la somme de 14'193 fr., à titre d'arriérés de loyer et de charges pour la période du 1er décembre 2021 au 31 octobre 2022, et les a informés de son intention, à défaut du paiement intégral de la somme réclamée dans le délai imparti, de résilier le bail conformément à l'art. 257d CO.

c. Considérant que la somme susmentionnée n'avait pas été réglée dans le délai fixé, la bailleresse, par avis du 16 décembre 2022, a résilié le contrat de bail pour le 31 janvier 2023, sur la base de l'art. 257d al. 2 CO.

d. Par requête formée devant le Tribunal le 1er février 2023, la bailleresse a requis l'évacuation des locataires par la voie de la procédure en protection des cas clairs, et sollicité l'exécution immédiate du jugement d'évacuation. Elle a par ailleurs conclu au paiement de la somme de 18'156 fr. 15, à titre d'arriérés de loyer et de charges pour la période du 1er décembre 2021 au 31 janvier 2023.

e. Lors de l'audience du Tribunal du 28 mars 2023, la bailleresse a persisté dans ses conclusions, exposant que l'arriéré de loyer s'élevait actuellement à 18'156 fr. Le dernier paiement effectué par les locataires, d'un montant de 1'321 fr., remontait au 12 mars 2023.

B______ a déclaré qu'il occupait l'appartement avec A______, qui était son épouse, et avec le fils handicapé de l'ex-mari de celle-ci. A______ percevait une rente de l'assurance-invalidité ainsi que des prestations complémentaires. Lui-même n'avait aucun revenu. Ils avaient pris du retard dans le paiement du loyer car ils avaient passé plusieurs mois au Maroc suite au décès du père de B______. Le locataire a conclu à l'octroi d'"un délai à l'exécution de l'évacuation".

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre des baux et loyers connaît des appels et des recours dirigés contre les jugements du Tribunal des baux et loyers (art. 122 let. a LOJ).

1.2 Seule la voie du recours est ouverte contre les décisions du tribunal de l'exécution (art. 309 let. a et 319 let. a CPC).

En l'espèce, les locataires contestent les mesures d'exécution prononcées par le Tribunal, de sorte que la voie du recours est ouverte.

Le recours est recevable, pour avoir été interjeté dans le délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC) et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 321 al. 1 CPC).

1.3 Le recours peut être formé pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

La procédure de protection dans les cas clairs est soumise à la procédure sommaire des art. 248 ss CPC, plus particulièrement aux art. 252 à 256 CPC. La maxime des débats est applicable (art. 55 al. 1 CPC), sauf dans les deux cas prévus par l'art. 255 CPC (cf. art. 55 al. 2 CPC), qui ne sont pas pertinents en l'espèce.

2. Les allégués nouveaux et les pièces nouvelles sont irrecevables devant l'instance de recours (art. 326 CPC).

Il suit de là que les faits nouveaux et la pièce nouvelle dont les locataires se prévalent devant la Cour sont irrecevables.

3. Les locataires reprochent au Tribunal de ne pas leur avoir octroyé un sursis humanitaire de six mois - à compter de l'audience du 28 mars 2023 - pour libérer les locaux loués. Ils soutiennent qu'un tel sursis se justifie compte tenu de leur situation financière obérée et des problèmes de santé de A______, rentière AI, et de son beau-fils.

3.1 L'exécution forcée d'un jugement ordonnant l'expulsion d'un locataire est réglée par le droit fédéral (cf. art. 335 ss CPC).

En procédant à l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit tenir compte du principe de la proportionnalité. Lorsque l'évacuation d'une habitation est en jeu, il s'agit d'éviter que des personnes concernées ne soient soudainement privées de tout abri. L'expulsion ne saurait être conduite sans ménagement, notamment si des motifs humanitaires exigent un sursis, ou lorsque des indices sérieux et concrets font prévoir que l'occupant se soumettra spontanément au jugement d'évacuation dans un délai raisonnable. Le juge ne peut cependant pas différer longuement l'exécution forcée et, ainsi, au détriment de la partie obtenant gain de cause, éluder le droit qui a déterminé l'issue du procès; le délai d'exécution ne doit notamment pas remplacer la prolongation d'un contrat de bail à loyer lorsque cette prolongation ne peut pas être légalement accordée à la partie expulsée (ATF 117 Ia 336 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7; 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

L'art. 30 al. 4 LaCC concrétise le principe de la proportionnalité en prévoyant que le tribunal peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement d'évacuation dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire ou du fermier lorsqu'il est appelé à statuer sur l'exécution d'un jugement d'évacuation d'un logement, après audition des représentants du département chargé du logement et des représentants des services sociaux ainsi que des parties.

S'agissant des motifs de sursis, différents de cas en cas, ils doivent être dictés par des "raisons élémentaires d'humanité". Sont notamment des motifs de ce genre la maladie grave ou le décès de l'expulsé ou d'un membre de sa famille, le grand âge ou la situation modeste de l'expulsé. En revanche, la pénurie de logements ou le fait que l'expulsé entretient de bons rapports avec ses voisins ne sont pas des motifs d'octroi d'un sursis (ACJC/269/2019 du 25 février 2019 consid. 3.1; ACJC/247/2017 du 6 mars 2017 consid. 2.1; ACJC/422/2014 du 7 avril 2014 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral du 20 septembre 1990, in Droit du bail 3/1991 p. 30 et les références citées).

3.2 En l'espèce, le Tribunal a accordé aux recourants un sursis à l'évacuation de 30 jours, en tenant compte du montant de l'arriéré et du fait que l'appartement était occupé par une famille de trois personnes aux ressources financières limitées.

Les recourants n'établissent pas que cette décision serait contraire à la loi. L'arriéré de loyer, qui s'élevait à plus de 18'000 fr. à fin mars 2023, n'a pas été résorbé et les recourants n'ont proposé aucune solution concrète et crédible portant sur le rattrapage des sommes dues. Par ailleurs, s'ils évoquent des difficultés à se reloger à bref délai, les recourants n'ont pas allégué avoir effectué quelque démarche que ce soit en vue de trouver un nouveau logement. A cela s'ajoute que, vu l'écoulement du temps induit par la procédure de recours, ils ont de facto obtenu un sursis à l'évacuation de près de six mois.

Compte tenu de ce qui précède, l'on ne saurait exiger de la bailleresse, qui n'a plus encaissé le loyer de façon régulière depuis décembre 2021, de patienter plus longtemps avant de récupérer son bien, en dépit des circonstances financières et personnelles difficiles auxquelles les recourants sont confrontés.

En conséquence, le recours sera rejeté.

4. Il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens, s'agissant d'une cause soumise à la juridiction des baux et loyers (art. 22 al. 1 LaCC).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 3 mai 2023 par A______ et B______ contre le chiffre 2 du dispositif du jugement JTBL/304/2023 rendu le 28 mars 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/1649/2023-23-SE.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Pauline ERARD et Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Laurence MIZRAHI et Monsieur Jean-Philippe FERRERO, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie RAPP

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.