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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/15619/2021

ACJC/653/2023 du 22.05.2023 sur JTBL/948/2022 ( SBL ) , CONFIRME

Normes : CPC.257; CO.257d
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15619/2021 ACJC/653/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 22 MAI 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 17 novembre 2022, comparant en personne,

et

B______ SA, sise ______, intimée, comparant par Me Philippe DE BOCCARD, avocat, rue du Mont-Blanc 3, case postale, 1211 Genève 1, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/948/2022 du 17 novembre 2022, le Tribunal des baux et loyers a condamné A______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec lui l'appartement de 3 pièces n° 2 situé au rez-de-chaussée de l'immeuble sis rue 1 no. ______, [code postal] Genève ainsi que la cave n° 1 relative (ch. 1 du dispositif), autorisé B______ SA à requérir l'évacuation par la force publique de A______ dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), condamné ce dernier à verser à B______ SA la somme de 1'035 fr. (ch. 3), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4) et dit que la procédure était gratuite (ch. 5).

B. a. Par acte expédié le 22 décembre 2022 au Tribunal, transmis à la Cour de justice le 18 janvier 2023, A______ a formé "opposition" contre ce jugement. Il a demandé son annulation ou sa suspension.

b. Dans sa réponse du 30 janvier 2023, B______ SA a conclu à l'irrecevabilité du recours et au déboutement de A______ de toutes ses conclusions.

c. Les parties ont été avisées le 22 février 2023 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

d. Par courrier du 6 mars 2023, A______ a indiqué qu'il attendait des factures avec code QR pour payer les loyers en retard si la régie cessait de le menacer de l'expulser.

e. Par courrier du 27 mars 2023, A______ a manifesté vouloir rester dans son appartement qu'il occupait depuis 25 ans et a sollicité un arrangement de paiement.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.

a. SOCIETE IMMOBILIERE C______ ainsi que A______ et D______ ont conclu le 6 juillet 1998 un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 3 pièces n° 2 situé au rez-de-chaussée de l'immeuble sis rue 1 no. ______, [code postal] Genève ainsi que de la cave n° 1, mise à disposition gratuitement et à bien plaire.

Le bail a débuté le 1er août 1998 pour une durée d'une année, jusqu'au 31 juillet 1999, avec clause de reconduction tacite d'année en année, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties nécessitant un préavis de trois mois avant l'échéance du bail.

Le montant du loyer et des charges a été fixé en dernier lieu à 1'035 fr. par mois.

b. Par courrier du 7 juin 2011 valant lettre-avenant au contrat de bail, A______ et D______ ont été informés que B______ SA était désormais propriétaire de l'immeuble dans lequel il louait leur appartement.

c. Par avenant du 7 mai 2015 au contrat de bail, et suite au divorce des locataires, A______ est devenu seul locataire de l'appartement.

d. Par avis comminatoire du 12 mai 2021, B______ SA a mis en demeure le locataire de lui régler dans les 30 jours le montant de 2'140 fr. à titre d'arriéré de loyers et de charges pour les mois d'avril et mai 2021 et l'a informé de son intention, à défaut du paiement intégral de la somme réclamée dans le délai imparti, de résilier le bail conformément à l'art. 257d CO.

e. Considérant que la somme susmentionnée n'avait pas été intégralement réglée dans le délai imparti, B______ SA a, par avis officiel du 22 juin 2021, résilié le bail pour le 31 juillet 2021.

f. Par requête déposée le 13 août 2021, B______ SA a introduit action en évacuation devant le Tribunal des baux et loyers et a en outre sollicité l'exécution directe de l'évacuation du locataire et le paiement de la somme de 5'245 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 1er juin 2021 (date moyenne), à titre d'arriéré de loyers et de charges pour les mois d'avril à juillet 2021, d'indemnité pour occupation illicite pour le mois d'août 2021 ainsi que de frais de rappel et de mise en demeure impayés.

g. Lors de l'audience devant le Tribunal du 23 septembre 2021, B______ SA a indiqué que la situation était à jour au 30 septembre 2021. Le représentant du locataire a exposé que le paiement du loyer ne devrait plus poser de problème. A______ avait obtenu de l'aide pour le paiement de son loyer et percevait désormais des prestations de l'AVS ainsi que des prestations complémentaires.

A______ a précisé vivre seul dans ce logement et avoir recours à une assistante sociale pour l'aider dans ses démarches, de sorte qu'il ne devrait plus y avoir de retard dans ses paiements. La bailleresse a alors accepté d'accorder au locataire un délai d'épreuve de douze mois.

h. Lors de l'audience du 17 novembre 2022, B______ SA a communiqué que l'arriéré s'élevait à 1'035 fr., décompte actualisé à l'appui, correspondant à l'indemnité pour occupation illicite du mois de novembre 2022. Selon ses informations et conformément aux indications fournies le 25 octobre 2022 par l'Office cantonal de la population et des migrations, le locataire ne vivrait plus à Genève. De plus, une procédure aurait été en cours à son encontre auprès du Ministère public du canton de Genève s'agissant de problèmes de traite d'êtres humains dans le logement. Le conseil du locataire a contesté la plainte dont il ferait l'objet et sollicité, vu la situation à jour, qu'un sursis humanitaire de six mois soit accordé à A______. La bailleresse a néanmoins persisté dans ses conclusions.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

i. Dans son jugement du 17 novembre 2022, le Tribunal a considéré que les conditions d'une résiliation de bail selon l'art. 257d al. 1 CO étaient manifestement réunies en l'espèce et que la bailleresse était ainsi fondée à donner congé, ce qu'elle avait fait en respectant les conditions de l'art. 257d al. 2 CO. Il s'ensuivait que, depuis l'expiration du terme fixé, le locataire ne disposait plus d'aucun titre juridique l'autorisant à rester dans les locaux. Son évacuation devait dès lors être prononcée. La bailleresse avait par ailleurs requis l'exécution de cette évacuation, ce à quoi le Tribunal a fait droit. Le locataire n'étant plus domicilié dans le canton de Genève et n'occupant plus le logement, le Tribunal n'a octroyé aucun sursis humanitaire. Enfin, au vu des pièces produites, A______ restait devoir un montant de 1'035 fr., à titre d'indemnité pour occupation illicite pour le mois de novembre 2022, montant qu'il était condamné à verser à la bailleresse.

EN DROIT

1. La voie de l'appel est ouverte contre les décisions d'évacuation, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), alors que la voie du recours est ouverte contre les décisions du Tribunal de l'exécution (art. 309 let. a CPC; art. 319 let. a CPC).

1.1 Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle.

S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche la résiliation des rapports de bail est également contestée, la valeur litigieuse est égale au loyer pour la période minimale pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle une nouvelle résiliation peut être signifiée; comme il faut prendre en considération la période de protection de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1 let. e CO, la valeur litigieuse correspondra en principe au montant du loyer brut (charges et frais accessoires compris) pendant trois ans (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3, JdT 2019 II 235 pp. 236 et 239; arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid.1; Lachat, Procédure civile en matière de baux et loyers, 2019, pp. 69-70).

1.2 En l'espèce, il ressort des explications du locataire qu'il conteste la résiliation de son bail. Au vu du montant du loyer de 1'035 fr., la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est dès lors ouverte en ce qui concerne le prononcé de l'évacuation.

1.3 Interjeté dans le délai et la forme prescrits par la loi (art. 130, 131 CPC), l'appel est ainsi recevable. Les courriers expédiés après que la cause a été gardée à juger sont en revanche irrecevables.

1.4 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC).

2. L'appelant fait valoir qu'il était à jour dans le paiement du loyer avant d'être envoyé en prison, sous réserve de celui du mois de novembre [2022] et que l'intimée pouvait utiliser les "1300.- de chauffage 2021 ou bien les mettre dans [son] [compte courant auprès de la banque] E______". Il refusait de quitter son appartement à cause d'une dame qu'il avait refusé de continuer à héberger. Il avait eu l'intention de voyager au Kenya deux ou trois mois, mais pas de quitter son appartement.

2.1 La procédure de protection dans les cas clairs prévue par l'art. 257 CPC permet à la partie demanderesse d'obtenir rapidement une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire, lorsque la situation de fait et de droit n'est pas équivoque (ATF 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1). En vertu de l'art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire lorsque l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé (let. a) et que la situation juridique est claire (let. b). Le tribunal n'entre pas en matière sur la requête lorsque cette procédure ne peut pas être appliquée (art. 257 al. 3 CPC).

Selon la jurisprudence, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur; il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. La preuve n'est pas facilitée : le demandeur doit apporter la preuve certaine ("voller Beweis") des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance ("Glaubhaftmachen") ne suffit pas. Si le défendeur fait valoir des objections motivées et concluantes ("substanziiert und schlüssig"), qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1 et les arrêts cités).

La situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 138 III 123 consid. 2.1.2 p. 126, 620 consid. 5.1.1 p. 621, 728 consid. 3.3 p. 734). En règle générale, la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation de la part du juge ou que celui-ci doit rendre une décision en équité, en tenant compte des circonstances concrètes de l'espèce (ATF 141 III 23 consid. 3.2 p. 26; 138 III 123 consid. 2.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_273/2012 du 30 octobre 2012 consid. 5.1.2, non publié in ATF 138 III 620).

2.2 En l'espèce, l'appelant relève avoir été en retard pour le paiement du loyer du mois de novembre 2022 uniquement. Il ne soutient en revanche pas s'être acquitté, dans le délai imparti dans l'avis comminatoire du 12 mai 2021, de la somme réclamée et il n'a pas contesté devant le Tribunal avoir eu du retard dans le paiement des loyers faisant l'objet dudit avis.

C'est donc à bon droit que le Tribunal a considéré que les conditions pour une résiliation de bail en application de l'art. 257d CO étaient réunies et qu'il a prononcé l'évacuation de l'appelant. Contrairement à ce que semble penser ce dernier, la résiliation du bail n'a aucun rapport avec la prétendue dénonciation d'une femme qu'il aurait momentanément hébergée, ni avec le fait qu'il aurait eu l'intention de voyager au Kenya pendant quelques mois.

Pour le surplus, il ne ressort pas des explications de l'appelant qu'il critiquerait de manière motivée la décision d'exécution de son évacuation et l'absence de sursis à ladite exécution. Il n'a en tout état de cause pris devant la Cour aucune conclusion, même implicite, quant à l'octroi d'un sursis à l'exécution de l'évacuation. Il a par ailleurs, de fait, disposé d'un sursis de plus d'un an et demi depuis la résiliation de son bail.

Enfin, l'appelant n'allègue pas s'être acquitté de la somme de 1'035 fr. qu'il a été condamné à payer.

Au vu de ce qui précède, le jugement attaqué sera confirmé.

3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 22 décembre 2022 par A______ contre le jugement JTBL/948/2022 rendu le 17 novembre 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/15619/2021.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Serge PATEK, Madame Zoé SEILER, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.