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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/16396/2022

ACJC/163/2023 du 06.02.2023 sur JTBL/743/2022 ( SBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16396/2022 ACJC/163/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 6 FEVRIER 2023

 

Entre

A______ SARL et Monsieur B______, ______ [GE], appelants et recourants d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 6 octobre 2022, comparant tous deux par Me Bernard CRON, avocat, rue Rodolphe-Toepffer 8, 1206 Genève, en l'étude duquel ils font élection de domicile,

et

C______ ANLAGESTIFTUNG, sise ______ [ZH], intimée, comparant par Me Emmanuelle GUIGUET-BERTHOUZOZ, avocate, rue du Général-Dufour 11, 1204 Genève, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/743/2022 du 6 octobre 2022, reçu par A______ SARL et B______ le 13 octobre 2022, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a condamné D______, E______, B______ et A______ SARL à évacuer immédiatement de leurs personnes, de leurs biens et de toute personne dont ils sont responsables, l'arcade d'environ 75 m2 située au rez-de-chaussée et le dépôt d'environ 40 m2 situé au sous-sol de l'immeuble sis no. ______, rue 1______, [code postal] Genève (ch. 1 du dispositif), ainsi que l'arcade d'environ 45 m2 située au rez-de-chaussée et le dépôt d'environ 138 m2 situé au sous-sol de l'immeuble précité (ch. 2), autorisé C______ ANLAGESTIFTUNG à requérir leur évacuation par la force publique dès l'entrée en force du jugement (ch. 3), condamné, conjointement et solidairement, D______, E______, B______ et A______ SARL à payer à C______ ANLAGESTIFTUNG 52'528 fr. 25 avec intérêts à 5% dès le 1er mars 2022 (ch. 4) et 11'781 fr. 50 avec intérêts à 5% dès le 1er juin 2022 (ch. 5), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6) et dit que la procédure était gratuite (ch. 7).

B. a.a Le 24 octobre 2022, A______ SARL et B______ ont formé un appel contre ce jugement, concluant principalement à ce que la Cour annule le chiffre 4 de son dispositif et dise qu'ils ne doivent pas verser 52'528 fr. 25 à C______ ANLAGESTIFTUNG.

a.b Le même jour, ils ont fait également recours contre la décision précitée, concluant principalement à ce que la Cour annule les chiffres 1 à 3 de son dispositif et les autorise à exploiter les deux arcades situées au no. ______, rue 1______ à tout le moins jusqu'au 31 janvier 2023.

Ni l'appel, ni le recours ne mentionnent D______ et E______ comme intimés.

A______ SARL et B______ ont produit trois pièces nouvelles.

b. C______ ANLAGESTIFTUNG a conclu à ce que la Cour déclare l'appel et le recours irrecevables, subsidiairement les rejette.

c. Les parties ont été informées le 1er décembre 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a.a Le 29 août 2022, C______ ANLAGESTIFTUNG a déposé à l'encontre de D______, E______, B______ et A______ SARL une requête en évacuation et en paiement par la voie de la protection pour cas clair, concluant à ce que le Tribunal condamne ces derniers à évacuer l'arcade de 75 m2 et le dépôt de 40 m2 situés au no. ______, rue 1______ à Genève, l'autorise à requérir leur évacuation par la force publique dès l'entrée en force du jugement et condamne E______ et D______ à lui verser 52'528 fr. 25 avec intérêts à 5% dès le 15 janvier 2022 à titre d'arriérés de loyer pour la période du 31 juillet 2021 au 31 juillet 2022.

Cette requête a été enregistrée sous le numéro de cause C/16396/2022.

a.b C______ ANLAGESTIFTUNG a allégué avoir conclu, en dernier lieu en avril 2017, avec F______ SARL, E______ et D______, agissant conjointement et solidairement, un contrat de bail portant sur une arcade de 75 m2 et un dépôt de 40 m2 situés dans l'immeuble dont elle est propriétaire au 35, rue de Pâquis, à Genève pour un loyer mensuel de 5'116 fr., charges comprises.

La faillite de F______ SARL avait été prononcée le ______ 2022.

Le bail avait pris fin le 31 juillet 2022, conformément au jugement JTBL/863/2021 du Tribunal du 22 octobre 2021, accordant aux locataires une unique prolongation de bail jusqu'à cette date.

Le 2 août 2022, jour prévu pour l'état des lieux de sortie, C______ ANLAGESTIFTUNG avait appris que l'arcade avait été sous-louée à B______ et A______ SARL, raison pour laquelle la requête du 29 août 2022 était également dirigée contre ces derniers.

b.a Le 29 août 2022 également, C______ ANLAGESTIFTUNG a déposé contre les mêmes personnes une autre requête en évacuation et en paiement par la voie de la protection pour cas clair, concluant à ce que le Tribunal condamne A______ SARL, E______, B______ et D______ à évacuer l'arcade de 45 m2 et le dépôt de 138 m2 situés au no. ______, rue 1______ à Genève, l'autorise à requérir leur évacuation par la force publique dès l'entrée en force du jugement et condamne A______ SARL à lui verser 11'781 fr. 50 avec intérêts à 5% dès le 15 janvier 2022 à titre d'arriérés de loyer au 31 juillet 2022, montant correspondant à "un peu plus de 4 mois de loyer".

Cette requête a été enregistrée sous le numéro de cause C/16400/2022.

b.b C______ ANLAGESTIFTUNG a allégué avoir conclu en juillet 2014 avec A______ SARL un contrat de bail portant sur une arcade de 45 m2 et un dépôt de 138 m2 situés au no. ______, rue 1______, pour un loyer mensuel de 3'100 fr., charges comprises.

Cette arcade et celle de 75 m2 étaient voisines et avaient été reliées, de manière à ne former qu'un seul local.

L'arcade de 45 m2 avait par la suite été sous-louée par A______ SARL à F______ SARL, E______ et D______.

Le bail avait pris fin le 31 juillet 2022, conformément au jugement du Tribunal du 22 octobre 2021, accordant aux locataires une unique prolongation de bail jusqu'à cette date.

Le 2 août 2022, jour prévu pour l'état des lieux de sortie, C______ ANLAGESTIFTUNG avait appris que l'arcade de 45 m2 avait également été sous-louée à titre personnel à B______, associé-gérant de A______ SARL. Les deux arcades étaient actuellement exploitées par celui-ci et sa société.

c. Le 6 octobre 2022, les causes C/16400/2022 et C/16396/2022 ont été jointes sous ce dernier numéro.

d. Lors de l'audience du Tribunal du 6 octobre 2022, B______ a indiqué qu'il occupait l'arcade de 45 m2, mais non celle de 75 m2. Selon lui, l'arriéré de loyer avait été résorbé avec la garantie de 14'000 fr. versée pour la plus petite des deux arcades. Il proposait de payer l'intégralité de l'arriéré des deux arcades et de conclure un bail à son nom.

C______ ANLAGESTIFTUNG a indiqué que la garantie de 14'000 fr. relative à l'arcade de 45 m2 avait été encaissée en août 2022. Le montant de 11'781 fr. 50 réclamé pour cette arcade tenait compte de la déduction de la garantie. Les deux arcades étaient occupées par B______, il n'y avait pas de séparation physique entre elles. Elle a refusé la proposition faite par B______.

D______ et E______ n'étaient ni présents, ni représentés.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. Le Tribunal a considéré que les baux des arcades litigieuses avaient expiré de sorte que E______, D______, B______ et A______ SARL n'étaient plus autorisés à occuper les locaux. Leur évacuation devait par conséquent être ordonnée. Il résultait des pièces produites que les arriérés de loyer réclamés par l'intimée pour les deux arcades étaient dus, de sorte que les précités devaient être condamnés conjointement et solidairement au paiement des montants sollicités.

Se fondant sur des pièces nouvelles, B______ et A______ SARL font valoir dans leur appel que le bail de l'arcade de 75 m2 a été transféré dès le 5 avril 2017 à F______ SARL. Ils ne répondaient dès lors du paiement du loyer que jusqu'au 5 avril 2019, conformément à l'art. 263 al. 4 CO.

Dans leur recours, B______ et A______ SARL allèguent avoir repris l'exploitation des deux arcades au début de l'été 2022 en tant que café-bar à chicha. Cette entreprise constituait la seule source de revenu de B______ et de sa famille. Il y avait investi la majorité de ses économies, soit environ 288'000 fr., en travaux de transformation. Ce type d'établissement était difficilement exploitable ailleurs qu'à G______, quartier où se trouvait leur clientèle. Il convenait dès lors de leur octroyer un sursis à leur expulsion.

1.1.1 La voie de l'appel est ouverte contre les décisions d'évacuation, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), alors que la voie du recours est ouverte contre les décisions du Tribunal de l'exécution (art. 309 let. a et 319 let. a CPC).

Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche le congé est également contesté, il y a lieu de prendre en compte la durée prévisible pendant laquelle l'usage de l'objet se prolongerait si le congé était éventuellement invalidé, soit la période de protection de trois ans de l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3; JdT 2019 II 235 pp. 236 et 239).

1.1.2 En l'espèce, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. s'agissant des conclusions en paiement prises par C______ ANLAGESTIFTUNG, de sorte que la voie de l'appel est ouverte contre les chiffres 4 et 5 du dispositif du jugement querellé. La voie du recours est quant à elle ouverte contre la décision d'exécution de l'évacuation.

1.2.1 Selon l'article 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte que s'ils sont invoqués ou produits sans retard et s'ils ne pouvaient être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise. La demande ne peut être modifiée que si les conditions fixées à l'art. 227 al. 1 CPC sont remplies et si la modification repose sur des faits ou moyens de preuve nouveaux (al. 2).

Les exigences posées par l'art. 257 al. 1 CPC doivent être satisfaites en première instance déjà et le juge d'appel ne saurait contrôler l'appréciation du tribunal sur la base de pièces différentes, fussent-elles recevables au regard de l'art. 317 al. 1 CPC (arrêts du Tribunal fédéral 4A_420/2012 du 7 novembre 2012, consid. 5; 4A_312/2013 du 17 octobre 2013 consid. 3.2). Il en va de même des faits nouveaux, étant souligné que, dans la mesure où la maxime des débats est applicable à la procédure de protection dans les cas clairs, tout fait non contesté est un fait prouvé (ATF 144 III 462 consid. 3.3.2).

Ainsi, ne sont pas recevables les contestations et objections que le locataire soulève pour la première fois en instance de recours, comme le fait qu'il a payé l'arriéré de loyer dans le délai de sommation de 30 jours ou qu'il a obtenu du bailleur un sursis au paiement. Le locataire doit invoquer ses moyens de défense en temps utile, conformément au principe de la simultanéité des moyens d'attaque et de défense (arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid. 4.2.2).

1.2.2 Les parties à un rapport de droit qui n'est susceptible que d'une décision unique doivent agir ou être actionnés ensemble (art. 70 al. 1 CPC).

Ainsi, lorsque l'action n'a pas été ouverte par ou dirigée contre tous les consorts matériels nécessaires (art. 70 al. 1 CPC), elle doit en principe être rejetée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_127/2022 du 28 juin 2022 consid. 3.3 et 5.2.2).

La requête d'expulsion cumulée avec une requête en paiement d'arriérés de loyer peut être formée contre plusieurs défendeurs lorsqu'il s'agit de colocataires ou d'époux usagers d'un même objet qui, en procédure, forment une consorité passive nécessaire. Dans ce cadre, des conclusions concernant les mêmes prétentions, qui seraient dues par le nouveau locataire et dont l'ancienne locataire serait solidairement responsable, ne peuvent être admises ou déclarées irrecevables que contre les deux débiteurs ensemble. Le juge n'a pas à diviser matériellement chacun de ces chefs de conclusions (art. 70 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_234/2022 du 21 novembre 2022 consid. 4.3 et 5.3).

L'acte d'appel écrit et motivé (art. 311 al. 1 CPC) doit contenir la désignation des parties. Si la partie désignée par l'appelant ne possède pas la légitimation passive, le juge ne peut statuer sur l'action et l'appel doit être rejeté (ATF 138 III 213 consid. 2.3).

La Cour de justice a considéré comme irrecevable un appel dirigé contre un jugement prononçant l'évacuation de trois locataires et les condamnant à payer un montant à la bailleresse, au motif que seuls deux des locataires avaient formé appel, sans attraire le troisième à la procédure d'appel. La Cour a considéré qu'elle ne pouvait pas statuer sur l'appel sans violer le droit d'être entendu du troisième locataire, lequel était également concerné par la procédure (ACJC/132/2011 du 31 janvier 2022, consid. 1.3).

1.3 En l'espèce, les pièces nouvelles produites par A______ SARL et B______, à savoir un contrat de bail du 10 juillet 2014 et ses deux avenants, sont irrecevables, de même que les allégations qui s'y rapportent, conformément aux principes juridiques susmentionnés.

Devant le Tribunal, B______ a proposé de régler le loyer des deux arcades, sans contester devoir le montant d'arriéré de loyer de l'arcade de 75 m2 réclamé par l'intimée, et n'a pas requis de sursis à l'évacuation. A______ SARL n'a quant à elle pas pris de conclusions et n'a formulé aucune allégation.

L'argumentation des précités devant la Cour se fonde ainsi entièrement sur des pièces et allégations de fait nouvelles qui sont irrecevables. Leurs conclusions nouvelles le sont également.

Il en résulte que tant l'appel que le recours sont irrecevables.

A cela s'ajoute que B______ et A______ SARL ont omis de mentionner comme parties intimées deux consorts, à savoir D______ et E______. Conformément aux principes juridiques exposés ci-dessus, la Cour ne peut dès lors entrer en matière ni sur l'appel, ni sur le recours.

Ceux-ci seront dès lors déclarés irrecevables.

2. Il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens, s'agissant d'une cause soumise à la juridiction des baux et loyers (art. 22 al. 1 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


Déclare irrecevables l'appel et le recours interjetés le 24 octobre 2022 par B______ et A______ SARL contre le jugement
JTBL/743/2022 rendu le 6 octobre 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/16396/2022-6-SD.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Pauline ERARD et Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ, Monsieur Grégoire CHAMBAZ; juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie RAPP

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.