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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/13174/2022

ACJC/161/2023 du 06.02.2023 sur JTBL/642/2022 ( SBL ) , JUGE

Normes : LaCC.30
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13174/2022 ACJC/161/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 6 FEVRIER 2023

 

Entre

FONDATION DE PREVOYANCE A______, sise ______ [ZH], recourante contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 1er septembre 2022, comparant par Me Vadim HARYCH, avocat, rue Verdaine 15, case postale 3015, 1211 Genève 3, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______ et Madame C______, domiciliés ______ [GE], intimés, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/642/2022 du 1er septembre 2022, le Tribunal des baux et loyers a condamné B______ et C______ à évacuer immédiatement de leurs personnes et de leurs biens ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec eux l'appartement de trois pièces situé au 12ème étage de l'immeuble sis avenue 1______ no. ______, [code postal] E______ [GE] (ch. 1 du dispositif), autorisé FONDATION DE PREVOYANCE A______ à requérir l'évacuation par la force publique de B______ et C______ dès le 1er avril 2023 (ch. 2), condamné conjointement et solidairement B______ et C______ à verser à FONDATION DE PREVOYANCE A______ la somme de 3'440 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 1er juin 2022 (ch. 3), autorisé FONDATION DE PREVOYANCE A______ à prélever la somme due selon le ch. 3 précité, sur la garantie de loyer constituée auprès de [la banque] D______ (dépôt de garantie no° 2______) (ch. 4), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5) et dit que la procédure était gratuite (ch. 6).

B. a. Par acte déposé le 14 septembre 2022 à la Cour de justice, FONDATION DE PREVOYANCE A______ a formé recours contre ce jugement. Elle a conclu à l'annulation du chiffre 2 de son dispositif et, cela fait, à ce qu'elle soit autorisée à faire exécuter le jugement d'évacuation dès son entrée en force, subsidiairement, dès le 1er décembre 2022.

b. B______ et C______ n'ont pas répondu au recours dans le délai qui leur avait été imparti.

c. Les parties ont été avisées par la Cour le 10 octobre 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. FONDATION DE PREVOYANCE A______, bailleresse, d'une part, et B______, locataire, d'autre part, ont conclu le 17 mai 2019 un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de trois pièces situé au 12ème étage de l'immeuble sis avenue 1______ no. ______, [code postal] E______.

Le bail a été conclu pour une durée indéterminée et a débuté le 1er juin 2019.

Le montant du loyer et des charges a été fixé en dernier lieu à 1'600 fr. par mois, auquel s'ajoute 120 fr. par mois de frais accessoires.

Un dépôt de garantie no° 2______ a été effectué auprès de D______ à hauteur de 4'820 fr. le 28 mai 2019.

b. En cours de bail, C______, mariée à B______, a emménagé dans l'appartement considéré.

c. Par lettre recommandée du 8 février 2022, la bailleresse a mis en demeure les locataires de s'acquitter du loyer des mois de février et mars 2022, soit le montant de 3'440 fr., et les a informés de son intention, à défaut du paiement intégral de la somme réclamée dans le délai imparti, de résilier le bail conformément à l'art. 257d CO.

d. Considérant que la somme susmentionnée n'avait pas été intégralement réglée dans le délai imparti, la bailleresse a, par lettres recommandées du 8 mars 2022, résilié le bail pour le 31 mai 2022.

e. Par requête déposée le 7 juillet 2022, la bailleresse a introduit action en évacuation devant le Tribunal des baux et loyers et a en outre sollicité l'exécution directe immédiate de l'évacuation des locataires et le paiement de la somme de 3'440 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 1er juin 2022, ainsi que la libération en sa faveur de la garantie de loyer à due concurrence.

f. Lors de l'audience du 1er septembre 2022, la bailleresse a produit un extrait de compte et a persisté dans ses conclusions. Elle était d'accord d'octroyer un court délai de départ.

Les locataires ont produit une attestation de l'OCPM et ont exposé que seul B______ travaillait, qu'ils avaient deux enfants âgés de 10 et 12 ans et qu'ils étaient en attente d'un titre de séjour.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

g. Dans son jugement du 1er septembre 2022, le Tribunal a considéré que les conditions d'une résiliation du bail selon l'art. 257d al. 1 CO étaient réunies. La bailleresse était ainsi fondée à donner congé, ce qu'elle avait fait en respectant les conditions de l'art. 257d al. 2 CO. Il s'ensuivait que, depuis l'expiration du terme fixé, les locataires ne disposaient plus d'aucun titre juridique les autorisant à rester dans les locaux loués et qu'ils violaient ainsi l'art. 267 al. 1 CO. Dès lors, l'évacuation de ces derniers devait être prononcée. La bailleresse avait par ailleurs requis l'exécution de l'évacuation, ce à quoi, siégeant dans la composition prévue à l'article 30 LaCC, le Tribunal a fait droit. Afin de permettre aux locataires de prendre leurs dispositions pour restituer les locaux, occupés par quatre personnes dont deux enfants, le Tribunal a prononcé l'exécution forcée de son jugement dès le 1^{er} avril 2023. Il a par ailleurs condamné les locataires au paiement des arriérés de loyer à la bailleresse, que celle-ci pouvait prélever sur la garantie de loyer constituée.


 

EN DROIT

1. 1.1 La voie de l'appel est ouverte contre les décisions d'évacuation, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), alors que la voie du recours est ouverte contre les décisions du Tribunal de l'exécution (art. 309 let. a CPC; art. 319 let. a CPC).

En l'espèce, la bailleresse conteste uniquement l'exécution de l'évacuation, la voie du recours est dès lors seule ouverte.

1.2 Interjeté selon la forme et dans le délai prescrits, le recours est recevable (art. 321 al. 1 CPC).

2. La recourante soutient que le Tribunal avait constaté les faits de manière manifestement inexacte en ne tenant pas compte de plusieurs faits essentiels.

2.1 Selon l'art. 320 CPC, le recours est recevable pour violation du droit (let. a) et constatation manifestement inexacte des faits (let. b).

En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des conclusions insoutenables (ATF 143 IV 500 consid. 1.1 et la référence). Le recourant ne peut se borner à contredire les constatations litigieuses par ses propres allégations ou par l'exposé de sa propre appréciation des preuves; il doit indiquer de façon précise en quoi ces constatations sont arbitraires (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3).

2.2 En l'espèce, la recourante se limite à affirmer que certains faits n'auraient pas été retenus et qu'ils seraient essentiels, sans toutefois démontrer qu'en ne les retenant pas, le Tribunal aurait fait preuve d'arbitraire.

Le grief sera dès lors rejeté.

3. La recourante invoque une violation de l'art. 30 al. 4 LaCC. Elle soutient qu'aucun sursis ne devait être accordé aux locataires et que si le principe d'un sursis était admis, le délai accordé de sept mois depuis la date du jugement attaqué et dix mois depuis la fin des rapports contractuels était trop long.

3.1 En procédant à l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit tenir compte du principe de la proportionnalité. Lorsque l'évacuation d'une habitation est en jeu, il s'agit d'éviter que des personnes concernées ne soient soudainement privées de tout abri. L'expulsion ne saurait être conduite sans ménagement, notamment si des motifs humanitaires exigent un sursis, ou lorsque des indices sérieux et concrets font prévoir que l'occupant se soumettra spontanément au jugement d'évacuation dans un délai raisonnable. En tout état de cause, l'ajournement ne peut être que relativement bref et ne doit pas équivaloir en fait à une nouvelle prolongation de bail (ATF 117 Ia 336 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

L'art. 30 al. 4 LaCC concrétise le principe de la proportionnalité en cas d'évacuation d'un logement, en prévoyant que le Tribunal des baux et loyers peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire ou du fermier lorsqu'il est appelé à statuer sur l'exécution d'un jugement d'évacuation d'un logement, après audition des représentants du département chargé du logement et des représentants des services sociaux ainsi que des parties.

3.2 En l'espèce, il ne ressort pas du procès-verbal de l'audience devant le Tribunal que les intimés auraient sollicité un sursis à l'exécution de leur évacuation, alors que la maxime de disposition est applicable. La recourante avait pour sa part uniquement consenti à l'octroi d'un court délai de départ. En l'absence de conclusions des intimés, un délai d'une durée supérieure à celle à laquelle la recourante consentait ne pouvait donc être accordé. Or, l'accord de cette dernière à l'octroi d'un "court délai" ne pouvait être interprété par le Tribunal comme un accord à l'octroi d'un délai de sept mois, lequel s'apparente quasiment à une prolongation de bail.

Il sera relevé en tout état de cause que les locataires ont déjà bénéficié, de fait, d'un sursis de plus de sept mois depuis la fin du bail et de plus de quatre mois depuis l'audience devant le Tribunal.

Au vu de ce qui précède, le Tribunal a accordé à tort un sursis à l'exécution de l'évacuation des intimés, que ceux-ci n'avaient pas sollicité. Le recours est ainsi fondé. Le ch. 2 du dispositif du jugement attaqué sera annulé et la recourante sera autorisée à requérir l'évacuation par la force publique des intimés dès l'entrée en force du jugement.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2022 par FONDATION DE PREVOYANCE A______ contre le jugement JTBL/642/2022 rendu le 1er septembre 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/13174/2022-8-SE.

Au fond :

Annule le ch. 2 du dispositif de ce jugement et, cela fait :

Autorise FONDATION DE PREVOYANCE A______ à requérir l'évacuation par la force publique de B______ et C______ dès l'entrée en force du jugement JTBL/642/2022 rendu le 1er septembre 2022 par le Tribunal des baux et loyers.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Laurence MIZRAHI et Monsieur
Serge PATEK, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.