Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des baux et loyers

1 resultats
C/9235/2019

ACJC/156/2023 du 06.02.2023 sur JTBL/59/2022 ( OBL ) , CONFIRME

Normes : CO.259
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/9235/2019 ACJC/156/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 6 FEVRIER 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ (France), appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 31 janvier 2022, comparant par Me Maxime CHOLLET, avocat, rue du Cloître 2, case postale 3149, 1211 Genève 3, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

et

B______ SA, ayant son siège ______ [GE], intimée, comparant par Me Yves De COULON, avocat, rue Jacques-Balmat 5, case postale 1203, 1211 Genève 1, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. a. Par jugement JTBL/59/2022 du 31 janvier 2022, communiqué pour notification le même jour aux parties, le Tribunal des baux et loyers a débouté A______ de toutes ses conclusions (chiffre 1), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2), et a dit que la procédure était gratuite (ch. 3).

Le Tribunal a retenu que B______ SA (ci-après également « la locataire »), respectivement C______ et sa famille (ci-après « les occupants » ou « les époux C______/D______ »), n'avaient pas violé l'article 24 let. m des conditions générales et règles et usages locatifs du bail à loyer type pour villas (éditions 2010), au motif que le nettoyage régulier de l'intégralité du toit de la villa ne relevait pas de la disposition précitée et qu'il n'était pas contesté que les époux C______/D______ avaient procédé au nettoyage régulier des chaines de pluie notamment.

Par ailleurs, l'autorité précédente a considéré que le sinistre survenu en août 2018 s'était produit suite à des circonstances météorologiques particulières, qui auraient été de nature à rompre le lien de causalité adéquate entre une éventuelle violation contractuelle de la locataire et la survenance du dommage.

b. Par acte expédié à la Cour de justice le 2 mars 2022, A______ (ci-après également « le bailleur »), a fait appel de ce jugement et en demande l'annulation. Cela fait, il conclut à la condamnation de la locataire au paiement de 93'330 fr. 80 avec intérêts à 5% l'an dès le 2 juillet 2018.

Il allègue que le Tribunal aurait violé le droit à trois égards.

En premier lieu, le Tribunal aurait violé, ou à tout le moins procédé à une mauvaise application, de l'art. 24 let. m des conditions générales et règles et usages locatifs du bail à loyer type pour villas (éditions 2010) en ne retenant pas une violation de cette disposition par la locataire, respectivement par les occupants de la villa.

Il reproche en deuxième lieu au Tribunal de ne pas avoir analysé la condition du lien de causalité adéquate entre une éventuelle violation contractuelle et la survenance du dommage.

Il soutient finalement que l'audition de E______ n'aurait pas dû être ordonnée en qualité de témoin, mais en qualité de partie, vu que ce dernier avait représenté la locataire dans le cadre de la conclusion du contrat de bail litigieux et serait inscrit au Registre du commerce en qualité de titulaire d'une procuration collective à deux.

c. Dans sa réponse expédiée le 4 avril 2022, la locataire a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions et à la confirmation du jugement entrepris.

Elle fait valoir que l'interprétation faite par le bailleur du terme « chéneaux » serait erronée et que l'entretien du toit de la villa ne correspondrait pas à de menus travaux au sens de l'art. 259 CO, ainsi qu'aux termes de l'art. 24 let. m des conditions générales précitées.

De plus, elle relève que la condition du lien de causalité adéquate entre une éventuelle violation contractuelle et la survenance du dommage aux termes de l'art. 97 CO ne serait pas réalisée en l'espèce, puisque celui-ci serait survenu suite à une succession d'événements liés aux conditions météorologiques et que de toute évidence un entretien conforme au contrat de bail des gargouilles et des chaînes de pluie par la locataire, n'aurait pas pu empêcher l'occurrence du sinistre.

En outre, elle considère que le Tribunal aurait à juste titre entendu E______ en qualité de témoin, car celui-ci ne disposerait pas d'un pouvoir décisionnel propre au sein de B______ SA. De plus, le bailleur n'aurait pas rendu vraisemblable l'influence de ce grief sur l'issue du litige.

Finalement, elle fait valoir que le bailleur aurait violé les règles sur la répartition du fardeau de la preuve (art. 8 CC), et plus particulièrement les règles sur le droit d'apporter une contre-preuve, en entreprenant les travaux de rénovation de la toiture de la villa avant d'en avoir informé la locataire, qu'il tenait pour responsable du sinistre.

d. En l'absence de réplique, les parties ont été informées le 20 mai 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

B. Les faits pertinents de la cause sont les suivants :

a. Le 18 septembre 2014, A______, propriétaire, et B______ SA, locataire, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'une villa sise no. ______, chemin 1______ à F______ (GE) (ci-après : la villa).

La locataire a été représentée dans le cadre de la conclusion de ce contrat par E______ et G______. A teneur de l'extrait du Registre du commerce de la locataire, E______ est titulaire d'une procuration collective à deux. Il ne s'agit pas d'un membre du conseil d'administration ou de la direction de B______ SA.

b. Le bail a été conclu pour une durée d'une année, du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2015, renouvelable tacitement d'année en année, sauf résiliation signifiée trois mois avant l'échéance.

Le loyer, charges non comprises, a été fixé à 69'000 fr. par an.

La villa était destinée à l'usage privé d'un employé de la bailleresse, soit C______, et de sa famille.

c. L'article 24 let. m des conditions générales et règles et usages locatifs du bail à loyer type pour villas (édition 2010) faisant partie intégrante du bail concerné, prévoit que font notamment partie des menus travaux d'entretien, de nettoyage et de réparation incombant au locataire le fait de procéder au nettoyage régulier des chenaux (recte chéneaux) et des descentes d'eaux pluviales.

d. La villa possède un toit plat, l'eau de pluie étant évacuée par deux ouvertures en gargouille - sans gouttière à proprement parler - déversant directement l'eau sur la terrasse du 1er étage, l'eau étant dirigée vers les canalisations par des chaînes de pluie attachées sur la toiture.

e. Le toit est situé à environ 3 mètres par rapport à la terrasse du premier étage.

f. Un cèdre du Liban est situé sur la parcelle voisine, à proximité immédiate de la villa.

g. La locataire allègue que les occupants de la villa auraient procédé au nettoyage régulier des chaînes de pluie. Cet allégué est contesté par le bailleur.

h. En 2015, des taches d'humidité sont apparues sur la cloison entre la salle d'eau et une des chambres sises à l'étage, que le bailleur a attribué à un phénomène de condensation entre ces deux pièces.

i. La villa a subi deux dégâts d'eau lors de l'été 2018, l'un en juillet et le second en août.

j. Le dégât d'eau constaté en juillet 2018 a été imputé à la rupture d'une canalisation située à l'étage, dans la salle de bains, et a provoqué des infiltrations dans le plafond de la cuisine.

k. En août 2018, à leur retour de vacances, les occupants de la villa ont constaté de grosses infiltrations d'eau un peu partout dans la maison; ils en ont informé le bailleur.

l. A______ a alors fait intervenir son architecte et une inspection approfondie de la situation, notamment de la toiture, a été effectuée.

m. Selon le rapport de [l'entreprise] H______ du 13 septembre 2018, l'entreprise I______ SA - entreprise ayant réalisé la toiture à l'origine - a constaté que les descentes d'eau pluviales étaient totalement bouchées, que de l'eau stagnait sur la toiture, que le bois de l'acrotère, à savoir le muret sis en bordure de la toiture, situé sous la toile d'étanchéité était pourri et que de l'eau était présente sur les planches de support de l'étanchéité.

n. L'architecte en a conclu qu'une succession d'événements liés aux conditions météorologiques étaient la cause de ces débordements et des dégâts d'eau intérieurs au bâtiment. Selon elle, la sécheresse avait engendré une perte importante des aiguilles du pin sis sur la parcelle voisine, ce qui avait bouché rapidement les descentes d'évacuation d'eau de la toiture. Les fortes pluies avaient occasionné des montées d'eau importantes que la toiture n'avait pas pu absorber, l'eau ayant débordé sous les acrotères et s'étant infiltrée sous l'étanchéité, pénétrant ainsi dans la maison. L'état de la structure ne semblait pas toucher par les infiltrations d'eau.

Pour éviter tout dommage futur, l'architecte préconisait de procéder à certaines modifications de la toiture, en rehaussant l'acrotère, agrandissant les ouvertures des descentes d'eau et créant deux sorties de déversement de secours.

o. Suite à ce sinistre, A______ a fait procéder à la réfection complète de la toiture. Dans ce cadre, les entreprises suivantes sont intervenues :

- La société J______ SA est intervenue pour la pose d'une toiture provisoire et l'installation d'échafaudages, pour un montant de 15'080 fr. 80 (15'110 fr. – 19 fr. 20);

- La société K______ SA a procédé aux travaux de réfection et de constitution du sommier, pour un montant de 2'250 fr. facturé le 10 décembre 2018;

- La société I______ SA a procédé aux travaux de réfection de la toiture (étanchéité, charpente et couverture) pour un montant de 58'000 fr. (58'400 fr. - 400 fr.);

- H______ est intervenu dans le cadre de la recherche de solutions, la coordination et le suivi des travaux, pour un montant de 18'000 fr.

p. Le système d'évacuation des eaux pluviales a été transformé à l'occasion des travaux pour intégrer une descente d'eau pluviale classique, composée d'une boîte collectrice en façade surplombant une descente en zinc ou inox s'enfonçant au sol dans un sac à l'anglaise pourvu d'un regard.

La partie extérieure de l'acrotère est dorénavant pourvue de deux trop-pleins permettant d'éviter la rétention d'eau pluviale pour le cas où les descentes d'eau pluviale viendraient à se boucher.

q. L______, assurance de A______, a indiqué à ce dernier le 20 septembre 2018 qu'elle ne prendrait pas en charge les interventions des entreprises J______ SA et I______ SA puisque les dommages aux façades (murs extérieurs y compris isolation) et au toit (construction portante, revêtement du toit et isolation) étaient exclus de la couverture d'assurance.

r. Par courrier du 17 octobre 2018, A______ a indiqué à B______ SA qu'il estimait que les dégâts d'eau survenus et la réfection de l'étanchéité de la toiture qui avait suivi, étaient dus à l'obstruction des descentes d'eau pluviale. Selon lui, à teneur des conditions générales et règles et usages locatifs, le nettoyage des chéneaux et des descentes d'eau incombait à la locataire de sorte qu'elle était priée d'annoncer le cas à son assurance responsabilité.

s. B______ SA a contesté le 6 novembre 2018 que de tels travaux lui incombaient, dans la mesure où la villa ne disposait pas d'un accès direct au toit permettant d'atteindre celui-ci en toute sécurité et que les occupants ne possédaient pas les compétences techniques nécessaires pour ce faire.

t. Les parties ont maintenu leurs positions respectives dans les échanges de courriers qui ont suivi.

u. Le bail a pris fin d'entente entre les parties et la villa a été restituée à A______ le 14 mars 2019.

v. Par requête déposée le 24 avril 2019, par-devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, déclarée non conciliée à l'audience de la Commission du 3 juin 2019, et portée devant le Tribunal des baux et loyers le 3 juillet 2019, A______ a conclu à la condamnation de B______ SA au paiement de la somme de 93'330 fr. 80, avec intérêts à 5% l'an dès le 2 juillet 2018.

A______ a notamment fait valoir que les locataires auraient pu conclure un contrat d'entretien portant sur le nettoyage de la toiture et a produit plusieurs devis en ce sens (pièces 6 à 9).

w. Dans sa réponse du 28 octobre 2019, B______ SA a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions.

x. Dans sa réplique du 21 février 2020, A______ s'est prononcé sur les allégués de B______ SA.

y. Dans sa duplique du 25 mai 2020, B______ SA a persisté dans ses conclusions.

z. Lors de l'audience du 12 novembre 2020, A______ a indiqué que lorsque les époux C______/D______ étaient arrivés dans la villa, il leur avait proposé d'engager quelqu'un pour l'entretien de la maison, mais ils avaient refusé. L'entretien de la toiture n'impliquait pas de connaissances techniques particulières puisqu'il suffisait de nettoyer la gargouille. L'accès au toit était aisé depuis la terrasse avec une échelle. Personne n'était allé sur le toit suite à la trace d'humidité constatée en 2015 sur un mur dans l'angle entre la salle de bains et une chambre. Au départ de la locataire, il s'était aperçu que la ventilation ne fonctionnait pas dans la salle de bains, ce qui expliquait probablement les problèmes d'humidité rencontrés en 2015. Personne n'était monté sur le toit en juillet 2018 non plus. Le sinistre d'août 2018, vu son importance, avait imposé d'agir rapidement. Les travaux réalisés étaient ceux que l'architecte lui avait recommandés. L'entreprise M______ avait quant à elle proposé de refaire exactement la même toiture qu'avant le sinistre. A sa connaissance, il n'y avait pas de différence budgétaire entre les options proposées par son architecte et par M______. Il n'avait pas vu l'état des lieux après le sinistre. Lorsqu'il était monté sur le toit, l'entreprise était déjà intervenue et les lieux avaient été nettoyés. Il ne possédait pas de contrat d'entretien pour la toiture et il s'agissait d'un toit qui ne nécessitait pas particulièrement d'entretien.

aa. N______, architecte mandatée par le bailleur et entendue en qualité de témoin, a confirmé être intervenue dans la villa, la première fois suite au sinistre survenu au début du mois de juillet 2018. A l'issue des vérifications opérées au niveau des sanitaires, l'origine de la fuite n'avait pu être établie. Suite au sinistre d'août 2018, une vérification de la toiture avait eu lieu. Des sondages avaient été effectués et il était apparu que la charpente n'était pas endommagée. Les travaux qu'elle avait proposés de réaliser avaient pour but d'éviter les risques d'une nouvelle infiltration. Selon elle, si les ouvertures permettant l'évacuation de l'eau avaient été propres avant les pluies, l'eau se serait écoulée normalement et il n'y aurait pas eu d'infiltration. Or, d'après les photographies prises par I______ SA, les descentes d'eau étaient remplies d'une grande quantité d'aiguilles de pin. Dégager les chéneaux était possible depuis la terrasse du 1er étage. Le trou était environ à trois mètres du sol et il fallait une échelle pour y accéder. Le système qui était mis en place avant le sinistre était selon elle conforme aux normes et suffisant. A son sens, vu l'état du bois de l'acrotère, qui était tout pourri, il devait y avoir eu des infiltrations déjà avant 2018. Suite au sinistre, l'étanchéité avait dû être intégralement refaite. Elle avait demandé des devis pour réparer cette toiture et la remettre exactement dans l'état préexistant ainsi que des devis pour mettre en place un autre système plus moderne. A son souvenir, les prix des devis étaient quasiment identiques. Avec le rehaussement de l'acrotère et l'agrandissement des ouvertures qu'elle proposait, les chéneaux pouvaient absorber une plus grande quantité d'eau.

ab. Lors de l'audience du 7 octobre 2021, le Tribunal a procédé à l'audition des témoins suivants :

Lors de l'audition de E______, employé de la locataire, et responsable de l'immobilier en charge des logements de fonction de celle-ci, le bailleur a relevé qu'il estimait que cette personne devrait être entendue en tant que partie et non comme témoin car elle était au bénéfice d'une procuration collective à deux selon l'extrait du Registre du commerce de la locataire. Il se réservait de faire valoir cet argument dans son recours au fond. E______ a été entendu comme témoin. Il a indiqué avoir été présent à l'état des lieux d'entrée. A cette occasion, les occupants de la villa à qui incombait l'entretien du jardin ont indiqué être prêts à faire ce travail. La question de l'entretien des descentes d'eau ou des chéneaux par les locataires n'avait pas été abordée. Si son attention avait été attirée sur cela, il aurait mandaté une entreprise spécialisée pour le faire. Au vu de la hauteur du toit (environ 7m), de l'absence de garde-fou et d'accès, il n'aurait pas souhaité que les occupants doivent monter sur le toit. La situation de cette villa était particulière car il s'agissait d'un toit plat, dont l'eau s'évacuait plus difficilement. Il n'y avait pas de chéneaux dans cette villa. L'eau s'écoulait correctement par des chainettes, lesquelles étaient entretenues par les occupants. Lors de la conclusion du bail, il avait lu et visé toutes les pages du contrat y compris la page 5 des conditions générales précitées.

Suite au sinistre, A______ l'avait approché en vue de trouver une solution amiable. Ce n'est que dans son courrier du 17 octobre 2018 que A______ avait tenu B______ SA pour responsable du sinistre. Par ailleurs, il avait appris par C______ que le bailleur avait entrepris les travaux de réparation de la toiture. Il s'était rendu sur place avec ce dernier uniquement après les travaux; A______ lui avait présenté les travaux effectués comme des améliorations, une correction d'un défaut de conception de la villa. Il y avait en effet une rehausse importante et l'ajout d'un système d'évacuation.

D______, occupante de la villa, a indiqué ne pas avoir vu le contrat de bail conclu entre B______ SA et le propriétaire. Elle n'avait pas le souvenir que les questions d'entretien, qu'il s'agisse du jardin ou des descentes d'eau aient été abordées en sa présence par la locataire ou le bailleur. Elle et son mari étaient néanmoins conscients qu'ils devaient entretenir la maison et le jardin, ce qu'ils avaient au demeurant fait.

S'agissant en particulier de l'écoulement d'eau, ils avaient toujours entretenu la chaîne en faisant en sorte qu'elle soit propre et qu'il n'y ait pas de mousse; l'entretien de celle-ci pouvait se faire depuis la terrasse au moyen d'un escabeau et d'une brosse. A son sens, leur devoir d'entretien était respecté par le nettoyage de cette chaîne. Elle ne savait pas du tout comment il aurait fallu faire pour atteindre l'intérieur des descentes d'eau et n'y avait même pas pensé. En tous les cas, elle et son mari vérifiaient que l'eau s'écoulait correctement lorsqu'il pleuvait, et c'était bien le cas. Ils n'avaient jamais cherché à aller sur le toit. Il était possible de monter sur le toit avec une échelle mais ils ne possédaient pas l'équipement nécessaire.

Durant leur occupation de la maison, des personnes étaient montées sur le toit, à son souvenir, à deux reprises. Une première fois lorsqu'ils avaient constaté une tache d'humidité dans l'une des chambres au 1er étage. Cette intervention était demeurée sans suite car rien de spécial n'avait été alors constaté sur le toit. Une seconde fois, ils avaient eu des traces de fuite dans la cuisine. Quelqu'un était à nouveau monté sur le toit et n'avait rien constaté de particulier. Il y avait un problème de défaut de joint dans la salle de bains. Dans les deux cas, ils avaient tout de suite informé le propriétaire des traces qu'ils avaient constatées et ce dernier avait fait venir son architecte accompagné de professionnels.

Après le sinistre d'août 2018, A______ était intervenu rapidement car la fuite était très importante. Elle et son mari n'avaient pas été impliqués dans des discussions concernant les travaux à entreprendre. Elle ne savait pas exactement quand la fuite avait eu lieu parce qu'elle et sa famille étaient alors parties en vacances environ trois semaines.

ac. A l'issue de l'audience, le Tribunal a clôturé la phase d'administration des preuves.

ad. Lors de l'audience de débats principaux du 16 décembre 2021, les parties ont plaidé et la cause a été gardée à juger à l'issue de celle-ci.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

La valeur litigieuse est déterminée par les dernières conclusions de première instance (art. 91 al. 1 CPC; JEANDIN in Commentaire Romand, Code de procédure civile, 2e éd., 2019, n. 13 ad art. 308 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_594/2012 du 28 février 2013).

1.2 En l'espèce, par-devant le Tribunal, l'appelant a conclu à la condamnation de l'intimée au paiement de la somme de 93'330 fr. 80 avec intérêts à 5% l'an dès le 2 juillet 2018.

La valeur litigieuse est ainsi supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.3 Interjeté dans le délai prescrit et selon la forme requise par la loi, l'appel est recevable (art. 130, 131, 145 al. 1 let. b, 311 al. 1 CPC).

1.4 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2. L'état de faits a été complété de manière à intégrer certains éléments manquants soulevés par l'appelant en lien avec les déclarations des témoins E______ et C______.

3. L'appelant fait grief au Tribunal d'avoir procédé à une mauvaise application de l'article 24 let. m des conditions générales et règles et usages locatifs du bail à loyer type pour villas (éditions 2010).

Il allègue que la disposition précitée fait référence à deux termes spécifiques, soit « les chéneaux » et « les descentes d'eaux pluviales » et reproche au Tribunal de n'avoir analysé que la question relative aux chéneaux.

De plus, il relève que le Tribunal aurait assimilé de manière erronée le toit plat de la villa à un chéneau.

3.1 Aux termes de l'art. 259 CO, le locataire doit, conformément à l'usage local, remédier à ses frais aux défauts qui peuvent être éliminés par les menus travaux de nettoyage ou de réparation indispensables à l'entretien normal de la chose.

Par principe, l'entretien de la chose louée incombe au bailleur (art. 256 CO).

L'art. 259 CO constitue dès lors une exception à l'art. 256 CO, à mesure qu'il met à la charge du locataire les menus travaux de nettoyage et de répartition, c'est-à-dire les travaux visant à éliminer les menus défauts. Comme il s'agit d'une exception au principe de base, les cas limites doivent être interprétés de manière restrictive (AUBERT, in Droit du bail à loyer et à ferme, Commentaire pratique, 2e éd., Bâle 2017, n. 1 ad art. 259 CO). En cas de doute, la réparation ou les travaux d'entretien seront mis à la charge du bailleur (LACHAT/RUBLI, Le bail à loyer, Lausanne 2019, p. 294; CARRON, Bail et travaux de construction : aménagement, entretien, rénovation et modification des locaux, in 17e séminaire sur le droit du bail, Neuchâtel 2012, No 79 p. 70).

Le locataire est tenu d'user la chose avec le soin nécessaire (devoir de diligence, art. 257f al. 1 CO). Outre les menus défauts, il répond également des défauts qui lui sont imputables (art. 257g CO et art. 259a al. 1 CO a contrario, dans le prolongement de la règle générale de l'art. 97 CO), des dommages commis par les tiers dont il est responsable (art. 101 CO), ainsi que par des animaux dont il répond (art. 97 CO voire art. 56 CO).

L'obligation de l'art. 259 CO est relativement impérative en faveur du locataire pour les baux d'habitations et de locaux commerciaux. Cela signifie qu'il ne peut y être dérogé contractuellement qu'en faveur du locataire. Les clauses qui obligent le locataire à conclure notamment un abonnement d'entretien, ou imposent un montant forfaitaire pour chaque réparation indépendamment du coût de cette dernière et donc de sa nature, sont ainsi illégales (AUBERT, op. cit., n. 4 ad art. 259 CO et références citées).

Le défaut est mineur lorsqu'il n'influence pratiquement pas l'usage normal de la chose louée ou seulement de manière accessoire; il peut être éliminé par des menus travaux de nettoyage ou des réparation indispensables à l'entretien normal de la chose, soit « à la jouissance normale de la chose louée » (salissures ordinaires et petites marques d'usure sur lesquelles le locataire a une influence immédiate).

Le caractere normal de l'entretien de la chose consiste a eliminer les menus defauts. Ce caractere normal peut faire l'objet de precisions dans le contrat de bail, notamment par l'ajout d'une liste exemplative de travaux tombant sous le coup de l'art. 259 CO. Si le contrat ne prevoit rien, le caractere normal resulte de l'usage local. A ce titre, on peut utilement consulter les listes de travaux figurant dans les usages locatifs ou les conditions generales des baux, meme si leur conformite au texte legal n'est pas garantie. Les montants maximum proposes par la doctrine, qui varient entre 100 fr. et 150 fr., n'ont qu'une valeur indicative (CARRON, op. cit., No 73, p. 68; AUBERT, op. cit., n. 16a ad art. 259 CO).

Les menus travaux de nettoyage consistent avant tout a enlever la salete a l'aide d'eau, de produits de nettoyage ou de tout autre appareil. Ils peuvent comprendre l'entretien des vitres, des sols et boiseries, des serrures, gonds et volets, l'enlevement de la neige ou de la glace sur les balcons ou terrasses, l'entretien du jardin a usage exclusif, le nettoyage de la cheminee de salon et l'entretien des appareils de chauffage individuels (CARRON, op. cit., No 75, p. 69 et références citées).

Les menues reparations englobent les travaux de construction courants commandes par l'entretien normal de la chose. Parmi les exemples cites par la doctrine, on trouve le remplacement d'un filtre de ventilation, d'une ampoule, d'un joint ordinaire, de brise-jets, de flexibles de douche, de fusibles ainsi que le debouchage des ecoulements jusqu'a la conduite collective. Au contraire, le remplacement des charnieres d'un frigo, du joint d'un lave-vaisselle, de toiles de tente, d'une electrode de chauffe-eau, la reparation d'un four ou d'une machine a laver le linge n'en font pas partie (AUBERT, op. cit., n. 16 ad art. 259 CO; CARRON, op. cit., No 76, p. 69).

Les usages locatifs et les conditions générales des baux pré-imprimés comportent souvent des listes de travaux à charge du locataire qui, parfois, diffèrent selon l'usage local auquel se réfère l'art. 259 CO. Pour autant, ces contrats-types ne sont pas toujours conformes aux exigences légales (AUBERT, op. cit., n. 15 ad art. 259 CO). Il en va ainsi du remplacement des toiles de tente, qui ne rentre pas dans la notion de menues réparations (TB VD, CdB 1996 92).

La remise en état d'un évier bouché, effectuée par un spécialiste au moyen d'un appareil de nettoyage à haute pression (MP 1/09, p. 18), ou une réparation qui pourrait créer, si elle n'était pas effectuée correctement, un risque pour la sécurité des personnes et de la chose louée (LACHAT/RUBLI, op. cit., p. 293 et référence citée), ne répondent pas à la notion de menu travail.

3.2 Aux termes de l'art. 24 let. m des conditions générales précitées, font notamment partie des menus travaux d'entretien, de nettoyage et de réparation incombant au locataire, le fait de procéder au nettoyage régulier des chéneaux et des descentes d'eaux pluviales.

Selon la définition du Larousse (édition 2021), un chéneau est un canal situé à la partie inférieure d'un pan de toiture pour en recueillir les eaux et les évacuer par des gargouilles ou des tuyaux de descente.

3.3 Selon l'art. 97 CO, lorsque le créancier ne peut obtenir l'exécution de l'obligation ou ne peut l'obtenir qu'imparfaitement, le débiteur est tenu de réparer le dommage en résultant, à moins qu'il ne prouve qu'aucune faute ne lui est imputable.

La responsabilite fondee sur l'art. 97 al. 1 CO est soumise a quatre conditions: la violation du contrat, le dommage, le rapport de causalite (naturelle et adequate) entre la violation contractuelle et le dommage, ainsi que la faute. Le creancier supporte le fardeau de la preuve (art. 8 CC) des trois premieres conditions (ou faits pertinents), ce qui signifie que, si le juge ne parvient pas a une conviction, n'est pas a meme de determiner si chacun de ces faits s'est produit ou ne s'est pas produit, il doit statuer au detriment du creancier (ATF 132 III 689 consid. 4.5 p. 701 s.; 129 III 18 consid. 2.6 p. 24; 126 III 189 consid. 2b p. 191 s.). En revanche, il incombe au debiteur, dont la faute est presumee, de prouver la quatrieme condition, a savoir qu'aucune faute ne lui est imputable (" a moins qu'il ne prouve... "); il supporte ainsi le fardeau de la preuve des faits liberatoires pour le cas ou le juge ne serait convaincu ni de l'existence d'une faute ni de son absence (renversement du fardeau de la preuve) (arrêt du Tribunal fédéral 4A_119/2018, du 7 janvier 2019, consid. 5.2).

3.4 En l'espèce, il résulte de la procédure, et en particulier des déclarations de l'appelant lui-même lors de l'audience du 12 novembre 2020 par-devant le Tribunal, qu'avant les travaux, l'eau de la pluie était évacuée du toit plat de la villa, par deux ouvertures en gargouille - sans gouttière à proprement parler - déversant directement l'eau sur la terrasse du 1er étage, l'eau étant dirigée vers les canalisations par des chaînes de pluie attachées sur la toiture. En cas de fortes pluies, l'eau tombe dans le vide. Sinon, elle suit la chaine de pluie.

La chaine précitée apparaît par ailleurs sur les clichés photographiques produits par l'intimée.

L'appelant estime qu'il incombait - en application de l'art. 24 let. m des conditions générales considérées - aux occupants de la villa, respectivement à l'intimée, de procéder au nettoyage des gargouilles situées au sommet des chaines de pluie, ce qui aurait ainsi permis d'éviter le sinistre intervenu en août 2018.

Or, il ressort explicitement de la conclusion du rapport du 13 septembre 2018, établi par N______, soit l'architecte mandatée par l'appelant suite au sinistre litigieux, que la cause des débordements et des dégâts d'eau à l'intérieur de la villa est due à une succession d'événements liés aux conditions météorologiques : la sécheresse a engendré une perte importante des aiguilles du pin situé à proximité du toit de la villa, ce qui a bouché rapidement les descentes d'évacuation d'eau de la toiture. Les fortes pluies ont ainsi provoqué des montées d'eau importantes, que la toiture n'a pas pu absorber, provoquant les infiltrations d'eau à l'intérieur de la villa.

Ainsi, ces événements exceptionnels en chaîne, se sont produits rapidement, et en l'absence des occupants de la villa, qui se trouvaient en vacances durant plusieurs semaines au mois d'août 2018.

Dès lors, les occupants de la villa, respectivement l'intimée, ne pouvaient procéder au nettoyage des gargouilles litigieuses puisque l'obstruction des descentes d'évacuation d'eau s'est produite de manière subite pendant leur absence non fautive.

Par ailleurs, il convient de prendre en considération la particularité du toit de la villa, en ce sens que ce dernier est plat.

Ainsi, l'appelant devait porter une attention particulière à son entretien. Or, ce dernier a relevé lors de l'audience du 12 novembre 2020, qu'il n'avait conclu aucun contrat d'entretien pour la toiture, car selon lui, il s'agissait d'un toit qui ne demandait pas spécialement d'entretien.

Toutefois, il ressort de la procédure que la particularité du toit plat, entraîne l'accumulation de déchets végétaux, d'autant plus qu'un cèdre est situé à proximité immédiate du toit de la villa.

Or, l'entretien du toit dépasse les simples menus travaux à la charge du locataire et incombe au bailleur, selon ce qui précède.

Ainsi, l'appelant n'ayant jamais fait nettoyer le toit de la villa, les matières végétales se trouvant sur celui-ci sont susceptibles d'être rapidement entraînées vers les gargouilles en cas de fortes pluies, provoquant leur obstruction, dans un laps de temps court.

Dans sa demande, l'appelant a fait valoir que l'intimée avait failli à ses obligations en ne mandatant pas une entreprise spécialisée pour le nettoyage des chéneaux, ce qu'elle aurait pu faire pour un prix compris entre 100 fr. et 150 fr. Or, les devis qu'il a produits à l'appui de cette allégation ne portent pas sur le nettoyage des chéneaux, mais sur celui du toit, lequel n'incombait pas à l'intimée. Ce qui précède confirme que la cause du sinistre résidait dans le manque d'entretien du toit et non dans une absence de nettoyage des chéneaux et descentes d'eaux pluviales.

A cela s'ajoute qu'aucun élément du dossier ne permet de retenir que les déclarations du témoin C______, selon lesquelles les occupants de la villa ont régulièrement nettoyé les écoulements d'eau et les chainettes d'évacuation, seraient inexactes.

Par conséquent, le Tribunal n'a pas erré en retenant que seul un nettoyage régulier de l'intégralité du toit pour le débarrasser des feuilles mortes, épines ou autres déchets végétaux aurait permis d'assurer que l'eau s'écoule sans encombre en cas de forte pluie, en évitant que l'eau ne vienne charrier les éléments présents sur le toit et les ramène vers les orifices.

Dès lors, la responsabilité de l'intimée ne peut être engagée pour les dommages subis durant l'été 2018.

4. Finalement, l'appelant invoque une violation de l'art. 159 CPC par l'autorité précédente, qui a ordonné l'audition de E______ en qualité de témoin lors de l'audience du 7 octobre 2021, alors que celui-ci aurait dû être entendu en qualité de partie à la procédure, puisqu'il ressort de l'extrait du Registre du commerce de l'intimée, qu'il dispose de la signature collective à deux.

L'appelant n'explique cependant pas en quoi l'issue du litige aurait été différente si le témoin E______ avait été entendu comme partie. Il n'expose pas quel élément précis, contesté et pertinent pour la solution du litige, aurait été apprécié différemment si le témoin en question avait été entendu comme partie. L'on rappellera à cet égard que le Tribunal apprécie librement les preuves administrées (art. 157 CPC). Or, comme cela ressort des considérants qui précédent, le Tribunal a correctement examiné et pondéré les différents éléments de preuve résultant du dossier.

Il n'est dès lors pas nécessaire de trancher la question de savoir si E______ devait être entendu à titre de témoin ou de partie, puisque ses déclarations ne sont pas décisives pour l'issue du litige et sont de plus corroborées par d'autres éléments, notamment les déclarations du témoin C______.

Par conséquent, le jugement entrepris sera confirmé.

5. En application de l'art. 22 al. 1 LaCC, il ne sera pas perçu de frais judiciaires et il ne sera pas alloué de dépens.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,

La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 2 mars 2022 par A______ contre le jugement JTBL/59/2022 rendu le 31 janvier 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/9235/2019.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Pauline ERARD et Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Zoé SEILER et Monsieur Serge PATEK, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours : 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.