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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/11563/2022

ACJC/49/2023 du 16.01.2023 sur JTBL/647/2022 ( SBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11563/2022 ACJC/49/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 16 JANVIER 2023

 

Entre

A______ SA, sise ______, recourante contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 1er septembre 2022, représentée par [la régie immobilière] B______, ______, en les bureaux de laquelle elle fait élection de domicile,

 

et

C______ SA, sise ______, intimée, comparant en personne.

 

 

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/647/2022 du 1er septembre 2022, reçu par les parties le 8 septembre 2022, le Tribunal des baux et loyers a condamné C______ SA à verser à A______ SA les sommes de 1'777 fr. 05 et 2'681 fr. 90, avec intérêts à 5% dès le 1er octobre 2021, et 516 fr. 95, avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 2021 (ch. 1 du dispositif), a ordonné la libération de la garantie de loyer, sous compte n° 1______ auprès de la banque D______, en faveur de A______ SA, à hauteur des montants précités (ch. 2), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 19 septembre 2022 à la Cour de justice, A______ SA forme recours contre ce jugement, dont elle sollicite l'annulation. Elle conclut à ce que la Cour annule le chiffre 3 du dispositif du jugement et condamne, cela fait, C______ SA à lui verser 4'305 fr. 15, avec intérêts à 5% l'an dès le 15 juin 2021, et ordonne la libération de la garantie de loyer en sa faveur, à hauteur des montants précités.

b. Dans sa réponse du 26 septembre 2022, C______ SA conclut à la confirmation du jugement entrepris.

c. A______ SA n'a pas fait usage de son droit de réplique.

d. Les parties ont été avisées le 31 octobre 2022 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Par contrat du 17 mai 2021, C______ SA, locataire, a pris à bail un local commercial de 98 m2 et deux places de parc nos 2______ et 3______ au rez-de-chaussée de l'immeuble sis au no. ______, route 4______, dans la commune de E______ [GE], propriété de A______ SA, bailleresse.

b. Les loyers mensuels, charges comprises, ont été fixés en dernier lieu à 1'455 fr. pour le local commercial et 100 fr. pour les deux places de parc.

c. Le 27 avril 2020, la bailleresse a résilié le contrat pour le 31 mai 2021, en raison d'impayés de loyer.

d. Par jugement du 17 septembre 2020 (JTBL/661/2020), le Tribunal des baux et loyers a condamné la locataire à évacuer immédiatement le local et les places de parc susmentionnés.

e. En raison d'une sous-location des lieux, ledit Tribunal a également condamné par jugement du 17 décembre 2020 (JTBL/958/2020) le sous-locataire F______ à évacuer immédiatement le local précité.

f. Le 1er avril 2021, une huissière judiciaire mandatée par la bailleresse a procédé à la fermeture du local et au changement des cylindres. Les nouvelles clés ont été remises par l'huissière à la société G______ SARL, pour qu'elle procède au déménagement des meubles présents. Cette dernière a restitué les clés à la bailleresse le 28 juillet 2022.

g. L'huissière a facturé son intervention 1'777 fr. 05; G______ SARL la sienne 2'681 fr. 90. Le changement des cylindres a été facturé en sus 516 fr. 95 par [la serrurerie] H______.

h. Par requête en cas clair déposée le 15 juin 2022 auprès du Tribunal des baux et loyers, la bailleresse a conclu à la condamnation de la locataire au paiement des montants ci-après :

-       4'305 fr. 15, avec intérêts à 5% dès le 15 juin 2021, à titre d'indemnités pour occupation illicite et d'acomptes de charges pour le local et les places de parking, pour la période du 1er mai au 31 juillet 2021;

-       1'777 fr. 05, avec intérêts à 5% dès le 1er octobre 2021, à titre de remboursement de la facture de l'huissière du 9 août 2021;

-       2'681 fr. 90, avec intérêts à 5% dès le 1er octobre 2021, à titre de remboursement de la facture de G______ SARL du 18 août 2022;

-       516 fr. 95, avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 2021, à titre de remboursement de la facture de H______ du 21 avril 2021.

La bailleresse a également conclu à la libération en sa faveur de la garantie de loyer constituée par la locataire auprès de la banque D______, à hauteur des montants précités.

Elle a allégué, s'agissant des faits relatifs à la restitution des locaux, que les cylindres avaient été changés le 1er avril 2021 par l'huissière mandatée et que la restitution des locaux avait été effectuée le 28 juillet 2021.

i. Lors de l'audience du 1er septembre 2022 du Tribunal, la bailleresse a persisté dans ses conclusions.

La locataire a déclaré ne pas contester les frais d'huissier. Elle a en revanche contesté le montant relatif aux arriérés pour les mois de mai à juillet 2021, estimant que la bailleresse aurait pu procéder plus rapidement à l'évacuation des locaux depuis le changement des cylindres effectué le 1er avril 2021, de même que les frais d'évacuation de l'entreprise G______ SARL, affirmant qu'elle aurait pu procéder elle-même à cette évacuation.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience par le Tribunal.


 

EN DROIT

1.             Le recours est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance qui ne peuvent faire l'objet d'un appel (art. 319 al. 1 let. a CPC). Les conclusions, allégations de faits et preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours (art. 326 al. 1 CPC).

La valeur litigieuse est déterminée par les dernières conclusions de première instance (art. 91 al. 1 CPC; Jeandin, Commentaire Romand, Code de procédure civile [CR-CPC], 2e éd., 2019, n. 13 ad art. 308 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_594/2012 du 28 février 2013).

1.1 En l'espèce, la valeur litigieuse se chiffre à 9'281 fr. 05, de sorte que seule la voie du recours est ouverte (art. 308 al. 2 a contrario CPC).

1.2 Le recours a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 321 al. 2 CPC). Il est ainsi recevable.

1.3 Le recours peut être formé pour violation du droit (art. 320 let. a CPC) et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 let. b CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait (ACJC/1136/2021 du 13 septembre 2021 consid. 1.3).

2.             La recourante reproche aux premiers juges d'avoir violé l'art. 257 CPC en déclarant irrecevable sa conclusion en paiement à titre d'indemnités pour occupation illicite du local et des places de parc.

2.1 Aux termes de l'art. 257 CPC, relatif à la procédure de protection dans les cas clairs, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire lorsque les conditions suivantes sont remplies : (a) l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé et (b) la situation juridique est claire (al. 1). La recevabilité de la procédure en cas clairs est donc soumise à deux conditions cumulatives. A défaut de réunir les deux conditions précitées, le tribunal n'entre pas en matière sur la requête (al. 3).

2.1.1 L'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur ou qu'il est susceptible d'être immédiatement prouvé, lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres (art. 254 al. 1 CPC). La preuve n'est toutefois pas facilitée : le demandeur doit ainsi apporter la preuve certaine (voller Beweis) des faits justifiant sa prétention, la simple vraisemblance (Glaubhaftmachen) ne suffit pas. Si le défendeur fait valoir des objections et exceptions motivées et concluantes (substanziiert und schlüssig), qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2 et 138 III 620 consid. 5.1.1).

2.1.2 La situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 138 III 123 consid. 2.1.2). Le fait que le montant de l'indemnité pour occupation illicite des locaux doit correspondre au loyer brut des locaux ne fait pas l'objet de controverses juridiques majeures et devrait permettre l'application de la procédure de protection dans les cas clairs (ACJC/1003/2012 du 11 juillet 2012 cité in Droit du bail [DB], n°26/2014, p. 47) sauf si un élément du dossier laisse apparaître qu'un autre mode de calcul devrait être préféré (Bohnet, Dix ans de cas clairs en droit du bail, in 21e Séminaire sur le droit du bail, 2020, n. 40, p. 21).

En règle générale, la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation de la part du juge ou que celui-ci doit rendre une décision en équité, en tenant compte des circonstances concrètes du cas d'espèce (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 123 consid. 2.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_273/2012 du 30 octobre 2012 consid. 5.1.2).

2.2 Seule est litigieuse au stade du recours la question de l'indemnité pour occupation illicite et des charges du local et des places de parc pour la période du 1er mai 2021 au 31 juillet 2021.

Les premiers juges ont considéré que la recourante n'avait pas exposé dans sa requête les raisons pour lesquelles l'évacuation des locaux avait pris quatre mois à compter du changement de cylindre effectué le 1er avril 2022 par l'huissière, de sorte que le cas n'était pas suffisamment clair sur cet aspect, ce qui devait conduire à l'irrecevabilité de cette conclusion.

Dans sa demande en paiement du 15 juin 2022, la recourante a allégué que les cylindres avaient été changés le 1er avril 2021 et que la restitution des locaux avait été effectuée le 28 juillet 2021. Elle n'a allégué aucune circonstance permettant d'expliquer le laps de temps de près de quatre mois entre ces deux évènements.

Dans son recours, la bailleresse allègue que ce laps de temps serait dû au déplacement de biens immobiliers de la locataire et qu'elle aurait perdu « tout pouvoir quant à cette procédure », qui relèverait selon elle de la puissance publique. Ce faisant, la recourante fonde son argumentation sur des allégations de fait nouvelles qui sont irrecevables au stade du recours (art. 326 al. 1 CPC), de sorte qu'ils ne peuvent être pris en considération. Au regard de la maxime des débats applicables à la procédure sommaire pour cas clairs, il lui appartenait d'alléguer l'ensemble des faits pertinents en première instance déjà (ATF 144 III 462 consid. 3.3.2).

On rappellera qu'en vertu des principes généraux du droit, applicable également en matière de responsabilité contractuelle (ATF 127 III 453 consid. 8c), le créancier a une obligation générale de diminuer son dommage, faute de quoi le juge peut réduire les dommages-intérêts ou même ne pas en allouer (art. 44 al. 1 CO). Cette disposition laisse au juge un large pouvoir d'appréciation (ATF 117 II 156 consid. 3a).

En l'espèce, aucun élément de fait allégué valablement n'explique la présence d'un laps de temps de près de quatre mois entre le changement des cylindres et l'évacuation forcée des locaux. Un tel laps de temps - qui peut être considéré comme objectivement long - ne permet pas d'admettre sans le moindre doute que la recourante aurait respecté pleinement et de manière évidente ses incombances dans son obligation de diminuer son dommage; il y a, en l'occurrence, nécessité d'exercer le pouvoir d'appréciation réservé au juge, ce qui s'avère par principe incompatible avec la procédure pour cas clairs (cf. supra consid. 2.1.2).

La condition de l'art. 257 al. 1 let. b CPC n'est pas réalisée en l'espèce s'agissant de cette conclusion en paiement.

2.3 C'est dès lors à juste titre que les premiers juges ne sont pas entrés en matière sur cette prétention (art. 257 al. 3 CPC). Le recours sera dès lors rejeté.

3.             A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 19 septembre 2022 par A______ SA contre le jugement JTBL/647/2022 rendu le 1er septembre 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/11563/2022-6-SD.

Au fond :

Rejette le recours.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRYBARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Grégoire CHAMBAZ et Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRYBARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 15'000 fr.