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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/11351/2022

ACJC/1623/2022 du 12.12.2022 sur JTBL/606/2022 ( SBL ) , CONFIRME

Normes : LaCC.30.al4
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11351/2022 ACJC/1623/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 12 DECEMBRE 2022

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], recourante contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 17 août 2022, représentée par ses curateurs, Madame D______ et Monsieur E______, Secteur juridique DCS-SPAd, case postale 107,
1211 Genève 8, en les bureaux desquels elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, intimé, représenté par [la société] F______, ______ [GE], en les bureaux de laquelle il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/606/2022 du 17 août 2022, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire en protection de cas clair, a condamné A______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec elle l'appartement de 4 pièces au 3ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______, à Genève, ainsi que ses dépendances (ch. 1 du dispositif), a autorisé B______ à requérir l'évacuation par la force publique de A______ dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et a rappelé que la procédure était gratuite (ch. 4).

Le Tribunal a considéré que le congé notifié par B______ le 25 juin 2021 tant pour le 31 juillet 2021 que pour son échéance au 31 mai 2022 était efficace. Depuis l'expiration du contrat, A______ ne disposait plus d'aucun titre juridique l'autorisant à rester dans l'appartement, de sorte que son évacuation devait être prononcée. Il ne se justifiait pas d'accorder à la précitée un sursis humanitaire, son voisinage continuant à souffrir de son comportement. Elle avait par ailleurs, de fait, bénéficié de plus de deux mois d'occupation des lieux depuis l'entrée en force du congé.

B. a. Par acte du 29 août 2022, A______ a formé recours contre le chiffre 2 du dispositif du jugement précité, sollicitant son annulation. Elle a conclu à ce que la Cour lui accorde un sursis humanitaire jusqu'au 30 septembre 2022.

Elle a formé de nouveaux allégués et produit de nouvelles pièces (n. 6 à 10).

b. Par arrêt présidentiel du 5 septembre 2022 (ACJC/1149/2022), la Cour a suspendu le caractère exécutoire des mesures d'exécution ordonnées par le Tribunal.

c. Dans sa réponse du 7 septembre 2022, B______ a conclu à la confirmation de la décision entreprise.

d. A______ n'a pas fait usage de son droit de réplique.

e. Les parties ont été avisées par plis du greffe du 6 octobre 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Les parties ont conclu le 27 novembre 1997 un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 4 pièces au 3ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève.

b. Le montant du loyer et des charges a été fixé en dernier lieu à 1'432 fr. par mois.

c. Le voisinage s'étant plaint de nuisances causées par A______, le représentant de B______ l'a mise en demeure de cesser immédiatement ses agissements, à défaut de quoi le bail serait résilié en application de l'art. 257f CO.

d. En raison de nouvelles plaintes du voisinage, B______ a résilié le bail par avis officiels séparés du 25 juin 2021, tant pour le 31 juillet 2021 que pour son échéance au 31 mai 2022.

e. A______ n'a pas contesté ces congés.

f. Par requête expédiée le 14 juin 2022, B______ a introduit action devant le Tribunal sollicitant l'évacuation de A______ et a en outre sollicité l'exécution directe du jugement d'évacuation.

g. A l'audience du 17 août 2022 du Tribunal, B______ a persisté dans ses conclusions. A______ a été représentée par le Service de protection de l'adulte (ci-après : SPAd). Celui-ci avait été mandaté fin 2021 de sorte qu'il n'avait pas été en mesure de contester le congé ordinaire. Des demandes de logement étaient en cours et une expertise psychiatrique avait mis en exergue la nécessité d'une hospitalisation à [la clinique psychiatrique] C______ de la personne protégée. Le TPAE était saisi. La tenue d'une nouvelle audience a été requise en vue de faire le point de la situation et trouver une solution adaptée.

B______ s'est opposé à toute demande de délai ou de renvoi d'audience, le voisinage souffrant de la situation, aucune amélioration n'étant intervenue depuis le début de la procédure en août 2021.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre des baux et loyers connaît des appels et des recours dirigés contre les jugements du Tribunal des baux et loyers (art. 122 let. a LOJ).

1.2 La voie du recours est ouverte contre les décisions du tribunal de l'exécution (art. 309 let. a et 319 let. a CPC).

En l'espèce, la recourante conteste les mesures d'exécution prononcées par le Tribunal, de sorte que la voie du recours est ouverte.

1.3 Le recours est recevable, pour avoir été interjeté dans le délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC) et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 321 al. 1 CPC).

1.4 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2010, n. 2307).

1.5 La procédure de protection dans les cas clairs est soumise à la procédure sommaire des art. 248 ss CPC, plus particulièrement aux art. 252 à 256 CPC. La maxime des débats est applicable (art. 55 al. 1 CPC), sauf dans les deux cas prévus par l'art. 255 CPC (lequel est réservé par l'art. 55 al. 2 CPC), qui ne sont pas pertinents en l'espèce.

2.  Les allégués nouveaux et les pièces nouvelles sont irrecevables (art. 326 CPC).

Dès lors, les faits nouvellement allégués par la recourante ainsi que les pièces nouvelles sont irrecevables.

3. La recourante reproche au Tribunal de ne pas lui avoir accordé de sursis humanitaire.

3.1 L'exécution forcée d'un jugement ordonnant l'expulsion d'un locataire est réglée par le droit fédéral (cf. art. 335 et ss CPC).

En procédant à l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit tenir compte du principe de la proportionnalité. Lorsque l'évacuation d'une habitation est en jeu, il s'agit d'éviter que des personnes concernées ne soient soudainement privées de tout abri. L'expulsion ne saurait être conduite sans ménagement, notamment si des motifs humanitaires exigent un sursis, ou lorsque des indices sérieux et concrets font prévoir que l'occupant se soumettra spontanément au jugement d'évacuation dans un délai raisonnable (ATF 117 Ia 336 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7; 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

L'art. 30 al. 4 LaCC concrétise le principe de la proportionnalité en prévoyant que le Tribunal peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement d'évacuation dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire ou du fermier lorsqu'il est appelé à statuer sur l'exécution d'un jugement d'évacuation d'un logement, après audition des représentants du département chargé du logement et des représentants des services sociaux ainsi que des parties.

S'agissant des motifs de sursis, différents de cas en cas, ils doivent être dictés par des "raisons élémentaires d'humanité". Sont notamment des motifs de ce genre la maladie grave ou le décès de l'expulsé ou d'un membre de sa famille, le grand âge ou la situation modeste de l'expulsé. En revanche, la pénurie de logements ou le fait que l'expulsé entretient de bons rapports avec ses voisins ne sont pas des motifs d'octroi d'un sursis (ACJC/269/2019 du 25 février 2019 consid. 3.1; ACJC/247/2017 du 6 mars 2017 consid. 2.1; ACJC/422/2014 du 7 avril 2014 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral du 20 septembre 1990, in Droit du bail 3/1991 p. 30 et les références citées).

Le juge ne peut pas différer longuement l'exécution forcée et, ainsi, au détriment de la partie obtenant gain de cause, éluder le droit qui a déterminé l'issue du procès. Le délai d'exécution ne doit notamment pas remplacer la prolongation d'un contrat de bail à loyer lorsque cette prolongation ne peut pas être légalement accordée à la partie condamnée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7; 4A_389/2017 du 26 septembre 2017 consid. 8; 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

3.2 Dans le cas d'espèce, le Tribunal a refusé de surseoir à l'exécution du jugement d'évacuation, au motif que le voisinage de la recourante souffrait de son comportement. Les conditions d'octroi d'un tel sursis n'étaient également pas remplies.

La recourante échoue à établir que cette décision serait contraire à la loi. Le contrat de bail a en effet valablement pris fin, s'agissant du congé ordinaire, le 31 mai 2022, soit il y a près de six mois, et la requête en évacuation a été déposée le 14 juin 2022, soit il y a cinq mois. La recourante a donc déjà bénéficié, dans les faits, d'un sursis d'une durée qui s'apparente à une prolongation de bail à laquelle elle ne pouvait pas prétendre légalement (cf. art. 272a al. 1 let. b CO). Par ailleurs, la recourante n'a pas contesté continuer à enfreindre son devoir de diligence, en provoquant des nuisances incommodant les autres occupants de l'immeuble. S'il peut certes être retenu, sous l'angle de la vraisemblance, qu'elle souffre de problèmes (de santé et/ou psychologiques), en raison de sa mise sous curatelle, cette seule circonstance n'est pas de nature à remettre en cause la décision des premiers juges. De plus, la recourante n'a pas démontré – titres recevables à l'appui – avoir entrepris des démarches en vue de trouver une solution de relogement.

En tout état de cause, le délai sollicité, au 30 septembre 2022, est échu.

3.3 Infondé, le recours sera rejeté.

4. A teneur de l'article 22 alinéa 1 LaCC, la procédure est gratuite (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 29 août 2022 par A______ contre le jugement JTBL/606/2022 rendu le 17 août 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/11351/2022-24-SD.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Zoé SEILER et Monsieur
Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.