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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/27016/2019

ACJC/1586/2022 du 05.12.2022 sur JTBL/156/2022 ( OBL ) , CONFIRME

Normes : CPC.152; CO.256; CO.259d
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/27016/2019 ACJC/1586/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 5 DECEMBRE 2022

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 1er mars 2022, comparant par Me Maxime Rocafort, avocat, rue du Grand-Chêne 2, 1002 Lausanne, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

FONDATION HBM B______, p.a. Secrétariat des Fondations, Immobilières de Droit Public, rue Gourgas 23bis, 1205 Genève, intimée, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/156/2022 rendu le 1er mars 2022, notifié à A______ le 7 mars 2022, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a réduit le loyer net de l'appartement de 3 pièces loué par A______ au 3ème étage de l'immeuble sis chemin 1______ no. ______, à Genève, de 10% du 23 mars 2016 au 4 novembre 2016 (chiffre 1 du dispositif), condamné FONDATION HBM B______ (ci-après : la Fondation) à verser à A______ 608 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 19 décembre 2019 (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

B. a. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice le 6 avril 2022, A______ a formé appel de ce jugement et sollicité son annulation. Cela fait, elle a conclu à ce que la Cour constate une violation de son droit à la preuve et d'être entendue et ordonne à l'entreprise de ventilation C______ & CIE de produire les rapports datés des 21 septembre et 4 octobre 2016, ainsi que tout autre rapport établi en lien avec son appartement. Cela fait, elle a conclu à ce que la Cour lui accorde une réduction de loyer de 30% dès le 1er décembre 2014 et jusqu'au 31 octobre 2018, condamne la Fondation à lui restituer le trop-perçu de 11'018 fr. 70, ainsi que 2'100 fr. 75 à titre de dommages-intérêts et 1'500 fr. à titre de tort moral, toutes sommes avec intérêts à 5% l'an dès le 15 novembre 2016.

b. La Fondation a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, sous suite de dépens.

c. A______ ayant renoncé à répliquer, la Cour a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger, par avis du 3 août 2022.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. La Fondation, propriétaire et bailleresse, et A______, locataire souffrant d'une maladie auto-immune affectant le système neuromusculaire, sont liées par un contrat de bail du 10 novembre 2000 portant sur la location d'un appartement de 3 pièces situé au 3ème étage de l'immeuble sis chemin 1______ no. ______, à Genève.

Le bail, à l'usage d'habitation exclusivement, a été conclu pour une durée d'une année, du 1er décembre 2000 au 30 novembre 2001. Il se renouvelle ensuite tacitement d'année en année, sauf avis de résiliation envoyé par l'une des parties trois mois au moins avant l'échéance du bail.

Le loyer mensuel net, qui s'élevait à 819 fr. du 1er juillet 2009 au 31 août 2017, a été fixé en dernier lieu à 693 fr. par mois dès le 1er septembre 2017.

b. La bailleresse a confié la gérance de l'immeuble à D______ (ci-après : la régie) et a donné procuration au Secrétariat des Fondations Immobilières de Droit Public (ci-après : SFIDP), avec faculté de substitution, de la représenter et de l'assister dans le cadre de tout litige lié à sa qualité de propriétaire de l'immeuble.

c. Du 1er janvier 2006 au 30 novembre 2018, E______ était locataire d'un appartement de 3 pièces au 1er étage de l'immeuble, soit deux étages en dessous de l'appartement de la locataire.

Il était associé gérant, puis administrateur, de F______ Sàrl, sise à G______ [GE] et devenue en 2016 F______ SA, dont le but est le suivant : "conception, production et vente de produits naturels (huiles essentielles) issus de l'extraction de plantes agricoles". Cette société vend des produits à base de cannabidiol (CBD). Jusqu'au 31 mai 2017 au plus tard, E______ procédait à l'extraction de l'huile de chanvre, au moyen de solvants, dans un laboratoire qu'il avait installé dans son appartement.

d. Le 10 décembre 2014, la régie a adressé une circulaire aux locataires de l'immeuble, se référant à la fumée de cigarettes et au tabagisme passif, leur rappelant l'interdiction de fumer dans les espaces accessibles au public. Elle priait les locataires de bien vouloir fumer sur leurs balcons ou en ouvrant les fenêtres, car les odeurs se diffusaient par la ventilation.

e. La locataire allègue s'être plainte dans un courrier à la régie du 27 mai 2015, que la bailleresse conteste avoir reçu, d'un problème lié à la ventilation de sa salle de bains, exposant que de la fumée de cigarette ainsi que des odeurs de cuisine, de cannabis et d'excréments se propageaient dans son appartement. L'aération par ouverture des fenêtres n'y changeait rien. Selon la locataire, ces nuisances olfactives étaient particulièrement incommodantes et cette situation était "difficilement endurable".

f. Le 23 mars 2016, la régie a confirmé à la locataire avoir donné l'ordre de contrôler la ventilation de la salle de bains, suite à un problème de refoulement d'odeurs et d'humidité.

g. Par correspondance du 2 juin 2016, l'Association H______ (ci-après : la H______), dont la locataire est membre, s'est adressée à la régie afin de l'informer des plaintes relatives à l'odeur de fumée de cannabis formulées par la locataire depuis de nombreux mois. La H______ priait la régie de bien vouloir prendre des mesures visant à empêcher la consommation de cannabis dans l'immeuble.

h. Le 30 juin 2016, la locataire a déposé une demande de changement de logement auprès du SFIDP, qu'elle a complétée le 18 septembre 2016.

i. Par courriel du 15 août 2016, la locataire s'est plainte à la régie du système de ventilation de l'immeuble. Le même jour, la régie a informé la locataire que la société C______ & CIE, spécialisée notamment dans le dépannage, la réparation et l'entretien de ventilations, allait procéder au nettoyage de la ventilation.

j. Les 29 août et 7 septembre 2016, la locataire a informé la régie de la persistance de nuisances olfactives, la priant de bien vouloir prendre les mesures nécessaires. La H______ a également contacté la régie à cet effet en date du 8 septembre 2016.

k. Le 15 septembre 2016, l'entreprise C______ & CIE est intervenue dans l'appartement de la locataire afin d'en contrôler le système de ventilation.

l. Le 28 septembre 2016, suite à une demande de travaux en urgence présentée par la régie, C______ & CIE s'est rendue dans plusieurs appartements de l'immeuble. Dans celui de la locataire, l'entreprise a constaté que les soupapes de l'appartement étaient volontairement fermées et indiqué ne pas avoir constaté d'odeurs "flagrantes". Cependant, étant donné qu'il n'y avait pas de piquage sur le bandeau de la cuisine, C______ & CIE en a créé un, avec une sortie indépendante sur la toiture. Elle a également constaté que les sorties de ventilation des cuisines indépendantes n'étaient pas motorisées et que les chapeaux étaient rehaussés. Elle a enfin exposé que les "mesures de débits [étaient] en ordre", et contrôlé que les sorties étaient dégagées. Dans l'appartement de E______, C______ & CIE a constaté un défaut d'étanchéité derrière le bouton pressoir et l'absence de piquage d'aspiration dans la cuisine, et a effectué des réparations le jour même.

m. Par courrier du 14 octobre 2016, la locataire s'est adressée une nouvelle fois à la régie, arguant que les nuisances subies constituaient de graves défauts de la chose louée.

n. Durant le mois d'octobre 2016, le Service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) a effectué des analyses relatives à l'évaluation des composés organiques volatils (ci-après: COV) dans l'appartement de la locataire. Le SABRA a confirmé la présence anormale de COV dans cet appartement, pouvant provenir notamment du salon de coiffure au rez-de-chaussée et potentiellement d'autres activités artisanales présentes dans l'immeuble. Le rapport contient un détail précis des substances relevées.

o. Dans le cadre de la suite de son intervention en urgence, C______ & CIE s'est à nouveau rendue dans l'appartement de la locataire en date du 2 novembre 2016. A cette occasion, elle a recherché des refoulements dans toute la cuisine et démonté les meubles pour accéder à la gaine technique. Elle a constaté un très léger refoulement qui à son sens n'expliquait pas les plaintes de la locataire. Un rhabillage avec du plâtre le long de ce défaut de raccordement a toutefois été posé.

p. Le 4 novembre 2016, C______ & CIE a créé une ventilation cuisine sur l'immeuble en posant une tourelle et deux caissons, ainsi qu'un réseau de gaines en tôle galvanisée, respectivement posé une bouche hygrométrique dans l'appartement de la locataire notamment. Il ressort du rapport établi par cette société que la locataire a indiqué que les odeurs étaient atténuées. Selon cette entreprise, après son intervention, l'appartement de la locataire était "complètement hermétique à l'ensemble des gaines techniques de l'immeuble".

q. Le 16 novembre 2016, la locataire et la régie ont reçu le rapport du SABRA établi à la suite des mesures effectuées en octobre 2016. Dans ce rapport, le SABRA a requis de la régie un assainissement durable de la situation dans les meilleurs délais.

r. Par courriel du 22 novembre 2016, la régie a confirmé au SABRA que suite à l'intervention du ventiliste, aucune arrivée d'air ne pouvait physiquement s'introduire dans l'appartement de la locataire, sauf à passer par les fenêtres, la société de ventilation ayant obstrué tous les endroits où l'air était susceptible de s'infiltrer.

s. Les 30 décembre 2016 et 8 janvier 2017, la locataire a écrit à la régie afin de l'informer de la persistance des nuisances subies en dépit des travaux entrepris sur le réseau de ventilation.

t. Le 16 janvier 2017, la régie, soit pour elle I______, a confirmé au SABRA que les travaux nécessaires avaient été effectués et que l'extraction d'air du bâtiment était désormais continue.

u. Par courriel du 30 janvier 2017, la locataire s'est à nouveau plainte de nuisances olfactives et a informé la régie de son intention d'éventuellement présenter une demande de réduction de loyer.

v. En janvier 2017, le SABRA a procédé à de nouvelles mesures qui se sont avérées être dans la norme.

w. Le 13 juillet 2017, la locataire, son avocat, un représentant du SABRA, un responsable du service juridique et un responsable-adjoint du service technique du SFIDP, un juriste de l'Office cantonal du logement et de la planification foncière, ainsi qu'une gérante de la régie se sont rendus dans l'appartement de la locataire. Le procès-verbal établi par la régie indique que les parties ont constaté une vive émanation d'odeur de cannabis, ainsi que des odeurs d'encens, myrrhe, mais uniquement dans le salon de la locataire. Les odeurs, inexpliquées, ne venaient manifestement pas de l'immeuble, de sorte qu'il était conseillé à la locataire d'aérer davantage son appartement. Lors de cette séance, le représentant du SABRA a indiqué s'être rendu dans l'appartement de la locataire en janvier 2017. Il avait alors constaté, à l'issue des mesures effectuées sur toute une semaine dans ledit appartement, une situation "normale", de sorte que pour le SABRA, le dossier était donc clos. La seule solution envisagée était le relogement de la locataire.

x. Par la suite, la bailleresse a proposé plusieurs solutions de relogement à la locataire, refusées par cette dernière au motif que les logements proposés ne correspondaient pas à ses critères, en termes notamment de nombre de pièces et d'accessibilité à son centre de soins médicaux.

y. Les 9 et 14 août 2017, un huissier de justice a, sur requête de la locataire, attesté sentir de très fortes odeurs de cannabis, de solvants et d'éthanol dans la salle de bains ainsi que dans la cuisine de l'appartement. Selon lui, l'exposition à ces fortes odeurs étourdissait rapidement.

z. Le 15 août 2017, sur requête de la locataire, l'Office fédéral de la santé publique, Unité de direction Protection des consommateurs a examiné le rapport d'analyses établi par le SABRA le 16 novembre 2016 au sujet des COV. Il a indiqué que ce rapport confirmait que l'air ambiant était pollué et que les concentrations en question, qui n'étaient pas acceptables pour un logement d'habitation, pouvaient induire des odeurs incommodantes, une irritation des voies respiratoires, des maux de tête, des vertiges et des nausées. Il a précisé que le fait que les mesures aient été réalisées dans la salle de bains pouvait expliquer, en grande partie, le niveau élevé de concentrations. Il ne lui était ainsi pas possible de tirer des conclusions individuelles sur la probabilité d'un risque de lésion des organes cibles; vu les valeurs mesurées, il considérait toutefois comme très faibles la gravité et la probabilité d'éventuels dommages.

aa. L'huissier de justice s'est à nouveau rendu dans l'appartement de la locataire le 7 mai 2018. Il a constaté les mêmes odeurs dans la salle de bains de la locataire, malgré l'installation d'un purificateur d'air.

ab. Le 17 septembre 2018, l'entreprise C______ & CIE a effectué un nettoyage des conduites de ventilation de l'immeuble et un remplacement des soupapes d'aspiration dans les appartements.

D. a. Par requête déposée le 29 novembre 2019, non conciliée le 28 février 2020 et portée devant le Tribunal le 31 mars 2020, la locataire a assigné la bailleresse en réduction de loyer à raison de 30% dès le 1er décembre 2014 et jusqu'au 31 octobre 2018, en restitution du trop-perçu de 11'018 fr. 70 avec intérêts à 5% dès le 15 novembre 2016, en paiement de dommages-intérêts à hauteur de 2'100 fr. 75 avec intérêts à 5% dès le 15 novembre 2016, et en paiement de 1'500 fr. à titre de réparation du tort moral.

A l'appui de sa demande, elle a produit plusieurs attestations écrites concernant la présence d'odeurs dans son appartement et alentours.

J______, employée du salon de coiffure "K______" situé dans l'immeuble concerné, a attesté avoir senti des odeurs de cannabis dans le salon de coiffure en 2014, et des odeurs nauséabondes émanant des bacs à shampoing en 2016, ces odeurs persistant par intermittence. L______, locataire de l'immeuble, a également fait état de nuisances liées à de fortes odeurs de cannabis se répandant dans l'immeuble depuis l'année 2014, la concierge en ayant été avisée à plusieurs reprises. Une autre locataire de l'immeuble a confirmé avoir senti les mêmes odeurs entre les années 2014 et 2015. M______, également locataire de l'immeuble, a confirmé avoir senti de fortes odeurs de cannabis dans les parties communes de l'immeuble, et des refoulements d'odeurs désagréables à travers le réseau de ventilation entre les années 2015 et 2016. Il en avait aussi informé la concierge. Une autre habitante de l'immeuble a exposé, sans préciser de date, avoir fait part à la régie D______ de nuisances liées à des odeurs de cannabis dans les parties communes de l'immeuble, et des refoulements d'odeurs liés au réseau de ventilation dans la cuisine et la salle de bains de son appartement, étant précisé que l'entreprise C______ & CIE était intervenue dans son logement afin d'y remédier.

N______, dont il n'est pas précisé si elle habite dans l'immeuble de la locataire, pas plus que la nature de ses liens avec cette dernière et les circonstances dans lesquelles elle a fait ses observations, a attesté avoir senti de fortes odeurs de produits chimiques et de cannabis dans la cuisine de la locataire le 18 juillet 2017, et des odeurs de produits chimiques dans les parties communes de l'immeuble et la salle de bains de la locataire le 31 juillet 2017. O______, dont il n'est pas non plus précisé si elle habite dans l'immeuble de la locataire, pas plus que la nature de ses liens avec cette dernière et les circonstances dans lesquelles elle a fait ses observations, a attesté avoir senti de très fortes odeurs de cannabis dans la cour intérieure de l'immeuble le 31 octobre 2017, ainsi que des odeurs de cannabis dans la salle de bains de la locataire, se répandant dans tout l'appartement, le 8 septembre 2017.

A______ a également produit plusieurs certificats médicaux établis par le Dr P______, neurologue, entre les mois de septembre 2016 et 2021, indiquant que l'exposition à la fumée de cannabis et l'émanation de solvants était susceptible d'aggraver les affections dont souffrait sa patiente, respectivement de provoquer une grave détérioration de son état de santé. Le 4 novembre 2019, la Dresse Q______, spécialiste en médecine interne et pharmacologie toxicologique clinique, a certifié que les symptômes décrits par sa patiente - nausées, vomissements, troubles de l'équilibre, vertiges, paresthésies, difficultés respiratoires et diminution de la force - étaient compatibles avec l'inhalation de solvants. Le 21 octobre 2019, la Dresse R______, gynécologue, a indiqué que la pathologie gynécologique dont souffrait sa patiente était très probablement en lien avec les émanations auxquelles elle expliquait avoir été soumise. Enfin, la Dresse S______, psychiatre, a exposé qu'un traitement antidépresseur avait dû être mis en place en raison des émanations de produits chimiques s'infiltrant dans l'appartement de la locataire.

b. Dans sa réponse du 19 juin 2020, la bailleresse a conclu au rejet des conclusions de la locataire.

Elle a contesté avoir reçu des plaintes des autres locataires.

c. Le 9 novembre 2020, sur requête de la demanderesse, [le bureau d'ingénieurs] T______ SA a établi un constat préliminaire selon lequel "des émanations ou des odeurs pouv[aient] se ressentir dans l'appartement par le manque de perméabilité à l'air de certaines gaines ou raccords techniques en particulier par la position de l'appartement situé au dernier étage (3ème) sous la toiture, où l'incidence des refoulements pouv[aient] être les plus importants".

d. Dans sa réplique du 16 novembre 2020, la demanderesse a persisté dans ses conclusions.

e. Par ordonnance du 29 juin 2021, le Tribunal a statué sur les mesures d'instruction requises par les parties, soit notamment la production des rapports complets des 21 septembre et 4 octobre 2016 de C______ & CIE requis par la locataire. Il a considéré, s'agissant de ces rapports, que le Préposé cantonal à la protection des données avait déjà examiné la question de leur production et que ces rapports ne pouvaient pas être produits dans leur intégralité.

En effet, A______ a saisi le Préposé susmentionné pour obtenir l'accès à ces deux rapports, celui-ci ayant, le 5 juin 2019, recommandé au SFID de ne pas transmettre le rapport du 4 octobre 2016, dès lors qu'il contenait des photographies d'un appartement de l'un des voisins de A______, ainsi que des commentaires le concernant, donc des informations relevant de sa sphère privée. Or, selon la recommandation du 5 juin 2019, aucune des photographies contenues dans le rapport ne permettait d'identifier des produits toxiques. Lors de la procédure devant le Préposé, le SFID a exposé que seul le rapport du 4 octobre 2016 était en sa possession, car "le rapport du 21 septembre 2016 [n'existait] plus. En effet, il était incomplet et […] l'entreprise [avait] transmis le rapport du 4 octobre 2016". Pour cette raison, le Préposé ne s'est pas prononcé sur le rapport du 21 septembre 2016.

Dans la foulée, le SFID a refusé, par décision du 17 juillet 2019, de transmettre les rapports des 21 septembre et 4 octobre 2019 à A______. Cette décision n'a pas fait l'objet d'un recours.

f. Lors de l'audience du 17 septembre 2021, le Tribunal a procédé à l'audition de I______ en qualité de témoin. S'agissant de la circulaire du 10 décembre 2014, il a indiqué ne pas en être l'auteur et ignorer dans quel contexte elle avait été émise. Par ailleurs, il a précisé avoir reçu la première plainte de la locataire alors qu'il était en poste depuis un ou deux ans, soit entre les années 2015 et 2016. En outre, la régie avait contrôlé l'absence d'activité commerciale ou de production dans le logement de E______, ainsi que la présence d'éléments incriminants tels que des produits stupéfiants, sans rien trouver, étant précisé que les contrôles de la régie étaient annoncés cinq jours à l'avance. Il a confirmé que le ventiliste avait rendu un rapport contenant des photographies de bouteilles de solvants.

g. A l'issue de l'audience de débats principaux du 17 septembre 2021, les parties ont plaidé. La locataire a requis la réouverture des débats d'instruction, produit des pièces et persisté dans ses conclusions. La bailleresse a persisté dans ses conclusions, ensuite de quoi la cause a été gardée à juger.

h. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a, à titre préliminaire et se référant à son ordonnance du 29 juin 2021, renoncé à ordonner des mesures d'instructions supplémentaires. Au fond, il a constaté qu'un défaut dans la ventilation de l'immeuble loué existait et qu'il avait provoqué la diffusion d'odeurs incommodantes dans le logement de la locataire. Ces nuisances avaient commencé le 23 mars 2016 selon le Tribunal, car le premier bon de travail avait été signé ce jour-là, bien que la locataire prétende, sans le démontrer, qu'elle avait signalé ce défaut en 2014 déjà. Il s'était terminé par l'achèvement des travaux de l'entreprise C______ & CIE le 4 novembre 2016. L'existence d'un défaut lié à l'émanation de solvants et d'odeurs de cannabis en dehors de cette période n'était pas démontrée. La locataire n'avait pas apporté la preuve que ces odeurs provenaient de l'immeuble ou de l'appartement d'un autre locataire. Pour cette période postérieure, la locataire n'avait apporté que des attestations d'individus ne résidant pas dans l'immeuble et n'avait pas sollicité l'audition de témoins. La fin des nuisances était corroborée par la clôture du dossier du SABRA en janvier 2017 et la visite des intervenants en juillet de la même année. La production de produits à base de CBD, avec utilisation de solvants, par l'un des locataires était avérée, mais elle avait lieu deux étages en dessous de l'appartement de la locataire. Le défaut était de moyenne gravité, bien qu'il ait causé des souffrances à la locataire, au vu des certificats médicaux, et justifiait donc une réduction du loyer de 10% conformément à la casuistique applicable.

Enfin, les postes du dommage allégué par la locataire concernaient des dépenses intervenues en 2017, donc postérieurement à la période considérée. Quant à l'achat d'un purificateur d'air et de filtres, il était intervenu antérieurement à 2014.


 

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable pour avoir été introduit auprès de l'instance d'appel (art. 122 let. a LOJ), dans le délai et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142 al. 3 et 311 al. 1 CPC), à l'encontre d'une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), qui statue sur des prétentions pécuniaires pour une valeur litigieuse supérieure à 10'000 fr. dans la mesure où l'appelante conclut à la restitution d'un montant supérieur à 10'000 fr. à titre de trop-perçu de loyer, dommages-intérêts et tort moral (art. 308 al. 2 CPC).

1.2 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2. Par un premier grief, l'appelante reproche au Tribunal d'avoir violé son droit à la preuve et son droit d'être entendue en refusant la réouverture des débats d'instruction et l'administration de la pièce 103, soit des rapports de la société C______ & CIE des 21 septembre et 4 octobre 2016.

2.1
2.1.1
Le procès en consignation du loyer - lequel englobe tous les droits que l'art. 259a al. 1 CO confère en cas de défaut de la chose louée, invoqués par le locataire dans la procédure de consignation et pour lesquels la consignation lui fournit un moyen de pression (ATF 146 III 63 consid. 4.4) - est soumis à la procédure simplifiée, quelle que soit la valeur litigieuse (art. 243 al. 2 let. c CPC).

En vertu de l'art. 247 al. 2 let. a CPC, le tribunal doit établir les faits d'office. Il s'agit là de la maxime inquisitoire simple, ou sociale et non de la maxime inquisitoire illimitée de l'art. 296 al. 3 CPC (ATF 125 III 231 consid. 4a). Selon celle-là, les parties doivent recueillir elles-mêmes les éléments du procès. Le tribunal ne leur vient en aide que par des questions adéquates afin que les allégations nécessaires et les moyens de preuve correspondants soient précisément énumérés, mais il ne se livre à aucune investigation de sa propre initiative. Lorsque les parties sont représentées par un avocat, le tribunal peut et doit faire preuve de retenue, comme dans un procès soumis à la procédure ordinaire. En outre, le tribunal ne doit pas tenir compte de faits qui n'ont pas été allégués et il ne lui appartient pas de fouiller le dossier pour tenter d'y trouver des moyens de preuve en faveur d'une partie (ATF 141 III 569 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_67/2021 du 8 avril 2021 consid. 4.1.1).

2.1.2 Toute partie a droit à ce que le tribunal administre les moyens de preuve adéquats proposés régulièrement et en temps utile (art. 152 al. 1 CPC).

Le droit à la preuve est une composante du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst.; il se déduit également de l'art. 8 CC et trouve une consécration expresse à l'art. 152 CPC (ATF 143 III 297 consid. 9.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_793/2020 du 24 février 2021 consid. 4.1). Il implique que toute personne a droit, pour établir un fait pertinent contesté, de faire administrer les moyens de preuve adéquats, pour autant qu'ils aient été proposés régulièrement et en temps utile (ATF 144 II 427 consid. 3.1; 143 III 297 consid. 9.3.2). En revanche, le droit à la preuve n'est pas mis en cause lorsque le juge, par une appréciation anticipée, arrive à la conclusion que la mesure requise n'apporterait pas la preuve attendue, ou ne modifierait pas la conviction acquise sur la base des preuves déjà recueillies (ATF 146 III 73 consid. 5.2.2; 143 III 297 consid. 9.3.2; 140 I 285 consid. 6.3.1; 138 III 374 consid. 4.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_383/2021 du 15 septembre 2021 consid. 4.2).

2.1.3 Aux termes de l'art. 156 CPC, le tribunal ordonne les mesures propres à éviter que l'administration des preuves ne porte atteinte à des intérêts dignes de protection des parties ou de tiers, notamment à des secrets d'affaires.

Les intérêts jugés dignes de protection sont par exemple ceux de la personnalité, dont la sphère privée (Schweizer, Commentaire Romand - CPC, 2ème éd. 2019, n. 6 ad art. 156 CPC).

2.2 En l'espèce, le Tribunal a retenu, notamment par renvoi à son ordonnance du 29 juin 2021, que les rapports demandés avaient déjà fait l'objet d'un examen par le Préposé cantonal à la protection des données et qu'il était par ailleurs suffisamment renseigné.

L'appelante conteste cette appréciation et estime que la production des rapports était nécessaire pour établir l'ampleur du dommage subi. Ces rapports permettraient selon elle d'établir que le locataire occupant l'appartement situé deux étages en dessous du sien, E______, exerçait une activité dangereuse et impliquant l'utilisation de produits chimiques volatils, lesquels avaient affecté sa santé. Ils devaient permettre l'identification complète des produits chimiques susvisés, ainsi que l'établissement d'un diagnostic et d'un suivi médical adéquats. L'argument de l'autorité précédente et ressortant de son ordonnance du 29 juin 2021 en lien avec l'intervention du Préposé cantonal à la protection des données devait être écarté, car l'intimée avait "dupé" ce préposé: lors de la procédure qui s'était déroulée devant lui, seul le rapport du 4 octobre 2016 avait été analysé, l'intimée n'ayant pas produit celui du 21 septembre de la même année. L'appelante suspectait donc que le rapport du 21 septembre 2016 contenait des informations essentielles pour elle et pour ses prétentions. Le témoin entendu par le Tribunal avait confirmé qu'il existait bien un rapport avec des photographies de bouteilles de solvant.

Par son argumentation, l'appelante se livre essentiellement à des conjectures en lien avec le contenu des rapports litigieux et de prétendues manœuvres opérées par l'intimée qui aurait cherché à dissimuler la vérité, conjectures qui ne reposent pas sur des éléments objectifs.

Il n'est pas contesté que son voisin du dessous s'était livré à la production d'huile de cannabis en utilisant des solvants, ce que retient la décision entreprise. Le dossier contient en outre déjà la preuve et la liste des composés organiques volatils qui se sont diffusés dans son appartement, de par l'analyse à laquelle le SABRA a procédé. Ainsi, ces faits sont déjà prouvés, ce qui n'est pas contesté.

L'appelante soutient en outre qu'il serait démontré, par les certificats de ses différents médecins, que la diffusion desdits composés est à l'origine de l'aggravation de son état de santé. Elle n'a cependant pas fait procéder à l'audition des médecins, ni demandé une expertise qui aurait permis de démontrer que son état de santé s'était aggravé en raison de l'inhalation des produits toxiques entrant dans son appartement par la ventilation, lui causant éventuellement un dommage. Il en résulte que son souhait d'obtenir, par l'obtention de la preuve litigieuse, "la mise en place d'un diagnostic précis, ainsi qu'un suivi médical adéquat" ne se rapporte pas à des prétentions résultant du droit du bail.

Enfin, le fait qu'un voisin ait pu utiliser certains produits toxiques dans son appartement ne permet pas encore de retenir que ceux-ci se seraient diffusés dans l'appartement de l'appelante, l'analyse du SABRA n'ayant pas porté sur l'origine des composés dont il a constaté la présence dans l'appartement de l'appelante. Or, les rapports requis, attestant par hypothèse de la présence de bouteilles de solvants dans l'appartement de son voisin, ne pourraient pas répondre à cette question pourtant déterminante.

Ainsi, il apparaît inutile d'exiger la production du rapport contenant, supposément, des photographies de bouteilles de solvants, étant précisé que le rapport du 21 septembre 2016 n'existe plus selon l'intimée.

En tout état de cause, la demande de production de l'appelante vise, selon ses propres explications, l'évaluation et la réduction du préjudice subi. Elle perd cependant de vue que seuls sont encore litigieux des dommages-intérêts pour quelques dépenses liées à des tests de consommation de stupéfiants pour elle-même, à l'acquisition d'un purificateur d'air et à l'intervention d'un huissier, ainsi que le versement d'un montant pour tort moral. Autant d'éléments qui n'ont pas de rapport avec les produits stockés chez un voisin, de sorte que l'on ne discerne pas en quoi la production des rapports requis permettrait de fonder ses prétentions.

Par conséquent, les demandes de production des rapports susvisés apparaissent comme une requête de preuve sans lien de causalité entre les prétentions que l'appelante formule en vertu du droit du bail et le résultat qu'elle entend tirer de l'administration de cette preuve.

Ainsi, il n'est point besoin de revenir sur le caractère privé des données contenues dans les pièces requises - qui a été reconnu par le Préposé cantonal à la protection des données dans une décision non contestée par l'appelante et qui paraît faire obstacle à la production de la pièce en vertu de l'art. 156 CPC -, ni sur d'éventuelles machinations non prouvées de l'intimée. L'appréciation anticipée de l'autorité de première instance est fondée et sera donc confirmée.

Enfin, cette appréciation, qui se réfère à l'ordonnance du 29 juin 2021, était suffisamment explicite pour que l'appelante puisse la comprendre et se défendre utilement. Il ne saurait donc être question d'une violation de son droit d'être entendue.

Les griefs de l'appelante seront donc rejetés sur ce point.

3. L'appelante reproche au premier juge d'avoir mal apprécié les preuves en lien avec les dates d'apparition du défaut et de sa disparation, ainsi que d'avoir estimé à tort que ce défaut ne devait entraîner qu'une baisse de loyer de 10% et non de 30%. Elle conclut au versement de dommages-intérêts et d'un montant à titre de tort moral.

3.1
3.1.1
Le bailleur est tenu de délivrer la chose louée à la date convenue, dans un état approprié à l'usage pour lequel elle est louée et l'entretenir dans cet état (art. 256 al. 1 CO).

Conformément aux art. 259a et 259d CO, lorsqu'apparaissent des défauts qui ne sont pas imputables au locataire et auxquels il ne doit pas remédier à ses frais, ou lorsque le locataire est empêché d'user de la chose conformément au contrat, il peut exiger du bailleur, notamment, la remise en état de la chose et une réduction proportionnelle du loyer, pour autant que le bailleur ait eu connaissance du défaut.

L'art. 259g CO prévoit en outre que le locataire d'un immeuble qui exige la réparation d'un défaut peut consigner son loyer, moyennant qu'il fixe préalablement un délai raisonnable au bailleur pour remédier au défaut, et qu'il l'avise de son intention de procéder à la consignation de ses loyers à échoir si sa mise en demeure ne devait pas être suivie d'effet.

Le locataire qui entend se prévaloir des art. 258 ss CO doit prouver l'existence du défaut (Lachat, Le bail à loyer, 2ème éd., 2019, p. 303).

Faute de définition légale, la notion de défaut - qui relève du droit fédéral - doit être rapprochée de l'état approprié à l'usage pour lequel la chose a été louée (art. 256 al. 1 CO); elle suppose la comparaison entre l'état réel de la chose et l'état convenu; il y a ainsi défaut lorsque la chose ne présente pas une qualité que le bailleur avait promise ou lorsqu'elle ne présente pas une qualité sur laquelle le locataire pouvait légitimement compter en se référant à l'état approprié à l'usage convenu (ATF 135 III 345 consid. 3.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_577/2016 du 25 avril 2017 consid. 3.1 et 4A_628/2010 du 23 février 2011 consid. 3.1). Le défaut peut être matériel ou immatériel (arrêt du Tribunal fédéral 4A_2008/2015 du 12 février 2016 consid. 3.1). Il n'est pas nécessaire que le bailleur soit en faute ou que le défaut soit réparable (arrêt du Tribunal fédéral 4A_281/2009 du 31 juillet 2009 consid. 3.2).

Le défaut de la chose louée est une notion relative; son existence dépendra des circonstances du cas particulier; il convient de prendre en compte notamment la destination de l'objet loué, l'âge et le type de la construction, ainsi que le montant du loyer (ATF 135 III 345 consid. 3.3; arrêts du Tribunal fédéral 4A_395/2017 du 11 octobre 2018 consid. 5.2 et 4A_281/2009 du 31 juillet 2009 consid. 3.2). Il s'agit par exemple de l'absence d'immiscions ou de nuisances, lesquelles doivent être telles que le locataire ne peut pas faire un usage normal de la chose. La durée des nuisances est un critère important pour déterminer si celles-ci constituent un défaut (Montini/Bouverat, Commentaire pratique du droit du bail à loyer et à ferme, 2017, n. 41 ad art. 256 CO).

Pendant le bail, le locataire qui reproche au bailleur une mauvaise exécution du contrat doit démontrer en quoi consiste le défaut (Montini/Bouverat, op. cit., n. 55 ad art. 256 CO). Ainsi, le locataire possède le fardeau de la preuve (art. 8 CC) des faits dont on peut déduire l'existence d'un défaut, soit notamment l'état réel ou actuel de la chose (p. ex. la présence, dans le logement, d'une inondation, de parasites ou d'autres nuisances excessives) et les restrictions de l'usage convenu qu'il subit de ce fait (Bohnet/Jeannin, Le fardeau de la preuve en droit du bail, 19ème Séminaire sur droit du bail, 2016, p. 44 et 45).

Lorsque l'origine du défaut est difficile à déterminer et litigieuse, on admet que pour se libérer, le bailleur puisse amener la preuve que le défaut a été causé en raison de la responsabilité du locataire, selon les mêmes règles que l'art. 267 CO. S'il n'apporte pas la contre-preuve d'une responsabilité du locataire, son échec implique que la réduction de loyer est due, même si l'origine exacte du défaut ne peut être établie, et cela sans faute du bailleur (Aubert, Commentaire pratique du droit du bail à loyer et à ferme, 2017, n. 53 ad art. 259d CO; ACJC/496/2018 du 23 avril 2018 consid. 3.1.3).

3.1.2 L'art. 259e CO permet au locataire de réclamer au bailleur des dommages-intérêts lorsque le premier subit un dommage en raison d'un défaut de la chose louée dont le second répond. Cette disposition est un cas d'application de l'art. 97 CO. La responsabilité (contractuelle) du bailleur sera engagée si le dommage se trouve en relation de causalité adéquate avec le défaut de la chose louée, à moins qu'il ne prouve qu'aucune faute ne lui est imputable. L'art. 259e CO présume donc la faute du bailleur, lequel peut se libérer s'il prouve avoir pris toutes les précautions pour éviter le dommage ou y remédier (arrêt du Tribunal fédéral 4A_395/2017 du 11 octobre 2018 consid. 6.2).

Selon l'art. 97 al. 1 CO, lorsque le créancier ne peut obtenir l'exécution de l'obligation ou ne peut l'obtenir qu'imparfaitement, le débiteur est tenu de réparer le dommage en résultant, à moins qu'il ne prouve qu'aucune faute ne lui est imputable. La responsabilité est engagée lorsque quatre conditions cumulatives sont remplies : une violation du contrat (sous la forme de l'inexécution ou de la mauvaise exécution d'une obligation), une faute (qui est présumée), un rapport de causalité (naturelle et adéquate) et un dommage (arrêt Tribunal fédéral 4A_30/2020 du 23 mars 2021 consid. 3.2.1 et les références citées).

3.1.3 Les réductions de loyer octroyées selon la jurisprudence en cas de ventilation ou de chauffage défectueux, dans un local commercial, oscillent entre 10% et 25% (ATF 130 III 504 consid. 4.2).

Une réduction de 5% a été octroyé pour des mauvaises odeurs se diffusant dans un appartement par des conduites électriques (odeurs acides, cuisines, poubelles; ACJC/100/2019 du 24 janvier 2019 confirmé par l'arrêt du Tribunal 4A_108/2019 du 22 janvier 2020), de même que pour des odeurs de cannabis se répandant dans un appartement (ACJC/932/2018 du 12 juillet 2018).

Dans l'arrêt auquel se réfère l'appelante, la Cour a accordé une réduction de 30% dans un cas où, non seulement la ventilation était défectueuse, mais aussi où le taux d'humidité était trop élevé, provoquant de la condensation à l'intérieur et des moisissures, susceptibles d'avoir des conséquences sur la santé de l'occupant (ACJC/1171/2008 du 6 octobre 2008).

3.2
3.2.1
En l'espèce, s'agissant du moment à partir duquel l'intimée a eu connaissance du défaut, l'autorité de première instance a retenu la date de mars 2016, soit l'époque où le premier bon de travail avait été délivré pour réparer la ventilation.

L'appelante considère avoir démontré que l'intimée était déjà consciente du défaut pour la période antérieure à mars 2016, soit depuis décembre 2014. A cette fin, elle se réfère au courrier générique de la régie du 14 décembre 2014, lequel ne fait pas mention d'odeurs de cannabis ou de solvants dont s'est plainte l'appelante, mais à l'odeur de cigarettes, qui se diffusait par la ventilation. Ce courrier ne permet ainsi pas de retenir qu'il aurait été envoyé à la suite d'une plainte de l'appelante pour les odeurs liées à du cannabis et des solvants qu'elle a rapportées par la suite. Le fait que la ventilation était défectueuse à cette époque déjà est vraisemblable au vu des termes du courrier, mais encore eût-il fallu que les odeurs incriminées se soient diffusées dans le logement de l'appelante et qu'elle s'en plaigne, ce qui n'est pas prouvé. Par ailleurs, mis à part un courrier simple que l'appelante affirme avoir envoyé et que l'intimée conteste avoir reçu, l'appelante n'a apporté aucun élément de preuve objectif tendant à démontrer qu'elle aurait alerté l'intimée avant mars 2016.

De plus, s'agissant des attestations des autres locataires, dont deux d'entre eux ont fait état de plaintes au concierge entre 2014 et 2016, la régie a contesté avoir reçu de telles plaintes. Devant ces contestations, il incombait à l'appelante de prouver que celles-ci avaient été transmises au concierge, respectivement à la régie. L'appelante n'a toutefois cité aucun des intéressés comme témoin. L'appréciation de ces preuves écrites, soit les attestations susmentionnées, qui doit être faite avec réserve en particulier dans la mesure où leurs auteurs n'ont pas été entendus par le Tribunal, ne permet ainsi pas de retenir que l'intimée avait connaissance des nuisances que l'appelante dit avoir subies avant la date retenue par l'autorité de première instance.

3.2.2 Le Tribunal a considéré que le défaut avait été résolu après le 4 novembre 2016, soit la dernière intervention de l'entreprise de ventilation.

L'appelante lui reproche d'avoir omis de tenir compte des pièces qu'elle avait produites, soit des attestations de tiers, notamment d'un huissier judiciaire.

Il n'est pas contesté que, postérieurement au 4 novembre 2016 et jusqu'au moment où, selon l'appelante, la diffusion d'odeurs aurait cessé, soit en novembre 2018, l'appelante a informé régulièrement l'appelante du défaut dont elle se plaignait. Reste à déterminer si l'existence du défaut a suffisamment été démontrée.

L'appelante soutient, à raison, que la seule réparation de la ventilation ne permet pas de retenir que tout défaut relatif à des odeurs serait exclu, dès lors que l'intimée répondrait de la diffusion d'odeurs dans l'appartement quelle qu'en soit la source. Cela étant, certains éléments objectifs permettent de le retenir. L'entreprise ayant effectué la réparation a attesté que l'appartement était hermétique dès la fin de celle-ci, des mesures effectuées quelques semaines après la réparation ont démontré ses effets par des valeurs normales et la visite dans l'appartement par différents intervenants a permis de constater une odeur de cannabis uniquement dans le salon - donc a priori où aucune bouche d'aération n'était présente - et de plusieurs autres types (myrrhe, encens, etc.), ces dernières n'étant pas imputées à des tiers par l'appelante.

S'agissant des attestations de tiers produites par l'appelante, elles émanent de personnes, dont on ignore les liens avec l'appelante, si elles habitent dans l'immeuble de l'appelante et les circonstances dans lesquelles elles ont effectué les observations qui ressortent de leurs attestations. Ces attestations n'ont donc pas de valeur probante plus élevée que des allégués de l'appelante, étant relevé que ces personnes n'ont pas été entendues comme témoins.

Quant aux attestations de l'huissier judiciaire, elles ne peuvent pas être passées simplement sous silence à l'instar de la décision entreprise. Il faut tenir pour établi que les 9 et 14 août 2017, ainsi que le 7 mai 2018 des odeurs de cannabis, de solvants et d'éthanol étaient présentes dans l'appartement de l'appelante. Etant donné que la ventilation semblait être réparée à cette époque, les odeurs doivent vraisemblablement provenir d'une autre source. A ce sujet, l'intimée a laissé entendre que les odeurs auraient pu être causées par la locataire elle-même, sans toutefois fournir d'explications plus détaillées qui permettraient de le retenir.

Cela étant, le SABRA a procédé en janvier 2017 à de nouvelles mesures sur une semaine qui se sont révélées être dans la norme. De plus, le locataire du 1er étage a procédé à l'extraction de l'huile de chanvre au moyen de solvants jusqu'au 31 mai 2017 au plus tard. Il ne peut par ailleurs pas être exclu que l'appelante ait fait appel à l'huissier lorsque les odeurs décrites étaient perçues, mais que le reste du temps aucune odeur gênante n'ait été présente. Ainsi, le fait que durant près de deux ans il n'ait été possible d'objectiver qu'à ces trois reprises, ainsi que le 13 juillet 2017, des odeurs ne permet pas encore de considérer que la chose louée présentait un défaut dans la mesure où il ne peut être tiré des éléments précités que les odeurs constatées l'auraient été de manière suffisamment durable ou régulière pour qu'elles constituent un défaut de la chose louée.

En l'absence de toute indication qu'un problème structurel relatif à l'immeuble était en cause, il ne peut être retenu que l'usage de la chose louée était entravé par les odeurs constatées de manière permanente ou régulière. Il est en outre possible que la simple aération de l'appartement, soit une mesure facile, aurait permis l'élimination des odeurs constatées, cette solution ayant d'ailleurs été expressément préconisée lors de la réunion ayant eu lieu dans l'appartement concerné le 13 juillet 2017 (cf. let. C.w. supra).

Il pouvait dès lors être attendu de l'appelante qu'elle fournisse ou propose d'autres moyens de preuve, comme par exemple une expertise démontrant la circulation d'air ou d'odeurs entre les appartements ou des témoignages de personnes lui rendant visite régulièrement et permettant de rendre plus tangible l'existence d'immiscions prolongées.

Par conséquent, rien ne permet de retenir que l'usage de l'appartement était régulièrement entravé au point qu'il faille considérer ces odeurs inexpliquées comme constitutives d'un défaut.

Ainsi, la décision de l'autorité de première instance sera confirmée en tant qu'elle considère que dès novembre 2016, le défaut avait été réparé.

3.2.3 L'appelante conteste le pourcentage de réduction de loyer fixé par l'autorité précédente. Elle invoque la jurisprudence - qui est plutôt contraire à sa position - et l'équité, se limitant, en substance, à soutenir que la réduction de loyer aurait dû être de 30% et non de 10% seulement et à se référer à une jurisprudence de la Cour dans une affaire qui n'est pas comparable à la présente cause.

Au vu de la jurisprudence et en considération de la gravité du défaut, la réduction de 10% appliquée par l'autorité précédente ne consacre pas de violation du pouvoir d'appréciation conféré au Tribunal en défaveur de l'appelante. L'appel n'est dès lors pas fondé sur ce point.

3.2.4 Enfin, au vu de ce qui précède, les griefs de l'appelante relatifs aux dommage-intérêts qu'elle réclame tombent à faux. En effet, l'instance précédente a écarté les frais invoqués car il s'agissait de dépenses antérieures et postérieures à l'époque où le défaut avait été constaté. L'appelante ne critique cependant pas ce raisonnement.

Concernant le tort moral, l'appelante soutient que les liens entre l'inhalation de certains produits dans son appartement et émanant de ses voisins et les problèmes médicaux dont elle souffrait étaient prouvés. Or, tel n'est pas le cas. Il manque en effet une preuve du lien de causalité entre les souffrances que l'appelante dit avoir subies et l'inhalation de produits dans son appartement, preuve qui n'aurait pu être apportée que par une expertise médicale, par exemple. En tout état de cause, les éléments figurant à la procédure, notamment le rapport de l'Office fédéral de la santé publique, qui fait un lien entre d'éventuelles atteintes à la santé et les émanations mesurées, considère le risque comme très faible, ce qui contredit la position de l'appelante. Par conséquence, la preuve d'un tort moral causé par le défaut n'est pas apportée.

Ainsi, le rejet des prétentions à titre de dommages-intérêts ou de tort moral sera confirmé.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 6 avril 2022 par A______ contre le jugement JTBL/156/2022 rendu le 1er mars 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/27016/2019.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges, Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ et Monsieur Serge PATEK; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.