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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/18126/2021

ACJC/1510/2022 du 21.11.2022 sur JTBL/185/2022 ( OBL ) , CONFIRME

Normes : CP.83
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18126/2021 ACJC/1510/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 21 NOVEMBRE 2022

 

Entre

A______ LLC, sise ______[GE], et Madame B______, domiciliée ______[GE], appelantes d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 9 mars 2022, comparant toutes deux par Me Arun CHANDRASEKHARAN, avocat, avenue de Champel 4, 1206 Genève, en l'étude duquel elles font élection de domicile,

et

C______ AG, sise ______[ZH], intimée, comparant par Me Serge PATEK, avocat, boulevard Helvétique 6, case postale, 1211 Genève 12, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/185/2022 du 9 mars 2022, notifié à A______ LLC et B______ le 17 mars 2022, le Tribunal des baux et loyers a déclaré irrecevables l'ensemble des conclusions prises par ces dernières (ch. 1 du dispositif), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et dit que la procédure était gratuite (ch. 3).

B. a. Le 2 mai 2022, A______ LLC et B______ ont formé appel de ce jugement, concluant à ce que la Cour de justice l'annule et déclare recevable leur action en libération de dette formée le 22 septembre 2021 et complétée par courrier du 25 janvier 2022.

b. C______ AG a conclu à la confirmation du jugement querellé.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informées le 25 septembre 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. A______ LLC est une société à responsabilité limitée ayant notamment pour gérante B______.

b. En date du 13 juillet 2018, C______ AG, propriétaire, et A______ LLC et B______, locataires, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un bureau d'environ 457 m2 et de 6 places de parking situés respectivement au rez-de-chaussée et au 2ème sous-sol de l'immeuble sis 7______ à Genève.

Le loyer a été fixé par le contrat à 19'620 fr. 25 par mois, charges et TVA comprises, payable par mois d'avance, la première fois le 1er avril 2019.

Le bail a été conclu pour une durée déterminée, du 1er septembre 2018 au 31 août 2023.

c. Le 11 juin 2020, C______ AG a fait notifier à A______ LLC un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur 81'360 fr. 60 avec intérêts à 5% dès le 4 juin 2020, à titre de loyers dus au 5 juin 2020, et de 150 fr. à titre de frais de sommation.

A______ LLC a fait opposition à ce commandement de payer.

d. Par courrier du 25 juin 2020, la bailleresse s'est déclarée prête à libérer A______ LLC de façon anticipée avec 6 mois de préavis, à partir de fin août 2020 pour le 28 février 2021, sous réserve du paiement de tous les montants en souffrance ainsi que des loyers jusqu'au 28 février 2021, si aucun repreneur n'était trouvé jusque-là.

e. Les locaux ont été restitués à fin août 2020.

f. Le 14 avril 2021, C______ AG a fait notifier à B______ un commandement de payer, poursuite n° 2______, portant sur un montant total de 225'166 fr. 65, avec intérêts à 5% dès le 1er février 2020, à titre de loyers, frais accessoires et TVA pour la période courant du 1er février 2020 au
31 janvier 2021.

B______ n'a pas fait opposition à ce commandement de payer.

Le 19 mai 2021, C______ AG a requis la continuation de la poursuite.

g. Par jugement JTPI/9053/2021 du 5 juillet 2021, confirmé par arrêt de la Cour de justice du 6 septembre 2021 (ACJC/1111/2021), le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée provisoire, à hauteur de 78'480 fr., avec intérêts à 5% dès le 4 juin 2020, de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______.

Le Tribunal a notamment retenu que la somme précitée correspondait aux loyers dus de février 2020 au 1er juin 2020.

h. Le 22 septembre 2021, A______ LLC et B______ ont déposé auprès du Tribunal des baux et loyers une demande intitulée "action en libération de dette" concluant à ce que le Tribunal constate que le contrat de bail du 13 juillet 2018 avait pris fin le 28 février 2021, que leur dette envers C______ AG s'élevait à 235'441 fr. 80, avec intérêts à 5% l'an à compter du 1er février 2021, et dise que, moyennant le paiement de cette dette, elles n'avaient plus d'obligation envers celle-ci.

i. Dans sa réponse du 12 novembre 2021, C______ AG a conclu, principalement, à l'irrecevabilité de l'action en libération de dette et au déboutement de ses parties adverses de toutes leurs conclusions, et, subsidiairement, à ce qu'il soit dit que la poursuite n° 1______ irait sa voie.

Il était précisé que les locataires restaient devoir un montant de 198'718 fr. 75 à titre d'arriérés de loyers et de frais accessoires relatifs aux locaux considérés.

j. Le 18 novembre 2021, C______ AG a fait notifier à B______ un commandement de payer, poursuite n° 3______, portant sur un montant total de 198'718 fr. 75, avec intérêts à 5% dès le 1er décembre 2020, à titre de loyers, frais accessoires et TVA pour la période courant du 1er décembre 2020 au
30 novembre 2021.

Le 18 novembre 2021, B______ a fait opposition à ce commandement de payer.

k. Le 20 janvier 2022, C______ AG a fait notifier à A______ LLC un commandement de payer, poursuite n° 4______, portant sur un montant total de 198'718 fr. 75, avec intérêts à 5% dès le 1er décembre 2020, à titre de loyers, frais accessoires et TVA pour la période courant du 1er décembre 2020 au
30 novembre 2021.

Le 25 janvier 2022, A______ LLC a fait opposition à ce commandement de payer.

l. Le 25 janvier 2022, A______ LLC et B______ ont déposé au Tribunal un acte intitulé "Précisions des conclusions et faits nouveaux" par lequel elles concluaient à ce que le Tribunal constate que le contrat de bail du 13 juillet 2018 avait pris fin le 28 février 2021 (conclusion n° II), qu'elles n'étaient pas débitrices envers C______ AG (conclusion n° III) et dise que la poursuite n° 5______ n'irait pas sa voie (conclusion n° IV).

Elles ont notamment fait valoir qu'un fait nouveau s'était produit en ce que sens que A______ LLC s'était acquittée de la créance de 225'166 fr. 65, objet de la poursuite n° 6______ dirigée contre B______, portant sur les loyers impayés du 1er février 2020 au 31 janvier 2021. Ce montant couvrait les loyers réclamés dans le cadre de la poursuite n° 1______.

m. Par écriture du 26 janvier 2022, C______ AG a conclu à l'irrecevabilité des conclusions en constatation de droit de ses parties adverses, ainsi qu'à l'irrecevabilité de la conclusion consistant à dire que la poursuite n° 1______ n'irait pas sa voie, pour cause de tardiveté.

n. Lors de l'audience du Tribunal du 1er février 2022, les parties ont plaidé, persistant dans leurs conclusions.

La cause a été gardée à juger par le Tribunal a l'issue de l'audience sur la question de la recevabilité de la demande.

EN DROIT

1. L'appel a été formé dans les forme et délai légaux, dans une cause dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte qu'il est recevable (art. 308
et 311 CPC).

2. Le Tribunal a retenu que, en dépit de l'intitulé de l'acte, la demande déposée par les appelantes n'était pas une action en libération de dette puisque les conclusions prises le 22 septembre 2021 ne portaient pas sur la constatation de l'inexistence ou de l'inexigibilité de la créance faisant l'objet de la poursuite n° 1______. Cette demande aurait dès lors dû faire l'objet d'une tentative préalable de conciliation. Les conclusions prises par B______, qui n'était pas partie à la poursuite précitée, devaient également faire l'objet d'une tentative de conciliation préalable. Les conclusions prises le 25 janvier 2022 par les appelantes, tendant à ce que le Tribunal constate que la créance était éteinte et dise que la poursuite
n° 1______ n'irait pas sa voie, étaient également irrecevables pour avoir été déposées après le délai péremptoire prévu par l'art. 83 al. 2 LP.

Les appelantes font valoir dans leur appel que leur conclusion III du 25 janvier 2022 était une "précision" ultérieure au dépôt de l'action en libération de dette, "afin de l'adapter aux changements intervenus depuis son dépôt, soit le paiement du 8 octobre 2021". Cette conclusion n'était "pas subordonnée à l'analyse des conditions de l'art. 227 CPC" et était recevable. La conclusion IV était accessoire à la conclusion III, et n'était pas soumise aux conditions de l'art. 227 CPC, de sorte qu'elle était recevable. Les conclusions, telles que précisées le 25 janvier 2022, étaient bien des conclusions en libération de dette car elles tendaient à faire constater l'absence d'obligation des appelantes envers l'intimée et l'inexistence du contrat de bail et B______ "avait sa place dans la procédure".

Dans leur réplique, elles ajoutent que leur action déposée le 22 septembre 2021 était bien une action en libération de dette et que l'interprétation de leurs conclusions initiales faite par le Tribunal contrevenait à l'interdiction du formalisme excessif. Il n'y avait pas de cumul d'actions. Leur action n'était pas soumise à tentative de conciliation.

2.1
2.1.1
En règle générale, selon l'article 197 CPC, le procès civil de première instance doit être précédé d'une tentative de conciliation devant une autorité de conciliation.

La conciliation préalable est une condition de recevabilité qui est vérifiée d'office par le juge (art. 60 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_413/2012 du 14 janvier 2013).

L'article 198 CPC énumère les litiges pour lesquels, en dérogation à la règle générale, la procédure de conciliation n'a pas lieu. Selon l'article 198 let. e
ch. 1 CPC, il s'agit notamment de l'action en libération de dette.

L'action en libération de dette de l'article 83 al. 2 LP est une action en constatation négative de droit fondée sur le droit matériel, qui est le pendant de l'action en reconnaissance de dette. Elle a pour objet l'inexistence ou l'inexigibilité de la créance en poursuite. Elle est ouverte par le débiteur poursuivi, qui est demandeur, contre la personne qui le poursuit. Seul le rôle des parties au procès est renversé: les charges du demandeur incombent toujours au créancier. Les parties ne sont pas limitées aux moyens invoqués dans la procédure de mainlevée. Le demandeur peut opposer la compensation, notamment en joignant à ses conclusions libératoires une demande additionnelle (ATF 116 II 131; Bohnet/ Christinat, Actions civiles, v. I : CC et LP, 2019, n° 17 ad art. 83 LP, p. 847).

L'action en libération de dette doit être introduite dans les 20 jours à compter de la mainlevée (art. 83 al. 2 LP).

L'action cumulée à une action en libération de dette n'est admissible que si elle n'est pas elle-même soumise à la tentative de conciliation préalable (arrêt du Tribunal fédéral 4A_592/2021 du 6 juillet 2022, consid. 4.2).

2.1.2 L'absence de conclusions conformes au droit fédéral ne peut être définie comme une question de pure forme, de sorte qu'une constatation en ce sens, et dès lors, le rejet de la prétention en cause, ne constitue pas un formalisme excessif (arrêt du Tribunal fédéral 4A_3/2016 du 26 avril 2017 consid. 6.2). 

2.1.3 Il n'est admissible de compléter le recours par le biais d'une réplique que si les arguments contenus dans la prise de position y donnent lieuAprès l'écoulement du délai de recours, le recourant est forclos à formuler des conclusions ou des griefs qu'il aurait pu déjà articuler dans le recours (ATF 132 I 42 consid. 3.3.4, JdT 2008 I 110; arrêt du Tribunal fédéral 5A_813/2013 du 12 mai 2014 consid. 2.2).

2.2 En l'espèce, les appelantes n'ont pas critiqué dans leur appel le raisonnement du Tribunal selon lequel les conclusions initiales de leur action excédaient le cadre d'une action en libération de dette.

Elles se sont limitées à faire valoir que la recevabilité de leur action devait être examinée à la lumière des conclusions qu'elles ont déposées le 25 janvier 2022.

Or, même si ces conclusions étaient recevables, elles auraient été tardives puisque formées après l'échéance du délai péremptoire de 20 jours prévu par l'art. 83
al. 2 LP, comme l'a relevé à juste titre le Tribunal.

Les griefs soulevés par les appelantes dans leur réplique sont tardifs, conformément à la jurisprudence précitée.

Même s'ils avaient été recevables, ces griefs auraient dû être rejetés. C'est en effet à juste titre que le Tribunal a retenu que l'acte déposé le 22 septembre 2021 n'était pas une action en libération de dette puisque les appelantes ne concluaient pas à ce que le Tribunal constate qu'elles ne devaient pas le montant faisant l'objet de la poursuite n° 1______. Alors que la mainlevée de l'opposition formée dans la poursuite précitée portait sur 78'480 fr. intérêts en sus, les appelantes concluaient notamment à ce que le Tribunal constate que leur dette envers l'intimée était de 235'441 fr. 80, intérêts en sus. Ces conclusions ne sont pas des conclusions admissibles dans le cadre d'une action en libération de dette.

A cela s'ajoute que B______, qui ne revêt pas la qualité de débitrice de la poursuite n° 1______, n'a pas la qualité pour agir en libération de dette en lien avec cette poursuite.

Dans la mesure où la demande déposée le 22 septembre 2021 n'était pas une action en libération de dette, elle était soumise à la tentative de conciliation préalable. L'absence de conciliation entraîne l'irrecevabilité de la demande, comme l'a constaté à juste titre le Tribunal.

Contrairement à ce que font valoir les appelantes, le Tribunal n'a pas fait preuve de formalisme excessif en déclarant leur demande irrecevable car l'absence de conclusions conformes au droit fédéral et l'absence de tentative de conciliation ne sont pas des questions de pure forme.

Le jugement querellé sera dès lors confirmé.

3. Il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens, s'agissant d'une cause soumise à la juridiction des baux et loyers (art. 22 al. 1 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 2 mai 2022 par A______ LLC et B______ contre le jugement JTBL/185/2022 rendu le 9 mars 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/18126/2021.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Pauline ERARD et Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ et Monsieur Grégoire CHAMBAZ, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie RAPP

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.