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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/23519/2020

ACJC/1509/2022 du 21.11.2022 sur JTBL/224/2022 ( OBL ) , CONFIRME

Normes : CPC.257; Cst.29.al2; CPC.224.al1
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/23519/2020 ACJC/1509/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 21 NOVEMBRE 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 25 mars 2022, comparant par Me Damien BLANC, avocat, place de l'Octroi 15, case postale 1007, 1227 Carouge, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée, comparant par Me Vincent LATAPIE, avocat, boulevard Helvétique 4, 1205 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/224/2022 du 25 mars 2022, le Tribunal des baux et loyers a condamné A______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec lui, l'appartement de 3 pièces situé au 2ème étage de l'immeuble sis no. ______, rue 1______, à Genève (ch. 1 du dispositif), transmis la cause, à l'expiration du délai d'appel contre ce jugement, au Tribunal des baux et loyers, siégeant dans la composition prévue à l'art. 30 LaCC, pour statuer sur les mesures d'exécution sollicitées (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 16 mai 2022 à la Cour de justice, A______ a formé appel contre ce jugement. Il a conclu à l'annulation du chiffre 3 de son dispositif et, cela fait, au renvoi de la cause au Tribunal, subsidiairement, à ce que le loyer fixé dans le contrat de bail soit déclaré nul et à ce que le loyer devant être payé soit fixé.

b. Dans sa réponse du 1er juin 2022, B______ a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Le 15 septembre 2022, les parties ont été avisées par la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. B______ est locataire d'un appartement de 3 pièces situé au 2ème étage de l'immeuble sis no. ______, rue 1______, à Genève, pour un loyer mensuel de 1'016 fr., dont 125 fr. à titre de charges.

b. Dès le mois de septembre 2015, elle a sous-loué cet appartement à A______, pour un loyer mensuel de 1'650 fr., ramené à 1'600 fr. dès le mois de mai 2019.

c. A______ a cessé de payer régulièrement le loyer à B______ depuis le mois de février 2019. Il n'a versé qu'un total de 5'000 fr. au cours de l'année 2019, puis n'a plus effectué aucun versement à tout le moins jusqu'à fin juillet 2020.

d. Par courrier recommandé distribué à A______ le 15 avril 2020, B______ lui a réclamé le paiement des arriérés de loyers, s'élevant à 19'200 fr. au 31 mars 2020. Elle l'a informé de son intention, à défaut du paiement de la somme réclamée dans les 30 jours, de résilier le bail avec effet immédiat conformément à l'art. 257d CO.

e. Le 8 mai 2020, A______ a déposé auprès de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers une requête en fixation de loyer. Il a allégué ne pas avoir reçu la formule officielle obligatoire et plaidé de ce fait la nullité de la clause contractuelle fixant le loyer.

f. Par avis officiel du 25 août 2020, B______ a résilié le bail pour le 31 octobre 2020, en raison du non-paiement du loyer.

Le sous-locataire a été avisé par la poste de l'arrivée du recommandé contenant cet avis le 26 août 2020, qu'il n'a pas retiré.

g. En vue de l'audience de conciliation fixée au 15 septembre 2020 dans le cadre de la requête en fixation de loyer déposée par A______, B______ a déposé diverses pièces, dont l'avis de résiliation du bail. Une copie du chargé de pièces a été envoyée à l'avocat du locataire par la Commission de conciliation avant l'audience.

A l'audience de conciliation, le conseil de A______ a retiré la requête en fixation de loyer.

h. Par requête déposée le 19 novembre 2020, B______ a saisi la Commission de conciliation d'une action en évacuation contre A______. Elle a en outre sollicité l'usage de la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, ainsi que l'exécution directe de l'évacuation.

Déclarée non conciliée à l'audience du 26 janvier 2021, la cause a été introduite devant le Tribunal des baux et loyers le 28 janvier 2021.

i. Depuis le mois de février 2021, A______ a versé à B______ un montant mensuel de 1'000 fr.

j. Par réponse du 22 mars 2021 à l'action en évacuation, A______ a conclu, sur demande principale, à la constatation de la nullité de la résiliation du bail litigieux et, sur demande reconventionnelle, à ce que soit déclaré nul le loyer fixé dans le contrat de bail et à ce que soit fixé le loyer mensuel devant être payé depuis le mois de septembre 2015.

Le sous-locataire a exposé avoir dû accepter le montant de loyer qui lui était demandé au moment de la conclusion du bail car il se trouvait dans une situation difficile; il ignorait que l'utilisation d'une formule officielle était obligatoire. Il a considéré, en droit, que la formule officielle n'ayant pas été utilisée lors de la conclusion du bail, le montant du loyer n'était pas formellement établi. Il n'avait ainsi pas pu être mis en demeure et la résiliation du bail était nulle.

k. Par écriture du 31 mars 2021, B______ a conclu au déboutement de A______ de ses conclusions sur demande reconventionnelle.

l. Le 12 mai 2021, A______ a déposé une plainte pénale à l'encontre de B______ pour usure et escroquerie du fait du loyer demandé pour la sous-location de l'appartement litigieux, dont le loyer mensuel de base n'était que de 1'106 fr., charges comprises, alors qu'il se trouvait dans un état d'infériorité.

Par ordonnance du 17 août 2021, le Ministère public a décidé ne pas entrer en matière sur les faits visés par la plainte déposée par A______. Il a notamment retenu que l'appartement était meublé et que le loyer comprenait des frais généraux liés à l'occupation de l'appartement.

m. Dans sa réplique du 13 juillet 2021 à la requête en évacuation, A______ a notamment expliqué avoir retiré sa requête en fixation de loyer au stade de la conciliation après avoir eu connaissance de la résiliation de son bail, afin de faire valoir cette prétention dans une seule et même procédure.

n. Dans sa duplique du 20 août 2021, B______ a indiqué que le montant du sous-loyer comprenait des frais accessoires, soit l'assurance-ménage, la télévision, l'électricité et C______ [opérateur ligne téléphonique], ainsi que les meubles et les appareils ménagers le garnissant.

o. Lors de l'audience devant le Tribunal du 7 décembre 2021, A______ a admis un arriéré de loyers de 25'650 fr. au 31 juillet 2020, selon décompte de B______. Il a allégué avoir racheté à cette dernière un lit et un canapé pour un montant de 800 fr., car cela l'arrangeait au moment d'entrer dans l'appartement. Il avait par ailleurs dû remplacer le frigidaire et une partie du lave-linge, ceux-ci étant tombés en panne. En outre, l'appartement était dans un état vétuste.

B______ a contesté avoir reçu de l'argent pour des meubles de la part du sous-locataire. Elle a admis avoir continué à utiliser la cave et le galetas.

Les parties ont sollicité l'audition de témoins au sujet de la situation financière de A______ et de l'ameublement de l'appartement litigieux.

p. Par ordonnance du 10 décembre 2021, le Tribunal a considéré que l'affaire était en état d'être jugée et a clôturé la phase d'administration des preuves. Des plaidoiries écrites pouvaient être déposées avant le 21 janvier 2022.

q. Par plaidoiries écrites déposées le 21 janvier 2022, A______ a procédé à un calcul du loyer "juste" et l'a établi au montant mensuel de 1'073 fr. 35.

Dans ses plaidoiries écrites déposées le même jour, B______ a persisté dans ses conclusions. Elle a produit un chargé de pièces complémentaire, contenant un récapitulatif des arriérés de loyer, ainsi que des documents relatifs aux frais de chauffage et d'eau chaude et aux versements de sa part en faveur de C______.

r. Par courrier adressé au Tribunal le 10 février 2022, A______ a considéré que les pièces nouvelles produites par B______ devaient être écartées de la procédure.

s. Dans une réplique du 10 février 2022, B______ a notamment relevé que A______ avait admis, dans sa réponse du 22 mars 2021, l'allégué selon lequel l'appartement était meublé. Elle a également considéré que le sous-locataire avait déposé sa requête en fixation du loyer pour échapper aux rigueurs de la demeure et du congé.

t. Dans son jugement du 25 mars 2022, le Tribunal a considéré qu'invoquer l'absence de notification du loyer sur formule officielle pour s'opposer à une résiliation du bail pour défaut de paiement, comme le faisait A______, revenait à utiliser une institution juridique (l'exigence de la formule officielle) d'une manière contraire à son but. Cette objection à la demande en évacuation relevait dès lors de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC). Les conditions d'une résiliation selon l'art. 257d al. 1 CO étaient par ailleurs réunies, de sorte que la demanderesse principale était fondée à donner congé, ce qu'elle avait fait en respectant les conditions de l'art. 257d al. 2 CO. Ainsi, depuis le 31 octobre 2020, A______ ne disposait plus d'aucun titre juridique l'autorisant à rester dans l'appartement litigieux. Le Tribunal ne pouvait que faire droit à la demande en évacuation.

u. Le 1er juillet 2022, A______ a quitté l'appartement sis no. ______, rue 1______, à Genève.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Si les conditions pour ordonner une expulsion selon la procédure sommaire en protection des cas clairs sont contestées, la valeur litigieuse correspond à la valeur du loyer pour la chose louée pour six mois (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1).

Le loyer a été fixé en dernier lieu à 1'600 fr. par mois. La valeur litigieuse est ainsi de 20'700 fr. Etant supérieure à 10'000 fr., la voie de l'appel est ouverte.

1.2 L'acte a été formé dans le délai utile et selon la forme prescrite par la loi. Il est ainsi recevable.

2. L'appelant n'entend pas contester la décision du Tribunal ordonnant son évacuation. Cela étant, en première instance, il avait conclu reconventionnellement à ce que le loyer initial soit déclaré nul et à ce qu'un nouveau loyer soit fixé. Le Tribunal l'avait débouté de ses conclusions sans indiquer les motifs pour lesquels il avait pris cette décision. Le jugement attaqué souffrait dès lors d'un défaut de motivation. Même si sa contestation du loyer ne permettait pas d'éviter la résiliation du bail, cela ne signifiait pas pour autant que le montant du loyer ne devait pas être fixé.

2.1 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu de l'art. 29 al. 2 Cst. l'obligation pour l'autorité de motiver sa décision, afin que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 III 65 consid. 5.2; 142 I 135 consid. 2.1; 138 I 232 consid. 5.1; 136 V 351 consid. 4.2). Pour satisfaire à cette exigence, il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision. Elle n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, peuvent être tenus pour pertinents (ATF 142 II 154 consid. 4.2 et les références). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 et les références).

2.2 En l'espèce, il ressort des explications fournies par l'appelant dans sa réponse du 22 mars 2021 devant le Tribunal qu'il a soutenu que la formule officielle n'ayant pas été utilisée lors de la conclusion du bail, le montant du loyer n'était pas formellement établi. Il n'avait pas pu être mis en demeure et la résiliation du bail était nulle. Il apparaît donc à la lecture de cette très brève motivation que la contestation par l'appelant du loyer initial s'inscrivait dans le cadre de sa défense contre la requête en évacuation dont il faisait l'objet, étant rappelé que les conclusions doivent s'interpréter à la lumière de la motivation. La Tribunal a exposé de manière détaillée pour quel motif la contestation du loyer initial ne pouvait faire obstacle à la résiliation du bail pour défaut de paiement du loyer, sans que l'appelant ne critique de manière motivée le jugement attaqué à cet égard.

Les considérations du Tribunal qui l'ont amené à considérer que l'appelant commettait un abus de droit en invoquant le défaut de formule officielle s'appliquent par ailleurs mutatis mutandis à une demande reconventionnelle en fixation du loyer que le recourant aurait formée.

Le jugement attaqué ne présente donc aucun défaut de motivation.

En tout état de cause, conformément à l'art. 224 al. 1 CPC, un défendeur peut déposer une demande reconventionnelle dans sa réponse si la prétention qu'il invoque est soumise à la même procédure que la demande principale. Or, tel n'était pas le cas en l'espèce puisque la requête en évacuation était soumise à la procédure sommaire (art. 257 al. 1 CPC), alors qu'une requête en fixation du loyer initial serait soumise à la procédure simplifiée (art. 243 al. 2 let. c CPC), ayant trait à la protection contre les loyers abusifs (art. 269, 269a et 270 CO). Il ne peut par ailleurs être statué sur une requête de fixation de loyer selon une procédure sommaire en cas clair au vu des éléments d'appréciation qu'elle comporte nécessairement. Ainsi, même s'il fallait considérer que le recourant avait formé une demande reconventionnelle en fixation du loyer initial, celle-ci serait irrecevable.

Au vu de ce qui précède, l'appel n'est pas fondé. Le jugement attaqué sera donc confirmé.

3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 16 mai 2022 par A______ contre le jugement JTBL/224/2022 rendu le 25 mars 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/23519/2020.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Nevena PULJIC et Monsieur Serge PATEK, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.