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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/13279/2020

ACJC/1469/2022 du 14.11.2022 sur JTBL/215/2022 ( OBL ) , JUGE

Recours TF déposé le 15.12.2022, rendu le 29.04.2024, CONFIRME, 4A_569/2022
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13279/2020 ACJC/1469/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 14 NOVEMBRE 2022

 

Entre

A______ SA, sise ______[GE], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 18 mars 2022, comparant par Me Imed ABDELLI, avocat, rue du Mont-Blanc 9, case postale 1012, 1211 Genève 1, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______ SA, p.a. C______ SA, ______[VD], intimée, comparant par Me Serge PATEK, avocat, boulevard Helvétique 6, case postale , 1211 Genève 12, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/215/2022 du 18 mars 2022, le Tribunal des baux et loyers a, préalablement, déclaré irrecevables les conclusions de B______ SA portant sur le paiement d'intérêts moratoires à hauteur de 5% et la libération de la garantie de loyer ainsi que les conclusions compensatoires de A______ SA (chiffre 1 du dispositif), déclaré irrecevables les faits nouvellement allégués par A______ SA dans ses écritures du 30 septembre 2021 (ch. 2), déclaré irrecevables et écarté les pièces produites par les parties à l'appui de leurs plaidoiries finales du 30 septembre 2021 (ch. 3).

Cela fait, il a condamné A______ SA à payer à B______ SA la somme de 37'473 fr. 95 (ch. 4), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5) et dit que la procédure était gratuite (ch. 6).

B. a. Par acte expédié le 16 mai 2022 à la Cour de justice, A______ SA (ci-après, A______ ou la locataire ou l'appelante) a formé appel contre ce jugement, reçu le 30 mars 2022, concluant à l'annulation des chiffres 2 à 5 de son dispositif, et cela fait, au rejet de la demande en paiement du 12 novembre 2020 de B______ SA et au déboutement de celle-ci de toutes autres conclusions, sous suite de frais et dépens.

A titre préalable, A______ a conclu à ce qu'il soit ordonné à B______ SA de produire l'intégralité du dossier de location de l'arcade sise avenue Louis-Casaï 43, en lui réservant le droit de compléter ses écritures après cette production, à être autorisée à faire entendre les témoins listés dans son acte motivé du 30 avril 2021 et à ce que lui soit réservée toute autre réquisition de preuve rendue indispensable par l'instruction de la cause, y compris la sollicitation et/ou la production de titres complémentaires.

Elle a allégué des faits nouveaux.

b. Par mémoire réponse du 14 juin 2022, B______ SA (ci-après, B______ ou la bailleresse ou l'intimée) a conclu à la confirmation du jugement entrepris et au déboutement de A______ de toutes autres conclusions.

c. Les parties ont été informées par courrier du greffe de la Cour du 25 août 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier.

a. Le 6 janvier 2006, D______ SA (aujourd'hui B______ SA), propriétaire, et A______ SA, locataire, ont conclu un contrat de bail portant sur une place de parc n° 48 située au rez extérieur de l'immeuble sis 2______ (GE).

Le bail a été conclu pour une durée d'une année, du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2006. Il était reconductible d'année en année, sauf résiliation trois mois avant l'échéance.

Le loyer annuel a été fixé à 840 fr., soit 70 fr. par mois.

b. Le 22 mars 2013, B______ SA (aujourd'hui B______ SA), propriétaire, et A______ SA, ont conclu un contrat de bail portant sur une arcade de 90 m² environ située au rez-de-chaussée de l'immeuble précité.

Les locaux étaient destinés à l'exploitation d'une agence de voyage exclusivement.

Le bail a été conclu pour une durée de cinq ans, du 1er avril 2013 au 31 mars 2018. Il était reconductible de cinq ans en cinq ans, sauf résiliation six mois au moins avant son échéance.

Le loyer annuel a été fixé en dernier lieu à 19'920 fr. (soit 1'660 fr. par mois), charges de 1'800 fr. par an (150 fr. par mois) non comprises.

La gérance de l'immeuble a été confiée à F______ SA, puis à C______ SA (ci-après, la régie).

c. Par courriel du 19 mai 2016, la locataire a indiqué à la régie demeurer dans l'attente de la visite d'un technicien afin de faire "un état de travaux dans [les] locaux ainsi qu'un constat des lieux", les canalisations défectueuses dans la chambre à l'arrière rendant l'utilisation de cette pièce impossible. Elle sollicitait une réduction de loyer et se plaignait d'autres défauts affectant notamment la porte d'entrée de l'agence et les stores.

d. Le 2 juin 2016, le Service d'incendie et de secours du Département de l'environnement urbain et de la sécurité (ci-après : le Service d'incendie et de secours) est intervenu pour une inondation survenue dans un appartement sis au 1er étage de l'immeuble ainsi que dans l'agence de voyage exploitée par la locataire.

Le 24 juin 2016, G______ SARL, mandatée par la régie, a établi un rapport d'intervention, constatant les dégâts dans une partie de l'arcade (faux plafond, parquet, mur, luminaire et électricité), suite à l'inondation.

Le 2 décembre 2016, elle informait la régie de ce qu'elle n'avait pu établir le devis demandé le 11 août 2016 que le 21 novembre 2016, faute d'avoir pu accéder aux locaux avant le 18 novembre 2016, la locataire ne donnant pas suite à ses nombreuses demandes en ce sens avant cette date.

Par courrier du 8 décembre 2016, la régie a indiqué à la locataire que sa "requête en compensation de perte de loyer et dédommagement d'activité" du 20 novembre 2016 était infondée et donc refusée. Elle était immédiatement intervenue suite au sinistre, mais les entreprises mandatées n'avaient pu intervenir que trois mois plus tard, à cause de son indisponibilité.

e. Dans une correspondance non datée et non signée, la locataire a requis de la bailleresse qu'elle "fasse un geste" sur le loyer suite au dégât des eaux de 2016. Alors que son assurance avait couvert les précédents sinistres, son contrat d'assurance avait été résilié et elle se trouvait dans l'impossibilité de participer au paiement des dommages mobiliers, respectivement n'était pas indemnisée pour la perte d'exploitation. Elle avait dû louer un autre local afin de travailler dans un lieu convenable et sollicitait une réduction de loyer en raison des travaux subis, qui avaient au demeurant tardé à débuter.

f. Dans un autre courrier non daté, A______ a informé la régie de ce qu'il y avait eu une nouvelle inondation dans son local, entraînant un effondrement d'une partie du plafond en juillet 2017. Elle restait pour le surplus dans l'attente de travaux de peinture et de réfection du parquet dans la grande pièce et celle du fond, depuis le 2 juin 2016. Les stores et la porte d'entrée, de même que les canalisations devaient également être réparés, comme cela avait été promis.

g. Le 15 juin 2017, la régie a informé les locataires de l'immeuble 2______, de ce que des travaux de réfection des conduites sanitaires allaient être entrepris prochainement.

h. Le 23 septembre 2017, la locataire a fait parvenir à H______ une liste du matériel et des fournitures endommagées par l'inondation du 2 juin 2016. Elle estimait le dommage à 13'020 fr. au minimum, y compris dix mois de loyers.

i. Par avis de résiliation du 26 novembre 2018 pour le 31 décembre 2018, la bailleresse a résilié les baux portant sur l'arcade et la place de parc pour défaut de paiement, suite à ses mises en demeure des 12 octobre 2018, restées vaines.

Ces congés n'ont pas été contestés.

j. Le constat d'état des lieux et inventaire de l'arcade a eu lieu le 1er avril 2019.

k. La régie allègue avoir publié une annonce sur internet, affiché des flyers dans les immeubles voisins et placé une pancarte indiquant "Arcade à louer" devant les locaux. Elle a produit à cet égard l'annonce publiée sur J______.ch, et les factures y relatives d'avril 2019 à octobre 2020, le flyer sans donner d'autre détail et une photographie de la pancarte, sans préciser à quel moment celle-ci avait été posée.

l. Dans une correspondance du 5 mars 2020, répondant à un courrier du 24 février 2020 ne figurant pas au dossier, la locataire a écrit à la régie que plusieurs dégâts d'eau étaient survenus depuis 2012, le dernier en date du 2 juin 2016, et que rien n'avait été entrepris afin de remettre les locaux en état, à l'exception de travaux de réfection du parquet et des canalisations, ces derniers ayant causé de nombreuses nuisances. Le droit à la réduction de loyer était incontestable. En tant que de besoin, la locataire invoquait, en compensation des prétentions portant sur les loyers impayés, ses propres prétentions en réduction de loyer - non chiffrées -, de sorte qu'elle estimait ne rien lui devoir.

m. Par requêtes du 7 juillet 2020 formées par-devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, ouvertes sous les numéros de causes C/13279/2020 (pour l'arcade) et C/3______/2020 (pour la place de parc), déclarées non conciliées à l'audience de conciliation du 14 octobre 2020, lors de laquelle la locataire n'était ni présente ni représentée, la bailleresse a conclu au paiement de 34'558 fr. 50, soit 1'273 fr. 95 à titre de solde de l'indemnité pour occupation de l'arcade en mars 2019, 32'640 fr. à titre d'indemnités concernant l'arcade pour les mois d'avril 2019 à juillet 2020, 490 fr. à titre d'indemnités concernant la place de parc pour les mois d'avril à octobre 2019, et 154 fr. 55 pour les frais de poursuite. B______ concluait également à la levée de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______ (non produit).

En substance, la bailleresse expliquait que la locataire demeurait responsable de ses obligations contractuelles jusqu'au 31 mars 2023 concernant l'arcade, respectivement jusqu'au 31 octobre 2019 pour la place de parc. La régie avait tout mis en œuvre pour relouer les locaux, en vain.

n. Par demande envoyée au Tribunal des baux et loyers le 12 novembre 2020, la bailleresse a conclu à ce que la locataire soit condamnée à payer la somme de 37'473 fr. 95, correspondant à 1'273 fr. 95 à titre d'indemnité pour l'occupation de l'arcade en mars 2019 et à 36'200 fr. à titre d'indemnités pour les mois d'avril 2019 à novembre 2020.

Dans une autre demande envoyée le même jour au Tribunal, la bailleresse a conclu à ce que la locataire soit condamnée à lui payer la somme de 210 fr., correspondant aux indemnités pour la place de parc pour les mois d'avril à juin 2019.

Le 20 novembre 2020, elle a produit un chargé de pièces complémentaire, comprenant des factures mensuelles d'avril 2019 à octobre 2020, de montants très variables, oscillant entre 35 fr. et 400 fr., que lui avait adressées C______ pour des frais de publication.

o. Par ordonnance du 1er décembre 2020, les causes C/13279/2020 et C/3______/2020 ont été jointes sous le numéro de cause C/13279/2020.

p. Dans sa réponse du 1er mars 2021, A______ a conclu, à la forme, à ce qu'elle se voie accorder le droit de compléter sa réponse une fois qu'elle aurait "reconstitué le dossier auprès de tiers", celui de déposer des conclusions en compensation en raison des défauts selon les articles 259a et ss CO et/ou toute autre demande reconventionnelle à teneur de l'article 224 CO, et à être autorisée à faire valoir ses moyens de preuves, notamment l'audition de témoins. Au fond, elle a requis du Tribunal qu'il rejette la demande en paiement dans son intégralité, et que la bailleresse soit déboutée de toutes ses conclusions.

La locataire expliquait avoir quitté les locaux depuis 2016, à la suite d'une inondation les ayant entièrement endommagés. Elle avait dû louer d'autres locaux afin d'exercer son activité et avait continué à payer le loyer en raison d'assurances données par la bailleresse.

q. Lors de l'audience du 30 avril 2021, le Tribunal a procédé aux débats d'instruction.

La bailleresse a allégué que des travaux avaient été effectués, qu'un accord avait été trouvé avec la locataire et que les discussions au sujet des dégâts étaient donc closes.

La locataire a produit une liste des témoins qu'elle souhaitait faire entendre, sans pouvoir préciser sur quels allégués ceux-ci devaient l'être, l'état de fait présenté dans la réponse étant très incomplet, à cause des dégâts causés à son parc informatique. Elle a également sollicité la production par la bailleresse du dossier intégral de son service technique concernant les inondations survenues dans les locaux, et s'est réservé le droit de demander d'autres actes d'instruction.

Le Tribunal a ensuite attiré l'attention des parties sur le fait que la procédure était instruite en procédure ordinaire et qu'après l'ouverture des débats principaux, il ne leur serait donc plus possible de compléter leurs allégations et offres de preuves. Il a ouvert les débats principaux et ordonné les premières plaidoiries.

Les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

La bailleresse a exposé que le bail s'était renouvelé pour une période de cinq ans, qu'il avait ensuite été résilié pour défaut de paiement, que les locaux avaient été restitués en mars 2019 et que les loyers restaient dus jusqu'à l'échéance contractuelle. Le bail avait été résilié pour diminuer la dette de la locataire et accélérer la relocation. La régie chargée de la gestion de l'immeuble était en cours de négociation pour relouer les locaux à partir de juillet 2021 mais faisait de son mieux pour qu'ils soient loués le plus rapidement possible. Les conséquences de la fuite d'eau avaient été réparées depuis deux ou trois ans.

La locataire a déclaré que la restitution des locaux en mars 2019 était le fruit d'un arrangement oral avec la bailleresse, par lequel la locataire avait compris que l'affaire était réglée. A l'heure actuelle, les locaux n'étaient pas reloués et les travaux n'étaient pas terminés.

Les parties ont renoncé aux plaidoiries orales et sollicité le dépôt de plaidoiries écrites.

Sur quoi, le Tribunal a indiqué qu'il rendrait une ordonnance de preuves.

r. Par ordonnance du 29 juin 2021, le Tribunal a admis, à titre de moyens de preuve, les pièces déjà produites par les deux parties, clôturé la phase d'administration des preuves et ordonné les plaidoiries finales.

Il a considéré que les allégations de la locataire portant sur les défauts affectant les locaux, sur lesquelles portaient en substance ses réquisitions de preuve, n'étaient pas pertinentes, faute pour elle d'avoir pris des conclusions y relatives ou formulé des prétentions compensatoires chiffrées. Par ailleurs, les allégations concernant les défauts ou les travaux en cours qui auraient empêché la relocation des locaux n'étaient pas suffisamment précises pour justifier qu'il soit instruit sur ce point. Enfin, A______ n'avait pas précisé à l'appui de quels allégués la production du dossier du service technique de la bailleresse serait utile, respectivement les témoins devraient être entendus.

s. Par écritures du 30 septembre 2021, B______ a persisté dans ses conclusions en paiement concernant l'arcade, tout en ajoutant le paiement d'intérêts moratoires à hauteur de 5%. Elle a également sollicité la libération de la garantie de loyer constituée le 29 décembre 2003 auprès de I______ SA. Elle a produit un chargé de pièces complémentaire contenant la procuration en faveur de son conseil et la preuve de la constitution de la garantie.

Par écritures du même jour, A______ a persisté dans ses conclusions, notamment, à la forme, concernant la production de l'intégralité du dossier de location de la bailleresse et l'audition de témoins. Au fond, elle a conclu au rejet de la demande et, subsidiairement, nouvellement à ce que tout montant dû soit compensé avec les dommages subis en raison des défauts. Elle a également allégué de nouveaux faits et produit un chargé de pièces complémentaire.

Le 20 octobre 2021, B______ a répliqué, concluant à l'irrecevabilité des moyens de preuves nouveaux produits par sa partie adverse et à l'irrecevabilité de sa conclusion en compensation.


 

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions de première instance est de 10'000 fr. au moins (art. 91 al. 1 et 308 al. 2 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_261/2013 du 19 septembre 2013 consid. 3.3).

En l'espèce, les dernières conclusions de l'intimée en première instance portaient notamment sur le paiement de sommes supérieures à 10'000 fr. La voie de l'appel est donc ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 et 314 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). La Chambre de céans revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par les juges de première instance et vérifie si ceux-ci pouvaient admettre les faits qu'ils ont retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_153/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2.3). Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413, consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

2. L'appelante a allégué des faits nouveaux.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

2.2 En l'espèce, les faits nouveaux allégués par l'appelante sont irrecevables, car ils auraient pu l'être devant les premiers juges, sans que celle-ci n'explique pourquoi ils ne l'ont pas été.

3. Le Tribunal a considéré que la prétention en réparation du dommage de l'intimée, en lien avec l'arcade, correspondant aux loyers dus jusqu'à l'échéance du contrat, devait être admise, celle-ci ayant démontré avoir tenté en vain de relouer les locaux suite à la résiliation anticipée du bail et l'appelante n'ayant pas démontré avoir versé les montants réclamés.

L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir retenu que l'intimée avait "déployé de réels efforts" pour relouer les locaux.

3.1 Le locataire doit payer le loyer et, le cas échéant, les frais accessoires, à la fin de chaque mois, mais au plus tard à l'expiration du bail, sauf convention ou usage local contraire (art. 257c CO).

Le locataire qui ne quitte pas l'objet loué à la fin du bail doit une indemnité pour occupation illicite fondée soit sur l'enrichissement illégitime (art. 62 ss CO), soit sur la responsabilité pour acte illicite (art. 41 ss CO). Le montant de celle-ci est généralement équivalent au loyer et frais accessoires dus pour une location en bonne et due forme (LACHAT/RUBLI, Le bail à loyer, Lausanne 2019, p. 73).

Lorsque le locataire donne lieu, par sa faute, à la rupture prématurée du bail, il est tenu d'indemniser le bailleur pour le dommage qu'il lui a causé (ATF 127 III 548 consid. 5 et les références citées). Le dommage auquel peut prétendre le bailleur comprend notamment le loyer échu entre le départ du locataire et la relocation de la chose ou, si la chose n'est pas relouée, jusqu'à la première échéance contractuelle (LACHAT/RUBLI, op. cit., p. 883). Il s'agit de l'échéance pour laquelle le locataire aurait pu résilier le bail, si le bailleur n'avait pas fait application de l'article 257d al. 2 CO.

Conformément aux articles 44 et 99 al. 3 CO, il appartient au bailleur de faire diligence pour relouer son bien et ainsi limiter au maximum son préjudice. Dès lors, on diminuera l'indemnité du montant que le bailleur aurait pu récupérer s'il avait recherché activement un nouveau locataire (ACJC/936/2006 du 11 septembre 2006 consid. 4; LACHAT, op. cit., p. 884 et les références citées).

Le bailleur doit démontrer que, malgré de réels efforts, il n'a pas été à même de relouer le bien aussitôt après la résiliation du bail (ATF 127 III 548 consid. 5 et 6; LACHAT, op. cit., p. 884 et les références citées).

Chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit (art. 8 CC).

Le fardeau de l'allégation objectif est le pendant du fardeau de la preuve, dont il ne saurait être dissocié. En effet, le fardeau de l'allégation ne peut, en vertu du droit fédéral, incomber qu'à la partie qui supporte le fardeau de la preuve, car lorsqu'à défaut d'allégations suffisantes, un état de fait déterminé ne peut pas être pris en considération ou demeure incertain, le juge doit trancher en défaveur de la partie qui supporte le fardeau de la preuve (arrêt du Tribunal fédéral 4P.263/2003 du 1er avril 2004 consid. 3.2.1 et les références citées; ATF 97 II 339 consid. 1b; arrêt du Tribunal fédéral 5P.322/1996 du 12 décembre 1996 consid. 2.1).

3.2 En l'espèce, l'intimée a démontré par pièces avoir publié, chaque mois dès la libération des locaux et jusqu'en octobre 2020, une annonce offrant l'arcade en location, mais sur un seul site, et sans qu'il ne ressorte des factures produites si la publication était hebdomadaire ou mensuelle, les montants facturés étant très variables. Elle soutient avoir en outre affiché un flyer dans les immeubles voisins, sans préciser lesquels ou leur nombre ni à quel moment. Elle n'a pas non plus précisé à quelle date elle avait fait poser le panneau indiquant que l'arcade était à louer. Par ailleurs, elle n'a pas sollicité son audition ni celle de témoins pour prouver avoir déployé des efforts suffisants en vue de tenter de relouer les locaux litigieux après le départ anticipé de l'appelante, alors qu'il lui incombait de le faire, vu la contestation de l'appelante sur ce point.

Dès lors, c'est à tort que le Tribunal a considéré que l'intimée avait démontré avoir déployé tous les efforts que l'on pouvait attendre d'elle pour relouer les locaux. Les éléments figurant au dossier sont insuffisamment détaillés pour parvenir à une telle conclusion. Faute d'avoir pris toutes les mesures nécessaires à la diminution de son dommage, l'intimée ne pouvait ainsi prétendre à la réparation de celui-ci, correspondant aux loyers qu'elle aurait touchés si le bail n'avait pas été résilié de manière anticipée. En revanche, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que le solde de l'indemnité pour occupation illicite relative au mois de mars 2019 était dû, l'appelante n'ayant pas prouvé s'en être acquittée, alors qu'elle occupait encore les locaux.

Le jugement sera ainsi annulé en ce qu'il condamne l'appelante à verser à l'intimée la somme de 36'200 fr. mais sera confirmé s'agissant du montant de 1'273 fr. 95.

4. Les autres griefs soulevés par l'appelante, de constatation manifestement inexacte des faits et de violation de son droit d'être entendue, n'ont pas à être examinés plus avant, compte tenu de ce qui précède.

En tout état, c'est à bon droit que le Tribunal a considéré qu'il n'y avait pas lieu d'instruire la question de savoir si la chose louée avait été affectée de défauts et s'il en résultait une créance en faveur de l'appelante, dans la mesure où celle-ci n'avait de toute façon pas chiffré ses prétentions opposées en compensation ni formé de demande reconventionnelle en réduction de loyer.

5. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 16 mai 2022 par A______ SA contre le jugement JTBL/215/2022 rendu le 18 mars 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/13279/2020.

Au fond :

Annule le chiffre 4 du dispositif de ce jugement.

Cela fait, statuant à nouveau :

Condamne A______ SA à verser à B______ SA la somme de 1'273 fr. 65.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Pauline ERARD et Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Nevena PULJIC et Monsieur Stéphane PENET, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

La présidente :

Nathalie RAPP

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.2.