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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/17279/2019

ACJC/1276/2022 du 03.10.2022 ( SBL ) , IRRECEVABLE

Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/17279/2019 ACJC/1276/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du LUNDI 3 OCTOBRE 2022

 

Entre

A______ SARL, sise ______ [GE], recourante contre une ordonnance rendue par le Tribunal des baux et loyers le 15 février 2022, comparant par Me C______, avocat, ______, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______, sise ______ [ZH], intimée, comparant par Me Emmanuelle GUIGUET-BERTHOUZOZ, avocate, rue du Général-Dufour 11, 1204 Genève, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile.

 


Vu, EN FAIT, l'ordonnance rendue le 15 février 2022 par le Tribunal des baux et loyers, par laquelle celui-ci a annulé des délais qu'il avait fixés précédemment et fixé à A______ SARL un ultime délai non prolongeable pour répliquer au 25 mars 2022, dit qu'en cas d'absence d'écritures dans ce délai, la précitée serait considérée comme ayant renoncé à répliquer et fixé un délai à B______ pour dupliquer;

Attendu que le Tribunal a retenu que A______ SARL était une société de plusieurs avocats au bénéfice d'une signature individuelle, à même de remplacer celui d'entre eux qui était constitué dans la procédure et se trouvait en incapacité de travail établie jusqu'au 4 mars 2022, qu'ainsi une ultime prolongation de délai pouvait être concédée;

Vu le recours formé à la Cour de justice par A______ SARL contre cette ordonnance, concluant à l'annulation de celle-ci, cela fait au renvoi de la cause au Tribunal au sens des considérants subsidiairement à la suspension de la procédure ou à l'octroi d'une prolongation de délai au 30 juin 2022;

Vu la décision du 8 mars 2022 par laquelle la Cour a fait droit à la conclusion préalable que comportait le recours et suspendu le caractère exécutoire de l'ordonnance entreprise;

Vu la réponse par laquelle B______ a conclu au rejet du recours;

Vu les réplique et duplique aux termes desquelles les parties ont persisté dans leurs conclusions;

Vu l'avis du greffe du 26 avril 2022 par lequel les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger;

Attendu qu'il résulte de la procédure de première instance que le 28 septembre 2020, A______ SARL a saisi le Tribunal d'une demande en paiement de 225'240 fr. avec suite d'intérêts moratoires dirigée contre B______, que cette dernière a conclu au déboutement de A______ SARL des fins de ses conclusions et formé une demande reconventionnelle en paiement, que A______ SARL a conclu au déboutement de B______ des fins de ses conclusions reconventionnelles;

Qu'à l'issue de l'audience du 25 mai 2021, le Tribunal a gardé la cause à juger sur les actes d'instruction requis par les parties;

Que, par ordonnance du 27 septembre 2021, il a ordonné la production de pièces puis un second échange d'écritures;

Qu'à la requête de A______ SARL, il a prolongé le délai fixé pour la réplique, puis, à celle de B______, celui fixé pour la duplique;

Que le 9 février 2022, A______ SARL s'est adressée au Tribunal pour requérir la suspension de la procédure, subsidiairement une prolongation à quatre mois du délai pour répliquer fixé au 15 février suivant, motif pris de ce que son conseil (soit l'un de ses associés gérants) était hospitalisé et dans l'ignorance de la date de la fin de son incapacité de travailler, qui courait en l'état jusqu'au 4 mars 2022;

Que B______ s'est opposée à ces requêtes;

Considérant, EN DROIT, que la décision entreprise est une ordonnance d'instruction et constitue une décision d'ordre procédural, qui entre dans la catégorie des autres décisions et ordonnances d'instruction de première instance (art. 319 let. b CPC) et qui est, par nature, exclue du champ de l'appel (JEANDIN, Code de procédure civile commenté, Bohnet/Haldy/Jeandin/Schweizer/Tappy [éd.], Bâle, 2011, n. 10, 14 et 15 ad art. 319 CPC; TAPPY, in CPC commenté précité, n. 15 ad art. 229 CPC);

Qu'elle est susceptible d'un recours immédiat stricto sensu dans les dix jours à compter de sa notification (art. 321 al. 2 CPC), pour autant que le recourant soit menacé d'un préjudice difficilement réparable au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC;

Que la Cour examine d'office si les conditions de recevabilité d'un tel recours sont réunies (art. 60 CPC; JEANDIN, op. cit., n. 9 ad art. 312 CPC; TAPPY, Les voies de droit du nouveau Code de procédure civile in JdT 2010 III 115 ss, p. 141; HOHL, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n. 2225 p. 408; CHAIX, Introduction au recours de la nouvelle procédure civile fédérale in SJ 2009 II p. 257 ss, p. 259);

Qu'en l'espèce, le recours a été formé dans le délai et selon la forme prévus par la loi (art. 130, 131 et 321 CPC);

Qu'il reste à examiner si la décision attaquée lui cause un préjudice difficilement réparable, à moins que cela ne fasse d'emblée aucun doute (par analogie, en lien avec la notion de "préjudice irréparable" de l'art. 93 al. 1 lit. a LTF : ATF 141 III 80 consid. 1.2; 134 III 426 consid. 1.2 et 133 III 629 consid. 2.3.1; Bastons BULLETTI, Petit commentaire CPC, 2020, n° 10 ad art. 319 CPC);

Que la notion de «préjudice difficilement réparable», est plus large que celle de «préjudice irréparable» au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 137 III 380 consid. 2 = SJ 2012 I 73; arrêt du Tribunal fédéral 5D_211/2011 du 30 mars 2012 consid. 6.3; ACJC/327/2012 du 9 mars 2012 consid. 2.4);

Qu'ainsi, l'art. 319 let. b ch. 2 CPC ne vise pas seulement un inconvénient de nature juridique, mais toute incidence dommageable (y compris financière ou temporelle), pourvu qu'elle soit difficilement réparable. L'instance supérieure devra toutefois se montrer exigeante, voire restrictive, avant d'admettre l'accomplissement de cette condition, sous peine d'ouvrir le recours à toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu. Il s'agit de se prémunir contre le risque d'un prolongement du procès (ATF 137 III 380 consid. 2, SJ 2012 I 73; 134 I 83 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5D_64/2014 du 17 juin 2014 consid. 1);

Qu'il appartient d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision incidente lui cause un préjudice difficilement réparable, à moins que cela ne fasse d'emblée aucun doute (par analogie ATF 134 III 426 consid. 1.2 et 133 III 629 consid. 2.3.1);

Qu'en l'espèce, la recourante ne consacre pas de développement spécifique à ce point, se limitant à renvoyer à ses griefs de fond;

Qu'à cet égard, elle fait valoir notamment une violation du droit d'être entendu dans la mesure où le Tribunal n'a pas examiné sa conclusion principale en suspension de la procédure, et une absence de proportionnalité dans le délai octroyé pour répliquer, au vu de la situation particulière de son représentant et conseil;

Qu'en l'occurrence, on ne discerne pas de préjudice difficilement réparable;

Que la recourante a, comme elle le relève dans son recours, certes pris des conclusions principales en suspension au sens de l'art. 126 al. 1 CPC (lesquelles n'ont pas été discutées par le Tribunal) sans pour autant soutenir que les conditions de cette disposition seraient réalisées;

Qu'en tout état, la date jusqu'à laquelle la suspension était requise est dépassée;

Que la motivation donnée sur le point de la prolongation de délai par le Tribunal, à savoir que la recourante est une société d'avocats, dont chacun des gérants (avocats inscrits) peut agir pour elle, est totalement convaincante, sans même qu'il ne soit nécessaire de faire référence à la possibilité de l'avocat constitué de se faire excuser par un confrère;

Que l'écoulement du temps dans la présente procédure de recours a eu pour effet que les délais fixés dans l'ordonnance entreprise sont également déjà échus;

Qu'au vu de ce qui précède, le recours n'est pas recevable;

Que la procédure est gratuite (art. 22 al. 1 LaCC; ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


Déclare irrecevable le recours formé par A______ SARL contre l'ordonnance rendue par le Tribunal des baux et loyers le 15 février 2022 dans la cause C/17279/2019.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Zoé SEILER et Monsieur Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile, la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les
art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.