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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/5095/2022

ACJC/1278/2022 du 03.10.2022 sur JTBL/359/2022 ( SBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/5095/2022 ACJC/1278/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du lundi 3 OCTOBRE 2022

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 12 mai 2022, comparant en personne,

et

SI B______ SA, p.a. C______ SA, ______, intimée, comparant par
Me Jacques BERTA, avocat, rue du Général-Dufour 11, 1204 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/359/2022 du 12 mai 2022, reçu le 16 mai 2022 par les parties, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire, a condamné A______ à verser à SI B______ SA 12'044 fr. avec intérêts à 5% à compter du 8 août 2021 à titre d’indemnités pour occupation illicite pour la période courant du mois d’avril 2021 à mi-décembre 2021, 527 fr. 75 avec intérêts à 5% à compter du 14 janvier 2022 pour les frais de serrurier, 5'444 fr. 55 avec intérêts à 5% à compter du 20 janvier 2022 pour les frais de déménagement et 2'423 fr. 25 avec intérêts à 5% à compter du 19 janvier 2022 pour les honoraires de l’huissier judiciaire (ch. 1 du dispositif), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et dit que la procédure était gratuite (ch. 3).

B. a. Par acte daté du 27 mai 2022, mais expédié le 30 mai 2022 à la Cour de justice, A______ forme appel contre le jugement précité, dont elle requiert l'annulation. Elle conclut, avec suite de frais, au renvoi de la cause au Tribunal "pour nouvelle décision au sens des considérants".

Elle allègue des faits nouveaux.

b. Dans sa réponse du 13 juin 2022, SI B______ SA conclut à la confirmation du jugement attaqué.

Elle soulève l'irrecevabilité des allégations nouvelles de sa partie adverse.

c. Les parties ont été informées le 8 juillet 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier de première instance.

a. Les parties ont été liées par un contrat de bail portant sur un appartement de quatre pièces n° 1______ au 3ème étage de l'immeuble sis 2______ à Genève, dont le dernier loyer mensuel s'élevait à 1'496 fr., provision pour chauffage et acompte de frais accessoires compris.

b. Par jugement du 27 mai 2021, le Tribunal a condamné A______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens ainsi que tout autre personne faisant ménage commun avec elle l'appartement en question et autorisé la bailleresse à requérir l'évacuation par la force publique de la locataire dès le 1er novembre 2021.

Ce jugement a été confirmé par arrêt de la Cour du 11 octobre 2021. Le 26 novembre 2021, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours constitutionnel subsidiaire et rejeté le recours en matière civile formés par la locataire contre la décision cantonale.

c. Le 17 mars 2022, la bailleresse a formé devant le Tribunal une requête en protection des cas clairs, par laquelle elle a réclamé à la locataire 12'044 fr. à titre d'indemnités pour occupation illicite d'avril à mi-décembre 2021, avec intérêts à 5% dès le 8 août 2021 (date moyenne), sous déduction de 672 fr. en faveur de la locataire résultant du décompte de charges au 30 avril 2021, 527 fr. 75 avec intérêts à 5% dès le 14 janvier 2022 pour les frais de serrurier, 5'444 fr. 55 avec intérêts à 5% dès le 20 janvier 2022 pour les frais de déménagement et 2'423 fr. 25 avec intérêts à 5% dès le 19 janvier 2022 pour les honoraires de l'huissier judiciaire.

Afin de justifier les montants réclamés, la bailleresse a produit un relevé de compte établi par sa régie le 16 mars 2022, une facture du 7 décembre 2021 de l'entreprise "D______" [serrurier] (intervention du 1er décembre 2021), une facture du 14 décembre 2021 de E______ SARL et une facture du 16 décembre 2021 de Me F______, huissier judiciaire, accompagnées des justificatifs de paiement.

La bailleresse a allégué que les cylindres des portes de l'appartement avaient été changés et, justificatif à l'appui, que les clés de l'appartement avaient été restituées à la régie par huissier judiciaire le 15 décembre 2021.

d. Le 22 mars 2022, le Tribunal a cité les parties à comparaître à une audience fixée au 7 avril 2022 à 11 heures. La citation destinée à la locataire a été envoyée en l'étude de Me G______, avocate.

Par courrier déposé le 4 avril 2022, A______ a sollicité du Tribunal le renvoi de l'audience. Elle a indiqué qu'elle était sans domicile fixe et souhaitait préparer convenablement sa défense.

Par lettre déposée le 5 avril 2022, le conseil précité a indiqué au Tribunal qu'elle n'était plus en charge de la défense des intérêts de la locataire et que celle-ci sollicitait le report de l'audience afin de pouvoir mandater un nouveau conseil juridique.

Par message électronique envoyé le 7 avril 2022 à 9 heures 37 depuis l'adresse A______@______.com, la locataire a informé le Tribunal de ce qu'elle ne pourrait pas être présente lors de l'audience et lui a transmis un certificat médical faisant état d'une "incapacité" du 6 au 10 avril 2022.

Le procès-verbal de l'audience du 7 avril 2022 mentionne que "dans ces circonstances [vu ledit certificat médical], le Tribunal renvoie l'audience à une date ultérieure".

e. Par ordonnance du 8 avril 2022, le Tribunal a décidé de la notification des actes de la procédure à la locataire par voie électronique sécurisée, dit que la procédure se poursuivrait par voie écrite, imparti à locataire un délai au 25 avril 2022 pour déposer ses déterminations écrites sur la requête formée à son encontre et dit que la cause serait gardée à juger dans un délai de 10 jours dès la communication desdites déterminations à la bailleresse.

L'ordonnance a été communiquée à la locataire par la voie électronique à l'adresse précitée le même jour à 11 heures 37.

f. Par courrier envoyé le 25 avril 2022 par pli recommandé, la locataire a sollicité du Tribunal un délai supplémentaire pour déposer ses déterminations écrites.

Tant sur ce courrier qu'au dos de l'enveloppe contenant celui-ci, la locataire a indiqué l'adresse électronique A______@______.com.

g. Par ordonnance du 28 avril 2022, communiquée par voie électronique sécurisée le lendemain à la locataire, le Tribunal a octroyé à celle-ci une seule et unique prolongation du délai au 9 mai 2022 pour le dépôt de ses déterminations écrites, dit qu'il n'y aurait pas de nouvelle prolongation sauf accord exprès de la partie adverse et dit que la cause serait gardée à juger dans un délai de 10 jours à compter de cette échéance, cas échéant à compter de la transmission des écritures de la locataire à la bailleresse.

h. Par courrier électronique du 10 mai 2022, Me H______, avocate, s'est constituée pour la défense des intérêts de la locataire et a sollicité la prolongation au 20 mai 2022 du délai pour le dépôt des déterminations écrites.

i. Par ordonnance du 11 mai 2022, le Tribunal a rejeté la requête en prolongation du délai et dit que la cause était gardée à juger sur le fond.

Il a considéré que ni les conditions de l'art. 144 al. 2 CPC (demande de prolongation faite avant l'expiration du délai), ni celles de l'art. 148 al. 1 CPC (justes motifs à l'appui de la demande) n'étaient réalisées.

j. Dans le jugement attaqué, le Tribunal a considéré que la locataire n'avait contesté ni le non-paiement des indemnités pour occupation illicite, ni la période concernée par cette carence, ni la nécessité de recourir à des tiers pour la mise en œuvre de son évacuation.

EN DROIT

1. 1.1 En procédure sommaire, applicable aux cas clairs (art. 248 let. b CPC), l'appel doit être déposé dans le dix jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 314 al. 1 CPC).

Le délai court dès le lendemain de la réception de la décision (art. 142 al. 1 CPC). Si le dernier jour du délai est un jour férié reconnu par le droit fédéral ou le droit cantonal du siège du tribunal, le délai expire le premier jour ouvrable qui suit (art. 142 al. 3 CPC). Les actes doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai soit au tribunal soit à l'attention de ce dernier, à la poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 143 al. 1 CPC).

En l'espèce, la locataire a retiré le pli recommandé contenant le jugement attaqué le 16 mai 2022, de sorte que le délai d'appel a commencée à courir le mardi 17 mai 2022. Le dernier jour du délai, soit le 26 mai 2022, étant l'Ascension, le délai d'appel a expiré le vendredi 27 mai 2022. Dans ces conditions, l'appel de la locataire, daté du 27 mai 2022 mais remis à la poste suisse le 30 mai 2022 à l'attention de la Cour, est tardif, donc irrecevable.

1.2 Même si l'appel était recevable, le jugement attaqué devrait être confirmé, pour les motifs qui suivent.

2. En premier lieu, l'appelante fait grief au Tribunal d'avoir violé son droit d'être entendue.

2.1 Le droit d'être entendu garanti par les art. 29 al. 2 Cst. et 53 CPC accorde aux parties le droit de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à leur détriment, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves et de se déterminer à leur propos (ATF 136 I 265 consid. 3.2; 135 II 286 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_252/2021 du 6 octobre 2021 consid. 4.1).

2.2 En l'espèce, contrairement à ce qu'elle soutient, la locataire a eu la possibilité de s'expliquer devant les premiers juges, mais n'en a pas fait usage. La voie électronique pour la notification des actes a été utilisée par l'appelante, se disant sans domicile fixe, et par son dernier conseil. Il faut ainsi admettre, ce que l'appelante ne semble d'ailleurs pas contester, que c'est avec l'accord de celle-ci que ce mode de notification a été utilisé par le Tribunal (art. 139 al. 1 CPC). Après une première audience, en application de l'art. 253 CPC, le Tribunal a choisi la procédure écrite. Il est rappelé que le caractère écrit ou oral de la procédure sommaire est laissé à la libre appréciation du tribunal, ce qui permet de tenir compte du cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 5A_403/2014 du 19 août 2014 consid. 4.1). La locataire n'a été en "incapacité" que du 6 au 10 avril 2022, de sorte qu'elle aurait pu (et dû) consulter ses messages électroniques et déposer ses déterminations écrites dans le délai prolongé au 9 mai 2022. Enfin, c'est à juste titre que l'appelante ne critique pas la motivation de l'ordonnance du Tribunal du 11 mai 2022, contre laquelle elle ne recourt d'ailleurs pas. Le grief de violation du droit d'être entendu est donc infondé.

3. En second lieu, l'appelante, sur la base d'allégations nouvelles, conteste devoir les montants qui lui sont réclamés par l'intimée.

3.1 Les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont recevables qu'aux conditions de l'art. 317 al. 1 CPC. Les nova improprement dits (ou faux ou pseudo-nova) ne sont recevables qu'à deux conditions : (1) la partie qui s'en prévaut ne pouvait les invoquer avant, malgré sa diligence et (2) elle les présente sans retard. Ainsi, ne sont pas recevables les contestations et objections que le locataire soulève pour la première fois en instance de recours. Le locataire doit invoquer ces moyens de défense en temps utile, conformément au principe de la simultanéité des moyens d'attaque et de défense (maxime éventuelle ou maxime de concentration), qui vaut aussi en procédure sommaire de protection dans les cas clairs, soumise à la maxime des débats (cf. ATF 142 III 462 consid. 4.3).

3.2 Si elle avait fait preuve de la diligence requise, en déposant ses déterminations écrites dans le délai fixé, l'appelante aurait pu invoquer devant le Tribunal les faits qui figurent dans son appel. Ses allégations nouvelles sont donc irrecevables et la Cour ne peut qu'examiner la cause sur la base du dossier de première instance. Comme le Tribunal l'a considéré à juste titre, en première instance, la locataire n'a contesté aucun allégué de sa partie adverse, de sorte qu'il y avait lieu d'accorder à la bailleresse le plein de ses conclusions, les pièces produites étant suffisantes à cet égard.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


Déclare irrecevable l'appel interjeté le 30 mai 2022 par A______ contre le jugement
JTBL/359/2022 rendu le 12 mai 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/5095/2022-8.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD, Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Zoé SEILER, Monsieur
Jean-Philippe FERRERO, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

Le président :

Ivo BUETTI

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.