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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/26902/2020

ACJC/1212/2022 du 19.09.2022 sur JTBL/152/2022 ( OBL ) , CONFIRME

Normes : CPC.204; CPC.147
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/26902/2020 ACJC/1212/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du LUNDI 19 SEPTEMBRE 2022

 

Entre

A______, sise ______, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 1er mars 2022, comparant par Me Boris LACHAT, avocat, rue Saint-Ours 5, 1205 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______ domicilié ______ et Monsieur C______, domicilié ______, intimés, comparant par Me D______, avocate, ______, en l'étude de laquelle ils font élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/152/2022 du 1er mars 2022, reçu par les parties le 3 mars 2022, le Tribunal des baux et loyers a dit que les autorisations de procéder notifiées le 23 avril 2021 par la Commission de conciliation en matière de baux et loyers (ci-après : la Commission) à A______ étaient valables (ch. 1 du dispositif), déclaré recevables les demandes introduites le 21 mai 2021 par cette dernière ensuite de l'opposition aux propositions de jugement PJCBL/10/2021 et PJCBL/11/2021 du 26 février 2021 (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et réservé la suite de la procédure (ch. 4).

B. a. Le 14 mars 2022, A______ a formé appel de cette décision, concluant principalement à ce que la Cour de justice l'annule, constate le défaut de C______ à l'audience de conciliation tenue par-devant la Commission le 24 février 2021, constate la nullité des autorisations de procéder délivrées le 23 avril 2021 par celle-ci dans les causes C/26902/2020 et C/2______/2020, constate que les requêtes déposées par B______ et C______ devant ladite Commission sont retirées, dise que les causes C/3______/2020, C/4______/2020, C/26902/2020 et C/2______/2020 sont sans objet et rayées du rôle, condamne B______ et C______ à évacuer immédiatement les locaux situés au rez-de-chaussée de l'immeuble sis no. ______, rue 1______ à Genève, ainsi que le dépôt au sous-sol et leurs dépendances et l'autorise à requérir l'évacuation par la force publique dès le lendemain de l'entrée en force de l'arrêt à rendre.

b. Le 29 avril 2022, B______ et C______ ont conclu à ce que la Cour confirme le jugement querellé et inflige une amende disciplinaire à leur partie adverse.

c. A______ a répliqué le 23 mai 2022, persistant dans ses conclusions.

d. Les parties ont été informées le 3 août 2022 que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. B______ et C______, avocats, sont locataires depuis de nombreuses années de locaux commerciaux et d'un dépôt sis ______, dans lesquels ils exercent leur activité professionnelle.

La bailleresse est A______.

b. Par avis officiels du 24 novembre 2020, la bailleresse a résilié les baux précités pour le 31 décembre 2020, pour cause de non-paiement du loyer.

c. Le 23 décembre 2020, les locataires ont déposé à l'encontre de la bailleresse, par-devant la Commission, une requête de conciliation, concluant principalement à ce que celle-ci constate que les résiliations des baux du 24 novembre 2020 sont inefficaces et que ceux-ci sont toujours valables. Subsidiairement, ils ont conclu à l'annulation des résiliations susmentionnées.

d. Ces demandes ont été enregistrées par la Commission sous quatre numéros de causes distincts, à savoir C/3______/2020 concernant l'action en constatation de droit relative au dépôt, C/2______/2020 concernant l'action en contestation de congé relative au dépôt, C/4______/2020 concernant l'action en constatation de droit relative aux locaux commerciaux et C/26902/2020 concernant l'action en contestation de congé relative aux locaux commerciaux.

Par ordonnances du 23 février 2020, la cause C/3______/2020 a été jointe à la cause C/2______/2020 et la cause C/4______/2020 jointe à la cause C/26902/2020.

e. Une audience de conciliation, prévue pour le 10 mars 2021, a été convoquée le 3 février 2021 par la Commission.

Le 5 février 2021, l'avocate des locataires a requis le report de cette audience, faisant valoir qu'elle avait un rendez-vous médical fixé de longue date.

Cette demande a été acceptée par la Commission le 12 février 2021 et une nouvelle audience a été fixée le 24 février 2021.

f. Le 16 février 2021, l'avocate des locataires a requis un nouveau renvoi, faisant valoir qu'elle serait en congé du 22 au 28 février 2021, semaine des vacances scolaires vaudoises. Elle a ajouté que son client C______ était absent de Genève la même semaine, relevant qu'il serait également absent du 8 au 15 mars 2021.

C______ a expressément indiqué par la suite que son absence n'était pas due à des vacances.

g. Par ordonnance du 22 février 2021, la Commission a retenu que la demande de renvoi d'audience du 16 février 2021 n'était pas fondée sur des motifs suffisants au sens de l'art. 135 let. b CPC, de sorte que l'audience était maintenue. C______ était dispensé d'y comparaître, conformément à l'art. 204 al. 3 CPC.

L'ordonnance indique qu'elle a été expédiée pour notification aux parties le 22 février 2022. A______ soutient l'avoir reçue le 24 février 2021, ce que B______ et C______ contestent. La date de notification effective de cette ordonnance ne ressort pas du dossier.

h. A teneur du procès-verbal de l'audience du 24 février 2021, B______ a comparu, assisté d'un avocat excusant Me D______, avocate constituée pour la défense des intérêts des locataires. Cet avocat représentait en outre C______, considéré comme valablement excusé. La bailleresse était représentée par son avocat.

Le procès-verbal de l'audience indique que la Commission va formuler une proposition de jugement à l'attention des parties.

A______ allègue que son avocat a soulevé une objection lors de cette audience, faisant valoir que la cause devait être rayée du rôle en raison de l'absence d'un requérant, consort nécessaire. Cette allégation est contestée par les locataires. Aucune mention ne figure au procès-verbal à ce sujet.

La procuration conférée par C______ à son avocate le 21 décembre 2020 indique que celle-ci a tout pouvoir pour négocier et conclure tout accord en lien avec la procédure relative aux baux sis no. ______, rue 1______.

i. Le 26 février 2021, A______ a formé appel contre l'ordonnance du 22 février 2021 de la Commission et sa décision du 24 février 2021 par laquelle celle-ci annonçait qu'elle formulerait une proposition de jugement. Il a conclu à ce que la Cour annule ces décisions, considère que les requêtes des locataires étaient retirées et dise que les procédures étaient rayées du rôle au motif que C______ avait fait défaut à l'audience.

Cet appel a été déclaré irrecevable par arrêt de la Cour du 5 août 2021.

j. Le même jour, la Commission a rendu dans les causes C/26902/2020 et C/2______/2020 des propositions de jugement. Les résiliations des baux litigieux ont été déclarées inefficaces.

k. La bailleresse a formé opposition à ces propositions de jugement de sorte que, le 23 avril 2021, la Commission lui a notifié une autorisation de procéder dans chacune des deux causes susmentionnées.

l. Par demande du 21 mai 2021, A______ a porté les causes précitées par-devant le Tribunal des baux et loyers.

La bailleresse a pris douze chefs de conclusions, parmi lesquels figurent celles qu'elle prend en appel, à l'exception de la conclusion tendant à ce que la Cour constate le défaut de C______ lors de l'audience de conciliation du 24 février 2021.

m. Les procédures C/26902/2020 et C/2______/2020 ont été jointes sous le premier numéro. La procédure a été limitée à la question de la recevabilité de la demande.

n. Dans leurs déterminations du 10 janvier 2022, B______ et C______ ont conclu, s'agissant de la recevabilité de la demande, à ce que le Tribunal constate la validité des autorisations de procéder du 23 avril 2021, confirme au besoin les décisions de la Commission des 22 et 24 février 2021 ainsi que la validité de la contestation des congés notifiés le 24 novembre 2021. Sur le fond, ils ont conclu à ce que le Tribunal constate l'inefficacité, voire la nullité des congés et déboute leur partie adverse de toutes ses conclusions.

o. Par courriers respectifs du 31 janvier 2022 et du 9 février 2022, les parties ont persisté dans leurs conclusions et la cause a été gardée à juger par le Tribunal.

EN DROIT

1. 1.1 Selon l'art. 308 CPC, l'appel est recevable contre les décisions incidentes de première instance, lorsque la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins.

La décision est incidente et sujette à recours immédiat lorsque l'instance de recours pourrait prendre une décision contraire qui mettrait fin au procès et permettrait de réaliser une économie de temps ou de frais appréciable (art. 237 al. 1 et 2 CPC).

1.2 En l'espèce, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (cf. ATF 137 III 389 consid. 1.1) et la décision querellée est une décision incidente, de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

La question de savoir si la conclusion nouvelle de l'appelante, tendant à ce que la Cour constate le défaut de C______ lors de l'audience de conciliation du 24 février 2021, est recevable au regard des exigences de l'art. 317 al. 2 CPC peut rester ouverte, compte tenu de ce qui sera exposé sous consid. 2 ci-après.

L'appel a pour le surplus été formé dans les délai et forme légaux et est par conséquent recevable (311 al. 1 CPC). 

2. Le Tribunal a retenu que la Commission avait valablement fait usage de son pouvoir d'appréciation en autorisant C______ à se faire représenter lors de l'audience du 24 février 2021. Celui-ci pouvait se fier à cette décision. L'appelante ne s'était pas opposée à la dispense de comparaître lors de l'audience de sorte qu'elle se prévalait de manière abusive du défaut du locataire. La Commission n'avait ainsi pas à rayer la cause du rôle et les autorisations de procéder avaient valablement été délivrées suite à l'opposition formée par l'appelante aux propositions de jugement. Il n'incombait pas au Tribunal, dans le cadre de l'examen de la recevabilité, de statuer, comme le souhaitait la bailleresse, sur la validité des décisions de la Commission des 22 et 24 février 2021.

L'appelante fait valoir que C______ n'a pas demandé à être dispensé de participer à l'audience et qu'il ne s'est prévalu d'aucun motif de dispense de comparaître de sorte que la dispense accordée par la Commission excédait le cadre de son pouvoir d'appréciation. C______, en tant qu'avocat, ne pouvait ignorer que les conditions légales d'une dispense de comparaître n'étaient pas réalisées et qu'il risquait la déchéance de ses droits. Il n'était pas établi que son représentant avait le pouvoir de transiger. Elle avait réagi en temps utile, à savoir en protestant lors de l'audience, en déposant, le 26 février 2021, un recours contre la décision de la Commission du 24 février 2021 et en soulevant ses arguments dans sa demande déposée par-devant le Tribunal. La délivrance erronée d'une autorisation de procéder n'était pas assimilable à un renseignement inexact fourni par l'autorité du point de vue de la protection de la bonne foi du justiciable. Dans la mesure où C______, consort nécessaire, avait fait défaut à l'audience de conciliation du 24 février 2021, il devait être retenu que les requêtes étaient retirées et que les causes étaient devenues sans objet.

2. 2.1.
2.1.1
Selon l'art. 198 CPC, la procédure au fond est précédée d'une tentative de conciliation devant une autorité de conciliation.

A teneur de l'art. 204 al. 1 CPC, les parties doivent comparaître en personne à l’audience de conciliation. Sont dispensées de comparaître personnellement et peuvent se faire représenter : a. la personne qui a son domicile en dehors du canton ou à l’étranger; b. la personne empêchée de comparaître pour cause de maladie, d’âge ou en raison d’autres justes motifs; c. dans les litiges au sens de l’art. 243, l’employeur ou l’assureur qui délègue un employé et le bailleur qui délègue le gérant de l’immeuble, à la condition que ceux-ci soient habilités, par écrit, à transiger (al. 3). 

La règle prévoyant la comparution des parties en personne à l'audience de conciliation, qui déroge à la règle générale selon laquelle toute personne peut se faire représenter au procès, repose sur l'idée qu'une audience de conciliation a plus de chance d'aboutir lorsque les parties comparaissent en personne, car ce n'est que de cette manière qu'une véritable discussion peut avoir lieu. Conformément à ce principe, l'art. 204 al. 3 CPC ne prévoit une exception à cette obligation de comparaître que dans certains cas réglés de manière exhaustive (ATF 146 III 185 consid. 3.1, SJ 2020 I 381).

Les "autres justes motifs" mentionnés à l'art. 204 al. 3 let b CPC peuvent notamment, selon la doctrine, être un séjour à l'étranger, une indisponibilité pour motifs professionnels ou une absence pour voyage. L'on peut attendre de la partie qui demande à être représentée qu'elle rende au moins vraisemblable son empêchement. Dans ce cadre, les autorités de conciliation doivent faire preuve de souplesse (Bohnet, Droit du bail à loyer et à ferme, Commentaire pratique, 2017 n. 30, ad. art. 202-207 CPC; Lachat, Procédure civile en matière de baux et loyers, 2019, p. 141, par. 5.3).

L'examen du juge conciliateur est par définition un examen sommaire du motif invoqué, qui doit être plausible. Le Tribunal de première instance, en examinant cette question, doit nécessairement se remettre dans la position du juge conciliateur, auquel la requête avait été soumise. Il n’a pas à instruire sur la réalité de l'incapacité de comparaître, le juge conciliateur ne procédant, sauf dans de rares exceptions liées à la nature du litige, à aucun acte d'instruction (ACJC/590/2017 du 19 mai 2017 consid. 2.2).

En cas de consorité, il devrait être admis largement qu’un consort puisse représenter les autres, lorsque ceux-ci peuvent difficilement se libérer (Bohnet, Commentaire romand CPC, 2ème éd. 2019, n. 14 art.204 CPC).

2.1.2 En cas de défaut du demandeur à l'audience de conciliation, la requête est considérée comme retirée; la procédure devient sans objet et l’affaire est rayée du rôle (art. 206 al. 1 CPC).

L'intéressé peut déposer une nouvelle requête ultérieurement, à moins que le droit en question ne soit soumis à un délai de déchéance, par exemple une demande en annulation du congé (art. 273 CO) (Bohnet, op. cit., n. 39 ad. art. 202-207 CPC).

Selon l'art. 147 al. 1 CPC, une partie est défaillante lorsqu'elle omet d'accomplir un acte de procédure dans le délai prescrit ou ne se présente pas lorsqu'elle est citée à comparaître. La condition du défaut est la notification régulière de la citation (arrêt du Tribunal fédéral 5A_598/2012 du 4 décembre 2012 consid. 3.2).

2.1.3 Selon l'art. 210 al. 1 let. b. CPC, l’autorité de conciliation peut soumettre aux parties une proposition de jugement dans les litiges relatifs aux baux à loyer en ce qui concerne la protection contre les congés.

La proposition de jugement est acceptée et déploie les effets d’une décision entrée en force lorsqu’aucune des parties ne s’y oppose dans un délai de 20 jours à compter de celui où elle a été communiquée par écrit aux parties (art. 211 CPC). Dans les litiges visés à l'art. 210 al. 1 let. b CPC, après la réception de l’opposition, l’autorité de conciliation délivre l’autorisation de procéder à la partie qui s'oppose à la proposition (art. 211 al. 2 CPC).

L'existence d'une autorisation de procéder valable est une condition de recevabilité de la demande. L'autorisation de procéder n'est pas une décision, de sorte qu'elle ne peut faire l'objet ni d'un recours, ni d'un appel; la validité de cet acte doit être examinée d'office par le tribunal devant lequel l'action doit être portée. Ce tribunal pourra par exemple être amené à constater qu'une partie n'a pas comparu personnellement à l'audience de conciliation, que l'autorité de conciliation a méconnu cette situation et délivré une autorisation de procéder non valable et qu'en conséquence, une des conditions de recevabilité de la demande fait défaut (arrêt du Tribunal fédéral 5A_385/2019 et 386/2019 du 8 mai 2020 consid. 4.1.2).

2.1.4 Selon l'art. 124 al. 1 CPC, le tribunal conduit le procès. Il prend les décisions d’instruction nécessaires à une préparation et à une conduite rapides de la procédure.

Seul le tribunal est maître de la conduite du procès, son avancement ne dépendant ainsi pas de la volonté des parties. Cela signifie en particulier que, même en cas d’accord des parties (p.ex. au sujet d’une suspension de la cause), le juge reste maître du déroulement du procès (Haldy, Commentaire romand CPC, 2ème éd. 2019, n. 2, ad art.124 CPC).

2.1.5 Il y a formalisme excessif, constitutif d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst., lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi et complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux. En tant que l'interdiction du formalisme excessif sanctionne un comportement répréhensible de l'autorité dans ses relations avec le justiciable, elle poursuit le même but que le principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 et 9 Cst.). A cet égard, elle commande à l'autorité d'éviter de sanctionner par l'irrecevabilité les vices de procédure aisément reconnaissables qui auraient pu être redressés à temps, lorsque celle-ci pouvait s'en rendre compte assez tôt et les signaler utilement au plaideur. Si l'autorité a méconnu cette obligation, elle doit tolérer que l'acte concerné soit régularisé, éventuellement hors délai. A certaines conditions, la garantie du principe de la bonne foi confère au justiciable le droit d'exiger de l'autorité qu'elle se conforme aux promesses ou assurances qu'elle lui a faites et ne trompe pas la confiance qu'il a légitimement placée dans celles-ci (arrêt du Tribunal fédéral 5A_385/2019 et 386/ 2019 du 8 mai 2020 consid. 4.1.3). 

En outre, le principe de la bonne foi accorde à une personne un droit à la protection de sa confiance fondée en un renseignement ou une assurance même inexacts de l'autorité. La condition en est que la personne qui se prévaut de la protection de la confiance ait pu légitimement se fier à ces indications et que sur leur fondement, elle ait pris des dispositions désavantageuses pour elle, sur lesquelles elle ne peut plus revenir (arrêt du Tribunal fédéral 4A_226/2014 du 6 août 2014 consid. 4.2).

2.2 En l'espèce, l'on ne saurait considérer que C______ a fait défaut lors de l'audience de conciliation du 24 février 2021 puisqu'il a valablement été dispensé de comparaître personnellement à cette audience.

La dispense de comparaître personnellement accordée par la Commission était en en effet fondée sur un juste motif au sens de l'art. 204 al. 3 CPC.

Les intimés ont indiqué à cet égard que C______ était absent de Genève ce jour-là, précisant par la suite qu'il ne s'agissait pas d'une absence pour vacances. Cela correspond à la notion de justes motifs puisque, selon la doctrine, un séjour à l'étranger ou une absence pour voyage peuvent constituer de justes motifs. Aucun élément du dossier ne permet par ailleurs de retenir que les affirmations de C______ sur son absence de Genève ce jour-là seraient invraisemblables. Le juge conciliateur, qui n'a en principe pas à instruire sur la réalité de l'incapacité de comparaître, dispose d'une marge d'appréciation et peut faire preuve de souplesse, suivant les circonstances du cas d'espèce. Le Tribunal, qui avait la possibilité de demander à l'intéressé un justificatif de son absence, mais n'y était pas tenu, vu les circonstances, pouvait renoncer à une telle demande.

La dispense était d'autant plus justifiée dans le cas particulier que l'absence de C______ n'était pas de nature à entraver le déroulement d'une éventuelle conciliation. Son représentant avait tout pouvoir pour transiger, selon la procuration conférée le 21 décembre 2020 et son colocataire B______ était présent à l'audience.

La doctrine relève d'ailleurs qu'en cas de consorité, il devrait être admis largement qu’un consort puisse représenter les autres, lorsque ceux-ci peuvent difficilement se libérer.

Au regard des circonstances du cas d'espèce, l'application que le Tribunal a faite de la possibilité prévue à l'art. 204 al. 3 CPC est ainsi admissible.

Les jurisprudences citées par l'appelante à l'appui de son argumentation ne sont pas décisives car elles ne concernent pas le même état de fait. Comme l'a relevé avec pertinence le Tribunal, le cas d'espèce diffère de l'affaire ayant donné lieu à l'ATF 146 III 185, publié à la SJ 2020 p. 391, puisque dans cette dernière affaire aucune audience de conciliation n'avait été tenue. Dans l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_385/2019 et 386/2019, la partie demanderesse, qui a été considérée comme défaillante par le Tribunal fédéral, n'avait ni sollicité, ni obtenu de dispense de comparaître. Dans l'ACJC/351/2019 du 4 mars 2019, dans lequel la Cour a retenu que l'autorisation de procéder avait été délivrée à tort par la Commission en dépit du fait qu'aucune des parties n'étaient présentes, la Commission n'avait pas dispensé celles-ci de comparaître avant l'audience. En tout état de cause, cet arrêt a été annulé par arrêt du Tribunal fédéral du 30 janvier 2020 (4A_208/2019).

Contrairement à ce que soutient l'appelante, le Tribunal n'a pas statué ultra petita en dispensant l'un des intimés de comparaître plutôt que de renvoyer l'audience comme ceux-ci le demandaient, conformément au principe "qui peut le plus peut le moins". L'appelante perd de vue que, selon l'art. 124 CPC, le Tribunal, maître de la conduite de la procédure, doit veiller à la célérité des débats, et que dans ce cadre, il n'est pas lié par les requêtes des parties.

En tout état de cause, même à supposer que la dispense de comparaître accordée par le Tribunal était injustifiée, ce qui n'est pas le cas, ce vice de procédure devrait être tenu pour régularisé, au regard des circonstances particulières du cas d'espèce et conformément à la jurisprudence précitée, relative à l'interdiction du formalisme excessif et au principe de la bonne foi.

Cette dispense de comparaître n'a causé aucun préjudice à l'appelante, puisque l'audience de conciliation a bien eu lieu. L'appelante n'allègue pas que l'absence d'un des deux locataires aurait fait obstacle à la conclusion d'un arrangement. L'appelante, si elle le souhaitait, avait la possibilité de solliciter la convocation d'une autre audience, en présence de C______, ce qu'elle n'a pas fait.

La constatation du défaut de C______ causerait par contre un préjudice important aux intimés, puisque qu'elle pourrait avoir pour conséquence la perte de leur droit de contester la résiliation de leur bail.

L'appelante affirme que le principe de la bonne foi ne permet pas de remédier au vice affectant l'autorisation de procéder au motif que, selon la jurisprudence, une autorisation de procéder n'est pas assimilable à un renseignement erroné donné par l'autorité. Cet argument est infondé puisque, même à supposer que la dispense de comparaître personnellement accordée le 24 février 2022 était invalide, ce qui n'est pas le cas, ce vice n'affecterait pas l'autorisation de procéder du 23 avril 2022, contrairement à ce que soutient l'appelante, mais l'ordonnance prévoyant ladite dispense. Compte tenu des circonstances, C______ pouvait se fier aux indications figurant dans cette ordonnance, selon lesquelles il n'avait pas besoin de comparaître personnellement. L'argumentation de l'appelante sur ce point tombe dès lors à faux.

Compte tenu de ce qui précède, le jugement querellé doit être confirmé, sans qu'il soit nécessaire de trancher la question de savoir si l'appelante commet un abus de droit en se prévalant de l'absence de C______ à l'audience de conciliation.

3. Les intimés font valoir que l'appelante doit être condamnée à une amende pour téméraire plaideur au motif qu'elle a déposé plusieurs recours inutiles et prolixes, voués à l'échec, et a fait preuve d'un comportement contradictoire en ne comparaissant pas elle-même en personne lors de l'audience de conciliation tout en reprochant une telle omission à sa partie adverse. Elle agissait dans un pur esprit chicanier et abusif.

3.1 Selon l'art. 128 al. 3 CPC, la partie ou son représentant qui usent de mauvaise foi ou de procédés téméraires sont punis d’une amende disciplinaire de 2'000 fr. au plus; l’amende est de 5'000 fr. au plus en cas de récidive.

A titre de procédé téméraire, l’on peut citer les exemples jurisprudentiels suivants : celui qui bloque une procédure en multipliant des recours abusifs, celui qui dépose un recours manifestement dénué de toute chance de succès dont s’abstiendrait tout plaideur raisonnable et de bonne foi, le comportement consistant à mettre sous pression la partie adverse ou à faire valoir des moyens qui n’ont rien à voir avec la problématique de la cause (Haldy, op. cit. n. 9 ad art. 128 CPC).

3.2 En l'espèce, il n'y a pas lieu d'infliger d'amende à l'appelante. L'on ne saurait considérer qu'elle multiplie les recours abusifs puisque ses griefs au fond n'ont pas été abordés dans l'arrêt de la Cour du 5 août 2021, les recours étant irrecevables car prématurés. Le présent appel n'était pas manifestement dénué de toute chance de succès. La prolixité n'est quant à elle en principe pas un motif justifiant le prononcé d'une amende.

Les intimés seront dès lors déboutés de leur conclusion tendant au prononcé d'une amende de procédure.

4. Il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens, s'agissant d'une cause soumise à la juridiction des baux et loyers (art. 22 al. 1 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 14 mars 2022 par A______ contre le jugement JTBL/152/2022 rendu le 1er mars 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/26902/2020.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Pauline ERARD, Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ et Monsieur Grégoire CHAMBAZ, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie RAPP

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.