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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/8549/2022

ACJC/1176/2022 du 12.09.2022 sur JTBL/476/2022 ( SBL ) , CONFIRME

Normes : LaCC.30.al4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/8549/2022 ACJC/1176/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du LUNDI 12 SEPTEMBRE 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ (France) et Madame B______, domiciliée ______[GE], recourants contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 14 juin 2022, représentés tous deux par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle ils font élection de domicile,

et

C______ SA, c/o M. D______, rue ______ Genève, intimée, représentée par E______ SA, rue ______ Genève, en les bureaux de laquelle elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/476/2022 du 14 juin 2022, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire en protection de cas clair, a condamné A______ et B______ à évacuer immédiatement de leur personne et de leurs biens ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec eux le studio situé au 5ème étage de l'immeuble sis rue 1______, à Genève (ch. 1 du dispositif), a autorisé SI C______ SA à requérir l'évacuation par la force publique des précités dès le 30ème jour après l'entrée en force du jugement (ch. 2), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

Le Tribunal a considéré qu'à la suite de l'accord conclu entre SI C______ SA, bailleresse, et A______, locataire, auprès de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers le 15 janvier 2019, tant le précité que sa sous-locataire, B______, occupaient sans droit le studio en cause, de sorte que leur évacuation devait être prononcée. Afin de permettre à la précitée de prendre ses dispositions pour restituer les locaux, les premiers juges lui ont octroyé un sursis de 30 jours.

B. a. Par acte expédié le 1er juillet 2022 à la Cour de justice, A______ et B______ ont formé recours contre le chiffre 2 du dispositif de ce jugement, sollicitant son annulation. Ils ont conclu à ce que la Cour leur accorde un sursis à l'exécution de l'évacuation jusqu'au 31 octobre 2022.

b. La requête de suspension du caractère exécutoire dudit chiffre 2 formée par A______ et B______ a été rejetée par décision présidentielle du 8 juillet 2022 (ACJC/943/2022).

c. Dans sa réponse du 7 juillet 2022, reçue le 8 juillet 2022, SI C______ SA a conclu à l'irrecevabilité du recours et, au fond, à son rejet.

d. A______ et B______ n'ayant pas fait usage de leur droit de réplique, les parties ont été avisées par plis du greffe du 5 août 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Le 23 mars 2000, SI C______ SA a remis à bail à A______ un studio situé au 5ème étage de l'immeuble sis rue 1______ à Genève.

Le loyer mensuel, charges comprises, a été fixé par le contrat à 690 fr.

b. Au mois de juillet 2018, A______ a remis en sous-location l'appartement concerné à B______.

c. Par avis de résiliation du 16 novembre 2018, SI C______ SA a résilié le bail principal pour le 31 janvier 2019, en application de l'article 257f al. 3 CO, en raison de la sous-location de l'appartement.

d. Par accord ACCBL/44/2019 du 15 janvier 2019 par-devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, A______ a accepté le congé et SI C______ SA lui a accordé une unique prolongation de bail, échéant au 30 avril 2022.

e. Le 4 mai 2022, SI C______ SA a introduit une requête en cas clair devant le Tribunal, sollicitant l'évacuation du locataire et de la sous-locataire avec mesures d'exécution directe du jugement d'évacuation.

f. A l'audience du tribunal du 14 juin 2022, SI C______ SA a persisté dans ses conclusions, en précisant que la situation comptable était à jour. B______ a déclaré vivre seule dans l'appartement, gagner environ 4'000 fr. brut par mois et rechercher activement un logement. Elle avait fait l'objet de poursuites qui étaient désormais toutes soldées. Elle a sollicité l'octroi d'un délai humanitaire au 31 janvier 2023, ce que SI C______ SA a refusé, la situation étant claire depuis l'accord conclu en janvier 2019.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre des baux et loyers connaît des appels et des recours dirigés contre les jugements du Tribunal des baux et loyers (art. 122 let. a LOJ).

1.2 Seule la voie du recours est ouverte contre les décisions du Tribunal de l'exécution (art. 309 let. a et 319 let. a CPC).

En l'espèce, les recourants ont contesté les mesures d'exécution prononcées par les premiers juges, de sorte que la voie du recours est ouverte.

Le recours a été interjeté dans le délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC) et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 321 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable sous ces angles.

L'intimée soutient que le recours pourrait être irrecevable en tant qu'il a été formé par le même représentant, "eu égard aux exigences strictes posées par la LLCA qui contraignent notamment les avocats à éviter tout conflit d'intérêt ou potentiel conflit d'intérêts (art. 12 let. c LLCA)". Tout en considérant qu'"il n'en demeure pas moins que, dans le présent litige, cette situation n'a finalement pas de conséquence propre".

Par conséquent, le présent recours est recevable.

1.3 Le recours peut être formé pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

1.4 La procédure de protection dans les cas clairs est soumise à la procédure sommaire des art. 248 ss CPC, plus particulièrement aux art. 252 à 256 CPC. La maxime des débats est applicable (art. 55 al. 1 CPC), sauf dans les deux cas prévus par l'art. 255 CPC (lequel est réservé par l'art. 55 al. 2 CPC), qui ne sont pas pertinents en l'espèce.

2. Les recourants reprochent au Tribunal d'avoir mésusé de son pouvoir d'appréciation et d'avoir enfreint le principe de proportionnalité en leur accordant un sursis de 30 jours, qu'ils estiment insuffisant.

2.1 L'exécution forcée d'un jugement ordonnant l'expulsion d'un locataire est réglée par le droit fédéral (cf. art. 335 et ss CPC).

En procédant à l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit tenir compte du principe de la proportionnalité. Lorsque l'évacuation d'une habitation est en jeu, il s'agit d'éviter que des personnes concernées ne soient soudainement privées de tout abri. L'expulsion ne saurait être conduite sans ménagement, notamment si des motifs humanitaires exigent un sursis, ou lorsque des indices sérieux et concrets font prévoir que l'occupant se soumettra spontanément au jugement d'évacuation dans un délai raisonnable. En tout état de cause, l'ajournement ne peut être que relativement bref et ne doit pas équivaloir en fait à une nouvelle prolongation de bail (ATF 117 Ia 336 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7; 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

L'art. 30 al. 4 LaCC concrétise le principe de la proportionnalité en prévoyant que le Tribunal peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement d'évacuation dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire ou du fermier lorsqu'il est appelé à statuer sur l'exécution d'un jugement d'évacuation d'un logement, après audition des représentants du département chargé du logement et des représentants des services sociaux ainsi que des parties.

S'agissant des motifs de sursis, différents de cas en cas, ils doivent être dictés par des "raisons élémentaires d'humanité". Sont notamment des motifs de ce genre la maladie grave ou le décès de l'expulsé ou d'un membre de sa famille, le grand âge ou la situation modeste de l'expulsé. En revanche, la pénurie de logements ou le fait que l'expulsé entretient de bons rapports avec ses voisins ne sont pas des motifs d'octroi d'un sursis (ACJC/269/2019 du 25 février 2019 consid. 3.1; ACJC/247/2017 du 6 mars 2017 consid. 2.1; ACJC/422/2014 du 7 avril 2014 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral du 20 septembre 1990, in Droit du bail 3/1991 p. 30 et les références citées).

2.2 En l'espèce, le Tribunal a accordé un sursis à l'exécution de l'évacuation de 30 jours pour permettre à la recourante de prendre ses dispositions pour quitter le studio. La recourante n'a pas rendu vraisemblable avoir entrepris des démarches en vue de trouver une solution de relogement. Par ailleurs, elle a bénéficié, de fait, depuis l'introduction de la présente procédure au mois de mai 2022, de près de quatre mois d'occupation des locaux. Si les revenus de la recourante sont certes modestes, elle ne fait plus l'objet d'aucune poursuite, de sorte qu'elle est à même de trouver un logement, également à caractère social. La recourante ne peut obtenir un délai qui reviendrait à lui octroyer une prolongation de bail, à laquelle elle ne peut prétendre.

Les premiers juges n'ont par conséquent pas mésusé de leur pouvoir d'appréciation et ont respecté le principe de proportionnalité.

2.3 Le recours, infondé, sera dès lors rejeté.

3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 1er juillet 2022 par A______ et B______ contre le chiffre 2 du dispositif du jugement JTBL/476/2022 rendu le 14 juin 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/8549/2022-23-SD.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Zoé SEILER et Monsieur Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119
et 90 ss LTF. Le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.