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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/895/2022

ACJC/1143/2022 du 05.09.2022 sur JTBL/192/2022 ( SBL ) , CONFIRME

Normes : LaCC.30.al4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/895/2022 ACJC/1143/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du LUNDI 5 SEPTEMBRE 2022

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______[GE], recourante contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 1er mars 2022, représentée par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle elle fait élection de domicile,

et

1) Monsieur B______, sans domicile ni résidence connus, intimé, comparant en personne,

2) Mesdames C______, D______, E______, F______ et Messieurs G______, H______, I______ et J______, autres intimés, comparant tous par Me Florence YERSIN, avocate, boulevard Helvétique 4, 1205 Genève, en l'étude de laquelle ils font élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/192/2022 du 1er mars 2022, le Tribunal des baux et loyers, considérant que le bail principal avait pris fin et que le contrat de sous-location ne pouvait perdurer, a condamné les sous-locataires à évacuer immédiatement de leurs personnes et de leurs biens, ainsi que de toute autre personne faisant ménage commun avec eux, l'appartement de 2,5 pièces situé au 2ème étage de l'immeuble sis 1______ à Genève (ch. 1 du dispositif), a autorisé les bailleurs à requérir l'évacuation par la force publique des précités dès le 1er mai 2022 (ch. 2), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

B. a. Par acte déposé le 28 mars 2022 au guichet universel et transmis à la Cour de justice, A______ a formé recours contre le chiffre 2 du dispositif de la décision précitée, sollicitant son annulation. Elle a conclu à ce que la Cour lui accorde un sursis humanitaire jusqu'au 30 novembre 2022.

b. La requête de suspension du caractère exécutoire du chiffre 2 du dispositif du jugement a été admise par décision présidentielle du 4 avril 2022 (ACJC/473/2022).

c. Dans leur réponse du 11 avril 2022, les bailleurs ont conclu au rejet du recours. Ils ont allégué des nouveaux faits et ont produit une pièce nouvelle (n. 11).

d. B______ n'a pas déposé de réponse.

e. Par réplique et duplique des 2 et 14 juin 2022, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

f. A______ a déposé une détermination spontanée le 23 juin 2022.

g. Les parties ont été avisées par plis du greffe du 13 juillet 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure de première instance :

a. Le 16 décembre 1987, MM. K______ – L______ SA, alors propriétaire, et M______, locataire, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 2,5 pièces situé au 2ème étage de l'immeuble sis 1______, à Genève.

Le bail a été conclu pour une durée initiale d'une année, du 1er janvier 1988 au 31 décembre 1988, renouvelable par tacite reconduction d'année en année.

Le montant du loyer et des charges a été fixé en dernier lieu à 825 fr. par mois.

b. Le locataire a remis en sous-location l'appartement concerné à A______ et B______.

c. Le bail principal a été résilié par avis officiel du 22 octobre 2020 pour le 31 décembre 2021.

Le locataire n'a pas contesté ce congé.

d. A une date qui ne résulte pas de la procédure, C______, D______, E______, F______, G______, H______, I______ et J______ sont devenus propriétaire de l'immeuble sis 1______.

e. Le 20 janvier 2022, les précités ont introduit une requête en cas clair devant le Tribunal des baux et loyers, sollicitant l'évacuation avec exécution directe des sous-locataires.

f. A l'audience du 1er mars 2022 du Tribunal, les bailleurs ont persisté dans leurs conclusions, précisant que la situation comptable était à jour. B______ a déclaré ne pas vivre dans l'appartement et ne s'est pas opposé à la requête.

A______, a déclaré réaliser un revenu d'environ 3'000 fr. par mois et percevoir 600 fr. d'allocations familiales pour ses enfants âgés de 10 et 12 ans, et faire l'objet de poursuites. Elle a conclu à l'octroi d'un délai humanitaire de neuf mois.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre des baux et loyers connaît des appels et des recours dirigés contre les jugements du Tribunal des baux et loyers (art. 122 let. a LOJ).

1.2 Seule la voie du recours est ouverte contre les décisions du Tribunal de l'exécution (art. 309 let. a et 319 let. a CPC).

En l'espèce, la recourante a contesté les mesures d'exécution prononcées par les premiers juges, de sorte que la voie du recours est ouverte.

Le recours est recevable, pour avoir été interjeté dans le délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC) et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 321
al. 1 CPC).

1.3 Le recours peut être formé pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

1.4 La procédure de protection dans les cas clairs est soumise à la procédure sommaire des art. 248 ss CPC, plus particulièrement aux art. 252 à 256 CPC. La maxime des débats est applicable (art. 55 al. 1 CPC), sauf dans les deux cas prévus par l'art. 255 CPC (lequel est réservé par l'art. 55 al. 2 CPC), qui ne sont pas pertinents en l'espèce.

2. Les allégués nouveaux et les pièces nouvelles sont irrecevables (art. 326 CPC).

Dès lors, les faits nouvellement allégués par les intimés ainsi que la pièce nouvelle sont irrecevables. Ils ne sont, en tout état, pas déterminants pour l'issue du litige.

3. La recourante reproche au Tribunal de lui avoir accordé un sursis de l'ordre de soixante jours qu'elle estime insuffisant.

3.1 L'exécution forcée d'un jugement ordonnant l'expulsion d'un locataire est réglée par le droit fédéral (cf. art. 335 et ss CPC).

En procédant à l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit tenir compte du principe de la proportionnalité. Lorsque l'évacuation d'une habitation est en jeu, il s'agit d'éviter que des personnes concernées ne soient soudainement privées de tout abri. L'expulsion ne saurait être conduite sans ménagement, notamment si des motifs humanitaires exigent un sursis, ou lorsque des indices sérieux et concrets font prévoir que l'occupant se soumettra spontanément au jugement d'évacuation dans un délai raisonnable. En tout état de cause, l'ajournement ne peut être que relativement bref et ne doit pas équivaloir en fait à une nouvelle prolongation de bail (ATF 117 Ia 336 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7; 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

L'art. 30 al. 4 LaCC concrétise le principe de la proportionnalité en prévoyant que le Tribunal peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement d'évacuation dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire ou du fermier lorsqu'il est appelé à statuer sur l'exécution d'un jugement d'évacuation d'un logement, après audition des représentants du département chargé du logement et des représentants des services sociaux ainsi que des parties.

S'agissant des motifs de sursis, différents de cas en cas, ils doivent être dictés par des "raisons élémentaires d'humanité". Sont notamment des motifs de ce genre la maladie grave ou le décès de l'expulsé ou d'un membre de sa famille, le grand âge ou la situation modeste de l'expulsé. En revanche, la pénurie de logements ou le fait que l'expulsé entretient de bons rapports avec ses voisins ne sont pas des motifs d'octroi d'un sursis (ACJC/269/2019 du 25 février 2019 consid. 3.1; ACJC/247/2017 du 6 mars 2017 consid. 2.1; ACJC/422/2014 du 7 avril 2014 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral du 20 septembre 1990, in Droit du bail 3/1991 p. 30 et les références citées).

Dans sa jurisprudence, la Cour a notamment confirmé, par arrêt ACJC/78/2017 du 23 janvier 2017, l'évacuation par la force publique, dès le nonantième jour suivant l'entrée en force du jugement, d'une locataire mère de deux enfants mineurs dont l'arriéré de loyer s'élevait à plus de 36'000 fr. Dans un autre arrêt ACJC/57/2017 du 16 janvier 2017, l'évacuation par la force publique dès le nonantième jour après l'entrée en force du jugement a également été maintenue, concernant une personne sans emploi, dont l'arriéré s'élevait à 13'400 fr.

En revanche, la Cour a confirmé l'évacuation par la force publique dans un délai de trois mois d'un locataire sans emploi, faisant l'objet de nombreuses poursuites et qui occupait l'appartement litigieux depuis douze ans. La Cour a considéré que le délai de trois mois était adéquat, compte tenu des nombreuses démarches effectuées afin de trouver un logement, dont l'inscription auprès de la Gérance immobilière municipale de la Ville de Genève et des Fondations immobilières de droit public plus d'un an avant la résiliation du bail (ACJC/224/2015 du
2 mars 2015 consid. 3.2).

3.2 Dans le présent cas, le Tribunal a accordé à la recourante un sursis à l'exécution de l'évacuation au 30 avril 2022, soit de deux mois.

Comme l'ont retenu à bon droit les premiers juges, le paiement des indemnités pour occupation illicite est à jour et la recourante vit dans le logement avec ses deux enfants mineurs.

S'il peut être retenu, sous l'angle de la vraisemblance et bien qu'aucune pièce n'ait été produite, que la situation financière de la recourante est fragile, au vu de ses revenus modestes et des poursuites dont elle est l'objet, la recourante n'a pas allégué avoir entrepris des démarches en vue de trouver une solution de relogement.

Par ailleurs, la recourante a bénéficié, de fait, depuis l'introduction de la requête en évacuation au mois de janvier 2022 et l'audience du Tribunal au mois de mars 2022, de plus de six mois, respectivement de quatre mois d'occupation de l'appartement. Elle a, de plus, du fait de la présente procédure de recours, occupé le logement durant plus de quatre mois. Elle ne saurait obtenir un délai qui reviendrait à lui octroyer une prolongation de bail, à laquelle elle ne peut prétendre dès lors que le bail principal a pris fin le 31 décembre 2021.

Par conséquent, le sursis de deux mois accordé à la recourante constitue un délai équitable au sens des principes sus-rappelés et est conforme au principe de proportionnalité.

3.3 Infondé, le recours sera rejeté.

4. A teneur de l'article 22 alinéa 1 LaCC, la procédure est gratuite (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 28 mars 2022 par A______ contre le chiffre 2 du dispositif du jugement JTBL/192/2022 rendu le 1er mars 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/895/2022-7-SD.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Zoé SEILER et Monsieur Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.