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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/26785/2018

ACJC/1140/2022 du 05.09.2022 sur JTBL/579/2021 ( OBL ) , MODIFIE

Normes : CO.269
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/26785/2018 ACJC/1140/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 5 SEPTEMBRE 2022

 

Entre

Monsieur A______ et Madame B______, domiciliés ______ [GE], appelants d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 29 juin 2021, comparant tous deux par Me Lisa LOCCA, avocate, promenade du Pin 1, case postale 1211 Genève 3, en l'étude de laquelle ils font élection de domicile,

 

et

 

Monsieur C______ et Madame D______, domiciliés ______ (France), intimés, représentés tous deux par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle ils font élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTBL/579/2021 du 29 juin 2021, notifié aux parties par plis du même jour, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a fixé à 27'627 fr. 65 du 1er août 2015 au 31 juillet 2018 le loyer annuel, hors charges, de l'appartement de cinq pièces situé aux premier et deuxième étages de la maison sise sur la parcelle n° 1______ de la Commune de E______ [GE] (chiffre 1), condamné A______ et B______, conjointement et solidairement, à verser à C______ et D______ le trop-perçu de loyer de 43'117 fr. 05 avec intérêts à 5% dès le 1er février 2017 (ch. 2), et la somme de 1'253 fr. 30 avec intérêts à 5% dès le 1er août 2018 (ch. 3), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4) et dit que la procédure était gratuite (ch. 5).

En substance, les premiers juges ont retenu que A______ et B______ (ci-après : les bailleurs) n'avaient pas fait usage de la formule officielle prévue à l'art. 269d CO lors de la conclusion du bail, ce qui entraînait la nullité partielle du bail, limitée à la fixation du loyer. C______ et D______ (ci-après : les locataires) étaient fondés à demander une fixation judiciaire du loyer au moyen d'un calcul de rendement. Les parties divergeaient sur la quotité des montants à prendre en considération pour effectuer ledit calcul.

En particulier, le remplacement de la chaudière et l'achat d'un lave-linge et d'un sèche-linge relevaient de l'entretien extraordinaire; les montants y relatifs devaient donc être répartis sur la durée de vie de chaque installation.

Il ressortait des enquêtes que la surface de l'appartement litigieux était de 100 m2 comme indiqué sur le contrat de bail.

B.            a. Par acte expédié à la Cour de justice le 31 août 2021, les bailleurs ont fait appel de ce jugement et demandent l'annulation des chiffres 1, 2 et 4 de son dispositif. Cela fait, ils concluent à ce qu'il leur soit donné acte de leur engagement à verser aux locataires le trop-perçu de loyers de 15'520 fr. 89 et au déboutement de ceux-ci de leurs conclusions.

Ils allèguent que la superficie du logement litigieux est de 192 m2 ainsi qu'indiqué sur le cahier de la propriété par étages (ci-après : PPE), lequel doit être utilisé pour calculer les surfaces de tous les appartements.

Le capital investi en lien avec les frais extraordinairement élevés devrait être rémunéré au taux hypothécaire de référence majoré de 0.5%.

b. Dans leur réponse du 28 août 2021, les locataires ont conclu à la confirmation du jugement entrepris.

Ils font valoir qu'en raison de la complexité architecturale de l'appartement litigieux - laquelle a été admise par les bailleurs -, du contenu du procès-verbal de l'inspection locale effectuée par le Tribunal en date du 29 octobre 2020 et des déclarations du témoin F______, la surface du logement litigieux doit être arrêtée à 100 m2. Ils s'en sont rapportés à justice sur la question du taux applicable à la rémunération du capital investi.

c. Les bailleurs ont répliqué par courrier du 20 octobre 2021, persistant dans leurs conclusions.

d. En l'absence de duplique de la part des locataires, les parties ont été informées le 19 novembre 2021 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents de la cause sont les suivants :

a. A______ et B______ sont propriétaires de la parcelle n° 1______ d'une surface totale de 1'301 m2, située sur la commune de E______, sur laquelle se trouvent un garage privé 2______ d'une surface de 81 m2 au sol, une habitation 3______ d'une surface de 123 m2 au sol et une habitation 4______ d'une surface de 106 m2 au sol.

Il ressort de l'acte de vente daté du 15 janvier 2010 que les propriétaires ont acquis la parcelle pour un montant de 2'100'000 fr. Des frais de notaire se sont ajoutés à ce montant. Selon les factures des 12 mars et 20 septembre 2010, ces frais se sont élevés à 128'411 fr. 25 TTC pour la création des cédules hypothécaires et pour l'acte d'achat à terme.

Les propriétaires ont contracté deux prêts hypothécaires auprès de G______ pour financer leur achat. Le premier a été conclu le 15 janvier 2010 pour un montant de 210'000 fr. Le taux d'intérêts était de 2.80% et l'amortissement s'élevait à 1'000 fr. par trimestre, payables la première fois le 31 octobre 2010. Le deuxième prêt a été conclu le 5 juillet 2010 pour un montant de 2'000'000 fr. Le taux d'intérêts était de 2.80% sur une tranche de 1'370'000 fr., 3.20% sur une tranche de 310'000 fr. et 2.97% puis 2.85% pour l'une et 2.86% pour l'autre, sur deux tranches de 160'000 fr. L'amortissement s'élevait à 10'000 fr. par trimestre, payables la première fois le 31 décembre 2010.

b. L'immeuble 3______ est composé de deux appartements. Le premier occupe la moitié de la surface du premier étage et le deuxième étage sous les combles et le second le rez-de-chaussée et la moitié du premier étage.

L'immeuble 4______ est quant à lui composé d'un seul appartement avec accès au jardin.

c. Peu après l'acquisition de la parcelle, au début de l'année 2011, les propriétaires ont entrepris des travaux d'entretien et de réfection des deux immeubles et des garages. La facture finale de l'entreprise H______ SA datée du 28 février 2011 fait état d'un montant total de 384'328 fr. 05 TTC, soit 4'000 fr. HT pour les garages (notamment peinture des façades, remplacement des portes, motorisation des portes), 201'701 fr. HT pour un immeuble et 165'658 fr. 35 HT pour l'autre (notamment reprise intégrale du portail d'entrée, remplacement des boîtes aux lettres, pose d'une nouvelle cuisine, réfection complète et peinture des murs, plafonds, moquettes et parquets, contrôle et mise en conformité du système électrique, réfection complète des sanitaires). Il est mentionné sur la facture que des acomptes de 80'000 fr., 160'000 fr. et 142'949 fr. 35 ont été acquittés, un solde de 1'378 fr. 70 restant dû.

En avril 2014, les propriétaires ont également procédé au remplacement de la chaudière de l'immeuble 3______ pour un montant de 35'600 fr.

Finalement, en juillet 2015, les propriétaires ont fait procéder à des travaux de réfection et de rafraichissement des murs de l'appartement situé aux premier et deuxième étages, pour un montant de 3'194 fr. 90.

d. Par contrat du 9 juillet 2015, C______ et D______, ont pris à bail l'appartement de cinq pièces en duplex, avec comme dépendances un jardin d'environ 100 m2 et un garage fermé, situé dans l'immeuble 3______ susmentionné situé au 5______ à I______ (GE). Le contrat mentionne que l'appartement mesure environ 100 m2.

Le contrat de bail a été conclu pour une durée initiale de trois ans, soit du 1er août 2015 au 31 juillet 2018, renouvelable ensuite tacitement.

Le loyer a initialement été fixé à 42'000 fr. par an, les acomptes de charges de chauffage/eau chaude à 4'800 fr. et le téléréseau à 348 fr. Aucun avis de fixation du loyer initial n'a été notifié aux locataires.

Le bail a pris fin le 31 juillet 2018.

e. L'appartement loué par C______ et D______ est celui situé dans l'immeuble 3______, aux premier et deuxième étages.

Il est composé d'un accès par un escalier menant au premier étage conduisant à un petit hall avec fenêtres autour duquel s'articulent à droite un salon et à gauche une cuisine. Le deuxième étage s'articule également autour d'un petit hall. Sur la gauche sont situées trois chambres, dont une suite parentale avec salle de bains, et sur la droite, un WC et une autre salle de bains.

La chambre parentale donne pour une partie sur le côté Rhône et pour une autre sur le côté cour et la route 5______. La petite chambre donne côté Rhône et la deuxième chambre côté cour. L'isolation phonique de l'appartement est celle d'une maison construite en 1900. Les fenêtres n'ont pas été changées mais rénovées. Elles ne sont pas munies de double vitrage.

En sus du garage fermé et du jardin, les locataires avaient accès à un parking commun pour quatre ou cinq voitures.

f. Par requête déposée le 19 novembre 2018, déclarée non conciliée à l'issue de l'audience de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers du 17 décembre 2018 et introduite devant le Tribunal des baux et loyers le 28 janvier 2019, les locataires ont conclu, préalablement, à ce qu'un calcul de rendement net soit ordonné, les bailleurs et les tiers désignés par ces derniers condamnés à produire les pièces nécessaires à un tel calcul et, principalement, à la fixation du loyer de l'appartement à 2'187 fr. par mois, à la restitution du trop-perçu de loyer de 47'268 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er février 2017 en découlant et au versement de la somme de 1'253 fr. 30 avec intérêt à 5% dès le 1er août 2018 représentant le solde des charges de chauffage et d'eau chaude.

g. Dans leur réponse du 25 mars 2019, les bailleurs ont conclu au rejet de la requête.

Ils ont notamment produit un cahier de répartition des locaux PPE établi le 5 octobre 2018 et modifié le 8 octobre 2018 par J______ SA dont il ressort que l'appartement désigné sous les chiffres 205, 304 et 402 était composé d'une surface de 8 m2 pour l'escalier, de 61 m2 au premier étage et de 123 m2 au deuxième étage, ces surfaces étant des surfaces PPE, comprenant l'intégralité des murs sur les façades extérieures et la moitié des murs mitoyens. Il s'agit donc de surfaces au sol sans pondération en fonction de la hauteur du plafond, la soupente de 1,80 mètres et 2,40 mètres de hauteur, étant prise en compte dans le calcul des millièmes qui sont réduits au regard de ce critère dans le cahier de répartition.

F______, entendu comme témoin par le Tribunal, a indiqué avoir établi le cahier de répartition des locaux PPE de l'immeuble sis 5______ à I______. S'il y avait une soupente dans les appartements mensurés, celle-ci devrait apparaître dans le relevé. S'agissant du bâtiment 3______, le deuxième étage comprenait la pente du toit et il semblait effectivement qu'il y ait une soupente.

h. Lors de l'audience du 28 mai 2019, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

Les bailleurs ont produit des pièces complémentaires dont un compte de gestion de la parcelle confectionné par leurs soins dont il découle que l'appartement situé dans la maison 4______ dispose d'une surface de 108 m2 et celui situé dans l'immeuble 3______ au rez-de-chaussée et premier étage de 145 m2.

Les locataires ont précisé que les surfaces de l'appartement mentionnées sur l'extrait du Registre foncier représentaient des surfaces brutes comprenant les murs et les parties communes de sorte que la surface nette était de l'ordre de 100 m2 telle qu'indiquée sur le contrat de bail.

Le bailleur a déclaré que la surface totale de l'appartement était de 192 m2, le géomètre ayant pris en compte le deuxième étage à hauteur de 100% de sa surface contrairement à l'autre immeuble, qui était plus mansardé.

La locataire a quant à elle déclaré que l'appartement était mansardé. Elle-même, mesurant 1,60 mètres, pouvait se tenir debout, mais non son conjoint.

i. Par ordonnance du 24 septembre 2019, le Tribunal a imparti aux bailleurs un délai pour produire un calcul de rendement net ainsi que toutes les pièces requises et un délai aux locataires pour qu'ils se déterminent sur le calcul de rendement net.

Les bailleurs ont produit les pièces sollicitées ainsi qu'un calcul de rendement net.

Les locataires se sont déterminés sur le calcul de rendement net des bailleurs. Ils ont notamment contesté certains postes des charges courantes.

j. Lors de l'audience du 8 septembre 2020, F______, ingénieur-géomètre, a été entendu. Ses déclarations ont été reprises ci-dessus en tant que de besoin.

k. Le 29 octobre 2020, le Tribunal a procédé à une inspection locale. Il a constaté qu'au premier étage, les plafonds présentaient une hauteur de plus de 2,40 mètres. Au deuxième étage, le plafond de la chambre parentale était dans l'ensemble à plus de 2,40 mètres mais mansardé sur la droite où il atteignait dans un premier temps 2,05 mètres puis moins de 1,80 mètres. Des placards étaient intégrés dans la soupente. Dans l'alcôve, la hauteur du plafond était de 2,33 mètres, l'espace en dessous de 1,80 mètres étant utilisé et accessible. La salle de bains attenante à la chambre était également mansardée sur le fond, le plafond descendant dans un premier temps en dessous de 2,40 mètres puis en dessous de 1.80 mètres. Dans cet espace mansardé étaient placées les toilettes et la baignoire. Le plafond de la seconde chambre descendait côté fenêtre en dessous de 2,40 mètres et à moins de 1,80 mètres sous la poutre. Le plafond de la troisième chambre avait une hauteur supérieure à 1,80 mètres sur toute sa surface. La salle de bains à droite du couloir avait également un plafond mansardé débutant à plus de 1,80 mètres pour terminer au-dessous de cette hauteur, cet espace étant occupé par la baignoire et des rangements. Finalement, le plafond des WC présentait une hauteur de moins de 2,40 mètres mais supérieure à 1,80 mètres.

A l'issue de l'inspection locale, le bailleur a déclaré que, dans le bail, la surface indiquée avait été pondérée par rapport à la surface PPE, précisément pour tenir compte de la complexité architecturale et afin d'éviter tout litige. Dans l'autre bâtisse, le géomètre avait tenu compte dans le cahier PPE des pondérations au vu de la hauteur des plafonds.

l. Par mémoires de plaidoiries finales du 19 janvier 2021, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

Le 4 février 2021, les locataires ont déposé des observations complémentaires.

Les parties ont retenu les chiffres suivants pour effectuer leur calcul de rendement net :

 

 

Bailleurs

Locataires

Frais d'acquisition

2'100'000 fr.

2'100'000 fr.

Frais de notaire

134'040 fr. 50

134'040 fr. 50

Travaux à plus-value

397'810 fr. 85

382'944 fr.

Fonds empruntés

2'210'000 fr.

2'210'000 fr.

Amortissements

209'000 fr.

200'000 fr.

Evolution de l'ISPC

-2.1%

-2.1%

Taux

3.75%

2.25%

Charges courantes

41'926 fr. 70

12'156 fr.

Impôt immobilier

2'100 fr.

2'100 fr.

Charges financières

59'623 fr. 50

59'623 fr.

Ventilation

192 m2 / 445 m2

100 m2 / 353 m2

 

m. La cause a été gardée à juger par le Tribunal en date du 5 février 2021.

EN DROIT

1.              1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_72/2007 du 22 août 2007 consid. 2; 4C_310/1996 du 16 avril 1997 = SJ 1997 p. 493 consid. 1).

1.2 En l'espèce, la valeur litigieuse au dernier état des conclusions correspond à la différence entre le loyer fixé par le jugement et celui énoncé dans les conclusions d'appel, multiplié par trois ans (durée du bail dont le loyer est litigieux), ce qui représente 43'031 fr. 16 (soit 41'971 fr. 37 – 27'627 fr. 65 = 14'343 fr. 72 x 3) (ACJC/1499/2015 du 7 décembre 2015 consid. 1.2). La voie de l'appel est ainsi ouverte (art. 308 al. 2 CPC).

1.3 Interjeté dans le délai prescrit et selon la forme requise par la loi, l'appel est recevable (art. 130, 131, 145 al. 1 let. b, 311 al. 1 CPC).

1.4 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC; Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., 2010, n. 2314 et 2416; Retornaz in : Procédure civile suisse, Les grands thèmes pour les praticiens, Neuchâtel, 2010, p. 349 ss, n. 121).

2. 2.1 Dans un premier grief, les appelants se plaignent d'une constatation inexacte des faits. Ils considèrent que la surface du logement litigieux retenue par le Tribunal est incorrecte. Le Tribunal avait retenu une surface de 100m2 sur la seule base des propos de A______, qui n'était pourtant ni architecte ni géomètre, alors qu'il ressortait du cahier PPE établi par un géomètre que la surface de l'appartement dont est litige est de 192 m2.

Ils reprochent en outre au Tribunal de s'être fondé sur le cahier PPE pour retenir la surface des autres appartements, et non pour le logement litigieux.

2.2 Le calcul du rendement net au sens de l'art. 269 CO s'effectue sur la base de la situation financière de la chose louée à un moment donné. Seul est déterminant le rendement net de la chose louée, soit celui du logement ou du local commercial en cause, à l'exclusion du rendement net de l'immeuble entier, voire d'un groupe d'immeubles (ATF 125 III 421 consid. 2d p. 424 s.; ATF 120 II 100 consid. 6c p. 104 s.). En effet, en cas de disparité entre les loyers des différents appartements ou locaux, résultant par exemple de hausses de loyers intervenues à l'occasion de changements successifs de locataires ou à la suite de rénovations de certains logements, le calcul du rendement net sur l'immeuble entier conduirait à des résultats choquants. Dans la pratique toutefois, comme les comptes sont établis pour l'immeuble entier, on commence par déterminer la situation financière de l'immeuble et ce n'est qu'ensuite qu'on ventile le résultat appartement par appartement selon une clé de répartition (arrêt du Tribunal fédéral 4A_239/2018 du 19 février 2019 consid. 5.2 et les références citées).

Il découle de la jurisprudence qu'il y a lieu de procéder en sept étapes pour déterminer le rendement net (arrêt du Tribunal fédéral 4A_239/2018 précité consid. 5.2.2) :

1° Il faut déterminer tous les coûts d'investissement effectifs (ou le prix de revient) de l'immeuble.

2° Il faut en déduire les fonds empruntés (fonds étrangers), ce qui permet d'obtenir le montant des fonds propres investis.

3° La totalité du montant des fonds propres investis doit être réévaluée selon l'Indice suisse des prix à la consommation (ci-après : l'ISPC) pour tenir compte du renchérissement (art. 269a let. e CO ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_554/2019 du 26 octobre 2020).

4° Il y a lieu d'appliquer à ces fonds propres investis réévalués le taux de rendement admissible.

5° Au rendement admissible des fonds propres ainsi obtenu, il faut ajouter les charges immobilières.

6° Il s'agit ensuite de ventiler ce résultat appartement par appartement pour obtenir le loyer admissible de la chose louée (point critiqué ici par les appelants).

7° Il faut enfin comparer le loyer admissible pour la chose louée ainsi obtenu avec le loyer actuel, ce qui permettra de déterminer si une majoration du loyer est possible ou non.

2.2.1 Concernant les étapes 6 et 7, il s'agit de déterminer l'état locatif admissible, puis de ventiler ce résultat appartement par appartement pour obtenir le loyer admissible de la chose louée en cause. Lorsque l'immeuble comprend des parkings ou des locaux commerciaux, il convient de les retrancher de l'état locatif global de l'immeuble (sur la base du dernier état locatif de l'immeuble), pour obtenir le rendement admissible pour les seuls logements (arrêt du Tribunal fédéral 4A_239/2018 précité; ACJC/127/1998 du 16 février 1998; ACJC/398/2000 du 10 avril 2000). Par ailleurs, lorsque les loyers d'un immeuble présentent des disparités, au-delà de ce qui apparaît justifié par une prime à l'étage, l'état locatif admissible doit être ventilé entre les divers appartements et locaux, selon les clés de répartition usuelles pour les immeubles constitués en propriété d'étages, généralement au prorata de la surface, du volume des logements ou du nombre de pièces. Lorsque la clé de répartition choisie par le bailleur ne répercute pas les coûts selon ces principes, elle est insoutenable et le juge appliquera le système qu'il jugera équitable (ATF 116 II 184; arrêt du Tribunal fédéral 4A_239/2018 précité; Bohnet/Carron/ Montini, Droit du bail à loyer et à ferme, 2017, n. 12ss ad art. 269 CO).

2.2.2 A teneur de l'art. 49 al. 2 de la loi sur les constructions et installations diverses, du 14 avril 1988 (LCI), pour les pièces dont le plafond suit la pente de la toiture, la surface habitable est comptée en plein lorsque le vide d'etage est égal ou supérieur a 2,60 m et pour moitié lorsqu'il est situé entre 1,80 m et 2,60 m.

2.2.3 En l'espèce, les états locatifs versés à la procédure par les appelants ont démontré que les appartements représentent le 100% de l'état locatif global, tel que relevé par le Tribunal dans son jugement.

Le Tribunal a retenu une surface de 100 m2 pour l'appartement litigieux sur la base de trois éléments, soit en premier lieu le fait qu'il est ressorti des enquêtes que le cahier PPE prenait en compte des surfaces au sol, avec l'intégralité des murs sur les façades extérieures et la moitié des murs mitoyens, en deuxième lieu les déclarations spontanées de A______ à l'issue de l'inspection locale, et, en troisième lieu, le contenu du procès-verbal d'inspection locale effectuée par le Tribunal le 29 octobre 2020.

Contrairement à ce que font valoir les appelants, le Tribunal n'avait aucune raison de s'écarter des déclarations de A______ qui a reconnu à l'issue de l'inspection locale que, dans le bail, la surface indiquée avait été pondérée par rapport à la surface PPE, précisément pour tenir compte de la complexité architecturale et afin d'éviter tout litige.

Comme l'a relevé à juste titre le Tribunal, il n'y a ainsi aucune raison de considérer comme inexacte la surface figurant dans le bail de l'appartement litigieux. Il ressort en outre du contenu du procès-verbal d'inspection locale du 29 octobre 2020 et en particulier des clichés photographiques qui lui sont joints, que le plafond du logement est mansardé sur une partie conséquente de celui-ci, et que, de ce fait, la hauteur de celui-ci est inférieure à 2,60 mètres, voire à plusieurs reprises inférieure à 1,80 mètres.

Les surfaces concernées ne doivent dès lors pas être comptées à plein (art. 49 al. 2 LCI).

En outre, concernant le cahier de répartition PPE et la surface de l'appartement litigieux, le géomètre n'a pas procédé à des mesures relatives à la hauteur du plafond, contrairement aux autres logements : par exemple, pour le lot 2.06, la surface a été déterminée en prenant en considération la soupente lorsque celle-ci était inférieure à 2,40 mètres d'une part, puis à 1,80 mètre d'autre part. Les surfaces concernées ne doivent dès lors pas être comptées à plein (art. 49 al. 2 LCI).

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu qu'il ressortait des enquêtes que l'appartement litigieux mesurait 100 m2, surface qui a été prise en considération dans le calcul de rendement net de la chose louée. Ils se sont par ailleurs fondés à bon droit sur les surfaces indiquées dans le cahier de répartition PPE pour les autres logements puisque celles-ci n'étaient pas contestées.

3. Les appelants font valoir une violation du droit s'agissant de la valeur retenue par l'autorité précédente pour les frais d'entretien extraordinairement élevés dans le calcul de rendement net de la chose louée.

Ils contestent ainsi l'étape 5 susmentionnée du calcul de rendement net de la chose louée.

3.1 Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les dépenses engagées par le bailleur pour l'entretien de l'objet loué en vue de l'usage prévu doivent être déduites des loyers perçus en tant que frais d'entretien. Pour compenser le caractère aléatoire des travaux d'entretien, il faut se baser sur la moyenne des dépenses des cinq - éventuellement au moins trois - dernières années (ATF 117 II 77 consid. 3c/bb p. 85; arrêt du Tribunal fédéral 4C_293/2000 du 24 janvier 2001 consid. 1b et références citées). Les frais d'entretien exceptionnellement élevés doivent être répartis sur la durée de vie des installations qu'ils financent. Les montants partiels correspondants peuvent être inscrits chaque année dans le compte d'entretien jusqu'à l'amortissement complet et doivent porter un taux d'intérêt - lequel sera indiqué ci-après - sur le montant restant non encore amorti à chaque fois (arrêt du Tribunal fédéral 4C_293/2000 du 24 janvier 2001 consid. 1b, in : MietRecht aktuell [MRA] 2001 p. 116 ss, entre autres avec référence de l'arrêt du Tribunal fédéral 4_.107/1995 du 26 juillet 1995 consid. 4; ATF 140 III 433 consid. 3.5.1).

En ce qui concerne le montant du taux d'intérêt, le Tribunal fédéral, dans ses arrêts 4C_107/1995 du 26 juillet 1995 consid. 4 et 4C_293/2000 du 24 janvier 2001 consid. 1b avait appliqué un taux d'intérêt de 5% pour le calcul des intérêts des frais d'entretien extraordinaires, sans toutefois motiver plus précisément la raison de ce choix.

La jurisprudence a été précisée par l'ATF 140 III 433. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a retenu qu'il convenait de rémunérer le capital affecté aux dépenses d'entretien extraordinaires de la même manière que celui affecté à la partie des travaux de rénovation entraînant une plus-value, c'est-à-dire au taux d'intérêt jugé adéquat, qui est supérieur de 0,5% au taux hypothécaire de référence au moment de la notification de l'augmentation de loyer (ATF 140 III 433 consid. 3.5.2 et 3.5.3, JdT 2016 II 363;
118 II 415 consid. 3c/aa; arrêt 4A_470/2009 du 18 février 2010 consid. 6).

En d'autres termes, lorsqu'il s'agit de frais d'entretien extraordinairement élevés (par exemple le remplacement d'une chaudière), il est admis que ceux-ci soient répartis sur la durée de vie des installations concernées, l'amortissement de ces installations étant comptabilisé chaque année dans les frais d'entretien, majorés d'un intérêt à hauteur du taux hypothécaire de référence, lequel est à son tour majoré de 0.5%, sur la moitié du solde des travaux non encore amortis ou alors le solde avec un taux divisé par deux (Bohnet, in Commentaire pratique du droit du bail à loyer et à ferme, 2e éd., Bâle 2017, n. 67 ad art. 269 CO).

Les intimées ne contestent d'ailleurs pas ce qui précède.

3.2 En l'espèce, le Tribunal a procédé au calcul de l'amortissement du coût concernant le remplacement de la chaudière et l'achat d'un lave-linge et d'un sèche-linge, en répartissant lesdits coûts sur la durée de vie de chaque installation. Toutefois, il a uniquement majoré la somme considérée de 0.5% d'intérêts sur la moitié du solde des travaux non encore amortis, en omettant de prendre en considération le taux hypothécaire de référence, soit 1.75% en vigueur au moment de la conclusion du bail.

Ainsi, les calculs de l'autorité précédente doivent être modifiés comme suit :

S'agissant du remplacement de la chaudière : le coût s'est élevé à 35'600 fr., lequel doit être réparti sur la durée de vie de l'installation, soit 20 ans (Lachat, Le bail à loyer, Lausanne 2019, p. 1138). C'est donc un montant de 1'780 fr. (35'600 fr. / 20) qui doit être pris en considération, auquel il faut ajouter la somme de 400 fr. 50 (soit (1.75% + 0.5%) sur la moitié du solde des travaux non encore amortis ([35'600 fr. / 2] x 2.25%). Le montant de 2'180 fr. 50 (1'780 fr. + 400 fr. 50) sera ainsi pris en compte au titre des charges courantes.

S'agissant de l'achat d'un lave-linge et d'un sèche-linge : le coût s'est élevé à 2'495 fr., lequel doit être réparti sur la durée de vie de l'installation, soit 15 ans (Lachat, op cit., p. 1138). C'est donc un montant de 166 fr. 33 (2'495 fr. / 15) qui doit être pris en considération, auquel il faut ajouter la somme de 28 fr. 06 (soit (1.75% + 0.5%) sur la moitié du solde des travaux non encore amortis ([2'495 fr. / 2] x 2.25%). Le montant de 194 fr. 40 (166 fr. 33 + 28 fr. 06) sera ainsi pris en compte comme charges courantes.

Par conséquent, le montant des charges pour l'année 2014 retenu par le Tribunal, soit 10'303 fr. 85, doit être modifié en fonction des résultats ainsi obtenus.

Le montant des charges pour l'année 2014 s'élève dès lors à 10'632 fr. 20

Les montants des charges pour les années 2011, 2012, 2013 ne sont pas contestés par les parties.

La moyenne des charges pour les années 2011 à 2014 s'élève partant à 12'784 fr. 57.

En conséquent, l'état locatif admissible et le loyer admissible (étapes 6 et 7) se déterminent comme suit :

-          Rendement admissible : 23'099 fr. 60

-          Charges d'exploitation (moyenne 2011-2014) : 12'784 fr. 57

-          Intérêts hypothécaires : 59'623 fr. 50

-          Impôt immobilier complémentaire : 2'100 fr.

L'état locatif admissible s'établit ainsi à 97'607 fr. 67

Pour la ventilation, ainsi qu'il ressort de l'examen du précédent grief, les surfaces retenues par le Tribunal seront également prises en considération ici.

Par conséquent, le loyer annuel maximum admissible pour le logement litigieux, dont la surface s'élève à 100 m2 est de 27'650 fr. 90 ([97'607 fr. 67 x 100 m2] / 353 m2 (soit la surface totale des appartements sis dans l'immeuble)).

Le loyer annuel, hors charges, sera donc fixé à 27'650 fr. 90 à compter du 1er août 2015.

Les appelants seront par conséquent condamnés à restituer le trop-perçu de loyer en 14'349 fr. 10 par année, entre le 1er août 2015 et le 31 juillet 2018, soit au total 43'047 fr. 30 avec intérêts à 5% dès le 1er février 2017 (date moyenne).

Pour le surplus, le jugement entrepris sera confirmé.

4. En application de l'art. 22 al. 1 LaCC, il ne sera pas perçu de frais judiciaires et il ne sera pas alloué de dépens.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,

La Chambre des baux et loyers :


A la forme
 :

Déclare recevable l'appel interjeté le 31 août 2021 par A______ et B______ contre le jugement JTBL/579/2021 rendu le 29 juin 2021 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/26785/2018-1-OSL.

Au fond :

Annule les chiffres 1 et 2 du dispositif du jugement entrepris et, statuant à nouveau sur ce point :

Fixe à 27'650 fr. 90 par années, hors charges, du 1er août 2015 au 31 juillet 2018, le loyer de l'appartement de cinq pièces situé aux premier et deuxième étages de la maison sise sur la parcelle n° 1______ de la Commune de E_____.

Condamne A______ et B______, conjointement et solidairement, à verser à C______ et D______ le trop-perçu de loyer de 43'047 fr. 30 avec intérêts à 5% dès le 1er février 2017.

Confirme le jugement attaqué pour le surplus.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Pauline ERARD et Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Zoé SEILER et Monsieur Serge PATEK, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

Indication des voies de recours : 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.