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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/484/2022

ACJC/1102/2022 du 29.08.2022 sur JTBL/416/2022 ( SBL ) , CONFIRME

Normes : CPC.257; CO.257d; O-COVID.5; LaCC.30.al4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/484/2022 ACJC/1102/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du LUNDI 29 AOÛT 2022

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______[GE], appelante et recourante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 12 avril 2022, représentée par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle elle fait élection de domicile,

et

FONDATION B______, intimée, p.a. et représentée par le Secrétariat des Fondations Immobilières de Droit Public, rue Gourgas 23bis, case postale 12, 1211 Genève 8, en les bureaux de laquelle elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/416/2022 du 12 avril 2022, expédié pour notification aux parties le 31 mai 2022 puis, à la suite d'une erreur de plume, daté du 3 mai 2022 et expédié le 7 juin 2022, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire en protection de cas clair, a condamné A______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec elle l'appartement n° 1______ de 4 pièces situé au 4ème étage de l'immeuble sis 2______, à C______, et la cave qui en dépend (ch. 1 du dispositif), a autorisé la FONDATION B______ à requérir l'évacuation par la force publique de A______ dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et a rappelé que la procédure était gratuite (ch. 4).

Le Tribunal a considéré que les conditions d'une résiliation selon l'article 257d al. 1 CO étaient réunies, A______ n'ayant pas rendu vraisemblable que l'une d'entre elles ferait défaut. Depuis l'expiration du terme fixé, la précitée ne disposait plus d'aucun titre juridique l'autorisant à rester dans les locaux, de sorte que son évacuation devait être prononcée. Il ne se justifiait pas d'accorder à l'intéressée un sursis humanitaire, motifs pris de l'important arriéré de loyer et de l'absence concrète de paiement de celui-ci.

B. a. Par acte expédié le 30 juin 2022 à la Cour de justice, A______ a formé appel et recours contre ce jugement, sollicitant son annulation. Elle a conclu, sur appel et sur recours, à ce que la Cour, principalement, déclare irrecevable la requête en évacuation pour défaut de paiement du 13 janvier 2022, et, subsidiairement, annule "les chiffres 2 des jugements des 12 avril et 3 mai 2022", et lui octroie un sursis humanitaire jusqu'au 31 décembre 2022.

b. La requête de suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement a été admise par arrêt présidentiel du 28 juin 2022 (ACJC/886/2022).

c. Dans sa réponse du 27 juin 2022, la FONDATION B______ a conclu à la confirmation des jugements, sous suite de dépens de seconde instance.

d. A______ n'ayant pas fait usage de son droit de réplique, les parties ont été avisées par plis du greffe du 13 juillet 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Le 8 février 2016, les parties ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement n° 1______ de 4 pièces situé au 4ème étage de l'immeuble sis 2______, à C______, et de la cave qui en dépend.

Le montant du loyer et des charges a été fixé en dernier lieu à 1'402 fr. par mois.

b. A______ vit dans le logement avec sa fille âgée de 16 ans.

c. Par avis comminatoire du 17 avril 2020, la FONDATION B______ a mis en demeure A______ de lui régler dans les 90 jours le montant de 2'814 fr. à titre d'arriéré de loyer et de charges des mois de mars et avril 2020 ainsi que des frais de rappel impayés de 10 fr.

d. A______ a réglé sa dette dans le délai de 90 jours fixé.

e. Par avis comminatoire du 16 juin 2020, la FONDATION B______ a mis en demeure A______ de lui régler dans les 30 jours le montant de 1'412 fr. à titre d'arriéré de loyer et de charges pour la période du 1er au 30 juin 2020 ainsi que de frais de rappel de 10 fr. et l'a informée de son intention, à défaut du paiement intégral de la somme réclamée dans le délai imparti, de résilier le bail conformément à l'art. 257d CO.

f. Considérant que la somme susmentionnée n'avait pas été intégralement réglée dans le délai imparti, la FONDATION B______ a, par avis officiel du 4 août 2020, résilié le bail pour le 30 septembre 2020.

g. Se référant à un courriel du 13 août 2020, la FONDATION B______ a accepté la proposition faite par A______ de régler le montant de 2'880 fr. en souffrance en six versements de 420 fr. 60 chacun et un paiement de 364 fr. 40, à la condition que les règlements soient ponctuels, par mois et d'avance, et sus des indemnités pour occupation illicite de 1'402 fr. A défaut de respect de l'arrangement, elle procèderait par toutes voies de droit.

h. Par pli du 6 juillet 2021, la FONDATION B______ a informé A______ qu'à la suite des derniers paiements opérés, le bail serait remis en vigueur après une période probatoire. En revanche, si le versement des indemnités courants pour occupation illicite n'était pas régulier, elle intenterait à son encontre une procédure en évacuation pour défaut de paiement.

i. Par courrier du 26 octobre 2021, la FONDATION B______ a informé A______ que l'indemnité pour occupation illicite courante n'avait pas été versée et a requis de cette dernière la régularisation immédiate de la situation. Elle a rappelé que dans le cadre de la période probatoire, les indemnités devaient être versées au plus tard le 10 de chaque mois.

j. Par pli recommandé du 29 novembre 2021, la FONDATION B______ a adressé à A______ un dernier avertissement avant évacuation, les indemnités des mois d'octobre et de novembre n'ayant pas été honorées. Elle lui a imparti un délai au 10 décembre 2021 pour s'acquitter du montant de 2'804 fr.

A______ n'a pas retiré ce pli.

La FONDATION B______ lui en a adressé une copie par pli simple du 17 décembre 2021.

k. Le 13 janvier 2022, la FONDATION B______ a introduit une requête en protection de cas clair devant le Tribunal, sollicitant l'évacuation de A______ de l'appartement avec mesures d'exécution directe du jugement d'évacuation.

l. Le Tribunal a tenu deux audiences, les 1er mars et 3 mai 2022. Lors de la première audience, le montant de la dette s'élevait à 8'412 fr., le dernier versement opéré datant du 27 août 2021. A______ a déclaré que l'Hospice général avait cessé de lui verser des prestations depuis le mois d'octobre 2021 dès lors qu'elle s'était opposée à un contrôle. Un rendez-vous avait été fixé la semaine suivante avec le service des enquêtes, à la suite duquel une décision serait rendue.

A la seconde audience, la FONDATION B______ a persisté dans ses conclusions, l'arriéré s'élevait désormais à 9'814 fr. Elle a déclaré que si les paiements devaient reprendre, elle discuterait d'un arrangement avec A______ et ne ferait pas exécuter un éventuel jugement d'évacuation. La précitée s'est opposée à la requête et a sollicité un délai à l'exécution de l'évacuation. Le contrôle dans son logement n'avait pas eu lieu.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience du 3 mai 2022.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche la résiliation des rapports de bail est également contestée, la valeur litigieuse est égale au loyer pour la période minimale pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle une nouvelle résiliation peut être signifiée; comme il faut prendre en considération la période de protection de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1 let. e CO, la valeur litigieuse correspondra en principe au montant du loyer brut (charges et frais accessoires compris) pendant trois ans (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3 - JdT 2019 II 235 pp. 236 et 239; arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid.1; Lachat, Procédure civile en matière de baux et loyers, Lausanne 2019, pp. 69-70).

1.2 En l'espèce, le loyer annuel des locaux, charges comprises, s'élève à 94'800 fr. jusqu'au 28 février 2023 puis à 100'800 fr. dès le 1er mars 2023.

En l'espèce, la locataire remet en cause le prononcé de l'évacuation, au motif que le bail n'aurait pas été résilié valablement selon l'art. 257d CO. Eu égard au loyer mensuel de l'appartement, soit 1'402 fr. par mois charges comprises, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.3 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

1.4 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

1.5 Le recours contre l'exécution de l'évacuation a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits, de sorte qu'il recevable (art. 321 al. 1 CPC).

2. L'appelante fait valoir, pour la première fois devant la Cour, que le congé relatif à l'appartement est nul, au motif que le délai imparti dans l'avis comminatoire était inférieur à 90 jours. Par ailleurs, un contrat de bail tacite avait été conclu entre les parties.

2.1
2.1.1
 Aux termes de l'art. 257 CPC, relatif à la procédure de protection dans les cas clairs, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire lorsque les conditions suivantes sont remplies : (a) l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé et (b) la situation juridique est claire (al. 1). Le tribunal n'entre pas en matière sur la requête lorsque cette procédure ne peut pas être appliquée (al. 3). La recevabilité de la procédure de protection dans les cas clairs est donc soumise à deux conditions cumulatives.

Premièrement, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur; il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. La preuve n'est pas facilitée : le demandeur doit ainsi apporter la preuve certaine des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance ne suffit pas. Si le défendeur fait valoir des objections et exceptions motivées et concluantes, qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1 et les arrêts cités).

Secondement, la situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 138 III 123 consid. 2.1.2, 620 consid. 5.1.1, 728 consid. 3.3). En règle générale, la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation de la part du juge ou que celui-ci doit rendre une décision en équité, en tenant compte des circonstances concrètes de l'espèce (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 123 consid. 2.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_273/2012 du 30 octobre 2012 consid. 5.1.2, non publié in ATF 138 III 620).

Si le juge parvient à la conclusion que ces conditions sont remplies, le demandeur obtient gain de cause par une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire (ATF 138 III 620 consid. 5.1.1). Si elles ne sont pas remplies et que le demandeur ne peut donc obtenir gain de cause, le juge ne peut que prononcer l'irrecevabilité de la demande. Il est en effet exclu que la procédure puisse aboutir au rejet de la prétention du demandeur avec autorité de la chose jugée (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 140 III 315 consid. 5).

2.1.2 Aux termes de l'art. 257d CO, lorsque, après la réception de la chose, le locataire a du retard pour s'acquitter d'un terme ou de frais accessoires échus, le bailleur peut lui fixer par écrit un délai de paiement et lui signifier qu'à défaut de paiement dans ce délai il résiliera le bail. Ce délai est de 30 jours au moins pour les baux de locaux commerciaux. Faute de paiement dans le délai fixé, le bailleur peut résilier le contrat moyennant un délai de congé minimum de 30 jours pour la fin d'un mois.

Les résiliations de bail qui respectent les exigences légales de forme mais pour lesquelles une condition matérielle, légale ou contractuelle fait défaut sont inefficaces. L'inefficacité est une forme de nullité. Elle peut être soulevée en tout temps, sauf abus manifeste de droit, même à l'occasion de la procédure d'expulsion et doit être constatée d'office par le juge (Lachat, Le Bail à loyer, Lausanne, 2019, p. 951; Lachat, in Commentaire romand du Code des obligations, n. 3 ad art. 266o, qui précise alors que le juge doit soulever l'inefficacité ou la nullité d'office).

Lorsque le congé est nul ou inefficace, il ne déploie dès l'origine aucun effet (Montini, in Droit du bail à loyer et à ferme, 2ème édition, Bâle, 2017, n. 10 ad art. 266o CO).

2.1.3 Le 27 mars 2020, le Conseil fédéral a arrêté l'Ordonnance sur l'atténuation des effets du Coronavirus en matière de bail à loyer et de bail à ferme (Ordonnance COVID-19 bail à loyer et bail à ferme), entrée en vigueur le 28 mars 2020 à minuit et produisant ses effets jusqu'au 31 mai 2020 (art. 5).

Aux termes de l'art. 2 de cette ordonnance, si le locataire a du retard pour s'acquitter d'un terme ou de frais accessoires, échus entre le 13 mars 2020 et le 31 mai 2020, en raison des mesures prises par le Conseil fédéral pour lutter contre le coronavirus, le bailleur accorde, en dérogation à l'art. 257d al. 1 CO, un délai d'au moins 90 jours pour l'acquittement des montants dus.

Selon le rapport explicatif de la division droit de l'Office fédéral du logement, « [l]a prolongation du délai de paiement ne s'applique qu'au loyer et aux frais accessoires échus entre la publication des mesures du Conseil fédéral, le 13 mars, et le 31 mai 2020. Une prolongation de ce délai en vertu du droit de nécessité ne se justifie que dans ces cas. Cette restriction établit clairement que, pour les loyers dus en dehors de cette période, le délai minimal de 30 jours reste applicable. Si les conditions mentionnées sont remplies, le délai de paiement est porté à au moins 90 jours. Il en va de même pour les sommations notifiées après le 31 mai 2020. Souvent, le loyer est dû mensuellement et payable avant la fin du mois précédent. Par conséquent, l'ordonnance concerne en premier lieu les loyers échus à la fin des mois de mars, d'avril et de mai pour les mois d'avril, de mai et de juin 2020. Le contenu du bail en vigueur est déterminant en ce qui concerne les échéances de versement (ch. 3.2) ».

Au sujet de la portée de cette ordonnance, le Tribunal fédéral a rendu un arrêt dans lequel il a validé le raisonnement de la cour cantonale selon lequel le loyer du mois de juin 2020, payable mensuellement d'avance, était échu le 31 mai 2020 et qu'il convenait donc d'accorder aux locataires un délai comminatoire de 90 jours, comme le prévoyait l'art. 2 de l'ordonnance, la recourante bailleresse ne contestant pas la date d'échéance du loyer (arrêt du Tribunal fédéral 4A_252/2020 du 6 octobre 2021 consid. 3.3 et 3.5).

Dans l'arrêt précité, le Tribunal fédéral a également relevé que le moment de la levée des mesures sanitaires ne coïncidait pas forcément avec celui où leurs effets économiques avaient cessé pour les locataires, de sorte que l'on ne pouvait affirmer que la date de réouverture du restaurant était déterminante (consid. 3.5).

Le retard dans le paiement du loyer doit survenir "en raison des mesures prises par le Conseil fédéral pour lutter contre le coronavirus". Cela signifie notamment que les retards de paiement du locataire doivent être dus à des mesures prises par le Conseil fédéral pour lutter contre le coronavirus, comme la fermeture ou l'exploitation restreinte d'établissements ou d'entreprises sur la base de l'Ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 13 mars 2020 (Ordonnance 2 COVID-19).

2.1.4 Selon la jurisprudence, la conclusion par actes concluants d'un nouveau bail consécutif à une résiliation suppose que durant une période assez longue, le bailleur se soit abstenu de faire valoir le congé, d'exiger la restitution de la chose louée et qu'il ait continué à encaisser régulièrement le loyer sans formuler aucune réserve. L'élément temporel n'est pas déterminant pour décider s'il y a bail tacite; il faut prendre en compte l'ensemble des circonstances du cas. La conclusion tacite d'un bail ne doit être admise qu'avec prudence (arrêts du Tribunal fédéral 4A_499/2013 du 4 février 2014 consid. 3.3.1 et les arrêts cités; 4A_247/2008 du 19 août 2008 consid. 3.2.1, rés. in CdB 2008 p. 117/DB 2008 p. 54; 4C.441/2004 du 27 avril 2005 consid. 2.1, rés. in DB 2005 p. 15). L'on ne saurait retenir la conclusion d'un contrat tacite lorsque le bailleur ouvre une procédure d'expulsion peu après le moment où le contrat a selon lui valablement pris fin, quand bien même il encaisse des loyers sans faire de réserve expresse et notifie une augmentation de loyer à titre préventif, c'est-à-dire pour le cas où le congé ne serait pas valable (ATF 119 II 147 consid. 5).

2.2 En l'espèce, l'appelante n'a ni allégué ni rendu vraisemblable que l'absence de paiement du loyer du mois de juin 2020 serait due aux mesures prises par le Conseil fédéral pour lutter contre le coronavirus. Elle s'est d'ailleurs acquittée, dans le premier délai comminatoire fixé par l'intimée, des loyers des mois de mars et avril 2020, sans autre explication. Il s'ensuit que l'intimée n'avait pas à fixer à l'appelante un délai de 90 jours pour le paiement du loyer du mois de juin 2020, tel que prévu dans l'Ordonnance COVID-19, dans sa mise en demeure du 16 juin 2020. Le délai légal de 30 jours était ainsi applicable. Il n'est pas contesté que l'appelante ne s'est pas acquittée du loyer dû dans le délai prévu, de sorte que la résiliation de bail du 4 août 2020 pour le 30 septembre 2020 est valable.

Par ailleurs, s'il est constant que l'appelante a honoré l'arrangement de paiement convenu entre les parties le 4 septembre 2020, et que l'intimée a indiqué, par pli du 6 juillet 2021, être disposée à "remettre le bail en vigueur" après une période probatoire, pour autant que les indemnités pour occupation illicites soient régulièrement versées, l'appelante n'a pas tenu ses engagements, dès lors qu'elle n'a pas réglé les indemnités du mois d'octobre 2021. L'intimée s'est pour le surplus réservé la possibilité de requérir son évacuation. Elle a, de plus, adressé à l'appelante un dernier avis avant évacuation le 29 novembre 2021. C'est donc à tort que l'appelante se prévaut du seul élément temporel, soit du fait que l'intimée s'est abstenue d'exiger la restitution de la chose du 1er octobre 2020 au 13 janvier 2022, pour soutenir qu'il y a bail tacite. En outre, l'appelante n'a pas régularisé sa situation. Au contraire, sa dette a augmenté chaque mois. Par conséquent, aucun contrat de bail tacite n'a été conclu.

En définitive, l'état de fait étant prouvé et la situation juridique étant claire, c'est à bon droit que le Tribunal a condamné l'appelante à évacuer le logement.

2.3 Le jugement sera dès lors confirmé sur ce point.

3. L'appelante a également formé recours contre la décision d'exécution de l'évacuation.

3.1 L'exécution forcée d'un jugement ordonnant l'expulsion d'un locataire est réglée par le droit fédéral (cf. art. 335 et ss CPC).

En procédant à l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit tenir compte du principe de la proportionnalité. Lorsque l'évacuation d'une habitation est en jeu, il s'agit d'éviter que des personnes concernées ne soient soudainement privées de tout abri. L'expulsion ne saurait être conduite sans ménagement, notamment si des motifs humanitaires exigent un sursis, ou lorsque des indices sérieux et concrets font prévoir que l'occupant se soumettra spontanément au jugement d'évacuation dans un délai raisonnable. En tout état de cause, l'ajournement ne peut être que relativement bref et ne doit pas équivaloir en fait à une nouvelle prolongation de bail (ATF 117 Ia 336 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7; 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

L'art. 30 al. 4 LaCC concrétise le principe de la proportionnalité en prévoyant que le Tribunal peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement d'évacuation dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire ou du fermier lorsqu'il est appelé à statuer sur l'exécution d'un jugement d'évacuation d'un logement, après audition des représentants du département chargé du logement et des représentants des services sociaux ainsi que des parties.

S'agissant des motifs de sursis, différents de cas en cas, ils doivent être dictés par des "raisons élémentaires d'humanité". Sont notamment des motifs de ce genre la maladie grave ou le décès de l'expulsé ou d'un membre de sa famille, le grand âge ou la situation modeste de l'expulsé. En revanche, la pénurie de logements ou le fait que l'expulsé entretient de bons rapports avec ses voisins ne sont pas des motifs d'octroi d'un sursis (ACJC/269/2019 du 25 février 2019 consid. 3.1; ACJC/247/2017 du 6 mars 2017 consid. 2.1; ACJC/422/2014 du 7 avril 2014 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral du 20 septembre 1990, in Droit du bail 3/1991 p. 30 et les références citées).

Dans sa jurisprudence, la Cour a notamment confirmé, par arrêt ACJC/78/2017 du 23 janvier 2017, l'évacuation par la force publique, dès le nonantième jour suivant l'entrée en force du jugement, d'une locataire mère de deux enfants mineurs dont l'arriéré de loyer s'élevait à plus de 36'000 fr. Dans un autre arrêt ACJC/57/2017 du 16 janvier 2017, l'évacuation par la force publique dès le nonantième jour après l'entrée en force du jugement a également été maintenue, concernant une personne sans emploi, dont l'arriéré s'élevait à 13'400 fr.

En revanche, la Cour a confirmé l'évacuation par la force publique dans un délai de trois mois d'un locataire sans emploi, faisant l'objet de nombreuses poursuites et qui occupait l'appartement litigieux depuis douze ans. La Cour a considéré que le délai de trois mois était adéquat, compte tenu des nombreuses démarches effectuées afin de trouver un logement, dont l'inscription auprès de la Gérance immobilière municipale de la Ville de Genève et des Fondations immobilières de droit public plus d'un an avant la résiliation du bail (ACJC/224/2015 du
2 mars 2015 consid. 3.2).

3.2 En l'espèce, le Tribunal n'a accordé aucun sursis à l'exécution de l'évacuation. L'appelante n'a ni allégué ni rendu vraisemblable avoir entrepris des démarches en vue de trouver une solution de relogement. Par ailleurs, elle a bénéficié, de fait, depuis la résiliation de bail au 30 septembre 2020, de près de deux ans d'occupation de l'appartement. Elle a également disposé, depuis l'introduction de la requête en évacuation début janvier 2022, de près de huit mois d'occupation. De plus, le montant de la dette a augmenté depuis la résiliation durant la procédure et s'élevait à près de 10'000 fr. devant le Tribunal, sans qu'aucune proposition concrète de remboursement n'ait été faite. L'appelante ne peut obtenir un délai qui reviendrait à lui octroyer une prolongation de bail, à laquelle elle ne peut prétendre.

C'est dès lors à bon droit que les premiers juges n'ont accordé aucun sursis humanitaire à l'appelante.

3.3 Le recours sera dès lors rejeté.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevables l'appel et le recours interjetés le 20 juin 2022 par A______ contre le jugement JTBL/416/2022 rendu les 12 avril 2022 et 3 mai 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/484/2022-23-SE.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.2.