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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/21505/2021

ACJC/1100/2022 du 29.08.2022 sur JTBL/29/2022 ( SBL ) , RENVOYE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21505/2021 ACJC/1100/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du LUNDI 29 AOÛT 2022

 

Entre

A______ SÀRL, sise ______[GE], recourante et appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 20 janvier 2022, comparant en personne,

et

FONDATION B______ (B______), sise ______[GE], intimée, comparant en personne.

 


Vu le contrat de bail conclu par les parties, portant sur la surface (terrain nu) de 869 m2 située sur la parcelle n° 1______ de C______ [GE];

Vu la requête en protection du cas clair, reçue le 10 novembre 2021 par le Tribunal des baux et loyers, formée par la FONDATION B______ (B______), à l'encontre de A______ SÀRL, concluant à l'évacuation de cette dernière avec mesure d'exécution directe du jugement d'évacuation;

Vu le jugement non motivé JTBL/1053/2021 du 16 décembre 2021 aux termes duquel le Tribunal, statuant par voie de procédure sommaire, a condamné A______ SÀRL à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens ainsi que de toute personne dont elle serait responsable la surface (terrain nu) de 869 m2 située sur la parcelle n° 1______ de C______ [GE] (ch. 1 du dispositif) et a autorisé la FONDATION B______ (B______) à requérir l'évacuation par la force publique de A______ SÀRL dès l'entrée en force du jugement (ch. 2);

Attendu, EN FAIT, que ce jugement a été expédié pour notification aux parties le 21 décembre 2021; que le 22 décembre 2021, un avis de retrait du pli recommandé a été déposé par la Poste dans la boîte aux lettres de A______ SÀRL;

Que cette dernière a requis la prolongation du délai de garde du courrier, qu'elle a retiré le 10 janvier 2022;

Que le 10 janvier 2022, A______ SÀRL a sollicité du Tribunal la motivation du jugement;

Que par jugement JTBL/29/2022 rendu le 20 janvier 2022, le Tribunal a déclaré irrecevable la demande de motivation formée par A______ SÀRL; que les premiers juges ont considéré qu'en tenant compte du dépôt, le 22 décembre 2021, de l'avis de retrait, A______ SÀRL avait disposé d'un délai échéant au 2 janvier 2022 pour former sa requête de motivation, la suspension de délai ne s'appliquant pas à la procédure sommaire; que dès lors la demande formée le 10 janvier 2022 l'avait été tardivement; qu'en tout état, si la précitée avait formé une requête de restitution de délai, celle-ci aurait dû être rejetée;

Qu'il est indiqué au pied du jugement que celui-ci peut faire l'objet d'un recours et d'un appel, dans les 30 jours qui suivent sa notification;

Que par actes du 28 février 2022, A______ SÀRL a formé recours et appel contre ce jugement, qu'elle a reçu le 28 janvier 2022, concluant à son annulation, et, cela fait, à ce qu'il soit constaté que la demande de motivation n'était pas tardive et à ce que le Tribunal soit condamné à lui communiquer la motivation du jugement;

Que par ordonnance du 2 mars 2022, la Cour, statuant sur mesures superprovisionnelles, a suspendu le caractère exécutoire du jugement JTBL/1053/2021, ainsi que le caractère exécutoire du jugement entrepris (JTBL/29/2022);

Que par mémoire réponse sur le fond et sur mesures provisionnelles du 9 mars 2022, la FONDATION B______ (B______) a conclu au rejet du recours (la voie de l'appel n'étant pas ouverte) et à ce qu'il soit constaté que les mesures superprovisionnelles étaient devenues sans objet, l'évacuation ayant été exécutée le 1er mars 2022;

Que par ordonnance du 17 mars 2022, statuant sur requête de mesures superprovisionnelles du 16 mars 2022 formée par A______ SÀRL, la Cour a notamment condamné la FONDATION B______ (B______) à restituer immédiatement à A______ SÀRL la possession exclusive de la surface (terrain nu) de 869 m2 située sur la parcelle n° 1______ de C______ [GE], notamment en lui restituant l'ensemble des clés des nouveaux cylindres (ch. 1), fait interdiction à FONDATION B______ (B______) de disposer de la surface susvisée d'une quelconque façon qui empêcherait A______ SÀRL d'en récupérer la possession exclusive (ch. 2), sous la menace de l'art. 292 CP (ch. 3), et autorisé A______ SÀRL, en cas d'inexécution des chiffres 1 et 2 du dispositif, à reprendre possession de la surface précitée, en changeant les cylindres, le cas échéant avec l'assistance de la force publique (ch. 4);

Que par courrier du 23 mars 2022, la FONDATION B______ (B______) a confirmé qu'elle avait donné suite à l'ordonnance précitée, en suspendant toute mesure d'évacuation des biens appartenant à la locataire et remis les clés à cette dernière; qu'elle a pour le surplus contesté les allégués et conclusions formées par A______ SÀRL dans sa requête du 16 mars 2022, et persisté dans ses conclusions du 9 mars 2022;

Que par réplique spontanée du 25 mars 2022, A______ SÀRL a conclu à la confirmation des ordonnances des 2 et 17 mars 2022 et, sur le fond, a persisté dans ses conclusions du 28 février 2022, et nouvellement conclu à la condamnation de la FONDATION B______ (B______) à lui verser la somme de 1'267 fr. 28, correspondant à 21 jours de loyers;

Que par courrier du 29 mars 2022, la FONDATION B______ (B______) a conclu à l'irrecevabilité de la réplique, s'en rapportant pour le surplus à sa duplique du 23 mars 2022;

Que par courrier du 9 mai 2022, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger;

Considérant, EN DROIT, que l'appel et le recours, écrits et motivés, doivent être déposés dans un délai de trente jours dès la notification du jugement; qu'en procédure sommaire ce délai est de dix jours (art. 311 al. 1 et 314 CPC; art. 321 al. 1 et 2 CPC);

Qu'on déduit du principe de la bonne foi que les parties ne doivent subir aucun préjudice en raison d'une indication inexacte des voies de droit (ATF 138 I 49 consid. 8.3.2; 117 Ia 297 consid. 2, 421 consid. 2c). Qu'une partie ne peut toutefois se prévaloir de cette protection que si elle se fie de bonne foi à cette indication. Que tel n'est pas le cas de celle qui s'est aperçue de l'erreur, ou aurait dû s'en apercevoir en prêtant l'attention commandée par les circonstances. Que seule une négligence procédurale grossière peut faire échec à la protection de la bonne foi. Que celle-ci cesse uniquement si une partie ou son avocat aurait pu se rendre compte de l'inexactitude de l'indication des voies de droit en lisant simplement la législation applicable. Qu'en revanche, il n'est pas attendu d'eux qu'outre les textes de loi, ils consultent encore la jurisprudence ou la doctrine y relatives (ATF 138 I 49 consid. 8.3.2; 135 III 489 consid. 4.4; 134 I 199 consid. 1.3.1).

Qu'en l'espèce, l'acte déposé à la Cour le 28 février 2022 par A______ SÀRL, dans le délai indiqué au pied de la décision entreprise auquel elle pouvait de bonne foi se fier, dans la mesure où elle n'est pas représentée par un avocat, et selon la forme prescrite, est recevable, comme recours ou comme appel, sans qu'il soit nécessaire de trancher ce point; que A______ SÀRL sera désignée comme la recourante; que la recevabilité des conclusions en paiement de la recourante peut demeurer indécise, compte tenue de l'issue du litige devant la Cour;

Que le tribunal peut communiquer la décision aux parties sans motivation en notifiant le dispositif écrit (art. 239 al. 1 let. b CPC);

Que les décisions sont notifiées par envoi recommandé ou d'une autre manière contre accusé de réception (art. 138 al. 1 CPC);

Que, selon la jurisprudence constante, un envoi recommandé est réputé notifié à la date à laquelle son destinataire le reçoit effectivement; que lorsque ce dernier ne peut pas être atteint et qu'une invitation à retirer l'envoi est déposée dans sa boîte aux lettres ou dans sa case postale, la date du retrait de l'envoi est déterminante; que si le pli n'est pas retiré, l'acte est réputé notifié à l'expiration d'un délai de sept jours à compter de l'échec de la remise, si le destinataire devait s'attendre à recevoir la notification (ATF 138 III 225 consid. 3.1, in JdT 2012 II p. 457; 134 V 49 consid. 4 et les références citées);

Que celui qui se sait partie à une procédure judiciaire et qui doit dès lors s'attendre à recevoir notification d'actes du juge, est tenu de relever son courrier ou, s'il s'absente de son domicile, de prendre des dispositions pour que celui-ci lui parvienne néanmoins (ATF 141 II 429 consid. 3.1 et les références citées);

Que ces principes sont ancrés à l'art. 138 al. 3 let. a CPC;

Que la fiction de la notification à l'échéance du délai de garde suppose que l'avis de retrait a été déposé dans la boîte aux lettres du destinataire et qu'il soit arrivé par conséquent dans sa sphère privée (ATF 116 III 59 consid. 1b et les références citées, in JdT 1992 II p. 148);

Que le délai pour requérir une motivation écrite d'un jugement non motivé est de dix jours à compter de la communication de la décision; que si la motivation n’est pas demandée, les parties sont considérées avoir renoncé à l’appel ou au recours (art. 239 al. 1 let. b CPC);

Que les délais déclenchés par la communication ou la survenance d'un événement courent dès le lendemain de celles-ci (art. 142 al. 1 CPC);

Que si le dernier jour est un samedi, un dimanche ou un jour férié reconnu par le droit fédéral ou le droit cantonal du siège du tribunal, le délai expire le premier jour ouvrable qui suit (art. 142 al. 3 CPC);

Qu'en l'espèce, le jugement d'évacuation non motivé a été expédié par le Tribunal le 21 décembre 2021 et un avis de retrait dudit pli a été déposé le 22 décembre 2021 dans la boîte aux lettres de la recourante; que le délai de garde de 7 jours est venu à échéance le 29 décembre 2021; que conformément aux principes rappelés ci-avant, la présomption de la fiction de notification au terme dudit délai trouve application;

Que le délai pour solliciter du Tribunal la motivation du jugement est arrivé à échéance le samedi 8 janvier 2022, reporté au lundi 10 janvier 2022;

Qu'ainsi, la demande de motivation déposée au Tribunal le 10 janvier 2022 l'a été en temps utile;

Qu'en conséquence, le jugement entrepris sera annulé et la cause renvoyée au Tribunal pour motivation et nouvelle notification du jugement motivé aux parties;

Que les mesures superprovisionnelles ordonnées les 2 et 17 mars 2022 seront confirmées sur mesures provisionnelles; qu'en effet à défaut la recourante subirait un dommage difficilement réparable du fait de son évacuation; qu'au surplus, la Cour fait sienne la motivation desdites ordonnances;

Que ces mesures resteront en vigueur jusqu'à droit jugé dans la présente cause.

Que la procédure est gratuite.

 

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevables respectivement le recours et l'appel interjetés le 28 février 2022 par A______ SÀRL contre le jugement JTBL/29/2022 rendu le 20 janvier 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/21505/2021.

Au fond :

Annule ce jugement.

Renvoie la cause au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Sur mesures provisionnelles :

Suspend le caractère exécutoire du chiffre 2 du dispositif du jugement JTBL/1053/2021 rendu le 16 décembre 2021 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/21505/2021.

Condamne FONDATION B______ (B______) à restituer immédiatement à A______ SÀRL la possession exclusive de la surface (terrain nu) de 869 m2 située sur la parcelle n° 1______ de C______ [GE], notamment en lui restituant l'ensemble des clés des nouveaux cylindres, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP qui prévoit que : "celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents sera puni d'une amende".

Fait interdiction à FONDATION B______ (B______) de disposer de la surface susvisée d'une quelconque façon qui empêcherait A______ SÀRL d'en récupérer la possession exclusive, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP qui prévoit que : "celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents sera puni d'une amende".

Autorise A______ SÀRL, en cas d'inexécution du dispositif du présent arrêt, à reprendre possession de la surface précitée, en changeant les cylindres, le cas échéant avec l'assistance de la force publique.

Dit que les mesures provisionnelles resteront en vigueur jusqu'à droit jugé définitif dans la présente cause.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Pauline ERARD, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Zoé SEILER et Monsieur Serge PATEK, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.