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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/13147/2020

ACJC/1098/2022 du 29.08.2022 sur JTBL/695/2021 ( OBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13147/2020 ACJC/1098/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du LUNDI 29 AOÛT 2022

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, recourante contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 24 août 2021, comparant en personne,

et

Monsieur B______ et Monsieur C______, intimés, représentés tous deux par [la régie immobilière] D______, ______, en les bureaux de laquelle ils font élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/695/2021 du 24 août 2021, expédié pour notification aux parties le même jour, le Tribunal des baux et loyers a déclaré irrecevables les écritures et pièces envoyées par A______ le 14 mai 2021, reçues par le Tribunal le 17 mai 2021 et déposées le 18 août 2021 au greffe du Tribunal, (ch. 1 du dispositif), a débouté A______ de ses conclusions (ch. 2), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

B. a. Par acte déposé le 20 septembre 2021 au greffe de la Cour de justice, A______ a déclaré « faire opposition » au jugement précité « constatant violation du droit et les faits inexacts », ajoutant « En somme, je persiste dans mes prétentions pour que le jugement soit porté sur les faits et non sur les paroles « en l'air » d'un avocat ».

b. Dans leur réponse du 11 octobre 2021, C______ et B______ ont conclu à ce que le recours soit déclaré irrecevable et, subsidiairement, à son rejet et à la confirmation du jugement entrepris.

c. L'appelante n'a pas fait usage de son droit de répliquer.

d. Les parties ont été avisées le 19 novembre 2021 par le greffe de la Cour que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments suivants résultent de la procédure :

a. A______ est locataire depuis 2007 d'un appartement de 3 pièces situé au 2ème étage de l'immeuble sis 1______ à Genève, dont les bailleurs sont C______ et B______ et dont la gérance est assurée par la régie D______ (ci-après « la régie »).

b. Le loyer mensuel, hors charges, a été fixé à 1'250 fr. Les acomptes de charges mensuels ont quant à eux été fixés à 60 fr.

c. Par requête déposée le 2 juillet 2020 par-devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, A______ a demandé à ce qu'il soit ordonné à la régie de lui transmettre des copies de décomptes de charges du 1er janvier 2007 au 30 avril 2016 (C/13147/2020).

d. Par requête déposée le 3 août 2020 par-devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, A______ a conclu à la restitution de 2'056 fr. représentant la part des honoraires de la régie facturée, selon elle, en trop (C/2______/2020) ainsi que la restitution de la somme de 1'573 fr. 30 représentant une part des honoraires trop élevés, selon elle de la société E______ en charge de l'entretien de la chaudière de l'immeuble (C/3______/2020).

e. Les trois affaires ont été déclarées non conciliées à l'audience de la Commission du 23 novembre 2020 et ont été portées devant le Tribunal le 10 décembre 2020.

f.  A______ a notamment allégué devant le Tribunal, concernant les honoraires de la société E______, que le contrat transmis par la régie concernait une installation de 500 litres alors que la chaudière de l'immeuble ne comportait que 270 litres. En outre, le contrat mentionnait des postes qui ne devaient pas être facturés aux locataires, notamment les dépannages éventuels, les frais de déplacement et le travail des spécialistes. Finalement, selon ses recherches, l'abonnement était trop cher par rapport aux prix pratiqués par des entreprises de la concurrence.

Concernant les honoraires de la régie, A______ a allégué que, selon les décomptes, ils se montaient à 9% du montant total des charges, sans prendre en compte les factures de l'entreprise F______ pour la surveillance énergétique qui étaient répercutées en sus aux locataires, qui faisaient alors monter les honoraires de gestion à 13,26%. Elle souhaitait donc que les honoraires de gestion soient fixés à 200 fr. et que la différence de 2'056 fr. (158.15 x 13) lui soit remboursée.

Finalement, concernant les décomptes de chauffage, la locataire a allégué avoir relevé de nombreuses erreurs dans le décompte 2017, raison pour laquelle elle souhaitait pouvoir analyser les décomptes antérieurs, même si certaines de ses prétentions pouvaient être prescrites.

g. Par ordonnance du 14 janvier 2021, le Tribunal a ordonné la jonction des trois causes sous le numéro C/13147/2020.

h. Par courrier du 25 janvier 2021, A______ a fait parvenir au Tribunal un résumé de sa position ainsi qu'une feuille de calcul de ses prétentions.

Par ordonnance du 28 janvier 2021, le Tribunal a déclaré irrecevable cette écriture et l'a transmise, de même que la feuille de calcul aux bailleurs.

i. Par mémoire réponse du 12 mars 2021, les bailleurs ont conclu au déboutement de la locataire de toutes ses conclusions, alléguant en substance que les prétentions relatives aux frais accessoires se prescrivaient par cinq ans, que partant les demandes relatives aux saisons 2007 à 2015 étaient prescrites, qu'au surplus le décompte pour la période du 1er mai 2015 au 30 avril 2016 avait été accepté par la locataire et avait fait l'objet d'un paiement du solde en sa faveur et, enfin, que la locataire s'était rendue compte des prétendues erreurs des décomptes début 2019 et n'avait introduit sa requête que le 3 juillet 2020, de sorte que ses prétentions étaient prescrites.

j. Les 19 et 22 mars 2021, la locataire a adressé au Tribunal des écritures spontanées ainsi que des pièces.

Par ordonnance du 25 mars 2021, le Tribunal a déclaré irrecevables les écritures précitées et a transmis les pièces aux bailleurs.

k. Les parties ont été entendues par le Tribunal le 11 mai 2021. Concernant les honoraires de E______, A______ a conclu à la restitution d'un montant de 1'637 fr., à savoir le différentiel de 163 fr. 70 par année sur dix ans tenant compte de la taille de l'installation et du fait que le contrat incluait les dépannages, estimant que l'abonnement « normal » devait être de 524 fr. et non de 1'152 fr. 40. Concernant les honoraires de la régie, elle a conclu au remboursement sur dix ans de la différence entre le taux appliqué de 864 fr. et celui de 2% (216 fr.), qu'elle estimait justifié, à savoir la somme totale de 1'637 fr. Finalement, concernant les décomptes de chauffage, elle a conclu à ce que la régie lui transmette tous les détails relatifs aux décomptes afin qu'elle puisse vérifier les montants réclamés, précisant avoir reçu le décompte 2020.

Le représentant de la régie a déclaré, au sujet des honoraires E______, que l'abonnement avait été conclu en 2007 et les factures étaient payées depuis lors par la régie, cette dernière étant satisfaite des prestations de l'entreprise qui était un bon prestataire. Il a précisé que les dépannages étaient inclus dans le contrat mais non les réparations qui étaient facturées séparément. Concernant les honoraires de la régie, il a déclaré que le calcul était forfaitaire en fonction du nombre d'appartements, ce type de facturation étant préconisé par l'USPI. Finalement, concernant les décomptes, il a précisé que la locataire avait eu accès aux documents et que la régie lui avait envoyé plusieurs lettres explicatives.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience des débats principaux, les parties n'ayant pas sollicité d'actes d'instruction.

l. Le 14 mai 2021 et le 18 août 2021, la locataire a encore adressé des écritures et des pièces au Tribunal, reçues le 17 mai 2021 et le 18 août 2021.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Le recours est notamment recevable contre les décisions finales de première instance qui ne peuvent faire l'objet d'un appel (art. 319 let. a CPC).

La valeur litigieuse est déterminée par les dernières conclusions de première instance (art. 91 al. 1 CPC; Jeandin, Code de procédure civile commenté, Bâle, 2011, n. 13 ad art. 308 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_594/2012 du 28 février 2013).

1.2 En l'espèce, la locataire a conclu devant le Tribunal à la condamnation des bailleurs à lui verser la somme de 3'274 fr. (2 x 1'637 fr.), de sorte que la valeur litigieuse des dernières conclusions est inférieure à 10'000 fr. et que seule la voie du recours est ainsi ouverte.

2. 2.1 La teneur quasi identique (seuls les termes "appel" et "recours" divergent) des art. 321 al. 1 et 311 al. 1 CPC fait apparaître que les prescriptions de forme concernant le mémoire de recours sont mutatis mutandis celles qui prévalent pour l'appel, de sorte qu'il convient de se référer pour l'essentiel aux principes applicables au mémoire d'appel (arrêt du Tribunal fédéral 5D_190/2014 du 12 mai 2015 consid. 2).

Même si l'art. 311 CPC ne le mentionne pas, le mémoire d'appel doit contenir des conclusions. L'interdiction du formalisme excessif commande d'entrer exceptionnellement en matière sur un appel formellement dépourvu de conclusions, si ce que demande l'appelant résulte de sa motivation, cas échéant en relation avec le jugement attaqué; les conclusions doivent être interprétées à la lumière de la motivation. Le défaut de motivation ou des conclusions déficientes ne sont pas de nature mineure et ne justifient pas la fixation par le tribunal d'un délai pour réparer le vice (ATF 137 III 617 consid. 4 à 6, JdT 2014 II 187, SJ 2012 I 373).

Lorsqu'elle examine le mémoire de recours, l'autorité doit distinguer selon que le recourant est ou non représenté par un avocat. S'il ne l'est pas, il suffit alors que sa formulation permette de bonne foi de discerner ce que le Tribunal cantonal devrait décider (Tribunal cantonal de Bâle-Campagne du 15 octobre 2013 410 13 259, consid. 2).

2.2 A teneur de l'art. 311 al. 1 CPC, respectivement de l'art. 321 al. 1 CPC dont la teneur est identique, l'appel, respectivement le recours, doit être motivé.

Selon la jurisprudence, il incombe au recourant de motiver son appel, respectivement son recours, c'est-à-dire de démontrer le caractère erroné de la motivation attaquée. Pour satisfaire à cette exigence, il ne lui suffit cependant pas de renvoyer aux moyens soulevés en première instance, ni de se livrer à des critiques toutes générales de la décision attaquée. Sa motivation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision que le recourant attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

Un acte ne contenant aucune motivation par laquelle il est possible de discerner en quoi la juridiction inférieure a erré et qui s'apparente à une simple protestation ne peut être considéré comme valant appel ou recours (Chaix, Introduction au recours de la nouvelle procédure civile fédérale, in SJ 2009 II 257, n. 13). En tout état de cause, l'instance supérieure doit pouvoir comprendre ce qui est reproché aux premiers juges sans avoir à rechercher les griefs par elle-même, ce qui exige une certaine précision quant à l'énoncé et à la discussion des griefs (Jeandin in : Bohnet/Haldy/Jeandin/Schweizer/Tappy, Code de procédure civile commenté 2019, ad art. 311; Chaix, op. cit., n. 14).

L'absence de motivation ou son insuffisance conduit à l'irrecevabilité de l'acte d'appel, respectivement de recours (Reetz/ Theiler in : Sutter-Somm/ Hasenböhler/ Leuenberger, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, ZPO 2016, ad art. 311, 12 et 38).

2.3 En l'espèce, l'acte de recours du 20 septembre 2021 contient certes, pêle-mêle, des extraits du jugement du Tribunal, des extraits de courriers de la régie et de factures, ainsi que des extraits de jurisprudences diverses.

Toutefois, la Cour y discerne des critiques dirigées à l'encontre du raisonnement du Tribunal, expliquant en quoi celui-ci aurait jugé la cause de manière erronée. Cet acte ne saurait être considéré comme une simple protestation et est suffisamment motivé au regard des exigences légales.

2.4 Ainsi, le recours est recevable.

3. La recourante fait grief aux premiers juges d'avoir apprécié les faits de la cause de manière arbitraire. Elle estime que les honoraires facturés par l'entreprise E______ sont abusifs et, au surplus, que la surveillance opérée par cette société est inexistante. Elle estime que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que ces frais étaient justifiés.

La recourante fait également grief au Tribunal de n'avoir pas retenu le fait que le contrat de maintenance mentionne une citerne de 500 litres alors que la citerne de l'immeuble ne contient que 270 litres et estime ainsi que les montants reportés dans son décompte sont erronés. La recourante reproche encore aux premiers juges de n'avoir pas retenu que les frais de réparation auraient dû être inclus dans ledit contrat de maintenance.

Enfin, concernant les honoraires de la régie, la recourante fait grief au Tribunal d'avoir tenu pour justifiées les factures de la régie D______ pour la gestion du chauffage. Elle estime que l'application d'un forfait n'est pas justifié.

3.1 Selon l'article 257 a al. 1 CO, les frais accessoires sont dus pour les prestations fournies par le bailleur ou un tiers en rapport avec l'usage de la chose. Ils ne sont à la charge du locataire que si cela a été convenu spécialement.

Selon l'article 257b al. 1 CO, pour les habitations et les locaux commerciaux, on entend par frais accessoires les dépenses effectives du bailleur pour des prestations en rapport avec l'usage de la chose, telles que frais de chauffage, d'eau chaude et autres frais d'exploitation, ainsi que les contributions publiques qui résultent de l'utilisation de la chose. Les frais de gérance doivent être considérés comme étant liés à l'usage de la chose (FABJAN, « à qui les frais de gérance peuvent-ils être facturés » in PJA 2014 p. 524).

Selon l'article 5 al. 1 OBLF, entrent en ligne de compte comme frais de chauffage et de préparation d'eau chaude les dépenses effectives directement en rapport avec l'utilisation de l'installation de chauffage ou de l'installation générale de préparation d'eau chaude. Selon l'alinéa 2 de cette même disposition, il s'agit notamment des dépenses pour (a) le combustible et l'énergie consommés (b) l'énergie électrique utilisée pour les brûleurs et les pompes (c) les frais d'exploitation d'énergies de substitution (d) le nettoyage de l'installation de chauffage et de la cheminée, le grattage, le brûlage et l'huilage de la chaudière, ainsi que l'enlèvement des déchets et des scories (e) la révision périodique de l'installation de chauffage, réservoirs à mazout y compris, et le détartrage de l'installation d'eau chaude, des chauffe-eau et des conduites (f) le relevé, le décompte et l'entretien des appareils lorsque les frais de chauffage sont calculés de manière individuelle (g) la maintenance (h) les primes d'assurance qui se rapportent exclusivement à l'installation de chauffage (i) le travail administratif qu'occasionne l'exploitation de l'installation de chauffage.

Les honoraires et frais pour la répartition et l'établissement des décomptes de frais accessoires peuvent être facturés séparément aux locataires, conformément à l'article 4 al. 3 OBLF. La taxe sur la valeur ajoutée liée aux frais accessoires peut également être reportée sur le locataire (LACHAT, Le bail à loyer, 2019, p. 339). L'article 4 al. 3 OBLF permet la perception de frais administratifs sur toutes les prestations. Ils sont admis à concurrence de dépenses effectives ou des taux usuels. L'article 5 OBLF prévoit que les frais administratifs liés aux installations de chauffage et de préparation d'eau chaude peuvent être facturés, sans mention expresse dans le bail, dès lors que l'article les inclut dans les frais de chauffage. Contrairement aux frais de l'article 5 OBLF, les frais administratifs sur d'autres prestations doivent être convenus entre les parties (BOHNET/CARRON/MONTINI, Droit du bail à loyer et à ferme, 2017, ad. art. 257a/ 257b CO, n° 67 et 81).

Selon l'alinéa 3 de l'article 5 OBLF, les frais de maintenance et d'administration peuvent être calculés en fonction des dépenses effectives ou être portés en compte jusqu'à concurrence des taux usuels. A Genève, la doctrine se réfère, s'agissant des honoraires de gérance, à un taux usuel de 4% (FABJAN, « à qui les frais de gérance peuvent-ils être facturés » in PJA 2014 p. 524 et références citées notamment SJ1979 p. 603; cf. aussi LACHAT, op. cit., p. 417). Le Tribunal fédéral avait retenu un montant annuel de 600 fr. s'agissant des frais de surveillance (arrêt du Tribunal féderal du 28 juin 2005 4P_187/2004).

3.2 La facturation séparée des frais accessoires au locataire suppose une convention spéciale indiquant de manière précise et aisément compréhensible les dépenses concernées. On attend du bailleur qu'il indique, dans le contrat, la liste détaillée des frais accessoires qu'il entend facturer au preneur (BOHNET/ CARRON/ MONTINI, op. cit., n° 21, 27 ad art. 257a-257b CO).

Si les frais accessoires sont facturés selon la méthode des acomptes provisionnels, le bailleur doit établir et présenter au locataire au moins une fois l'an un décompte respectant les exigences posées par les articles 5 à 8 OBLF (art. 4 al. 1 OBLF).

Le décompte annuel des charges doit permettre au locataire de comprendre comment les frais accessoires qui lui sont réclamés ont été calculés. Le décompte doit donc pour le moins comporter la liste chiffrée des frais accessoires mis en compte, poste par poste, le total de ces frais accessoires (pour l'immeuble), la clé de répartition des frais accessoires entre les locataires, le montant dû par le locataire pour la période concernée, le montant des acomptes payés en cours d'exercice et le solde dû par le locataire ou le trop-perçu que le bailleur doit rembourser (ACJC/1177/2008 du 6 octobre 2008; LACHAT, op. cit., p. 414).

A défaut de convention, les justificatifs doivent être consultés au domicile du bailleur ou de sa gérance, aux heures habituelles d'ouverture des bureaux (ACJC/1478/2017 du 20 novembre 2017).

3.3 Le locataire qui ne conteste pas le décompte est réputé l'avoir accepté. La reconnaissance du décompte n'entraîne pas la renonciation ultérieure à s'opposer à une comptabilisation erronée ni à celle de demander le remboursement des frais accessoires payés en trop. La jurisprudence et la doctrine unanimes admettent en effet que malgré un accord sur le solde, une correction postérieure reste possible et que les frais accessoires perçus en trop peuvent en principe être répétés (ACJC/706/2009, consid. 3.2.2 et les références citées). Dans ce cas, il appartient à la partie qui entend contester l'exactitude du décompte reconnu de démontrer son inexactitude (CdB 2002 p. 144 consid. 3.2, p. 149).

3.4 Avant l'établissement du décompte et son acceptation par l'autre partie, l'erreur doit être corrigée selon les règles contractuelles (ATF 126 III 119 = JdT 2000 I 630), de sorte que le délai de prescription est de cinq ans, en vertu de l'article 128 ch. 1 CO.

Après l'établissement du décompte, le locataire n'est plus lié par le rapport contractuel. La correction du décompte et la prétention en découlant se fait alors sur la base des dispositions en matière d'enrichissement illégitime (art. 67 al. 1 CO).

Aux termes de l'ancien article 67 al. 1 CO, l'action pour cause d'enrichissement illégitime se prescrivait par un an à compter du jour où la partie lésée avait eu connaissance de son droit de répétition et, dans tous les cas, par dix ans dès la naissance de ce droit.

Depuis le 1er janvier 2020, les dispositions révisées du droit de la prescription sont entrées en vigueur.

Selon l'article 49 al. 1 Titre Final CC, lorsque le nouveau droit prévoit des délais de prescription plus long que l'ancien droit, le nouveau droit s'applique dès lors que la prescription n'est pas échue en vertu de l'ancien droit. En particulier, tous les délais d'un an de l'article 60 al. 1 CO ou 67 al. 1 CO qui courent encore au 1er janvier 2020 seront prolongés de deux ans supplémentaires. Tout délai de prescription déjà échu avant l'entrée en vigueur du nouveau droit ne renaît pas au 1er janvier 2020 (PICHONNAZ/WERRO, Le nouveau droit de la prescription : quelques aspects saillants de la réforme, in : Colloque du droit de la responsabilité civile 2019, Fribourg, 2019, p. 31).

3.5 En l'espèce, concernant les honoraires facturés par l'entreprise E______, le Tribunal a retenu à juste titre qu'ils sont justifiés. En effet, le représentant de la régie a confirmé que les factures de cette société étaient payées depuis 2017 et que ledit prestataire donnait satisfaction. Les frais répercutés sur les locataires sont donc des dépenses effectives des intimés.

En outre, les frais de dépannages sont certes compris dans le contrat d'entretien mais le représentant de la régie a précisé que ce poste ne comprenait pas les réparations, ce qui est confirmé par le contrat produit devant le Tribunal.

Finalement, bien que la photographie de la chaudière indique une contenance de 270 litres et le contrat une contenance de 500 litres, la Cour retient que ceci ne démontre pas que le contrat ne serait pas en adéquation avec les prestations fournies. La différence réclamée par la recourante a en outre varié au cours de la procédure, se situant entre 121 fr. et 163 fr. 70 par année, sans explication. Quoiqu'il en soit, les intimés s'acquittent des factures y relatives et sont ainsi en droit de répercuter les frais effectifs.

Partant, au vu de ce qui précède, le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Concernant les honoraires de la régie, la recourante se base sur les décomptes 2017-2018, selon lequel les frais liés à la chaufferie se sont montés à 10'192 fr. 50. Selon la facture d'honoraires de gestion chauffage pour la période 2018-2019, les frais de gestion de la chaufferie sont de 530 fr., montant conforme aux prescriptions énoncées ci-dessus. Par ailleurs, le montant forfaitaire annuel de 300 fr. (soit 75 fr. par appartement) pour la gestion des comptes locataires apparaît conforme, portant ainsi à 861 fr. 60 TTC le montant total admissible à charge des locataires. Partant, c'est à juste titre que la recourante a été déboutée par les premiers juges de ses conclusions à ce titre.

Enfin, la recourante a sollicité tous les détails relatifs aux décomptes. Elle a toutefois eu accès à toute la documentation qu'elle a pu consulter dans les locaux de la régie, ce qu'elle ne conteste d'ailleurs pas, mais reproche cependant à la régie de ne pas lui avoir fourni d'explications. Or, l'obligation de la régie est celle de donner accès aux pièces justificatives concernant les charges facturées, obligation qui a été respectée. Le représentant des intimés a en outre déclaré que plusieurs lettres explicatives, dont certaines ont été produites, ont été adressées à la recourante pour répondre à ses interrogations. Partant, les premiers juges ont à juste titre débouté cette dernière de ses conclusions relatives à la transmission des détails des décomptes de frais accessoires pour les années 2007 à 2016.

3.6 Au vu de tout ce qui précède, le jugement entrepris sera entièrement confirmé.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme
:

Déclare recevable le recours interjeté le 20 septembre 2021 par A______ contre le jugement JTBL/695/2021 rendu le 24 août 2021 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/13147/2020.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ et Monsieur Jean-Philippe FERRERO, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité
et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les
art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.