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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/28896/2019

ACJC/980/2022 du 04.08.2022 sur JTBL/1012/2021 ( OBL ) , MODIFIE

Normes : CO.267; CO.257.ald
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/28896/2019 ACJC/980/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du JEUDI 4 AOÛT 2022

 

Entre

1) A______ SARL, sise ______ [GE],

2) Monsieur B______, domicilié ______ [GE],

3) Madame C______, domiciliée ______ [GE], appelants d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 6 décembre 2021, comparant tous trois par
Me Innocent SEMUHIRE, avocat, rue du Conseil-Général 8, 1205 Genève, en l'étude duquel ils font élection de domicile.

et

D______, sise ______ [ZH], intimée, comparant par Me Serge PATEK, avocat, boulevard Helvétique 6, case postale, 1211 Genève 12, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/1012/2021 du 6 décembre 2021, notifié à A______ SARL, B______ et C______ le 7 décembre 2021, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure simplifiée, a débouté ces derniers de leurs conclusions visant à constater que C______ n'était pas partie au contrat (ch. 1 du dispositif), déclaré valable le congé qui leur avait été notifié le 11 juillet 2019 par D______ concernant les 134 places de stationnement intérieures situées au 7ème et 8ème sous-sols de l'immeuble sis 1______ à E______ (ch. 2), condamné A______ SARL, B______ et C______ à évacuer immédiatement les 134 places de stationnement précitées (ch. 3), autorisé D______ à requérir leur évacuation par la force publique dès l'entrée en force du jugement (ch. 4), condamné A______ SARL, B______ et C______ à verser conjointement et solidairement à D______ 265'877 fr. 05 avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2020 (ch. 5), prononcé la mainlevée définitive des oppositions formées aux commandements de payer, poursuites no 2______, 3______ et 4______, à concurrence de 93'812 fr. 40 avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 2019 et de 5'090 fr. 70 avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2019 (ch. 6), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7) et dit que la procédure était gratuite (ch. 8).

B. a. Le 24 janvier 2022, A______ SARL, B______ et C______ ont formé appel de ce jugement, concluant principalement à ce que la Cour l'annule, constate que C______ n'est pas partie au contrat de bail, déclare le congé inefficace et rejette les conclusions de D______ en paiement, en mainlevée de l'opposition et en évacuation. Subsidiairement, ils ont conclu à ce que la Cour "réforme les points 2 à 4 du dispositif ( ) en ce sens qu'ils n'obligent que B______ et A______ SARL", et, plus subsidiairement, qu'elle "réforme les points 2 à 5 du dispositif ( ) en ce sens qu'ils n'obligent que B______ et A______ SARL" et dise que la condamnation au paiement n'est accompagnée d'aucun intérêt moratoire.

b. Le 25 février 2022, D______ a conclu à la confirmation du jugement querellé.

c. Les parties ont déposé des écritures spontanées les 5 avril et 11 mai 2022, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Elles ont été informées le 7 juin 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les fait pertinents suivants résultent du dossier.

a. A______ SARL a notamment comme but social le déplacement et la garde de véhicules dans les parkings ainsi que des services "navette et valet parking" et "d'exploitation de parcs pour voitures".

B______ et C______ ont divorcé en 2004. C______ a été associée gérante, puis gérante de A______ SARL jusqu'en décembre 2014, avec pouvoir de signature individuelle, aux côtés de B______, qui avait également un pouvoir de signature individuelle. Dès décembre 2014, ce dernier est resté seul associé gérant de la société.

b.a D______, en tant que bailleresse d'une part et A______ SARL, B______ et C______, en tant que locataires d'autre part, ont signé les contrats suivants :

- Un contrat de bail du 1er janvier 2012 portant sur la location de 102 places de parc au septième et huitième sous-sols de l'immeuble sis chemin 1______ no. ______ à E______/GE. Le contrat a été conclu pour une durée initiale d'un an, du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012, renouvelable ensuite tacitement d'année en année sauf résiliation respectant un préavis de trois mois. Le loyer a été fixé à 134'640 fr. par année.

- Un avenant n° 1 du 17 février 2012 ajoutant la location de 19 places de parc, portant ainsi le loyer de la totalité des places à 159'720 fr. par année dès le 16 février 2012.

- Un avenant n° 2 du 8 novembre 2014 ajoutant la location de 12 places de parc, portant ainsi le loyer de la totalité des places à 175'560 fr. par année dès le 1er janvier 2015.

- Un avenant n° 3 du 4 février 2015 ajoutant la location d'une place de parc, portant le loyer total à 176'880 fr. par année dès le 1er février 2015.

Le loyer a été fixé en dernier lieu à 187'624 fr. 80 par année pour l'ensemble des places de parc.

b.b Le contrat de bail susvisé, ainsi que les trois avenants mentionnent, sous la rubrique "locataires", les noms de A______ SARL, B______ et C______. Il est précisé que les locataires "agissent conjointement et solidairement".

A l'emplacement prévu pour les signatures, figure ce qui suit :

"Les Locataires :

A______ SARL

B______

C______"

Le timbre humide de la société ainsi que les signatures de B______ et C______ figurent en regard des trois noms précités.

b.c Lors de son audition par le Tribunal, C______ a déclaré qu'elle avait signé le bail, lorsqu'elle était gérante de la société, car c'était une très bonne opportunité pour celle-ci. Elle pensait signer en tant que représentante de la société et n'entendait pas s'engager ce faisant à titre personnel.

c. Dès le mois de mars 2017, les loyers n'ont plus été versés régulièrement.

Plusieurs mises en demeure sont parvenues à A______ SARL, B______ et C______ et des arrangements de paiements ont été trouvés entre les parties. Considérant que ces arrangements n'étaient pas respectés, D______ a résilié les baux pour défaut de paiement par avis officiels du 26 janvier 2018 pour le 31 mars 2018. Selon la bailleresse, à cette date, l'arriéré de loyers s'élevait à 71'455 fr. 30.

d. A la suite du congé, un nouvel arrangement de paiement a été trouvé entre les parties.

Ainsi, le 22 juin 2018, D______ a confirmé l'arrangement suivant pour résorber l'arriéré de 63'489 fr. 20 : le versement de 12 acomptes de 5'000 fr. dès le 20 juillet 2018 et le versement d'un acompte de 3'489 fr. 20 pour le solde, en sus du paiement régulier des indemnités courantes.

e. Les 8 février et 5 mars 2019, D______ a fait savoir à B______, C______ et A______ SARL que l'arrangement n'était plus respecté, l'arriéré de loyers se montant au 31 mars 2019 à 88'267 fr. 70. Elle les a mis en demeure de s'acquitter de cette somme dans un délai de 30 jours, sous menace de recouvrer la créance par voie de poursuite, sans autre avis.

f. A des dates qui ne ressortent pas du dossier, des poursuites n° 5______, 6______ et 7______, ont été notifiées à la demande de D______ pour une somme totale de 60'381 fr. 75.

Suite à la commination de faillite notifiée à A______ SARL, D______ a annoncé à l'Office des poursuites le 21 mars 2019 avoir déjà reçu la somme de 45'000 fr. constituée de 9 versements de 5'000 fr. intervenus entre le 26 juillet 2018 et le 14 mars 2019. Cette somme devait être portée en déduction du montant de la poursuite.

B______ a indiqué au Tribunal avoir effectué un unique versement de 15'731 fr. 20 en mains de l'Office des faillites le 15 août 2019. Il s'agissait du seul montant versé en mains de l'Office précité.

g. Le 29 mars 2019, D______ a fait notifier à A______ SARL un commandement de payer, poursuite n° 8______, pour un montant supplémentaire de 32'684 fr. 70 à titre de loyers dus au 31 mars 2019.

h. Le 22 mai 2019, D______ a mis en demeure les locataires de verser la somme de 88'083 fr. 20 représentant le solde du loyer impayé depuis décembre 2018 de 9'906 fr. 20 et les loyers impayés du 1er janvier au 31 mai 2019 en 78'177 fr., dans un délai de dix jours sous menace de résiliation de bail.

La lettre recommandée contenant cette mise en demeure a été remise à C______ le 24 mai 2019.

Selon les décomptes produits par D______ (en particulier sa pièce n° 42), cette somme tient compte de tous les versements effectués par les locataires, notamment le montant de 45'000 fr. qu'elle avait demandé à l'Office des poursuites de déduire.

i. Le 31 mai 2019, A______ SARL a proposé à la bailleresse de verser les montants dus jusqu'au 31 mars 2019 à l'Office des poursuites directement pour éviter toute confusion. Elle a en outre indiqué avoir versé 26'455 fr. 30 devant couvrir les mois d'avril et mai 2019 et a proposé de verser le solde de 4'815 fr. 50 pour les mois d'avril et mai 2019 en mains de la régie en charge de la gestion des parkings. Finalement, elle a sollicité un délai de paiement au 20 juin 2019 pour pouvoir verser le loyer de juin 2019.

j. Le 27 juin 2019, la bailleresse a répondu que l'arrangement de paiement avait été annulé au motif que seules les mensualités de l'arrangement avaient été versées et non les loyers courants. Les mises en demeure du 22 mai 2019 étaient maintenues, étant précisé que les versements devaient tous être effectués sur le compte de D______.

k. Considérant qu'elle n'avait pas reçu toutes les sommes dues dans le délai comminatoire, par plis séparés et avis officiels du 11 juillet 2019, D______ a résilié auprès des trois locataires le bail et ses avenants pour le 31 août 2019.

l. A______ a contesté le congé par requête du 12 août 2019 (cause C/9______/2019).

m. Les 7, 8 et 14 août 2019, trois commandements de payer, poursuites n° 2______, 3______ et 4______ ont été notifiés aux trois locataires pour la somme de 93'812 fr. 40 avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 2019 à titre de loyers impayés du 1er février au 31 juillet 2019 et de 5'090 fr. 70 avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2019 à titre de solde de loyer pour janvier 2019.

Oppositions ont été formées à ces commandements de payer.

n. Par requête déposée le 19 décembre 2019 par-devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, déclarée non conciliée lors de l'audience de la Commission du 27 février 2020 et portée devant le Tribunal des baux et loyers le 10 mars 2020, D______ a conclu à ce que le Tribunal condamne les locataires à évacuer immédiatement les places de parc, ordonne à la force publique ainsi qu'à tous huissiers judiciaires de procéder à leur expulsion dès l'entrée en force du jugement, condamne les locataires à lui verser 93'903 fr. 10, plus les frais relatifs aux commandements de payer et prononce la mainlevée provisoire des oppositions formées aux commandements de payer, poursuites n° 2______, 3______ et 4______.

o. Par mémoire réponse du 10 juillet 2020, A______ SARL, B______ et C______ ont notamment conclu à ce que le Tribunal relève cette dernière de la qualité de partie, rejette la requête de D______, annule le congé et prolonge le bail pour une durée de trois ans au moins.

Ils ont notamment allégué qu'ils utilisaient les places de parc litigieuses pour leur activité commerciale, de sorte que celles-ci devaient être assimilées à des locaux commerciaux. C______ avait signé le contrat de bail en tant que gérante de la société. Dans la mesure où elle avait cessé cette activité fin 2014, elle n'était plus liée par le contrat.

A______ SARL et B______ n'ont par ailleurs pas contesté devoir les montants réclamés et ont proposé un arrangement de paiement.

p. Lors de l'audience de débats d'instruction du Tribunal du 14 janvier 2021, D______ a amplifié ses conclusions à hauteur de 265'877 fr. 05 et a produit un décompte à jour des arriérés; elle a indiqué que la dernière indemnité versée était celle de février 2020 de 5'675 fr. 20.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a imparti aux locataires un délai pour faire valoir leurs éventuelles réquisitions de preuve, précisant qu'il fixerait la suite de la procédure par voie d'ordonnance.

q. Lors de l'audience de débats du Tribunal du 10 juin 2021, D______ a déposé un relevé de compte des locataires au 7 juin 2021, duquel il résultait qu'un solde de 344'054 fr. 05 lui était dû.

B______ a déclaré qu'il ne pouvait pas se prononcer sur ce décompte et a allégué avoir versé 15'635 fr. 40 le jour même. La pièce produite à l'appui de cette allégation est un ordre bancaire daté du 10 juin 2021.

Une employée de la régie a été entendue comme témoin. Elle a confirmé les allégations de la bailleresse selon lesquelles tous les paiements effectués par les locataires avaient été pris en compte, y compris les montants versés directement en mains de l'Office des poursuites.

Le Tribunal a clôturé la phase d'administration des preuves à l'issue de l'audience et a fixé au parties un délai pour le dépôt de leurs plaidoiries finales écrites.

r. Le 16 août 2021, D______ a conclu à ce que le Tribunal condamne ses parties adverses à lui verser 265'877 fr. 05 avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2020 et a, pour le surplus, persisté dans ses précédentes conclusions.

Les locataires ont également déposé des plaidoiries finales le 16 août 2021, persistant dans leurs précédentes conclusions. Ils ont notamment fait valoir que C______ n'était pas obligée par le contrat de bail et ses avenants car elle se trouvait dans une erreur essentielle au moment où elle les avait signés.

Les parties ont déposé des écritures spontanées le 13 octobre et 29 octobre 2021, persistant dans leurs conclusions.

La cause a été gardée à juger par le Tribunal le 8 novembre 2021.

EN DROIT

1. 1.1 Selon l'art 308 al. 1 CPC, l'appel est recevable contre les décisions finales. Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

A teneur de l'art. 311 al. 1 CPC, l'appel s'introduit par un acte écrit et motivé. La motivation de l'appel doit indiquer en quoi la décision de première instance est tenue pour erronée. La partie appelante ne peut pas simplement renvoyer à ses moyens de défense soumis aux juges du premier degré, ni limiter son exposé à des critiques globales et superficielles de la décision attaquée. Elle doit plutôt développer une argumentation suffisamment explicite et intelligible, en désignant précisément les passages qu'elle attaque dans la décision dont est appel, et les moyens de preuve auxquels elle se réfère (arrêt du Tribunal fédéral 4A_274/2020 du 1er septembre 2020 consid. 4).

Selon l'article 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte que s'ils sont invoqués ou produits sans retard et s'ils ne pouvaient être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise.

1.2 En l'espèce, les appelants concluent à ce que la Cour déclare inefficace le congé et "rejette les conclusions en évacuation" de leur partie adverse, mais ils ne formulent aucun grief à l'appui de ces conclusions, de sorte que celles-ci sont irrecevables car elles ne respectent pas les exigences de motivation prévue par l'art. 311 al. 1 CPC.

Les appelants font par ailleurs valoir pour la première fois en appel que les poursuites mentionnées au chiffre 6 du dispositif du jugement querellé seraient éteintes par des paiements subséquents. Cette allégation nouvelle n'est pas fondée sur des faits nouveaux, de sorte qu'elle est irrecevable. Elle n'est de plus pas motivée de manière conforme à la loi puisque les appelants n'indiquent pas précisément quelle poursuite aurait été éteinte, à hauteur de quel montant, par quels paiements. Ils ne donnent en outre aucune explication sur la question de savoir à quel titre les montants dont ils se prévalent auraient été versés.

Sous réserve de ce qui précède, l'appel, formé dans une cause portant sur une valeur litigieuse supérieure à 10'000 fr., a été déposé dans les délai et forme légaux de sorte qu'il est recevable.

2. Le Tribunal a retenu que la procédure simplifiée s'appliquait à la présente cause qui portait principalement sur des conclusions en évacuation des appelants.

Ces derniers font valoir que la procédure ordinaire serait applicable puisque la valeur litigieuse est supérieure à 30'000 fr. Ils relèvent que, selon une partie de la doctrine, "les baux de places de parc loués isolément ne portent pas sur des habitations ou des locaux commerciaux".

2.1 Selon l'art. 243 al. 2 let. c CPC, la procédure simplifiée s'applique, quelle que soit la valeur litigieuse, aux litiges portant sur des baux à loyer de locaux commerciaux en ce qui concerne la protection contre les congés.

Du moment que la procédure simplifiée et la maxime inquisitoire sociale doivent protéger le locataire dans le domaine des congés et des prolongations de bail, il ne se justifie pas de traiter le litige sur la nullité ou l'inefficacité du congé différemment du litige relatif à l'annulation du congé jugé contraire à la bonne foi (art. 271 s. CO). Pour tous ces litiges ne relevant pas de la protection contre les congés stricto sensu, l'application de la maxime inquisitoire sociale revêt de l'importance. Or, le locataire s'expose au même risque de devoir quitter les locaux si le juge arrive à la conclusion que le bail a valablement pris fin. La protection du locataire appelle une solution uniforme. Il s'ensuit que l'expression "protection contre les congés" utilisée à l'art. 243 al. 2 let. c CPC doit recevoir une acception large. Elle couvre aussi un litige où le juge n'a pas à statuer sur l'annulabilité du congé ni sur la prolongation du bail, mais tout au plus sur la validité du congé. Dans la mesure où le juge est appelé à examiner cette question dans le cadre d'une procédure d'expulsion, celle-ci doit bénéficier de la procédure simplifiée (ATF 142 III 402 consid. 2.5).

En résumé, pratiquement chaque fois que la fin du bail est en jeu, quelle que soit la valeur litigieuse, la procédure ordinaire est inapplicable (David Lachat/ Boris Lachat, Procédure civile en matière de baux et loyers, 2019, p. 199).

On entend par locaux commerciaux ceux destinés à l'exploitation d'une entreprise ou à l'exercice d'une profession (Bohnet/ Dietschy-martenet, Droit du bail à loyer et à ferme, Commentaire pratique, n. 10 ad art. 253a CO).

2.2 En l'espèce, le fait que la valeur litigieuse soit supérieure à 30'000 fr. n'est pas décisif puisque l'art. 243 al. 2 let. c CPC s'applique quelle que soit celle-ci.

Par ailleurs, le litige concerne bien des locaux commerciaux, les 134 places de parking louées par les appelants destinées à assurer l'activité commerciale de la société A______ SARL, notamment son activité d'entreposage de véhicules et de valet parking. Les appelants ont d'ailleurs expressément fait valoir dans leur écriture en réponse déposée devant le Tribunal que les places de parking litigieuses devaient être assimilées à des locaux commerciaux.

Enfin, il n'est pas contesté que la présente cause concerne la validité du congé signifié aux appelants.

C'est dès lors à juste titre que le Tribunal a retenu que la procédure simplifiée était applicable.

3. Le Tribunal a considéré que C______ était liée par le contrat de bail et ses avenants, et que les conditions d'une invalidation pour erreur essentielle n'étaient pas réalisées. Le bail signé par celle-ci précisait que les trois locataires s'engageaient conjointement et solidairement. C______ et B______ avaient tous deux la signature individuelle pour la société, de sorte que C______ ne pouvait pas, contrairement à ce qu'elle prétendait, avoir cru que sa signature était nécessaire pour engager celle-ci. En outre, lorsqu'elle avait signé l'avenant du 4 février 2015, elle n'était plus associé-gérante de A______ SARL; elle ne pouvait dès lors pas l'avoir signé en tant que représentante de cette dernière. En tout état de cause, C______ n'avait pas invalidé le contrat pour erreur essentielle dans le délai prévu par la loi car elle aurait dû comprendre au plus tard dès réception de l'avis comminatoire du 5 mars 2019 que l'intimée la considérait comme locataire.

Les appelants font valoir ce qui suit : "seulement deux signatures figurent côté locataire, sur le bail. Ainsi, rien ne permet d'exclure que C______ a compris qu'elle signait pour engager la société et que B______ avait signé pour s'engager lui-même". C______ n'étant pas "rompue au droit" l'on ne pouvait retenir qu'elle comprenait l'expression "conjointement et solidairement entre eux" et qu'elle connaissait les "pratiques des régies à ce propos". Elle avait signé l'avenant du 4 février 2015 car elle était employée et ex-épouse de B______ et se contentait de faire ce que celui-ci lui demandait. Elle n'avait pas reçu l'avis comminatoire du 5 mars 2019.

3.1
3.1.1
Le contrat est parfait lorsque les parties ont, réciproquement et d'une manière concordante, manifesté leur volonté (art. 1 al. 1 CO). Cette manifestation peut être expresse ou tacite (art. 1 al. 2 CO).

Si les parties se sont mises d'accord sur tous les points essentiels, le contrat est réputé conclu, alors même que des points secondaires ont été réservés (art. 2 al. 1 CO).

A teneur de l'art. 18 al. 1 CO, pour apprécier la forme et les clauses d'un contrat, il y a lieu de rechercher la réelle et commune intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention.

Le juge doit rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices; si elle aboutit, cette démarche conduit à une constatation de fait. S'il ne parvient pas à déterminer cette volonté, ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté manifestée par l'autre - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves -, il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective). Le juge doit rechercher, par l'interprétation selon la théorie de la confiance, quel sens les parties pouvaient ou devaient donner, de bonne foi, à leurs manifestations de volonté réciproques (principe de la confiance); il s'agit d'une question de droit. Le principe de la confiance permet ainsi d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même s'il ne correspond pas à sa volonté intime (ATF
142 III 671 consid. 3.3; 140 III 134 consid. 3.2; 136 III 186 consid. 3.2.1;
135 III 295 consid. 5.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_290/2017 du 12 mars 2018 consid. 5.1).

Constituent des indices permettant de déterminer la réelle et commune intention des parties non seulement la teneur des déclarations de volonté, écrites ou orales, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes. L'appréciation de ces indices concrets par le juge, selon son expérience générale de la vie, relève du fait (arrêt du Tribunal fédéral 4A_643/2020 du 22 octobre 2021 consid. 4.2).

3.1.2 Selon l'art. 23 CO, le contrat n'oblige pas celle des parties qui, au moment de le conclure, était dans une erreur essentielle.

A teneur de l'art. 24 al. 1 CO, l'erreur est essentielle, notamment : 1. lorsque la partie qui se prévaut de son erreur entendait faire un contrat autre que celui auquel elle a déclaré consentir; 2. lorsqu'elle avait en vue une autre chose que celle qui a fait l'objet du contrat, ou une autre personne et qu'elle s'est engagée principalement en considération de cette personne; 3. lorsque la prestation promise par celui des contractants qui se prévaut de son erreur est notablement plus étendue, ou lorsque la contre-prestation l'est notablement moins qu'il ne le voulait en réalité; 4. lorsque l'erreur porte sur des faits que la loyauté commerciale permettait à celui qui se prévaut de son erreur de considérer comme des éléments nécessaires du contrat. 

L'erreur qui concerne uniquement les motifs du contrat n'est pas essentielle (art. 24 al. 2 CO).

Le contrat entaché d'erreur est tenu pour ratifié lorsque la partie qu'il n'oblige point a laissé s'écouler une année sans déclarer à l'autre sa résolution de ne pas le maintenir, ou sans répéter ce qu'elle a payé (art. 31 al. 1 CO). Le délai court dès que l'erreur a été découverte (al. 2).

3.2 En l'espèce, les éléments du dossier permettent de retenir que les volontés réelles de C______ et de l'intimée étaient concordantes, à savoir qu'il était convenu que la première s'engageait conjointement et solidairement avec A______ SARL et B______ en tant que locataire des places de parking litigieuses.

Le texte du contrat est limpide sur ce point et aucun élément concret figurant à la procédure ne permet de retenir que C______ n'aurait pas compris le sens des documents qu'elle a signés. Même sans être "rompue au droit", C______ qui a exercé pendant plusieurs années une fonction de gérante pour une société commerciale, ne pouvait ignorer le sens du mot locataire. Si elle ne souhaitait pas être locataire, il lui aurait incombé de le préciser et de demander de biffer la mention la désignant comme telle, ce qu'elle n'a pas fait.

Le fait qu'il n'y ait que deux signatures sous la rubrique "locataires" n'établit pas, contrairement à ce que soutiennent les appelants, que C______ aurait compris qu'elle signait pour engager la société et que B______ signait pour s'engager lui-même. Une telle interprétation ne trouve aucune assise ni dans le texte du contrat, ni dans les circonstances de fait. L'on ne voit au demeurant pas quelle troisième personne aurait pu signer ce contrat.

Comme l'a retenu à juste titre le Tribunal, le fait que C______ ait signé l'avenant du 4 février 2015 alors qu'elle n'était plus gérante de la société atteste de ce qu'elle entendait bien s'engager personnellement comme locataire. A supposer qu'elle ait signé cet avenant sans se soucier de ce qu'il signifiait, en se contentant de faire ce que B______ lui demandait, comme l'allèguent les appelants, il lui incombe d'en supporter les conséquences. En effet, nul ne peut invoquer sa bonne foi si elle est incompatible avec l'attention que les circonstances permettaient d'exiger de lui (art. 3 al. 1 CC).

L'existence d'un accord des volontés réelles des parties permettant de retenir que le contrat est bien conclu étant établie, il n'y a pas lieu d'interpréter celui-ci en défaveur de son rédacteur, comme le plaident les appelants.

Par ailleurs, le Tribunal a considéré à bon droit que C______ n'avait pas invalidé le contrat pour erreur essentielle dans les délais légaux.

Même à supposer que, comme le soutiennent les appelants, cette dernière n'ait pas reçu la mise en demeure du 5 mars 2019, les pièces produites attestent que l'avis comminatoire du 22 mai 2019, lui a été distribué le 24 mai 2019.

Le délai pour invalider le contrat arrivait ainsi à échéance le 24 mai 2020 au plus tard et aucune déclaration d'invalidation n'est intervenue avant cette date.

En tout état de cause, aucun motif d'invalidation pour erreur essentielle au sens de l'art. 24 CO n'est réalisé.

C______ est donc bien liée par le bail et ses avenants de sorte que le chiffre 1 du dispositif du jugement querellé sera confirmé.

Les considérations qui précèdent scellent d'ores et déjà le sort des conclusions subsidiaires des appelants.

4. Le Tribunal a retenu qu'il résultait du décompte produit sous pièce 42 par l'intimée que, au 1er août 2021, l'arriéré de loyer était de 359'689 fr. 45. Les appelants n'avaient pas établi avoir payé d'autres montants que ceux figurant dans les décomptes produits par l'intimée. Dans la mesure où celle-ci n'avait réclamé que le paiement de 265'877 fr. 05, le Tribunal ne pouvait pas lui allouer plus que ce qu'elle demandait.

Les appelants font valoir que le Tribunal aurait statué ultra petita en allouant des intérêts à l'intimée, qui n'en avait pas requis dans sa demande et en prononçant la mainlevée définitive de l'opposition, alors que l'intimée n'avait demandé que la mainlevée provisoire. Certains paiements n'avaient pas été pris en compte dans la pièce 42 de l'intimée, notamment un paiement de 15'635 fr. 40 effectué le 10 juin 2021. Des montants de 125'095 fr. 85 au total avaient de plus été versés entre juillet 2019 et février 2020, de sorte que le montant dû était au maximum de 140'781 fr. 20 soit 265'877 fr. 05 sous déduction de 125'095 fr. 85.

4.1
4.1.1 A teneur de l'art. 227 al. 1 CPC, la demande peut être modifiée si la prétention nouvelle ou modifiée relève de la même procédure et présente un lien de connexité avec la dernière prétention.

En vertu de l'art. 229 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont admis aux débats principaux que s'ils sont invoqués sans retard et qu'ils remplissent l'une des conditions suivantes: a. ils sont postérieurs à l'échange d'écritures ou à la dernière audience d'instruction (novas proprement dits); b. ils existaient avant la clôture de l'échange d'écritures ou la dernière audience d'instruction mais ne pouvaient être invoqués antérieurement bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (novas improprement dits).

Selon l'art. 230 al. 1 CPC, la demande ne peut être modifiée aux débats principaux que si les conditions fixées à l'art. 227 al. 1 CPC sont remplies et si la modification repose sur des faits ou des moyens de preuve nouveaux.

4.1.2 Selon l'art. 58 CPC, le tribunal ne peut accorder à une partie ni plus ni autre chose que ce qui est demandé, ni moins que ce qui est reconnu par la partie adverse.

4.1.3 Le juge n'est pas lié par le type de mainlevée requis par le demandeur. Il peut accorder la mainlevée provisoire même lorsque la mainlevée définitive a été requise et inversement (Abbet/ Veuillet, La mainlevée de l'opposition, 2017, n. 64 ad art. 84 LP).

4.2 En l'espèce, l'intimée était en droit d'amplifier ses conclusions à hauteur de 265'877 fr. 05 lors de l'audience de débats d'instruction du 14 janvier 2021 puisque, conformément à l'art. 227 al. 1 CPC, à ce stade, l'amplification des conclusions était autorisée à la seule condition que la prétention nouvelle présente un lien de connexité avec la dernière prétention, ce qui était le cas.

L'intimée n'a cependant pas conclu lors de cette audience au versement d'intérêts moratoires sur cette somme. Ses premières conclusions en ce sens, prises dans ses plaidoiries finales déposées le 16 août 2021, lesquelles ne sont pas fondées sur des faits nouveaux recevables, sont tardives et par conséquent irrecevables.

C'est par conséquent à tort que le Tribunal a condamné les appelants au versement d'intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er janvier 2020 courant sur le montant en capital de 265'877 fr. 05.

En condamnant les appelants à payer 265'877 fr. 05 en capital à l'intimée, le Tribunal a par contre dûment pris en compte tous les montants versés par ceux-ci.

Contrairement à ce que font valoir les appelants, tous les paiements qu'ils ont effectués entre juillet 2019 et février 2020, ainsi que leur versement en 15'635 fr. 40 opéré le 10 juin 2021 figurent bel et bien sur le décompte produit par l'intimée sous pièce 42, lequel fait état d'un solde dû de 359'689 fr. 45 au 1er août 2021.

Ce qui précède est confirmé par le fait que, dans leurs écritures déposées devant le Tribunal, les appelants n'ont pas contesté la quotité des montants réclamés par l'intimée, ni allégué que les poursuites n° 2______, 3______ et 4______ étaient éteintes.

Le Tribunal était par ailleurs en droit de prononcer la mainlevée définitive de l'opposition, même si la mainlevée provisoire était requise, conformément aux principes juridiques susmentionnés.

Il résulte de ce qui précède que le chiffre 5 du dispositif du jugement querellé sera modifié, en ce sens que la condamnation des appelants au paiement de 265'877 fr. 05 ne sera pas assortie d'intérêts moratoires. Le chiffre 6 du dispositif du jugement sera quant à lui confirmé.

5. Il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens, s'agissant d'une cause soumise à la juridiction des baux et loyers (art. 22 al. 1 LaCC).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 24 janvier 2022 par A______ SARL, B______ et C______ contre le jugement JTBL/1012/2021 rendu le 6 décembre 2021 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/28896/2019-5-OSE.

Au fond :

Annule le chiffre 5 du dispositif du jugement querellé et, statuant à nouveau :

Condamne A______ SARL, B______ et C______ à verser conjointement et solidairement 265'877 fr. 05 à D______.

Confirme le jugement querellé pour le surplus.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Pauline ERARD et Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ et Monsieur Grégoire CHAMBAZ, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Sylvie DROIN

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.