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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/3638/2019

ACJC/354/2022 du 14.03.2022 ( OBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3638/2019 ACJC/354/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du LUNDI 14 MARS 2022

 

Entre

A______ SA, sise ______, recourante contre une ordonnance rendue par le Tribunal des baux et loyers le 3 août 2021, comparant par Me Corinne CORMINBOEUF HARARI et Me Aude PEYROT, avocates, rue du Rhône 100, case postale 3403,
1211 Genève 3, en l'étude desquelles elle fait élection de domicile,

et

B______ SA, sise ______, intimée, comparant par Me Cécile BERGER MEYER, avocate, route de Chêne 30, case postale 615, 1211 Genève 6, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           Par ordonnance du 3 août 2021, expédiée pour notification aux parties le 5 août 2021, le Tribunal a ordonné la jonction des causes C/3638/2019 et C/984/2020 sous n° C/3638/2019.

B.            Par acte du 6 septembre 2021 à la Cour de justice, A______ SA a formé recours contre l'ordonnance précitée. Elle a conclu à l'annulation de celle-ci, et à la disjonction des causes, subsidiairement au renvoi de la cause au Tribunal.

B______ SA a conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement au rejet de celui-ci.

Par réplique et duplique respectives, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

Par avis du 29 novembre 2021, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Il résulte de la procédure de première instance les faits pertinents suivants :

a. A______ SA a pris à bail des surfaces de bureaux, de dépôts et de places de parking dans l'immeuble sis 2______ à Genève.

Les 18 et 25 janvier 2019, les baux desdits locaux ont été résiliés.

Le 26 août 2019, A______ SA a saisi le Tribunal d'une action en nullité/annulation de congé, subsidiairement prolongation de bail, laquelle a été enregistrée sous n° C/3638/2019.

Deux échanges d'écritures ont été ordonnés.

b. A la suite du transfert de propriété de l'immeuble précité à B______ SA le 26 septembre 2019, les baux susvisés ont fait l'objet d'une nouvelle résiliation le 19 décembre 2019, "par mesures superfétatoires, par abondance de moyens, et sous toutes réserves".

Le 22 juin 2020, A______ SA a saisi le Tribunal d'une action en nullité/annulation de congé, subsidiairement prolongation de bail, enregistrée sous n° C/984/2020.

Deux échanges d'écritures ont été ordonnés.

c. A______ SA allègue que la motivation avancée par B______ SA aux congés dans les écritures déposées dans la procédure n° C/984/2020 est contradictoire avec celle avancée dans les écritures déposées dans la procédure n° C/3638/2019, et que B______ SA a requis la jonction des deux causes précitées afin de pouvoir intégrer cette nouvelle motivation dans la première de ces causes, alors même que l'échange d'écritures y était achevé.

B______ SA le conteste.

EN DROIT

1. 1.1 L'ordonnance querellée constitue une décision d'ordre procédural, qui entre dans la catégorie des autres décisions et ordonnances d'instruction de première instance (art. 319 let. b CPC) et qui est, par nature, exclue du champ de l'appel (JEANDIN, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 11, 14 et 15 ad art. 319 CPC).

La décision entreprise est en revanche susceptible d'un recours immédiat stricto sensu pour autant que le recourant soit menacé d'un préjudice difficilement réparable au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC.

La Cour examine d'office si les conditions de recevabilité d'un tel recours sont réunies (art. 60 CPC; JEANDIN, op. cit., n. 9 ad art. 312 CPC).

1.2 Il s'agit de déterminer si l'ordonnance querellée est susceptible de causer un préjudice difficilement réparable à la recourante.

La notion de "préjudice difficilement réparable" est plus large que celle de "préjudice irréparable" au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 138 III 378 consid. 6.3; 137 III 380 consid. 2, in SJ 2012 I 73; ACJC/327/2012 du 9 mars 2012 consid. 2.4).

Est considérée comme "préjudice difficilement réparable" toute incidence dommageable (y compris financière ou temporelle), pourvu qu'elle soit difficilement réparable. L'instance supérieure devra se montrer exigeante, voire restrictive, avant d'admettre l'accomplissement de cette condition, sous peine d'ouvrir le recours à toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu; il s'agit en effet de se prémunir contre le risque d'un prolongement sans fin du procès (JEANDIN, op. cit., n. 22 ad art. 319 CPC; REICH in Baker & Mc Kenzie, Schweizerische Zivilprozessordnung (ZPO), 2010, n. 8 ad art. 319 CPC, n. 10 ad art. 319 CPC).

Le préjudice sera ainsi considéré comme difficilement réparable s'il ne peut pas être supprimé ou seulement partiellement, même dans l'hypothèse d'une décision finale favorable au recourant (REICH, op. cit., n. 8 ad art. 319 CPC; Bastons BULLETTI, Petit commentaire, Code de procédure civile, 2020, n. 11 ad art. 319 CPC et les référence citées), ce qui surviendra par exemple lorsque des secrets d'affaires sont révélés ou qu'il y a atteinte à des droits absolus à l'instar de la réputation, de la propriété et du droit à la sphère privée, ou encore, lorsqu'une ordonnance de preuve ordonne une expertise ADN présentant un risque pour la santé ce qui a pour corollaire une atteinte à la personnalité au sens de l'art. 28 CC (JEANDIN, op. cit., n. 22a ad art. 319 CPC et les références citées).

Une simple prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci ne constitue pas un préjudice difficilement réparable (SPÜHLER, Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 3ème éd. 2017, n. 7 ad art. 319 CPC; Bastons BULLETTI, op. cit., n. 12 ad art. 319 CPC et les références citées).

C'est au recourant qu'il appartient d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision incidente lui cause un préjudice difficilement réparable, à moins que cela ne fasse d'emblée aucun doute (par analogie ATF 137 III 324 consid. 1.1;
134 III 426 consid. 1.2 et 133 III 629 consid. 2.3.1).

Lorsque la condition du préjudice difficilement réparable n'est pas remplie, la décision incidente n'est alors attaquable qu'avec le jugement au fond (Message du Conseil fédéral relatif au CPC, FF 2006 6841, p. 6984; JEANDIN, op. cit.,
n. 24 et ss ad art. 319 CPC; BRUNNER, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2016, n. 13 ad art. 319 CPC).

1.2.1 L'art. 125 let. c CPC prévoit que pour simplifier le procès, le tribunal peut ordonner la jonction des causes.

Selon la jurisprudence, les parties n'ont pas un droit à la jonction des procédures, laquelle relève exclusivement de l'appréciation du tribunal qui conduit le procès (arrêt du Tribunal fédéral 4A_710/2016 du 19 juin 2017 consid. 2.3 et les références citées).

1.3 En l'occurrence, la recourante soutient qu'elle subirait un dommage difficilement réparable du fait que l'administration des preuves porterait sur tous les allégués et offres de preuves contenues dans "l'ensemble des écritures sans aucune distinction entre les éléments admissibles et inadmissibles", octroyant de la sorte un avantage injustifié à l'intimée.

Cette argumentation ne permet pas de distinguer en quoi un supposé préjudice subi par la recourante au vu de ce qu'elle avance ne pourrait pas être supprimé ou seulement partiellement, dans l'hypothèse d'une décision finale qui lui serait favorable.

Il s'ensuit que l'ordonnance attaquée, qui règle une question relevant exclusivement de l'appréciation du Tribunal, n'est pas susceptible de causer un préjudice difficilement réparable à la recourante.

Dès lors, le recours est irrecevable pour ce motif, ce qui dispense la Cour d'examiner si le délai dans lequel celui-ci a été formé est conforme aux dispositions légales.

2. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

Déclare irrecevable le recours formé par A______ SA contre l'ordonnance rendue le 3 août 2021 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/3638/2019-6-OSB.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ et Monsieur   Grégoire CHAMBAZ, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.2.