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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/9769/2021

ACJC/267/2022 du 28.02.2022 sur JTBL/757/2021 ( SBL ) , IRRECEVABLE

Normes : CPC.326; LaCC.30.al4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/9769/2021 ACJC/267/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 28 FEVRIER 2022

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______[GE], recourante contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 16 septembre 2021, d'abord représentée par l'ASLOCA, puis comparant en personne,

et

FONDATION B______, sise ______[GE], intimée, comparant par Me Bénédict FONTANET, avocat, Grand-Rue 25, case postale 3200, 1211 Genève 3, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/757/2021 non motivé du 16 septembre 2021, puis motivé du 14 octobre 2021, reçu par A______ le lendemain, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire, en protection de cas clair, a condamné la précitée à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens, ainsi que de toute autre personne faisant ménage commun avec elle, l'appartement de 4 pièces situé au 3ème étage de l'immeuble sis 1______, C______[GE], ainsi que la cave en dépendant (ch. 1 du dispositif), a autorisé FONDATION B______ à requérir l'évacuation par la force publique de l'intéressée dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), a condamné A______ à payer à FONDATION B______ la somme de 3'439 fr. 20 avec intérêts à 5% dès le 1er août 2021 (ch. 3), a ordonné la libération en faveur de FONDATION B______ de la garantie de loyer (de 2'000 fr.), venant en déduction du montant fixé sous chiffre 3 (ch. 4), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 6).

S'agissant des points litigieux devant la Cour, le Tribunal a considéré que FONDATION B______ avait été fondée à notifier congé à A______, l'ensemble des conditions prévues par l'art. 257d al. 2 CO ayant été respectées. Depuis l'expiration du terme fixé, la précitée avait occupé sans droit l'appartement en cause, de sorte que son évacuation devait être prononcée. Les premiers juges ont pour le surplus fait droit aux mesures d'exécution sollicitées, sans autre motivation.

B. a. Par acte déposé le 21 octobre 2021 à la Cour de justice, A______ a formé appel et recours contre ce jugement, sollicitant son annulation. Elle a conclu, principalement, à ce que la Cour déboute FONDATION B______ de sa demande d'évacuation et, subsidiairement lui accorde un délai humanitaire de 9 mois, échéant le 31 juillet 2022 et l'autorise à restituer la chose louée avec un préavis de 15 jours pour le 15 ou la fin d'un mois.

Elle a allégué de nouveaux faits et a produit de nouvelles pièces.

b. Par arrêt présidentiel du 28 octobre 2021 (ACJC/1404/2021), la Cour a fait droit à la conclusion préalable de A______ tendant à la suspension du caractère exécutoire du chiffre 2 de la décision entreprise, et a rectifié la qualité de D______ en FONDATION B______.

c. Dans sa réponse du 4 novembre 2021, FONDATION B______ a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions.

d. Les parties ont répliqué et dupliqué les 17 et 26 novembre 2021.

e. Elles ont été avisées par plis du greffe du 11 janvier 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure de première instance :

a. Les parties ont été liées par un contrat de bail à loyer du 10 avril 2018 portant sur la location d'un appartement de 4 pièces avec cave situé au 3ème étage de l'immeuble sis avenue 1______ à C______.

Le montant du loyer et des charges a été fixé en dernier lieu à 1'066 fr. par mois.

b. Par avis comminatoire du 12 janvier 2021, FONDATION B______ a mis en demeure A______ de lui régler dans les 30 jours le montant de 2'056 fr. 20 à titre d'arriéré de loyer et de charges pour les mois de novembre 2020 à janvier 2021 et l'a informée de son intention, à défaut du paiement intégral de la somme réclamée dans le délai imparti, de résilier le bail conformément à l'art. 257d CO.

c. Considérant que la somme réclamée n'avait pas été intégralement réglée dans le délai imparti, FONDATION B______ a, par avis officiel du 23 février 2021, résilié le bail pour le 31 mars 2021.

d. Par requête en protection de cas clair adressée au Tribunal le 21 mai 2021, FONDATION B______ a conclu à l'évacuation de la locataire, avec exécution directe du jugement d'évacuation. Elle a également conclu à la condamnation de la locataire à lui verser la somme de 2'430 fr. à titre de loyers et charges au 31 mars 2021 et frais de rappel, avec intérêts à 5% l'an dès le 1er avril 2021, sous réserve d'amplification, et à être autorisée à prélever ce montant sur la garantie de loyer constituée auprès de E______ SA.

e. A l'audience du Tribunal du 24 juin 2021, FONDATION B______ a précisé que l'arriéré s'élevait à 2'411 fr. 20, le dernier versement en 1'085 fr. datant du 26 mai 2021.

A______, comparant en personne, a déclaré vivre dans l'appartement avec ses deux enfants, âgés de 17 et 21 ans. Elle faisait l'objet de poursuites et d'une saisie sur salaire de sorte qu'après saisie, elle disposait d'un montant résiduel mensuel de 2'400 fr. Elle travaillait à 100% et son travail était primordial vu sa situation, de sorte qu'elle n'arrivait jamais à se rendre à temps aux rendez-vous avec son assistante sociale. Elle avait mis en place un ordre permanent mais celui-ci n'avait pas pu être exécuté, le compte n'étant pas suffisamment approvisionné. Elle a proposé de verser 1'400 fr. par mois pour résorber l'arriéré.

Le représentant de la bailleresse n'étant pas en mesure de se prononcer sur cette proposition, il a été convenu de reconvoquer la cause à deux mois pour faire le point de la situation.

A teneur du procès-verbal, A______ n'a pas pris de conclusions formelles.

f. Lors de l'audience du 16 septembre 2021, la bailleresse a déclaré que l'engagement pris par la locataire n'avait pas été respecté et que l'arriéré se montait alors à 3'439 fr. 20, décompte à l'appui. Elle a amplifié ses conclusions en paiement en ce sens et a persisté dans ses conclusions pour le surplus.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre des baux et loyers connaît des appels et des recours dirigés contre les jugements du Tribunal des baux et loyers (art. 122 let. a LOJ).

1.2 La voie de l'appel est ouverte contre les décisions d'évacuation, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC) alors que la voie du recours est ouverte contre les décisions du Tribunal de l'exécution (art. 309 let. a CPC; art. 319 let. a CPC).

Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche le congé est également contesté, il y a lieu de prendre en compte la durée prévisible pendant laquelle l'usage de l'objet se prolongerait si le congé était éventuellement invalidé, soit la période de protection de trois ans de l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3 - JdT 2019 II 235 pp. 236 et 239).

En l'espèce, compte tenu du loyer mensuel, charges comprises, de 1'066 fr., la valeur litigieuse s'élève à 6'396 fr., de sorte que le montant minimal prévu pour l'appel n'est pas atteint. La voie de l'appel n'est en conséquence pas ouverte.

Par ailleurs, seule la voie du recours est ouverte contre les décisions du tribunal de l'exécution (art. 309 let. a et 319 let. a CPC).

1.3 Interjeté selon la forme et dans le délai prescrits, le recours est recevable (art. 321 al. 1 et 2 CPC), sous réserve de ce qui suit.

1.4 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits
(art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2010, n. 2307).

1.5 Les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).

Dès lors que la recourante n'a pris aucune conclusion devant le Tribunal, en particulier s'agissant des mesures d'exécution de l'évacuation, ses conclusions en octroi d'un sursis sont nouvelles et partant irrecevables. Il en va de même des faits nouvellement allégués par la recourante ainsi que des pièces nouvellement produites.

Ce constat emporte l'irrecevabilité du recours.

2. En tout état, même s'il avait été recevable, le recours aurait été infondé.

2.1 L'exécution forcée d'un jugement ordonnant l'expulsion d'un locataire est réglée par le droit fédéral (cf. art. 335 et ss CPC).

En procédant à l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit tenir compte du principe de la proportionnalité. Lorsque l'évacuation d'une habitation est en jeu, il s'agit d'éviter que des personnes concernées ne soient soudainement privées de tout abri. L'expulsion ne saurait être conduite sans ménagement, notamment si des motifs humanitaires exigent un sursis, ou lorsque des indices sérieux et concrets font prévoir que l'occupant se soumettra spontanément au jugement d'évacuation dans un délai raisonnable (ATF 117 Ia 336 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7; 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

L'art. 30 al. 4 LaCC concrétise le principe de la proportionnalité en prévoyant que le Tribunal peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement d'évacuation dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire ou du fermier lorsqu'il est appelé à statuer sur l'exécution d'un jugement d'évacuation d'un logement, après audition des représentants du département chargé du logement et des représentants des services sociaux ainsi que des parties.

S'agissant des motifs de sursis, différents de cas en cas, ils doivent être dictés par des "raisons élémentaires d'humanité". Sont notamment des motifs de ce genre la maladie grave ou le décès de l'expulsé ou d'un membre de sa famille, le grand âge ou la situation modeste de l'expulsé. En revanche, la pénurie de logements ou le fait que l'expulsé entretient de bons rapports avec ses voisins ne sont pas des motifs d'octroi d'un sursis (ACJC/269/2019 du 25 février 2019 consid. 3.1; ACJC/247/2017 du 6 mars 2017 consid. 2.1; ACJC/422/2014 du 7 avril 2014 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral du 20 septembre 1990, in Droit du bail 3/1991 p. 30 et les références citées).

Le juge ne peut pas différer longuement l'exécution forcée et, ainsi, au détriment de la partie obtenant gain de cause, éluder le droit qui a déterminé l'issue du procès. Le délai d'exécution ne doit notamment pas remplacer la prolongation d'un contrat de bail à loyer lorsque cette prolongation ne peut pas être légalement accordée à la partie condamnée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7; 4A_389/2017 du 26 septembre 2017 consid. 8; 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

2.2 Dans le présent cas, le Tribunal a considéré que le jugement d'évacuation pouvait être exécuté par la force publique dès son entrée en force.

Les allégations de la recourante relative à sa situation financière ne sont corroborées par aucune pièce du dossier. Par ailleurs, la recourante n'a ni allégué ni rendu vraisemblable avoir procédé à des recherches de solution de relogement depuis la résiliation du bail au 31 mars 2021.

En outre, la recourante n'explique pas en quoi les dispositions constitutionnelles relatives au droit au logement, tel que garanti par l'art. 38 de la Constitution genevoise, qu'elle invoque, permettraient de surseoir à son évacuation. Il est rappelé à cet égard que les rapports entre particuliers relèvent directement des seules lois civiles et pénales et que c'est donc par celles-ci que l'individu est protégé contre les atteintes que d'autres sujets de droit privé pourraient porter à ses droits constitutionnels (ATF 107 Ia 277 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_252/2017 du 21 juin 2017 consid. 5).

Enfin, la recourante a, de fait, bénéficié lors du dépôt de son recours de près de sept mois d'occupation sans droit de l'appartement, et de près de dix mois lors du prononcé du présent arrêt. Elle n'est en tout état pas fondée à obtenir, par un sursis humanitaire de neuf mois qu'elle requière, une prolongation de bail, à laquelle elle ne peut prétendre.

3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

Déclare irrecevable le recours interjeté le 21 octobre 2021 par A______ contre le jugement JTBL/757/2021 rendu le 16 septembre 2021 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/9769/2021-7-SE.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Zoé SEILER et Monsieur Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119
et 90 ss LTF. Le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.