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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/12532/2019

ACJC/1282/2021 du 11.10.2021 sur JTBL/145/2021 ( OBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/12532/2019 ACJC/1282/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 11 OCTOBRE 2021

 

Entre

Madame A______, domiciliée c/o Mme B______, ______, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 22 février 2021, comparant par Me Michael ANDERS, avocat, boulevard des Tranchées 36, 1206 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur C______, domicilié ______, intimé, comparant par Me Etienne MAITRE, avocat, rue Saint-Léger 8, 1205 Genève, en l'étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/145/2021 du 22 février 2021, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal), statuant par voie de procédure simplifiée, a débouté A______ des fins de sa demande formée à l'encontre de C______ (ch. 1 du dispositif), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et dit que la procédure était gratuite (ch. 3).

B. a. Par acte expédié le 1er avril 2021 à la Cour de justice, A______ forme appel contre ce jugement, qu'elle a reçu le 2 mars 2021, concluant à son annulation et au renvoi de la cause au Tribunal en vue d'instruction du fond de la cause.

b. Par réponse du 10 mai 2021, C______ conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris, sous suite de frais et dépens.

Il produit des pièces nouvelles.

c. Par arrêt présidentiel du 18 mai 2021, la Cour a admis la requête de C______ tendant à l'exécution provisoire du jugement querellé.

d. Par réplique du 17 mai 2021, A______ a persisté dans ses conclusions.

e. C______ n'ayant pas fait usage de son droit à la duplique, les parties ont été avisées par courrier du greffe de la Cour du 8 juin 2021 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier.

a. Le 1er juin 2009, D______, en qualité de propriétaire, et E______, en qualité de locataire, ont conclu un contrat de bail portant sur une arcade d'environ 75m2 au rez-de-chaussée de l'immeuble sis à l'avenue 1______ à Genève, pour un loyer annuel de 32'400 fr. Les locaux étaient destinés à l'exploitation d'une boulangerie-tea-room exclusivement.

De fait, les locaux sont exploités à l'enseigne "F______".

b. C______ allègue avoir été gérant de l'arcade précitée jusqu'au 31 mars 2015. Dans ce cadre, il soutient avoir engagé A______ et B______, lesquelles ont signé une attestation le 11 mars 2015, selon laquelle leur salaire leur a été régulièrement versé par celui-ci du 1er septembre 2012 au 31 mars 2015.

c. Selon convention du 23 août 2012, C______, désigné comme propriétaire, a remis la gérance de l'arcade susmentionnée à A______ et B______ en qualité de gérantes.

Le contrat a été conclu pour une durée initiale d'un an, du 1er septembre 2012 au 31 août 2013, renouvelable tacitement d'année en année sauf résiliation respectant un préavis de trois mois.

Le "droit de gérance" était fixé à 5'000 fr. par mois, ce montant incluant le loyer.

L'arcade était mise à disposition équipée et meublée conformément à l'inventaire annexé au contrat.

d. C______ a été inscrit au Registre du commerce de Genève du ______ au ______ 2015, en entreprise individuelle, dont le but était l'exploitation d'un restaurant. A______ était au bénéfice d'une procuration, avec signature collective à deux.

e. Le bail principal a été transféré à C______ dès le 1er janvier 2015.

f. Le 30 mars 2015, un contrat de gérance, identique à la convention du 23 août 2012, a été signé entre C______, dénommé "propriétaire" et A______ et B______, dénommées "gérantes". Le contrat était conclu pour une durée de 16 ½ mois, du 15 avril 2015 au 31 août 2016.

Le "droit de gérance " était fixé à 5'500 fr. par mois, loyer inclus, et était payable la première fois le 15 avril 2015.

g. A______ est inscrite au Registre du commerce depuis le ______ 2015, en qualité d'exploitante, en raison individuelle, du "F______".

h. Le 21 avril 2015, la régie en charge de l'arcade a donné son accord à C______ pour la conclusion du contrat de gérance à 5'500 fr. par mois, compte tenu du caractère provisoire de celui-ci.

i. Un avenant, à teneur duquel le contrat de gérance était prolongé pour une durée déterminée de trois ans, du 1er août 2017 au 31 juillet 2020, a été conclu entre C______, d'une part, et A______ et B______, d'autre part, le 24 juillet 2017, les autres dispositions du contrat restant inchangées.

j. Un nouveau contrat de bail a été signé entre C______, locataire, et G______, fils de D______, portant sur l'arcade sise 1______, pour un loyer annuel de 33'600 fr. Le contrat a été conclu pour une durée de 5 ans, du 1er septembre 2017 au 31 août 2022.

k. Le 21 avril 2019, C______ a signé, à I______, une procuration générale en faveur de son fils, H______, s'étendant à tous les actes et actions juridiques de la vie courante qu'il aurait effectués personnellement pour autant que la loi n'en dispose pas autrement.

l. Le 8 août 2019, une ordonnance pénale a été prononcée à l'encontre de H______, pour lésions corporelles simples et menaces sur la personne du mari de A______, suite à une altercation dans le "F______" du 8 mars 2019.

Opposition a été formée contre cette ordonnance. La procédure est toujours pendante.

m. Par courrier recommandé de son conseil du 14 mai 2019, A______ a mis C______ en demeure de lui communiquer des coordonnées bancaires pour le versement du fermage, sous menace de consignation de loyer.

n. A______ a consigné les fermages à hauteur de 5'000 fr. par mois dès le mois de mai 2019 (avis n° 2______).

o. Par courriel du 21 juin 2019, H______ a transmis au conseil de A______ les coordonnées bancaires pour le paiement du loyer.

p. C______ n'est plus domicilié en Suisse depuis le 26 décembre 2019, date à laquelle il est parti s'installer à I______ en Turquie, selon attestation de l'Office cantonal de la population et des migrations du 17 février 2020.

D. a. Par requête déposée le 4 juin 2019 par-devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, déclarée non conciliée lors de l'audience du 9 septembre 2019 et portée devant le Tribunal le 9 octobre suivant, A______ a conclu à ce que le Tribunal valide la consignation, diminue le fermage afin que celui-ci ne dépasse pas 4'000 fr. par mois dès le 1er septembre 2012, condamne C______ à lui restituer le trop-perçu de 171'500 fr. avec intérêts à 5% dès le 14 décembre 2016, fixe le fermage à 4'000 fr. par mois dès le 1er novembre 2019, condamne C______ à lui verser le montant de 10'000 fr. pour les travaux réalisés et les meubles achetés et à lui communiquer ses coordonnées bancaires pour le paiement des prochaines mensualités.

b. Par réponse du 20 février 2020, C______, représenté par son conseil, muni d'une procuration signée par H______, représentant son père, a conclu, sur mesures provisionnelles et sur le fond, à ce que le Tribunal annule la consignation, ordonne la libération des loyers consignés en sa faveur et déboute A______ de toutes ses conclusions.

c. Par ordonnance du même jour, le Tribunal a imparti à A______ un délai pour se déterminer sur mesures provisionnelles et sur la question de la légitimation active, soulevée par C______ dans sa réponse.

d. Par détermination du 26 mars 2020, A______ a conclu au déboutement de C______ de toutes ses conclusions. Sur mesures provisionnelles, elle a opposé la compensation avec sa créance en réduction des fermages.

Elle a allégué nouvellement que B______ avait repris en gérance le "J______" dans le quartier de K______, par l'intermédiaire de C______ et avait quitté le "F______" depuis le 1er avril 2015. Ainsi, celle-ci n'était plus partie au contrat du 30 mars 2015 en qualité de gérante mais uniquement de codébitrice solidaire.

e. Par ordonnance du 9 juin 2020 le Tribunal a rejeté la requête de mesures provisionnelles de C______ et a réservé la question de la légitimation active de A______ dans le cadre de la procédure au fond.

f. Le 3 août 2020, A______ et B______ ont déposé une action conjointe à l'encontre de C______ visant à constater que les parties étaient liées par un contrat de bail à ferme de durée indéterminée, portant sur l'arcade sise ______ à Genève (C/3______/2020).

Le 14 août 2020, C______ a à son tour formé une action en évacuation à l'encontre de A______ et de B______ (C/4______/2020 et C/5______/2020).

g. Lors de l'audience de débats d'instruction du 29 septembre 2020, A______ a sollicité l'audition de témoins afin d'établir que B______ n'était plus garante dans la convention du 15 mars 2015, ayant repris l'exploitation d'un autre établissement; C______ s'y est opposé et a conclu à l'audition de H______, ce à quoi sa partie adverse a consenti.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a limité la procédure à la question de la qualité pour agir de A______.

h. Par ordonnance du 6 novembre 2020, le Tribunal a clos la phase d'administration des preuves et imparti aux parties un délai pour le dépôt de leurs plaidoiries finales sur la question de la qualité pour agir de A______.

i. Dans des écritures du 7 décembre 2020, A______ a soutenu que le comportement de C______ relevait de l'abus de droit, de sorte que l'objection tirée de l'absence de consorité active devait être écartée. Elle a également émis des doutes sur le pouvoir de représentation de H______ et, partant, sur la connaissance par C______ de l'existence de la procédure, sans prendre de conclusions à cet égard.

j. Dans ses plaidoiries finales du 7 décembre 2020, C______ a soutenu que A______ n'avait pas seule qualité pour agir, de sorte que sa demande devait être rejetée. Il a conclu à l'annulation de la consignation n° 2______, à la libération immédiate de l'intégralité des loyers et indemnités pour occupation illicite consignés sur le compte précité en sa faveur et au déboutement de son adverse partie de l'intégralité de ses conclusions.

k. Par ordonnance du 2 février 2021 prononcée à la suite d'un changement de composition du Tribunal, celui-ci a indiqué garder la cause à juger à compter du 15 février 2021.

E. Dans la décision querellée, le Tribunal a retenu que, au vu des pièces produites, la volonté des parties lors de la conclusion de la convention de mars 2015 étaient de se lier par un bail commun. Le simple fait que B______ ait repris la gérance d'un autre établissement au su du bailleur ne suffisait pas à démontrer que son rôle était limité à celui de simple garante dans la convention de mars 2015. A______ et B______ avaient agi de concert en constatation de l'existence d'un bail à ferme contre le bailleur, ce qui corroborait le fait que celles-ci s'estimaient colocataires. Finalement, le 24 juillet 2017, les parties avaient signé un avenant à la convention de mars 2015, sans modification du statut de B______, alors que celle-ci avait déjà repris la gérance d'un autre établissement depuis plus de deux ans. A______ et B______ étaient ainsi consorts nécessaires dans le cadre de la relation contractuelle les liant au bailleur. La première ayant agi seule en fixation du loyer, sa légitimation active faisait défaut de sorte que la demande devait être rejetée.

 

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

La valeur litigieuse est déterminée par les conclusions restées litigieuses devant l'autorité précédente (art. 91 al. 1 CPC).

1.2 En l'espèce, compte tenu des conclusions prises par l'appelante devant le Tribunal, la voie de l'appel est ouverte.

L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2. L'intimé a produit des pièces nouvelles, postérieures à la date à laquelle la cause a été gardée à juger par le Tribunal, de sorte qu'elles sont recevables (art. 317 CPC), bien que non pertinentes pour l'issue du litige.

3. L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir violé son droit à la preuve en refusant l'audition de B______, laquelle aurait permis d'établir que celle-ci n'intervenait que comme garante. Elle reproche également aux premiers juges de n'avoir pas entendu C______ pour établir la réelle intention des parties signataires de la convention. Enfin, elle se plaint d'une absence de motivation de la décision entreprise sur la capacité du fils de l'intimé à le représenter.

3.1 3.1.1 Lorsqu'un bail est conclu entre plusieurs bailleurs et un locataire, entre un bailleur et plusieurs locataires ou entre plusieurs bailleurs et plusieurs locataires, on parle de bail commun. Ces bailleurs ou locataires conjoints sont nommés "cobailleurs" ou "colocataires".

La colocation offre au bailleur l'avantage d'être confronté à deux ou plusieurs locataires qui répondent solidairement des obligations découlant du bail. Il peut réclamer à chacun des colocataires la totalité du loyer, des frais accessoires et des autres obligations économiques découlant du bail. En ce sens, la colocation diminue les risques du bailleur et lui offre une forme de garantie. Dès lors, avant d'octroyer un logement ou un local commercial, le bailleur demande fréquemment qu'un tiers s'engage aux côtés du futur occupant des lieux, par exemple, un père ou une mère signant avec leur fille ou leur fils le bail d'une résidence d'étudiants, une femme fortunée signant un bail d'une étude d'avocats avec son mari avocat pour des motifs de solvabilité. Ces hypothèses correspondent toutes à une colocation, même si le bail commun présuppose d'ordinaire que l'usage des locaux soit cédé à l'ensemble des signataires du contrat. En pratique, certains colocataires, non-occupants des lieux, tentent de soutenir, au moment de devoir assumer leurs obligations, qu'ils n'étaient en réalité que des garants. Leur signature du bail, aux côtés de l'occupant des lieux, n'équivalait, selon eux, qu'à une reprise cumulative de dette, limitée à certaines obligations ou à un cautionnement. Pareille thèse ne doit être admise que dans des cas très exceptionnels, lorsque le bailleur savait pertinemment que le tiers n'entendait intervenir que comme garant. Si une clause explicite du bail ne l'indique pas, le tiers – porteur du fardeau de la preuve – doit le démontrer. Le fait que le tiers ait agi dans l'intérêt de l'occupant des lieux, afin qu'il se voie attribuer le bail, devrait, selon LACHAT, suffire en règle générale à faire admettre l'hypothèse d'une véritable colocation (Lachat/Grobet Thorens/Rubli/Stasny, Le bail à loyer, 2019, p. 85, 94
et 95).

3.1.2 Le bailleur peut exiger qu'un tiers se porte garant du locataire dans l'hypothèse où celui-ci n'assumerait pas ses obligations. Pareille garantie peut prendre la forme d'une reprise cumulative de dette: le tiers (le reprenant) déclare au bailleur qu'il n'occupera pas les locaux, mais accepte d'être débiteur, au même titre que le locataire, du loyer et des frais accessoires. Pour les obligations qu'il assume, le reprenant devient codébiteur solidaire du locataire (art. 143 CO), si bien que le bailleur peut s'adresser indifféremment à l'un ou l'autre. La distinction entre colocataire qui n'occupe pas les locaux et le reprenant de certaines dettes n'est pas toujours aisée, mais, en l'absence d'une clause claire et précise limitant l'engagement du tiers, ce dernier assume, toutes les obligations découlant du contrat et est en réalité un colocataire (Lachat/Grobet Thorens/Rubli/Stasny, op. cit., p. 430).

3.1.3 Pour déterminer si l'on se trouve en présence d'un bail commun ou d'une reprise cumulative de dette, il y a donc lieu d'interpréter le contrat de bail, selon la volonté commune et réelle des parties ou, si une telle volonté ne peut pas être établie, selon le principe de la confiance, en recherchant comment les déclarations et les comportements des parties pouvaient être compris de bonne foi en fonction de l'ensemble des circonstances. Appelé à interpréter un contrat, le juge doit s'efforcer, en premier lieu, de déterminer la commune et réelle intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexacts dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la véritable nature de la convention (art. 18 al 1 CO). Pareille démarche, qualifiée d'interprétation subjective, relève du domaine des faits (ATF 131 III 60). Si la volonté réelle des parties ne peut pas être établie ou s'il s'avère que leurs volontés intimes respectives divergent, le juge procèdera à une interprétation dite objective, qui ressortit au droit, en recherchant comment une déclaration faite par l'un des cocontractants pouvait être comprise de bonne foi par son ou ses destinataires, en fonction de l'ensemble des circonstances ayant précédé ou accompagné la manifestation de volonté, à l'exclusion des événements postérieurs, et en s'écartant au besoin, à certaines conditions, du texte apparemment clair d'une clause contractuelle (ATF 133 III 61; arrêt du TF 4A_437/2009 du 11 novembre 2009 consid. 3; ACJC/1439/2015 du 23 novembre 2015, et les références citées).

3.1.4 A teneur de l'article 70 CPC, les parties à un rapport de droit qui n'est susceptible que d'une décision unique doivent agir ou être actionnées conjointement.

Il y a consorité matérielle nécessaire (active) lorsque plusieurs personnes sont ensemble titulaires du droit en cause, de sorte que chaque titulaire ne peut pas l'exercer seul en justice. Le droit matériel indique dans quels cas la consorité est nécessaire (ATF 136 III 431 in SJ 2011 I 29; 136 III 123; 118 II 168; SJ 1995 p. 53ss; ACJC/1315/2011 du 17 octobre 2011; CR CPC – JEANDIN, op. cit., ad. art. 70 CPC, n°3).

Si en cas de consorité nécessaire, l'action n'est pas introduite par tous les ayants-droits ou n'est pas dirigée contre toutes les personnes obligées, la légitimation active, respectivement, passive, fait défaut et la demande doit être rejetée, car infondée (ATF 138 III 737 consid. 2 in JdT 2013 II 379 ; BK ZPO-ZINGG ad art. 59 N 179).

Le Tribunal fédéral a cependant apporté un premier tempérament à la nécessité de l'action conjointe des colocataires en annulation du congé, jugeant qu'il n'était n'est pas nécessaire que les consorts matériels soient tous demandeurs ou défendeurs; il suffit qu'ils soient tous parties au procès, répartis d'un côté et de l'autre de la barre (ATF 140 III 598).

Le Tribunal fédéral a, dans un arrêt postérieur, étendu ce tempérament à l'action visant la fixation du loyer (demande de baisse de loyer, contestation de la hausse de loyer), pour le motif notamment suivant: s'il est évident qu'un colocataire a intérêt à obtenir une baisse loyer et qu'on voit mal qu'il s'y oppose, cela ne veut pas encore dire qu'il sera toujours prêt à faire les démarches pour former, conjointement avec les autres colocataires, une action en justice et en assumer les frais. On peut notamment envisager qu'un colocataire (demandeur) ait l'intention de requérir une réduction de loyer fondée sur la baisse du taux hypothécaire et qu'un autre soit réticent à la solliciter. Le risque que l'un des colocataires ne fasse aucune démarche pour obtenir une baisse de loyer est d'autant plus grand lorsque ce colocataire ne vit plus depuis longtemps dans l'appartement objet du bail et, a fortiori, s'il est difficile de le retrouver ou a quitté le territoire suisse. Cela étant, le risque que le consort réticent mette en danger les intérêts de son partenaire est réel, ce qui justifie l'introduction d'un tempérament à l'action conjointe (cf. Marie-Françoise SCHAAD, La consorité en procédure civile, 1993, p. 389). A cela s'ajoute que, comme pour l'annulation du congé (art. 273 al. 1 CO), un délai de péremption doit être observé pour la contestation de la hausse de loyer
(art. 270b CO) et pour la demande de baisse de loyer (art. 270a al. 2 CO), ce qui soumet le colocataire demandeur à une contrainte de temps, qui, selon les circonstances, pourra faire obstacle à l'action conjointe et, partant, justifie qu'il puisse agir seul pour préserver ses droits (ATF 146 III 346, Consid. 2.3.2.2).

3.1.5 L'art. 152 al. 1 CPC prévoit que toute partie a droit à ce que le Tribunal administre les moyens de preuves adéquats proposés régulièrement et en temps utile.

Cette disposition s'insère dans le cadre des dispositions relatives à la preuve, dont notamment l'art. 150 al. 1 CPC qui prévoit que la preuve a pour objet les faits pertinents et contestés. Par moyens de preuve «adéquats», il faut comprendre ceux qui sont aptes à forger la conviction du Tribunal sur la réalité d'un fait pertinent, autrement dit dont la démonstration peut avoir une incidence dans l'issue du litige. A cette adéquation objective s'ajoute une adéquation subjective, qui consisterait dans le fait qu'une preuve doive être administrée que si le juge n'est pas fondé à penser qu'elle est inutile (Bohnet/Aldi Handy/Jeandin/Schweizer/Tappy, Commentaire romand, Code de procédure civil, 2019, no 9ss ad art. 152 CPC).

Le droit à la preuve est une composante du droit d'être entendu, il comprend pour l'intéressé le droit de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 133 I 270 consid. 3.1; 133 III 295 consid. 7.1).

L'autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant de manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 136 I 229 consid. 5.3; 138 III 374 consid. 4.3.1).

3.1.6 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) le devoir pour le juge de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et exercer son droit de recours à bon escient. Pour répondre à ces exigences, le juge doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 135 III 513 consid. 3.6.5 et 134 I 83 consid. 4.1). L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits mais peut se limiter à ceux qui, sans arbitraire, apparaissent pertinents (ATF 124 II 146 consid. 2). Ainsi, les parties doivent pouvoir connaître les éléments de fait et de droit retenus par le juge pour arriver au dispositif (TAPPY, Code de procédure civile commenté, Bâle, 2011, n. 7 ad art. 238 CPC).

Une motivation insuffisante constitue une violation du droit d'être entendu, que la juridiction supérieure peut librement examiner aussi bien en appel que dans le cadre d'un recours au sens des art. 319 ss CPC (TAPPY, op. cit., n. 18 ad
art. 239 CPC).

3.1.7 La représentation valable est une condition de recevabilité selon
l'art. 59 CPC. La validité de la procuration doit dès lors être examinée d'office, les parties devant collaborer à l'établissement de l'état de fait pertinent à cet égard (arrêt du Tribunal fédéral 4A_454/2018 du 5 juin 2019 consid. 2.4).

Les actes de procédure accomplis par le falsus procurator sont nuls ex tunc et ne sont pris d'aucune manière en considération (arrêt du Tribunal fédéral 5D_70/2016 du 8 décembre 2016 consid. 1.2).

3.2 En l'espèce, tous les actes relatifs à l'arcade dans laquelle est exploitée le "F______" ont été signés, en 2012, 2015 et 2017, d'une part par l'intimé et d'autre part par l'appelante et B______, en qualité de gérantes. Il est vrai que seule l'appelante figurait au Registre du commerce avec pouvoir de signature collective à deux, aux côtés de l'intimé, de septembre 2012 à avril 2015, et qu'elle a ensuite été seule exploitante du café en raison individuelle dès le ______ 2015, selon ce même registre. Cela étant, même si B______ parait avoir joué un rôle secondaire dans l'exploitation du café, et, comme l'a justement relevé le Tribunal, même à admettre qu'elle ait pris en gérance un autre établissement dès le mois d'avril 2015, aucun élément du dossier ne vient étayer la thèse selon laquelle elle aurait changé de statut entre 2012 et 2015, respectivement 2017. Ce statut est celui d'une colocataire, faute de mention particulière. On voit mal quel aurait été l'intérêt de l'intimé à renoncer à la qualité de colocataire de celle-ci, au profit de celle de simple garante, de sorte que c'est à elle qu'il appartenait de veiller à ce que cela soit clairement exprimé, si tel devait être le cas. Or, l'appelante n'a allégué la qualité de garante de B______ pour la première fois que dans sa détermination du 26 mars 2020, tout en saisissant quelques mois plus tard le Tribunal d'une action conjointe avec celle-ci le 3 août 2020, en constatation de l'existence d'un contrat de gérance entre elles et l'intimé. Tous ces éléments conduisent à considérer que l'appelante et B______ étaient colocataires. Elles auraient ainsi dû agir comme consorts nécessaires ou à tout le moins toutes participer à la procédure, en ce sens que l'appelante aurait dû diriger sa demande en réduction de la gérance non seulement contre l'intimée mais également contre sa colocataire.

L'appelante ayant agi seule, et sans assigner également sa colocataire, c'est à bon droit que le Tribunal a rejeté sa demande.

Au vu des éléments probants qui précèdent, l'audition de B______ et de l'intimé, dont la version aurait sans doute été contradictoire, ne se justifiait pas, par appréciation anticipée des preuves. Le grief de l'appelante tiré de la violation de son droit à la preuve est ainsi infondé.

Enfin, rien ne vient non plus étayer l'affirmation selon laquelle le fils de l'intimé agirait comme falsus procurator. L'appelante ne le soutient d'ailleurs pas clairement, n'ayant jamais conclu à l'irrecevabilité de l'appel ou d'une quelconque écriture, n'a jamais formellement sollicité la production d'une procuration récente et ne tire aucune conclusion des doutes qu'elle prétend avoir. Le Tribunal n'avait ainsi pas à de déterminer sur ce point, et le grief soulevé à cet égard est irrecevable.

Il sera pour le surplus qu'aucun élément du dossier ne permet de mettre en doute la validité de la procuration produite en faveur du fils de l'intimé.

En conclusion, le jugement entrepris sera confirmé.

Par souci de clarté, le dispositif en sera cependant complété en ce sens que la libération des loyers consignés sera ordonnée en faveur de l'intimé, conséquence du déboutement de l'appelante.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 1er avril 2021 par A______ contre le jugement JTBL/145/2021 rendu le 22 février 2021 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/12532/2019-4-OSD.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Cela fait, ordonne la libération des loyers consignés (avis no 2______) en faveur de C______.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Pauline ERARD, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Laurence CRUCHON, Monsieur Stéphane PENET, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.2.