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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/21586/2020

ACJC/1001/2021 du 05.08.2021 sur JTBL/257/2021 ( SBL ) , CONFIRME

Normes : CPC.335; LaCC.30.al4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21586/2020 ACJC/1001/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU JEUDI 5 AOÛT 2021

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], recourante contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 4 mars 2021, représentée par l'ASLOCA, rue
du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle elle fait élection de domicile,

et

B______ SA, sise ______ [VS], intimée, comparant par Me Serge PATEK, avocat, boulevard Helvétique 6, case postale, 1211 Genève 12, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/257/2021 du 4 mars 2021, reçu par A______ le 12 avril suivant, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire, a condamné la précitée à évacuer de sa personne et de ses biens ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec elle l'appartement de 3,5 pièces n° ______ situé au 1er étage de l'immeuble sis rue 2______ [no.] ______ à Genève (ch. 1 du dispositif), a autorisé B______ SA à requérir l'évacuation par la force publique de A______ 60 jours après l'entrée en force du jugement (ch. 2), a condamné la précitée à verser à B______ SA la somme de 1'693 fr. 30, avec intérêts à 5% l'an dès le 1er janvier 2021 (ch. 3), a débouté les parties de toutes autres conclusions, (ch. 4) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 5).

En substance, le Tribunal a retenu que les conditions d'une résiliation anticipée pour défaut de paiement étaient réalisées. Concernant la durée du sursis à l'exécution de l'évacuation, il a considéré que l'état de santé et la situation financière précaire de A______ rendaient difficile la recherche d'une solution de relogement, recherche que la précitée avait d'ailleurs entreprise.

B. a. Par acte expédié le 22 avril 2021 au greffe de la Cour de justice, A______ a formé recours contre ce jugement, sollicitant l'annulation du chiffre 2 de son dispositif. Elle a conclu à ce que la Cour autorise B______ SA à requérir son évacuation par la force publique dès le 1er avril 2022.

Elle a produit une nouvelle pièce.

A______ a reproché au Tribunal de ne pas avoir suffisamment tenu compte de la précarité de sa situation financière.

b. Par arrêt ACJC/523/2021 du 28 avril 2021, la Cour a rejeté la requête de suspension du caractère exécutoire du chiffre 2 du dispositif de la décision entreprise.

c. Dans sa réponse du 5 mai 2021, B______ SA a conclu au rejet du recours.

d. Cette réponse a été transmise à A______ le 5 mai 2021.

e. La précitée n'ayant pas fait usage de son droit de détermination spontanée, les parties ont été avisées par plis du greffe du 31 mai 2021 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Les parties ont été liées par un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 3,5 pièces n° 1______ au 1er étage de l'immeuble sis rue 2______ [no.] ______ à Genève.

Le bail a débuté le 1er septembre 2009, sa première échéance ayant été fixée au 31 août 2010. Il s'est depuis lors renouvelé d'année en année.

Le montant du loyer et des charges a été fixé en dernier lieu à 1'650 fr. par mois.

b. Par avis comminatoires des 15 juin 2020, B______ SA a mis en demeure A______ de lui régler un montant de 6'600 fr. au total à titre d'arriéré de loyer et de charges pour la période de mars 2020 à juin 2020. Pour le mois de mars, elle lui a imparti un délai de 30 jours pour payer 1'650 fr. et pour les mois d'avril à juin 2020, elle lui a imparti un délai de 30 jours pour payer 4'950 fr., ou de 90 jours si le retard de paiement était dû à la pandémie, ceci en application de l'Ordonnance COVID-19 sur le bail à loyer et à ferme. Dans les deux mises en demeure, elle a informé la précitée de son intention, à défaut du paiement intégral des sommes réclamées dans le délai imparti, de résilier le bail conformément à l'art. 257d CO.

c. Considérant que les sommes susmentionnées n'avaient pas été intégralement réglées dans les délais impartis, B______ SA a, par avis officiel du 20 juillet 2020, résilié le bail pour le 31 août 2020. Elle a précisé dans son courrier accompagnateur que le bail était résilié pour non-paiement du loyer du mois de juin 2020.

d. Par requête déposée le 29 octobre 2020 au Tribunal, B______ SA a introduit action en évacuation et a en outre sollicité l'exécution directe de l'évacuation de A______ et le paiement de la somme de 9'900 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 15 juin 2020.

e. A l'audience du Tribunal du 7 janvier 2021, B______ SA a persisté dans ses conclusions, indiquant que l'arriéré de loyer s'élevait à 3'343 fr. 30.

A______ a déclaré souffrir de troubles anxieux et de la personnalité. Elle vivait grâce à une rente AI et des prestations du Service des prestations complémentaires (SPC), de moins de 3'000 fr. par mois. Elle attendait une décision du SPC, pour des prestations auxquelles elle prétendait avoir droit en supplément. Elle a déposé des pièces dont il ressort notamment que les parties, dans le cadre d'une autre procédure conduite en 2019, s'étaient mises d'accord pour que A______ quitte le logement au 31 mars 2022.

Elle avait fait beaucoup d'efforts pour résorber l'arriéré qui avait considérablement diminué et elle souhaitait pourvoir garder son logement jusqu'à l'expiration du délai de départ convenu en 2019. Par ailleurs, elle s'est inscrite auprès du Secrétariat des Fondations Immobilières de Droit Public pour tenter de trouver un autre logement.

Lors de la seconde audience tenue le 4 mars 2021, B______ SA a persisté dans ses conclusions. Elle a reconnu les efforts fournis par A______ pour mettre à jour sa situation mais néanmoins conclu au prononcé de l'évacuation et actualisé ses prétentions en paiement à hauteur de 1'693 fr.

A______ a conclu à l'irrecevabilité de la requête, en raison du manque de clarté de la sommation et du fait que B______ SA aurait dû lui accorder un délai de 90 jours et non 30 jours pour le paiement de l'arriéré. Subsidiairement, elle a conclu à l'octroi d'un sursis humanitaire jusqu'au 31 mars 2022. Par ailleurs, elle a indiqué n'avoir toujours pas reçu de décision du SPC.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre des baux et loyers connaît des appels et des recours dirigés contre les jugements du Tribunal des baux et loyers (art. 122 let. a LOJ).

1.2 La voie du recours est ouverte contre les décisions du tribunal de l'exécution (art. 309 let. a et 319 let. a CPC).

En procédure sommaire, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 321 al. 1 et 2 CPC).

En l'espèce, le recours formé contre le chiffre 2 du dispositif du jugement entrepris, relatif aux mesures d'exécution directes, est recevable pour avoir été interjeté dans le délai prescrit et selon la forme requise.

1.3 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2010, n. 2307).

2. La recourante reproche au Tribunal de ne pas avoir suffisamment tenu compte de la précarité de sa situation financière et de lui avoir en conséquence accordé un sursis humanitaire de trop courte durée.

2.1 L'exécution forcée d'un jugement ordonnant l'expulsion d'un locataire est réglée par le droit fédéral (cf. art. 335 et ss CPC).

En procédant à l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit tenir compte du principe de la proportionnalité. Lorsque l'évacuation d'une habitation est en jeu, il s'agit d'éviter que des personnes concernées ne soient soudainement privées de tout abri. L'expulsion ne saurait être conduite sans ménagement, notamment si des motifs humanitaires exigent un sursis, ou lorsque des indices sérieux et concrets font prévoir que l'occupant se soumettra spontanément au jugement d'évacuation dans un délai raisonnable (ATF 117 Ia 336 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7; 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

L'art. 30 al. 4 LaCC concrétise le principe de la proportionnalité en prévoyant que le Tribunal peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement d'évacuation dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire ou du fermier lorsqu'il est appelé à statuer sur l'exécution d'un jugement d'évacuation d'un logement, après audition des représentants du département chargé du logement et des représentants des services sociaux ainsi que des parties.

S'agissant des motifs de sursis, différents de cas en cas, ils doivent être dictés par des "raisons élémentaires d'humanité". Sont notamment des motifs de ce genre la maladie grave ou le décès de l'expulsé ou d'un membre de sa famille, le grand âge ou la situation modeste de l'expulsé. En revanche, la pénurie de logements ou le fait que l'expulsé entretient de bons rapports avec ses voisins ne sont pas des motifs d'octroi d'un sursis (ACJC/269/2019 du 25 février 2019 consid. 3.1; ACJC/247/2017 du 6 mars 2017 consid. 2.1; ACJC/422/2014 du 7 avril 2014 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral du 20 septembre 1990, in Droit du bail 3/1991 p. 30 et les références citées).

Dans sa jurisprudence, la Cour a notamment confirmé, par arrêt ACJC/78/2017 du 23 janvier 2017, l'évacuation par la force publique, dès le nonantième jour suivant l'entrée en force du jugement, d'une locataire mère de deux enfants mineurs dont l'arriéré de loyer s'élevait à plus de 36'000 fr. Dans un autre arrêt ACJC/57/2017 du 16 janvier 2017, l'évacuation par la force publique dès le nonantième jour après l'entrée en force du jugement a également été maintenue, concernant une personne sans emploi, dont l'arriéré s'élevait à 13'400 fr.

En revanche, la Cour a confirmé l'évacuation par la force publique dans un délai de trois mois d'un locataire sans emploi, faisant l'objet de nombreuses poursuites et qui occupait l'appartement litigieux depuis douze ans. La Cour a considéré que le délai de trois mois était adéquat, compte tenu des nombreuses démarches effectuées afin de trouver un logement, dont l'inscription auprès de la Gérance immobilière municipale de la Ville de Genève et des Fondations immobilières de droit public plus d'un an avant la résiliation du bail (ACJC/224/2015 du 2 mars 2015 consid. 3.2).

La Cour a pour le surplus confirmé l'exécution de l'évacuation deux mois et demi après l'entrée en force du jugement d'évacuation, s'agissant d'une famille, avec deux enfants, dont un mineur, dont l'arriéré de loyer s'élevait à 16'910 fr. 70 (ACJC/687/2020 du 25 mai 2020 consid. 4.2).

Le juge ne peut pas différer longuement l'exécution forcée et, ainsi, au détriment de la partie obtenant gain de cause, éluder le droit qui a déterminé l'issue du procès. Le délai d'exécution ne doit notamment pas remplacer la prolongation d'un contrat de bail à loyer lorsque cette prolongation ne peut pas être légalement accordée à la partie condamnée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23  mai 2018 consid. 7; 4A_389/2017 du 26 septembre 2017 consid. 8; 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

2.2 Dans le présent cas, le Tribunal a accordé à la recourante un sursis de 60 jours.

La situation financière de la recourante est précaire, dès lors qu'elle bénéficie d'une rente AVS ainsi que de prestations complémentaires, ce dont les premiers juges ont tenu compte dans la fixation dudit sursis.

Par ailleurs, l'allégué de santé fragile de la recourante n'est corroboré par aucune pièce du dossier.

La recourante a certes produit ses inscriptions auprès du Secrétariat des Fondations Immobilières de Droit Public datant de janvier et décembre 2020. Elle n'a toutefois versé aucun autre titre démontrant la régularité de ses recherches de solution de relogement depuis la résiliation du bail, soit depuis la fin du mois de juin 2020.

Enfin, la recourante a bénéficié, de fait, depuis le congé, de douze mois d'occupation de l'appartement. Elle n'est pas fondée à obtenir un délai qui reviendrait à lui octroyer une prolongation de bail, à laquelle elle ne peut prétendre.

Par conséquent, le sursis de soixante jours accordé à la recourante constitue un délai équitable au sens des principes sus-rappelés et est conforme au principe de proportionnalité.

2.3 Infondé, le recours sera rejeté.

3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 22 avril 2021 par A______ contre le chiffre 2 du dispositif du jugement JTBL/257/2021 rendu le 4 mars 2021 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/21586/2020-7-SE.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN,
Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Zoé SEILER, Monsieur Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les
art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.