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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/22773/2020

ACJC/1008/2021 du 05.08.2021 sur JTBL/85/2021 ( SBL ) , CONFIRME

Normes : LaCC.30.al4
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/22773/2020 ACJC/1008/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU JEUDI 5 AOÛT 2021

 

Entre

Monsieur A______, p.a. Etablissement [pénitentiaire] B______, ______, recourant contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 2 février 2021, comparant en personne,

et

1) C______ SA, sise c/o D______ SARL, ______, intimée, comparant par
Me Vadim HARYCH, avocat, rue Verdaine 15, case postale 3015, 1211 Genève 3, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

2) Madame E______, domiciliée ______, autre intimée, comparant par
Me Alexandre AYAD, avocat, boulevard des Philosophes 15, 1205 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/85/2021 du 2 février 2021, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire, a condamné A______ et E______ à évacuer immédiatement de leur personne et de leurs biens ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec eux l'appartement de 5 pièces situé au 3ème étage de l'immeuble sis boulevard 1______ [no.] ______, à Genève (ch. 1 du dispositif), autorisé C______ SA à requérir l'évacuation par la force publique de A______ et E______ dès le 1er juin 2021 (ch. 2), condamné A______ et E______, pris conjointement et solidairement, à verser à C______ SA la somme de 18'600 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 1er décembre 2020 (ch. 3), donné acte aux parties de ce que C______ SA est autorisée à prélever cette somme sur la garantie de loyer constituée auprès de F______ SA en date du 7 août 2017 (police n° 2______) (ch. 4), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5) et dit que la procédure était gratuite (ch. 6).

En substance, et s'agissant des points contestés dans le recours, le Tribunal a retenu que les conditions d'une résiliation selon l'art. 257d al. 1 CO étaient réalisées, de sorte que la bailleresse était fondée à donner congé, ce qu'elle avait fait en respectant les conditions de l'art. 257d al. 2 CO. Depuis l'expiration du terme fixé, les locataires ne disposaient plus d'aucun titre juridique les autorisant à rester dans les locaux de la bailleresse. Afin de permettre aux locataires de prendre des dispositions pour restituer les locaux, de tenir compte du montant de l'arriéré et du fait que la locataire s'était engagée à verser l'intégralité des indemnités pour occupation illicite de février 2021 jusqu'à son départ de l'appartement, ce qu'elle avait fait depuis quelques mois, l'arriéré n'ayant pas augmenté depuis le dépôt de la requête, l'évacuation était prononcée depuis le 1er juin 2021.

B. a. Par acte du 17 février 2021, A______ forme appel et recours contre ce jugement, qu'il a reçu le 8 février 2021, concluant à son annulation et à l'octroi d'un délai humanitaire de six mois.

b. Par arrêt présidentiel du 24 février 2021, la Cour a rejeté la requête de suspension du caractère exécutoire du chiffre 2 du dispositif du jugement entrepris.

c. Par réponse du 22 février 2021, E______ a conclu au rejet du recours.

d. Par réponse du 25 février 2021, C______ SA a conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

e. Les parties ont été informées par courrier du greffe de la Cour du 17 mars 2021 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier soumis au Tribunal.

a. En date du 24 juillet 2017, les parties ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 5 pièces situé au 3ème étage de l'immeuble sis boulevard 1______ [no.] ______, à Genève.

G______ SARL était également partie au contrat, aux côtés de la bailleresse. Elle a cependant été dissoute par voie de faillite le ______ 2019 puis radiée du Registre du commerce le ______ 2019.

Le montant du loyer et des charges a été fixé en dernier lieu à 3'720 fr. par mois.

b. Par avis comminatoire du 13 août 2020, C______ SA, bailleresse, a mis en demeure E______ et A______, locataires, de lui régler dans les 30 jours le montant de 7'440 fr. à titre d'arriéré de loyer et de charges pour la période du 1er juillet au 31 août 2020 et les a informés de son intention, à défaut du paiement intégral de la somme réclamée dans le délai imparti, de résilier le bail conformément à l'art. 257d CO.

c. Considérant que la somme susmentionnée n'avait pas été intégralement réglée dans le délai imparti, la bailleresse a, par avis officiels du 28 septembre 2020, résilié le bail pour le 31 octobre 2020.

d. Par requête en protection du cas clair du 12 novembre 2020, C______ SA a introduit action en évacuation devant le Tribunal des baux et loyers et a en outre sollicité l'exécution directe de l'évacuation de E______ et de A______. Elle a également conclu au paiement de 18'600 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 15 septembre 2020 et à la libération en sa faveur de la garantie de loyer constituée auprès de F______ SA en date du 7 août 2017 (police n° 2______).

e. A______, détenu à l'Etablissement B______, convoqué à l'audience du 2 février 2021, a refusé de s'y rendre. Il s'y est fait représenter par H______, muni d'une procuration.

A l'audience du 2 février 2021, C______ SA a persisté dans ses conclusions, en précisant que l'arriéré s'élevait toujours à 18'600 fr., un versement de 3'720 fr. ayant été effectué le jour même. E______ a indiqué vivre seule dans l'appartement et chercher un logement moins cher. Les affaires de A______ y étaient encore. Elle a acquiescé aux conclusions en évacuation et sollicité un délai au 31 mai 2021 pour quitter l'appartement. Elle s'est également engagée à payer l'intégralité des indemnités pour occupation illicite du mois de février 2021 jusqu'à son départ. Elle s'est opposée aux conclusions en paiement, précisant que selon elle, l'arriéré s'élevait à 16'740 fr. Elle a acquiescé à la conclusion en libération de la garantie de loyer.

A______, par l'intermédiaire de son représentant, a acquiescé à la conclusion en libération de la garantie de loyer et a reconnu devoir 18'600 fr. à titre d'arriéré de loyers et d'indemnités pour occupation illicite. Il s'est en revanche opposé à l'évacuation et a sollicité un délai humanitaire de six mois à son exécution afin de pouvoir disposer d'un appartement à sa libération. Actuellement en détention, il avait fait appel de sa condamnation, espérait être acquitté et le logement lui permettrait d'accueillir son enfant de 9 ans. E______ a précisé n'avoir jamais vu cet enfant dans l'appartement. La bailleresse s'est opposée à l'octroi de tout délai, le montant de l'arriéré n'ayant pas diminué depuis le dépôt de la requête.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 La voie de l'appel est ouverte contre les décisions d'évacuation, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), alors que la voie du recours est ouverte contre les décisions du Tribunal de l'exécution (art. 309 let. a et 319 let. a CPC).

En l'espèce, seul est contesté le chiffre 2 du dispositif du jugement attaqué, en tant qu'il autorise la bailleresse à requérir l'évacuation du recourant dès le 1er juin 2021. Quand bien même le recourant indique "également faire appel", il ne critique pas le prononcé de l'évacuation.

La voie du recours est dès lors seule ouverte.

1.2 Interjeté devant l'autorité compétente (art. 122 let. a LOJ) selon la forme et dans le délai prescrits par la loi (art. 130, 131, 257, 248 let. b et 321 al. 1 et 2 CPC), le recours est recevable dans cette mesure.

Au vu des considérations qui suivent, l'incidence du défaut de mention de E______, colocataire, sur l'acte de recours, n'a pas besoin d'être examinée plus avant, étant relevé que celle-ci s'est déterminée devant la Cour.

1.3 Le recours peut être formé pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

1.4 Les allégués nouveaux et les pièces nouvelles des parties ne sont pas recevables en recours (art. 326 CPC).

2. Le recourant, alléguant nouvellement – et partant de manière irrecevable - que la procédure d'appel de sa condamnation pénale a pris du retard suite aux restrictions liées à la pandémie, sollicite l'octroi d'un délai humanitaire de six mois.

2.1 L'exécution forcée d'un jugement ordonnant l'expulsion d'un locataire est réglée par le droit fédéral (cf. art. 335 et ss CPC).

En procédant à l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit tenir compte du principe de la proportionnalité. Lorsque l'évacuation d'une habitation est en jeu, il s'agit d'éviter que des personnes concernées ne soient soudainement privées de tout abri. L'expulsion ne saurait être conduite sans ménagement, notamment si des motifs humanitaires exigent un sursis, ou lorsque des indices sérieux et concrets font prévoir que l'occupant se soumettra spontanément au jugement d'évacuation dans un délai raisonnable. En tout état de cause, l'ajournement ne peut être que relativement bref et ne doit pas équivaloir en fait à une nouvelle prolongation de bail (ATF 117 Ia 336 consid. 2b p. 339; arrêt du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7).

L'art. 30 al. 4 de la loi genevoise d'application du code civil suisse et d'autres lois fédérales en matière civile (RS GE E 1 05 - LaCC) concrétise le principe de la proportionnalité en cas d'évacuation d'un logement, en prévoyant que le Tribunal des baux et loyers peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire ou du fermier lorsqu'il est appelé à statuer sur l'exécution d'un jugement d'évacuation d'un logement, après audition des représentants du département chargé du logement et des représentants des services sociaux ainsi que des parties.

S'agissant des motifs de sursis, différents de cas en cas, ils doivent être dictés par des "raisons élémentaires d'humanité"; sont notamment des motifs de ce genre la maladie grave ou le décès de l'expulsé ou d'un membre de sa famille, le grand âge ou la situation modeste de l'expulsé; en revanche, la pénurie de logements ou le fait que l'expulsé entretient de bons rapports avec ses voisins ne sont pas des motifs d'octroi d'un sursis (ACJC/422/2014 du 7 avril 2014 consid. 4.2; ACJC/187/2014 du 10 février 2014 consid. 5.2.1; arrêt du Tribunal fédéral du 20 septembre 1990, in Droit du bail 3/1990 p. 30 et référence citée).

Dans sa jurisprudence, la Cour a confirmé à plusieurs reprises l'évacuation par la force publique, dans un délai compris entre trente et nonante jours à compter de l'entrée en force du jugement, de locataires qui avaient des enfants mineurs, avaient accumulé des arriérés de loyers conséquents et, soit ne réglaient pas les indemnités courantes, soit s'acquittaient de celles-ci avec retard. Ce dernier aspect devait en effet être pris en compte dans la pondération à effectuer en vertu du principe de proportionnalité (ACJC/1147/2017 du 18 septembre 2017; ACJC/78/2017 du 23 janvier 2017; ACJC/583/2016 du 25 avril 2016; ACJC/187/2014 du 10 février 2014).

2.2 En l'espèce, les locataires se sont vu résilier leur bail pour le 31 octobre 2020, de sorte qu'ils ont déjà, du fait de la procédure, bénéficié d'une prolongation de 8 mois. Cela étant, le Tribunal a pris équitablement en compte les intérêts en présence en octroyant un délai de départ aux locataires au 1er juin 2021. Le recourant, par l'intermédiaire de son représentant, n'a fourni aucun élément concret quant à sa date probable de libération s'il devait obtenir gain de cause en appel ni mentionner d'ores et déjà chercher une solution de relogement. Ainsi, même à admettre les faits nouveaux allégués, cela ne changerait rien à l'issue du litige. De plus, la nécessité alléguée de pouvoir recevoir son fils dans l'appartement n'est étayée par aucune pièce et n'est pas convaincante, la colocataire du recourant n'y ayant jamais vu l'enfant. Autoriser le recourant à demeurer dans l'appartement jusqu'à sa libération dont on ignore tout, et après le départ de sa colocataire qui a assumé jusque-là les indemnités pour occupation illicite, entraînerait sans doute une augmentation des montants dus à la bailleresse, sans perspective sérieuse de les récupérer rapidement, vu la situation du recourant, ce qui n'est pas admissible.

Le recours infondé, doit être rejeté.

3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

Rejette, dans la mesure de sa recevabilité, le recours interjeté le 17 février 2021 par A______ contre le jugement JTBL/85/2021 rendu le 2 février 2021 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/22773/2020-7-SE.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Pauline ERARD,
Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Laurence CRUCHON, Monsieur Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.