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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2446/2025

ATAS/917/2025 du 25.11.2025 ( AVS ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2446/2025 ATAS/917/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 25 novembre 2025

Chambre 10

 

En la cause

A______

 

 

recourant

 

contre

CAISSE DE COMPENSATION GASTROSOCIAL

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. La société B______Sàrl (ci-après : la société), inscrite au registre du commerce de Genève le 11 mai 2012, a été dissoute par suite de faillite prononcée par jugement du Tribunal de première instance du 30 mars 2024 et radiée d’office par jugement du 17 juin 2024 à la suite de la clôture de la procédure de faillite. La société avait pour but l’exploitation de restaurants et de tous établissements publics, l’importation de toutes boissons, tous services d’entretien et de nettoyage, ainsi que le transport privé de personnes.

b. Selon les informations publiées sur le site internet du registre du commerce, A______ (ci-après : l’intéressé) a été gérant de la société avec signature collective à deux du 25 avril 2018 au 9 février 2022. C______ a été associé gérant avec signature collective à deux dès le 11 mai 2012 puis associé gérant président du 19 novembre 2018 au 22 décembre 2020. D______ a été inscrit en tant que directeur le 3 juillet 2018 avec signature collective à deux et E______ associé gérant président avec signature individuelle le 22 décembre 2020.

c. Le 4 août 2022, Gastrosocial Caisse de compensation (ci-après : la caisse) a notifié à l’intéressé, par plis recommandés, quatre décisions de réparation du dommage pour les années 2019, 2020, 2021 et 2022 pour un montant total de CHF 115'097.52 à titre de cotisations AVS/AI/APG/LACI et LAFam impayées par la société. Ces décisions précisaient qu’elles pouvaient faire l’objet d’une opposition auprès de la caisse dans un délai de 30 jours dès leur notification, que l’opposition pouvait être formée par écrit ou par oral lors d’un entretien personnel, et que l’opposition devait contenir des conclusions et être motivée.  

d. Le 11 août 2022, l’intéressé a contacté la caisse par téléphone et lui a demandé des explications concernant les décisions précitées.

e. Ces décisions n’ont pas été contestées et sont entrées en force.

f. En l’absence de tout paiement, la caisse a entrepris une procédure de recouvrement à l’encontre de l’intéressé et l'office des poursuites a ordonné une saisie sur son salaire le 8 avril 2024.

B. a. Le 2 mai 2024, l’intéressé, représenté par un avocat, a déposé une demande de de révision et de reconsidération des quatre décisions de réparation du dommage du 4 août 2022. Il a relevé que les statuts de la société, consultables sur le site internet du registre du commerce, prévoyaient que les gérants étaient élus pour une durée d’une année et que leur réélection était possible. Ainsi, en dérogation au régime légal, leur mandat n’était pas de durée indéterminée. Or, il n’avait jamais été informé d’une quelconque réélection à la suite de son inscription au registre du commerce le 30 avril 2018. En outre, il n’avait jamais géré de manière effective la société et son certificat de travail du 1er juin 2022 attestait du simple rôle de service polyvalent. Il n’avait aucun pouvoir effectif, comme confirmé par D______, directeur de la société, qui était en réalité seul en charge du paiement des salaires. La réelle portée de son inscription au registre du commerce ne lui avait jamais été expliquée et il pensait être uniquement doté d’un pouvoir de signature collective à deux. Sa responsabilité n’aurait jamais dû être engagée. Il n’était pas en mesure de démontrer sa non-réélection, de sorte qu’il requérait de la caisse qu’elle ordonne les mesures d’instruction nécessaires. Il a également sollicité un sursis aux poursuites et la production d’un récapitulatif des sommes encore dues, déduction faite de tout paiement effectuée par d’autres gérants ou organes de la société.

L’intéressé a annexé à sa lettre :

-          son certificat de travail du 1er juin 2022 indiquant qu’il avait travaillé pour la société en tant que serveur polyvalent du 1er mai 2017 au 28 février 2022 ;

-          une attestation du 12 janvier 2024 de D______ certifiant avoir exercé la fonction de directeur de la société et avoir assumé la direction de la discothèque F______(ci-après : la discothèque) exploitée par la société ; l’intéressé s’occupait de la gestion au quotidien de la salle, de l’achat des boissons, de la tenue des stocks, du bar, de la caisse et plus généralement de tout ce qui touchait au service à la clientèle de la discothèque et de la fermeture de l’établissement ; il n’avait exercé aucune tâche administrative ni ne s’était occupé des paiements de salaires et des charges sociales, qui étaient de sa seule responsabilité à lui.

b. Par courrier du 31 mai 2024, la caisse lui a indiqué qu'elle n’entrerait pas en matière sur cette demande de reconsidération, en l’absence de faits ou moyens de preuve qui n’étaient pas déjà connus au moment de la reddition des décisions.

c. Le 3 juillet 2024, l’intéressé a relevé que la caisse ne s’était pas déterminée sur sa demande de révision des décisions de réparation du dommage, seule la reconsidération ayant fait l’objet d’une non-entrée en matière Il réitérait ainsi sa demande de révision, subsidiairement de reconsidération au motif qu’il n’était pas gérant de la société durant les périodes de cotisation 2019 à 2022. Il avait pu consulter le dossier de faillite de la société, dont un procès-verbal d’interrogatoire de E______ du 18 avril 2023 qui appuyait l’hypothèse selon laquelle aucune assemblée des associés n’avait été valablement tenue pour accepter sa réélection comme gérant entre 2019 et 2022. En l’absence de réélection, son mandat avait pris fin, malgré le maintien de son inscription au registre du commerce. Il s’agissait d’un fait et moyen de preuve nouveau important qui aurait justifié l’annulation des décisions en cas de recours. Subsidiairement, il requérait la reconsidération des décisions. Pour éviter tout doute, cette missive valait également opposition si la caisse devait considérer son courrier du 31 mai 2024 comme une décision. Parallèlement, il réitérait sa demande de sursis aux poursuites compte tenu de l’extrême précarité de sa situation financière.

Il a notamment produit le procès-verbal d’interrogatoire du 18 avril 2023 de
E______, indiquant notamment que des procès-verbaux des assemblées générales n’avaient pas été dressés et qu’il avait été personnellement associé gérant mais sans réels pouvoirs.

d. Par décision du 16 août 2024, la caisse a rejeté la demande de révision, n’est pas entrée en matière sur la demande de reconsidération et sur l'opposition, et a rejeté la demande de suspension de la saisie de salaire en cours.

e. Le 12 septembre 2024, l’intéressé a formé opposition contre cette décision dont il a contesté les quatre conclusions. Il a sollicité que les décisions de réparation du dommage soient révisées et intégralement annulées, subsidiairement qu’elles soient reconsidérées et annulées.

Il a maintenu que le procès-verbal du 18 avril 2023 constituait un moyen de preuve nouveau, qui ne pouvait pas être produit au moment des décisions du
4 août 2022. En outre, selon la jurisprudence, en l’absence d’assemblée générale ou d’élection du conseil d’administration, la continuation ou la reconduction tacite du mandat d’administrateur était exclue, et c’était la démission effective qui fixait en principe les limites temporelles de la responsabilité. Les inscriptions du registre du commerce n’avaient qu’un effet déclaratoire en matière de nomination des organes et de pouvoir de représentation. Ainsi, en l’absence d’assemblée des associés durant les années 2019 à 2022, ce qui était un fait nouveau, sa responsabilité était exclue. Il requérait que la caisse ordonne l’audition ou la prise de renseignements écrits auprès des associés de la société inscrits au registre du commerce entre 2019 et 2022, soit E______ et C______, afin d’établir s’il avait été valablement réélu en tant que gérant entre 2019 et 2022.

La caisse avait retenu que les conditions d’une reconsidération n’étaient pas remplies, de sorte qu’elle était entrée en matière sur sa demande. Il était manifeste que les décisions étaient erronées, puisqu’il n’avait pas été gérant de manière effective de la société et que la caisse aurait dû vérifier l’existence de son mandat et non pas se fier aux inscriptions portées au registre du commerce. La décision avait été rendue en fonction d’un état de fait établi de manière incomplète et en violation du principe inquisitoire. Au vu des sommes réclamées et de sa situation financière, la reconsidération était pleinement justifiée.

f. Les 2 octobre et 13 novembre 2024, la caisse lui a demandé de lui fournir une confirmation écrite de C______ et E______ sur sa position dans la société.

g. Par courrier daté du 12 décembre 2024, l’intéressé a maintenu les termes de son opposition.

Il a transmis un document intitulé « Note au dossier », daté du 11 décembre 2024 et signé par E______, D______ et une tierce personne dont le nom n’est pas indiqué, laquelle a écrit à la main « Je confirme les faits pour la période antérieure à ma démission de ma qualité de gérant ». Selon cette pièce, la société, dont le seul gérant était C______ dès le 13 avril 2018, avait exploité la discothèque dès le printemps 2018 et avait engagé l’intéressé le 1er mai 2018 par un contrat de travail. « Pour donner suite aux exigences légales auxquelles était soumise la société », l’intéressé avait été formellement enregistré le 25 avril 2018 comme gérant de la société. En pratique, ses fonctions étaient celles d’un employé de confiance, responsable du bar, de la salle et de la caisse, qui remettait chaque nuit à la fin du service l’argent disponible à D______, lequel assurait la bonne marche des affaires et avait été formellement inscrit au registre du commerce en qualité de directeur le 22 novembre 2018. Dès cette date, il avait repris « l’ensemble des fonctions qui avaient pu être exercées » par l’intéressé, « sauf la responsabilité du bar et la tenue de la caisse ». L’intéressé n’avait jamais eu droit de signature sur aucun compte de la société. C______ avait démissionné le 9 décembre 2020 et été remplacé par E______, qui avait dès cette date exercé les tâches comptables et administratives, étant relevé que le paiement des charges sociales était de la seule responsabilité du directeur. Les actes sociaux de la société ne contenaient aucun procès-verbal ou autre document faisant état de quelque renouvellement de la fonction de gérant de l’intéressé, que ce soit pour 2019 ou pour les exercices ultérieurs. Celui-ci avait demandé en 2020 déjà à être libéré de toute fonction dans la société, étant précisé qu’il avait consenti ce rôle en 2018 pour rendre service. Son mandat n’avait jamais été renouvelé et il ne comprenait pas pourquoi il était toujours inscrit. La difficulté pour la société était cependant qu’il lui fallait formellement un gérant inscrit, alors que la situation personnelle de celui qui exerçait ce rôle, D______, ne lui permettait juridiquement pas d’exercer un tel mandat. À la demande insistante de l’intéressé, sa radiation avait été effectuée le 9 février 2022. D______ avait continué à mener seul la gestion de l’affaire jusqu’à la fin de l’activité de la société, tombée en faillite en raison d’une crise financière due à la pandémie de Covid.

h. Par courrier du 7 janvier 2025, la caisse a demandé à l’intéressé pour quelles raisons il n’avait pas demandé la radiation de son inscription au registre du commerce, la société avait besoin qu’il intervienne comme gérant au registre du commerce, D______ n’avait pas assumé la fonction de gérant. Elle a sollicité les justificatifs de sa demande de radiation en 2020.

i. Le 3 février 2025, l’intéressé a allégué qu’il avait accepté d’être inscrit au registre du commerce de la société à la demande de D______, lequel lui avait fait croire qu’il récupérerait ainsi son avoir du 2e pilier qu’il lui avait remis dans le cadre d’une autre affaire. Il n’avait pas pu exercer son activité de serveur durant la pandémie et avait appris fin octobre 2021 que la société avait été transmise « à son insu » à E______ par C______. Il avait également pris connaissance de la situation financière de la société et avait demandé sa radiation comme gérant, ce que les associés successifs semblaient avoir totalement omis de faire. Il n’avait jamais pu récupérer son 2ème pilier et supportait les conséquences de la gestion erratique de la société dont il n’avait jamais été le gérant, ce qui était doublement injuste. Il ignorait les raisons pour lesquelles C______ et D______ avaient besoin d’un gérant supplémentaire au registre du commerce, ce qui lui avait été présenté comme une condition pour récupérer son avoir de prévoyance professionnelle. Il ignorait également pour quel motif D______ n’aurait prétendument pas pu être inscrit comme gérant, étant relevé qu’il avait été inscrit comme directeur, ce dont il n’avait pas été informé.

L’intéressé a notamment transmis à l’appui de son écriture :

-          un courrier qu’il avait adressé le 4 février 2022 au registre du commerce pour la mise à jour des inscriptions suite à sa démission ;

-          une lettre de démission du 4 février 2022 à l’attention de la société, relevant qu’il n’avait jamais exercé la fonction de gérant mais qu’il continuait à travailler comme barman ; il avait demandé la radiation immédiate de sa fonction de gérant au registre du commerce.

j. Le 13 février 2025, la caisse a communiqué au mandataire de l’intéressé copie du dossier de ce dernier, contenant notamment des demandes d’allocation pour perte de gain Covid-19 en sa faveur, en qualité de « personne occupant une position assimilable à celle d’un employeur », mentionnant un revenu de
CHF 4'500.- par année versé treize fois l’an.

k. Par lettre du 24 février 2025, l’intéressé, par l’intermédiaire de son avocat, a évoqué le contact téléphonique avec la caisse du 11 août 2022, au cours duquel il aurait formé une opposition orale qui serait encore pendante et remettrait fondamentalement en question les actes de poursuite initiés. Il a également affirmé que les demandes d’allocations pour perte de gain Covid avaient été demandées par le fiduciaire et qu’il était parti du principe que son employeur demanderait les indemnités adéquates auprès des autorités sociales.

l. Le 21 mars 2025, la caisse lui a envoyé sa notice interne relative à la conversation téléphonique du 11 août 2022 (rédigée en allemand) et lui a demandé les coordonnées complètes de tous les signataires de la note du
11 décembre 2024, ainsi que l’identité de la personne en sa possession.

m. Le 2 avril 2025, l’intéressé a communiqué les informations sollicitées à la caisse et a soutenu qu’il n’avait pas été suffisamment informé de la procédure d'opposition lors du contact téléphonique de 2022, soulignant qu’il avait déjà informé la caisse de sa version des faits décrite dans sa demande de révision et de réexamen.

n. Par décision sur opposition du 20 juin 2025, la caisse a rejeté l


'opposition dans la mesure où elle était recevable.

S’agissant de la demande de révision, elle a considéré que l’intéressé n’avait pas fait état de circonstances qui n’étaient pas déjà connues au moment des décisions de réparation du dommage et qu’il existait des informations contradictoires qui ne prouvaient pas sans aucun doute que les décisions étaient erronées. Elle a notamment relevé qu’aucun document n’attestait que l’intéressé aurait insisté depuis 2020 pour être radié du registre du commerce en tant que gérant de la société. Seules deux lettres datées du 4 février 2022 avaient été produites, par lesquelles l'opposant informait l'office du registre du commerce et la société de son départ immédiat. Elle pouvait se référer à l’inscription au registre du commerce selon laquelle l’intéressé avait été gérant de la société du
25 août 2018 au 9 février 2022, étant rappelé qu’il n'avait pris aucune mesure concrète pour se faire radier du registre du commerce avant le 4 février 2022. Le procès-verbal d'audition du 18 avril 2023 et la note du 11 décembre 2024 n’avaient été produits qu'après le prononcé des décisions de réparation des dommages. Toutefois, les prétendues compétences au sein de la société étaient déjà connues lors du prononcé des décisions litigieuses et auraient pu être invoquées dans le cadre d’une contestation formée dans les délais, de sorte qu'elles ne justifiaient pas une révision. Concernant la demande d’instruction, elle a observé que les déclarations contenues dans la note datée du 11 décembre 2024 étaient en contradiction avec les statuts de la société et les inscriptions officielles au registre du commerce, et rappelé qu'un homme de paille, qui ne faisait pas usage de ses droits de contrôle, agissait par négligence grave, ce qui justifiait une procédure de réparation du dommage. Cela étant, ces circonstances étaient également connues au moment où les décisions de réparation du dommage avaient été rendues et auraient pu être invoquées dans le cadre d'un recours introduit dans les délais et ne justifiaient pas une révision. Enfin, la note téléphonique indiquait clairement qu’il avait été informé des faits et de la possibilité de former opposition.

Concernant la demande de reconsidération, la caisse a contesté que les décisions de réparation du dommage soient sans aucun doute incorrectes. Le procès-verbal de l'office des faillites du 18 avril 2023 et la note du 11 décembre 2024 contredisaient les inscriptions de l'office du registre du commerce et les statuts de la société. Ces documents plaidaient en faveur du fait que l'opposant avait continué à être employé et actif en tant que gérant de la société. Ses salaires décomptés ne montraient aucune modification des tâches (CHF 53'300.- en 2019, CHF 63'485.- en 2020, CHF 56'669.20 en 2021 et CHF 8'666.70 pour deux mois en 2022). En outre, pendant la période de pandémie en 2020 et 2021, des indemnités Covid avaient été réclamées pour l’intéressé en tant que personne occupant une position similaire à celle d'un employeur. Même si les inscriptions à cet effet avaient probablement été soumises par le fiduciaire, l'opposant avait également été informé par les confirmations correspondantes des paiements à son adresse privée et était conscient de la raison des crédits. Les statuts de la société précisaient les tâches et obligations des gérants et une délégation de fonctions ne le dispensait pas de son obligation légale de surveillance. Ainsi, il s'était manifestement rendu disponible en tant que simple « homme de paille » de la société et n'avait donc pas fait usage de ses droits de contrôle ou du moins pas suffisamment. Ce seul fait constituait une négligence grave. Elle a rappelé que les déclarations des autres membres de la direction entraient en contradiction avec les inscriptions au registre du commerce et les statuts de la société. L’intéressé ne se référait à ce dernier que pour les articles qui lui étaient favorables. Elle a souligné qu’il avait confirmé, lors de la procédure de mainlevée devant le tribunal, qu'il avait ignoré les décisions de réparation du dommage et n'avait pas formé opposition.

La décision de non-entrée en matière sur l’opposition à la lettre du 31 mai 2024, qui ne constituait pas une décision, n'était pas contestable et était donc confirmée.

Enfin, le rejet de la demande de suspension de la saisie sur salaire était maintenu, étant relevé que l’intéressé n’avait pas motivé son opposition sur ce point ni émis de nouveaux arguments.

Le comportement abusif de l'opposant visait uniquement à rattraper l'opposition manquée par la voie de la révision ou de la reconsidération. Il ne s'agissait ni de décisions contestées qui seraient manifestement erronées, ni de circonstances qui n'auraient pas déjà été connues au moment de l'établissement des décisions. Pour rendre les réparations du dommage, elle s’était appuyée sur les inscriptions officielles du registre du commerce, dont rien n'indiquait qu’elles ne correspondaient pas à la réalité. L’intéressé n’avait pas à être entendu avant le prononcé des décisions de réparation et il aurait pu soumettre ses éventuelles objections dans le cadre d’une opposition.

C. a. Par acte du 11 juillet 2025, l’intéressé a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice d’un recours contre la décision sur opposition du
20 juin 2025, concluant principalement à la révision des décisions en réparation du dommage du 4 août 2022, subsidiairement à la reconsidération desdites décisions et en tout état à l’annulation de la décision sur opposition du
20 juin 2025.

Il a allégué qu’il avait remis à D______ l'intégralité de son 2e pilier, soit environ CHF 38'000.-, dans le cadre d'une précédente collaboration visant à exploiter un autre restaurant à Genève. La collaboration n'avait cependant pas permis d'ouvrir l’établissement et D______ ne lui avait jamais restitué son avoir. En 2018, durant une discussion en présence de C______, alors associé unique de la société,
D______ lui avait fait croire qu’il récupérerait son2e pilier en étant inscrit au registre du commerce comme gérant de la société. Il avait ainsi été inscrit en cette qualité le 30 avril 2018, mais cette inscription n'avait jamais été suivie d'un quelconque remboursement de son argent. En réalité, il n’avait jamais géré la société et n’avait aucun pouvoir pour le faire. Comme attesté par son certificat de travail du 1er juin 2022, son rôle avait été limité à la fonction de serveur polyvalent en charge de la discothèque tenue par la société. Depuis son inscription comme gérant le 30 avril 2018, la société n'avait jamais tenu d'assemblées et n’avait jamais pris de décision pour le réélire au cours des années 2019, 2020, 2021 et 2022, ce que les anciens associés de la société et D______ avaient reconnu par écrit. Les statuts de la société étaient très clairs et précisaient que les gérants étaient élus pour une durée d'une année et que leur réélection était possible. Étant donné que la réélection tacite d'un gérant n'était pas possible, il n'était officiellement plus gérant depuis le 30 juin 2019. Il n’avait pas pu exercer son travail de serveur durant la pandémie et les dirigeants avaient décidé de maintenir la fermeture des locaux jusqu'à fin octobre 2021. Il avait alors enfin pu reprendre son activité de serveur et s’était rendu compte que la société avait été transmise à son insu à E______, inscrit comme associé-gérant titulaire d'un pouvoir de signature individuelle, par C______. Il avait également pris connaissance à cette période de la situation financière difficile de la société. Étant donné que son inscription au registre du commerce n'avait pas encore été effacée, il avait demandé sa radiation.

Malgré son départ de la société, l’intimée lui avait réclamé le paiement des impayés de cotisations sociales accumulés par les véritables gérants de la société. Le 11 août 2022, il l’avait appelée pour faire savoir son désaccord avec les décisions de réparation du dommage et expliquer sa version des faits. On ne lui avait pas clairement expliqué qu'il fallait qu’il s'oppose encore par écrit. Il n’avait pas adressé d'opposition écrite, car C______ avait aussi été condamné par l’intimée à payer la même somme et lui avait même dit qu'il s’en acquitterait. Or, celui-ci avait finalement réussi à faire annuler les décisions qui le concernaient. Il requérait ainsi que l’intimée produise la décision d'annulation rendue en faveur de C______.

Lorsque son salaire avait commencé à être saisi chaque mois en 2024, il avait consulté un avocat pour demander à l’intimée de réviser et de reconsidérer les décisions du 4 août 2022. Après plus d'une année de courriers et d'explications, elle avait toutefois décidé de les maintenir. Il ne parvenait plus à supporter cette situation. D______ lui avait pris son avoir de prévoyance professionnelle et il devait en plus supporter les dettes de la société dans laquelle il avait uniquement été engagé comme serveur par cette même personne. Il était aux poursuites pour une somme qu’il ne pourrait jamais payer, pendant que les anciens associés et gérants de la société ne rendaient de comptes à personne.

b. Le 28 juillet 2025, l’intimée a conclu au rejet du recours pour les motifs évoqués dans sa décision sur opposition.

Elle a transmis son dossier, lequel comporte notamment copie de sa décision sur opposition rendue le 13 décembre 2022 à l’encontre de C______, les décomptes des 31 décembre 2020, 25 janvier, 29 mars, 10 mai et 14 juin 2021, « allocation pour perte de gain coronavirus » pour « Les personnes salariées de leur propre entreprise actives dans le domaine de l’événementiel » / « Les personnes position de l’employeur » adressées au recourant, à son adresse personnelle.

c. Le 19 août 2025, le recourant a contesté avoir été un homme de paille, puisqu’il ne savait pas à quoi cela l’engageait d’être inscrit au registre du commerce. Les pièces produites après l’échéance pour contester la décision sur opposition démontraient qu’il n’avait pas été gérant de la société, en particulier le
procès-verbal de l’office des faillites attestant qu’aucune assemblée générale n’avait été tenue dans la période concernée, si bien que son mandat de gérant, s’il avait existé, aurait automatiquement pris fin, l’attestation du 12 janvier 2024 de D______ certifiant qu’il n’avait aucune tâche administrative et ne gérait pas les paiements, l’attestation du 11 décembre 2024 de E______ et D______. En outre, son certificat de travail du 1er juin 2022 attestait qu’il n’était qu’un simple serveur polyvalent. L’intimée ne se souciait pas de connaître le responsable, le gérant, mais souhaitait uniquement trouver un bouc-émissaire et obtenir de l’argent. Les informations publiées au registre du commerce étaient erronées puisque son éventuel mandat avait de toute façon pris fin le 30 avril 2019.

Il a produit une note manuscrite comprenant des remarques, dont le fait que
E______ était son patron officiel et seul actionnaire, qu’il dépendant de son salaire de serveur pour honorer ses obligations et solder ses arrangements d’impôts causés par sa saisie sur salaire.

d. Le 28 août 2025, l’intimée a persisté dans ses conclusions.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du
6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur
l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAVS, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’AVS réglée dans la première partie, à moins que la présente loi ne déroge expressément à la LPGA.

La procédure devant la chambre de céans est régie par les dispositions de la LPGA et de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985
(LPA ‑ E 5 10).

1.3 Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le présent recours est recevable (art. 60 et 61 let. b LPGA ; art. 62 al. 1 let. a et art. 89C let. b LPA).

2.              

2.1 L'objet du litige dans la procédure de recours est le rapport juridique réglé dans la décision attaquée dans la mesure où, d'après les conclusions du recours, il est remis en question par la partie recourante. L'objet de la contestation (Anfechtungsgegenstand) et l'objet du litige (Streitgegenstand) sont identiques lorsque la décision administrative est attaquée dans son ensemble. En revanche, les rapports juridiques non litigieux sont compris dans l'objet de la contestation, mais pas dans l'objet du litige (ATF 144 II 359 consid. 4.3 ; 144 I 11 consid. 4.3 ; 125 V 413 consid. 1b).

2.2 En l’occurrence, le recourant conclut principalement à la révision des décisions en réparation du dommage du 4 août 2022, subsidiairement à la reconsidération desdites décisions, et « en tout état » à l’annulation de la décision sur opposition du 20 juin 2025.

Le litige porte donc sur le bien-fondé de la décision contestée du 20 juin 2025 en tant qu’elle rejette les demandes de révision et de reconsidération des décisions du 4 août 2022.

3.             L’art. 53 LPGA dispose que les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si l’assuré ou l’assureur découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits auparavant (al. 1). L’assureur peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force, par la voie de la reconsidération, lorsqu’elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable (al. 2).

3.1 Sont nouveaux au sens de l'art. 53 al. 1 LPGA les faits qui se sont produits jusqu'au moment où des allégations de faits étaient encore recevables dans la procédure principale, mais qui n'étaient pas connus du requérant malgré toute sa diligence. En outre, les faits nouveaux doivent être importants, c'est-à-dire qu'ils doivent être de nature à modifier l'état de fait à la base de l'arrêt entrepris et à conduire à un jugement différent en fonction d'une appréciation juridique correcte. Les preuves, quant à elles, doivent servir à prouver soit les faits nouveaux importants qui motivent la révision, soit des faits qui étaient, certes, connus lors de la procédure précédente, mais qui n'avaient pas pu être prouvés, au détriment du requérant (arrêt du Tribunal fédéral 9C_226/2014 du 19 mai 2014 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral C 175/0 du 29 novembre 2005 consid. 2.2).

Les preuves concluantes supposent la réunion de cinq conditions : 1. elles doivent porter sur des faits antérieurs (pseudo-nova) ; 2. elles doivent être concluantes, c'est-à-dire propres à entraîner une modification du jugement dans un sens favorable au requérant ; 3. elles doivent avoir déjà existé lorsque le jugement a été rendu (plus précisément jusqu'au dernier moment où elles pouvaient encore être introduites dans la procédure principale) ; 4. elles doivent avoir été découvertes seulement après coup ; 5. le requérant n'a pas pu les invoquer, sans faute de sa part, dans la procédure précédente (ATF 143 III 272 consid. 2.2).

Le moyen de preuve ne doit pas servir à l'appréciation des faits seulement, mais à l'établissement de ces derniers (ATF 138 V 324 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral I 183/04 du 28 avril 2005 consid. 2.2). Ainsi, il ne suffit par exemple pas qu'une nouvelle expertise donne une appréciation différente des faits ; il faut bien plutôt des éléments de fait nouveaux, dont il résulte que les bases de la décision entreprise comportaient des défauts objectifs (arrêt du Tribunal fédéral 8C_368/2013 du 25 février 2014 consid. 5.1). Un moyen de preuve est important lorsqu'il y a lieu d'admettre qu'il aurait conduit à une solution différente si l'assurance en avait eu connaissance dans la procédure principale (ATF 143 V 105 consid. 2.3). La preuve doit établir de manière indiscutable (« eindeutig ») que l'état de fait retenu dans la procédure précédente était erroné (arrêt du Tribunal fédéral U 561/06 du 28 mai 2007 consid. 6.2 et les références).

Si les nouveaux moyens sont destinés à prouver des faits allégués antérieurement, le requérant doit aussi démontrer qu'il ne pouvait pas les invoquer dans la précédente procédure (ATF 127 V 353 consid. 5b). Une révision est en effet exclue lorsque le moyen de preuve pouvait être invoqué plus tôt. Il est ainsi uniquement possible d'invoquer un moyen de preuve qui était inconnu ou ne pouvait être produit avant, malgré la diligence du requérant. Il y a lieu de conclure à un manque de diligence lorsque la découverte de faits ou de moyens de preuve nouveaux résulte de recherches qui auraient pu et dû être effectuées dans la procédure précédente. On n'admettra qu'avec retenue qu'il était impossible à une partie d'alléguer un fait déterminé dans la procédure antérieure, car le motif de révision des faux nova ne doit pas servir à remédier aux omissions de la partie requérante dans la conduite de la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 4A_570/2011 du 23 juillet 2012 consid. 4.1). La révision ne doit ainsi pas servir à remédier à une négligence qui aurait pu être évitée (Ueli KIESER,
ATSG-Kommentar, 2020, n. 33 ad 53).

3.2 Une décision est sans nul doute erronée au sens de l'art. 53 al. 2 LPGA non seulement si elle a été rendue sur la base de normes fausses ou non pertinentes, mais encore lorsque les dispositions pertinentes n’ont pas été appliquées ou qu’elles l’ont été de manière erronée, ou encore lorsqu’elles ont été correctement appliquées sur la base d’une constatation erronée résultant de l’appréciation des faits. Pour des motifs de sécurité juridique, l’irrégularité doit être manifeste
zweifellos unrichtig »), de manière à éviter que la reconsidération devienne un instrument autorisant sans autre limitation un nouvel examen des conditions à la base des prestations de longue durée. En particulier, les organes d’application ne sauraient procéder en tout temps à une nouvelle appréciation de la situation après un examen plus approfondi des faits. Ainsi, une inexactitude manifeste ne saurait être admise lorsque l’octroi de la prestation dépend de conditions matérielles dont l’examen suppose un pouvoir d’appréciation, quant à certains de leurs aspects ou de leurs éléments, et que la décision initiale paraît admissible compte tenu de la situation antérieure de fait et de droit. S’il subsiste des doutes raisonnables sur le caractère erroné de la décision initiale, les conditions de la reconsidération ne sont pas réalisées (arrêts du Tribunal fédéral 9C_71/2008 du 14 mars 2008 consid. 2 et 9C_575/2007 du 18 octobre 2007 consid. 2.2).

Pour qu’une décision soit qualifiée de manifestement erronée, il ne suffit donc pas que l’administration ou le juge, en réexaminant l’une ou l’autre des conditions du droit aux prestations d’assurance, procède simplement à une appréciation différente de celle qui avait été effectuée à l’époque et qui était, en soi, soutenable. L’appréciation inexacte doit être, bien plutôt, la conséquence de l’ignorance ou de l’absence de preuves de faits essentiels (arrêt du Tribunal fédéral 9C_693/2007 du 2 juillet 2008 consid. 5.3). Si, par rapport à la situation de fait et de droit existant au moment de la décision entrée en force d’octroi de la prestation
(ATF 125 V 383 consid. 3 et les références citées), le prononcé sur les conditions du droit apparaît soutenable, on ne saurait dans ce cas admettre le caractère sans nul doute erroné de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 9C_215/2007 du
2 juillet 2007 consid. 3.2).

Pour juger s’il est admissible de reconsidérer une décision au motif qu’elle est sans nul doute erronée, il faut se fonder sur la situation juridique existant au moment où cette décision a été rendue, compte tenu de la pratique en vigueur à l’époque (ATF 147 V 167 consid. 4.2 ; 140 V 77 consid. 3.1). Par le biais de la reconsidération, on corrigera une application initiale erronée du droit
(ATF 146 V 364 consid. 4.2).

4.             En l’espèce le recourant requiert l’annulation des décisions de réparation du dommage du 4 août 2022.

4.1 Dans un premier moyen de nature formelle, il reproche à l’intimée de ne pas lui avoir clairement expliqué qu'il devait s'opposer par écrit aux décisions du
4 août 2022 et soutient qu’il aurait manifesté son désaccord avec lesdites décisions, lors de l’entretien téléphonique du 11 août 2022. Ce faisant, il semble remettre en cause l’entrée en force des décisions litigieuses en se prévalant d’une opposition orale.

La chambre de céans rappellera cependant que les quatre décisions contestées contiennent les voies de droit et indiquent expressément qu’une opposition peut être formée contre la décision dans les trente jours « par écrit ou par oral lors d’un entretien personnel ». De surcroît, la notice interne relative à la conversation du
11 août 2022 (selon une traduction libre) mentionne que l’intéressé avait déclaré qu’il saisirait le Tribunal, ce à quoi il lui avait été répondu qu’il ne s’agissait pas d’une voie directe et que les voies de recours étaient indiquées à la troisième page de chaque décision.

Ainsi, le recourant a été dûment informé des démarches à effectuer et il ne pouvait ignorer qu’un simple appel téléphonique ne suffisait pas pour contester valablement les décisions reçues.

En l’absence de toute opposition formelle, les décisions du 4 août 2022 sont entrées en force.

4.2 Le recourant conclut principalement à la révision des décisions de réparation du dommage.

4.2.1 Il se prévaut tout d’abord de sa fonction effective au sein de la société, en résumant sa collaboration avec le directeur et les circonstances ayant conduit à son inscription au registre du commerce, en décrivant les rôles des différents protagonistes dans l’entreprise, en maintenant qu’il n’avait en réalité jamais géré la société et qu’il avait uniquement travaillé en tant que serveur polyvalent en charge de la discothèque. Afin d’étayer ces dires, il a produit plusieurs documents, dont son certificat de travail daté du 1er juin 2022, l’attestation du
12 janvier 2024 de D______, la note du 11 décembre 2024 co-signée par D______, E______ et une tierce personne dont l’identité n’est pas mentionnée mais qui devrait selon toute vraisemblance être C______.

La chambre de céans ne peut que constater que ces faits, et par conséquent le contenu des pièces qui s’y rapportent, étaient connus au moment de la notification des décisions de réparation et ont dûment été pris en considération par l’intimée.

En effet, selon la jurisprudence constante, les gérants d’une société à responsabilité limitée qui ont été formellement désignés en cette qualité, ainsi que les personnes qui exercent cette fonction en fait, sont soumis à des obligations de contrôle et de surveillance étendues, dont le non-respect peut engager leur responsabilité (art. 827 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse [CO, Code des obligations - RS 220]) en corrélation avec
l'art. 754 CO). Ils répondent selon les mêmes principes que les organes d'une société anonyme pour le dommage causé à une caisse de compensation ensuite du non-paiement de cotisations d’assurances sociales (ATF 126 V 237 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_657/2015 du 19 janvier 2016 consid. 5.3 ; 9C_344/2011 du 3 février 2012 consid. 3.2). Ils ont l'obligation de se faire renseigner périodiquement sur la marche des affaires, ce qui inclut notamment la surveillance du paiement des cotisations sociales paritaires ; ils sont tenus en corollaire de prendre les mesures appropriées lorsqu'ils ont connaissance ou auraient dû avoir connaissance d'irrégularités commises dans la gestion de la société (ATF 114 V 219 consid. 4a ; voir également arrêt du Tribunal fédéral 9C_657/2015 du 19 janvier 2016 consid. 5.3 ; 9C_152/2009 du 18 novembre 2009 consid. 6.1, in SVR 2010 AHV n° 4 p. 11). Le gérant qui conserve formellement un mandat de gestion qu’il indique n'avoir jamais assumé dans les faits occupe une situation comparable à celle d'un homme de paille, qui se déclare prêt à assumer ou à conserver un mandat d'administrateur d'une société anonyme ou d'associé gérant d'une société à responsabilités limitée, tout en sachant qu'il ne pourra (ou ne voudra) pas le remplir consciencieusement, et viole, en cela, son obligation de diligence (arrêt du Tribunal fédéral 9C_446/2014 du
2 septembre 2014 consid. 4.2).

Partant, l'ensemble des arguments exposés par le recourant pour tenter de démontrer qu'il n'a jamais participé à la gestion des affaires de la société tombe à faux, puisque c'est précisément cette inaction qui constitue la violation de ses devoirs.

4.2.2 Le recourant fait également valoir qu’il avait voulu démissionner et être libéré de toute fonction en 2020 déjà, comme attesté par la note du
11 décembre 2024.

Cette hypothétique volonté est sans pertinence. Il est établi par pièces que l’intéressé a remis sa démission à la société et a sollicité sa radiation du registre du commerce le 4 février 2022 seulement. Auparavant, il n’avait pris aucune mesure concrète pour être relevé de son mandat de gérant, alors qu’il se savait inscrit en cette qualité audit registre. Il a donc accepté les conséquences qui y étaient rattachées, jusqu’en 2022.

La note du 11 décembre 2024 n’est donc pas susceptible de motiver la révision des décisions de réparation du dommage.

4.2.3 Le recourant invoque ensuite que depuis son inscription comme gérant le
30 avril 2018, la société n'avait jamais tenu d'assemblées et n’avait donc pas pu prendre de décision pour le réélire en 2019, 2020, 2021 et 2022, ce qu’il avait appris à la lecture du procès-verbal du 18 avril 2023 et que les différents responsables de la société avaient reconnu par écrit. Selon lui, en l’absence de toute assemblée des associés durant les années précitées, son mandat avait pris fin de facto et sa responsabilité était exclue. Il se réfère à l’art. 22 al. 2 des statuts de la société, qui prévoient expressément que les gérants sont élus par ladite assemblée pour une durée d’une année et qu’une réélection est possible, et soutient que, conformément à la jurisprudence fédérale, une reconduction tacite de son mandat était exclue. Ainsi, il ne revêtait plus la qualité de gérant dès la fin du mois d’avril 2019, soit une année après son inscription au registre du commerce, au plus tard à la fin de l’année 2019. À l’appui de cette argumentation, il a transmis le procès-verbal du 18 avril 2023 de E______.

La chambre de céans relève que ce document est postérieur aux décisions dont la révision est requise et que l’intéressé ne pouvait donc pas en faire état avant l’entrée en force desdites décisions. Toutefois, ce procès-verbal n’établit pas, au degré de la vraisemblance prépondérante, l’absence de toute assemblée des associés de 2019 à 2022, comme soutenu par le recourant, puisque E______ n’a pas été interrogé sur la tenue d’une telle réunion. Il a uniquement répondu à la question de savoir si des procès-verbaux des assemblées générales avaient été dressés. Qui plus est, dans la « Note au dossier » du
11 décembre 2024, E______ a indiqué qu’il avait formellement remplacé C______ à compter du 22 décembre 2020, à la suite de la démission de cet associé gérant président, et qu’il avait dès cette date exercé les tâches comptables et administratives, « essentiellement comptabilité, impôts, tenue des assemblées », ce qui plaide en faveur de l’organisation de telles assemblées. Cette conclusion est d’ailleurs confirmée par un autre paragraphe de cette note, dans laquelle il a écrit que la fonction de gérant du recourant n’avait pas été reconduite lors des « assemblées annuelles », ce qui suppose clairement la tenue régulière de ces séances.

Le procès-verbal du 18 avril 2023 n’est donc d’aucun secours pour le recourant.

4.2.4 À toutes fins utiles, la chambre de céans observera encore, bien que le recourant ne le soutienne pas, que la note du 11 décembre 2024 ne permet pas non plus de procéder à la révision des décisions contestées au motif qu’il n’aurait pas été reconduit dans ses fonctions de gérant lors des assemblées.

En effet, la procédure de révision ne tend pas à pallier les omissions de la partie requérante. La teneur des statuts n’étant pas nouvelle, le recourant aurait dû invoquer un tel fait à l’appui d’une opposition aux décisions de réparation du dommage. Ainsi, même si elle devait être établie, l’absence de reconduction de son mandat lors des assemblées annuelles ne constituerait pas un fait nouveau important justifiant une révision des décisions de réparation du dommage. De surcroît, l’intéressé ne soutient pas, et ne démontre par conséquent pas non plus, que cette note, établie vraisemblablement à sa demande et pour les besoins de la cause, n’aurait pas pu être obtenue dans le cadre d’une procédure d’opposition. Il a donc omis d’effectuer les démarches utiles en temps voulu, manquant ainsi de diligence.

Par surabondance, il sera enfin relevé que la note du 11 décembre 2024 comprend de nombreuses imprécisions, voire des contradictions.

À titre d’exemples, elle mentionne, d’une part, que les fonctions du recourant, formellement enregistré comme gérant le 25 avril 2018 « pour donner suite aux exigences légales auxquelles était soumise la société », étaient en pratique celles d’un simple « employé de confiance », responsable du bar, de la salle et de la caisse, alors que la « bonne marche des affaires » était assurée par
D______. D’autre part, elle indique que ce dernier avait repris, après son inscription au registre du commerce en qualité de directeur le
22 novembre 2018, « l’ensemble des fonctions qui avaient pu être exercées » par l’intéressé, « sauf la responsabilité du bar et la tenue de la caisse », ce qui implique donc des tâches plus étendues que celles précédemment citées.

Il apparaît de plus incohérent d’affirmer que la fonction de gérant du recourant n’avait pas été reconduite lors des « assemblées annuelles » et de préciser que l’intéressé avait demandé en 2020 déjà à être libéré de toute fonction dans la société. Si son mandat n’avait pas été renouvelé lors de l’assemblée annuelle de 2019, on voit mal pour quelle raison il aurait dû solliciter par la suite d’en être relevé. De même, si sa réélection n’avait pas été décidée en 2019, 2020 et 2021, on peine à comprendre pour quel motif il n’aurait pas été radié du registre du commerce, comme il l’aurait prétendument demandé, et pourquoi il a dû présenter sa démission en 2022.

4.2.5 Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que les conditions d'une révision au sens de l'art. 53 al. 1 LPGA ne sont pas remplies.

4.3 S’agissant de la demande de reconsidération, la chambre de céans observe tout d’abord que l’intimée est bien entrée en matière, en dépit de ce qu’elle a indiqué dans son courrier du 31 mai 2024 et dans sa décision du 16 août 2024.

4.3.1 Le recourant soutient que les décisions de réparation du dommage sont erronées, puisqu’il n’avait pas été gérant de manière effective de la société, et reproche à l’intimée de ne pas avoir vérifié l’existence de son mandat et de s’être fiée aux inscriptions portées au registre du commerce.

La chambre de céans rappelle que le recourant avait déjà allégué, lors de la conversation téléphonique du 11 août 2022, qu’il n’était pas réellement un gérant de la société, qu’il n’exerçait aucune influence dans l’entreprise et n’avait pas d’accès aux comptes. Il lui avait été rétorqué qu’on pouvait sans hésiter le qualifier d’homme de paille, au vu de ses explications. L’intimée n’avait donc pas à procéder à des investigations complémentaires avant de rendre sa décision.

En outre, d’autres éléments corroborent les indications du registre du commerce, en particulier les demandes d’allocation pour perte de gain « coronavirus » désignant l’intéressé comme ayant une position d’employeur. S’il est probable que ces formulaires ont été remplis par le fiduciaire, il n’en demeure pas moins que l’intéressé a reçu les décomptes mentionnant expressément ladite position.

Dès lors que les décisions dont la reconsidération est demandée sont conformes à la jurisprudence constante rendue en matière de responsabilité subsidiaire des organes d’une personne morale, elles ne sont pas manifestement erronées.

4.3.2 Dans ces circonstances, les conditions d'une reconsidération au sens de
l'art. 53 al. 2 LPGA ne sont pas non plus remplies dans le cas d'espèce.

5.             Par conséquent, le recours doit être rejeté et la décision sur opposition querellée confirmée.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 89H LPA).

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Melina CHODYNIECKI

 

La présidente

 

 

 

 

Joanna JODRY

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le