Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/886/2025 du 17.11.2025 ( LAA ) , ADMIS/RENVOI
En droit
| rÉpublique et | canton de genÈve | |
| POUVOIR JUDICIAIRE
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| A/2994/2024 ATAS/886/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
| Arrêt du 17 novembre 2025 Chambre 6 | ||
En la cause
| A______ Représentée par Me Yvan JEANNERET, avocat
| recourante |
contre
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SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS
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intimée |
A. a. A______(ci-après : l’assurée ou la recourante), née en 1990, a suivi une formation d’aide-coiffeuse qu’elle a achevée en août 2009. Elle n’a pas travaillé après la fin de cette formation.
b. L’assurée a eu quatre enfants respectivement nés en 2010, 2011, 2015 et 2019, et a ensuite perçu des indemnités de chômage. À ce titre, elle était assurée contre les accidents auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après : la SUVA ou l’intimée).
B. a. Le 11 mars 2017, l’assurée a subi un accident en tombant de sa hauteur chez elle. Elle a été en incapacité de travail totale dès cette date, régulièrement attestée par différents médecins. Une tendinopathie fissuraire du supra-épineux avec fissuration quasi transfixiante et une bursite sous-acromio-deltoïdienne ont été révélées par une radiographie et une échographie de l’épaule droite réalisées le 27 juin 2017. L’assurée a par la suite consulté le docteur B______, médecin au service de chirurgie orthopédique des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) en raison de cette atteinte.
b. L’assurée a subi une arthroscopie avec bursectomie, pratiquée le 10 octobre 2017 par le Dr B______. Celui-ci a par la suite fait état d’une évolution défavorable dans plusieurs rapports établis à l’attention de la SUVA.
c. Le 28 septembre 2018, le Dr B______ a retenu une indication chirurgicale à une arthroscopie pour une résection du centimètre externe et une ténodèse du long chef du biceps, laquelle devait toutefois être ajournée en raison de la grossesse de l’assurée.
d. L’assurée a accouché le 21 mars 2019. Le 7 août 2019, les médecins du service de chirurgie orthopédique des HUG ont derechef posé une indication à une nouvelle arthroscopie, que l’assurée souhaitait cependant repousser au vu de son contexte social avec un bébé à charge. Son incapacité de travail se prolongeait dans l’attente de la reprise, dès lors que son métier de coiffeuse sollicitait beaucoup les épaules.
e. Par décision du 23 octobre 2019, l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève a alloué à l’assurée une rente d’invalidité complète du 1er mars 2018 au 30 novembre 2018.
f. Compte tenu du refus de l’assurée de se faire opérer en raison de sa situation familiale, la SUVA, se fondant sur un avis de son médecin d’arrondissement, a rendu une première décision le 25 mars 2020 tenant compte d’un état de santé stabilisé et refusant le droit à la rente, au vu de la capacité de travail entière dans une activité adaptée, ce qui excluait une incapacité de gain. À la suite de l’opposition de l’assurée et de plusieurs correspondances avec le Dr B______, la SUVA a annulé cette décision et repris le versement de ses prestations, ce qu’elle a communiqué à l’assurée par courrier 22 septembre 2020.
g. L’assurée a subi une nouvelle arthroscopie le 16 octobre 2020 avec suture du sous-scapulaire, ténodèse du long chef du biceps, débridement du sus-épineux et résection du centimètre externe de la clavicule. À la suite de cette intervention, le Dr B______ et le docteur C______, spécialiste en médecine du sport, ont établi plusieurs rapports décrivant l’évolution globalement défavorable de l’état de l’assurée.
h. Dans un rapport du 1er décembre 2022, le Dr B______ a indiqué que l’ensemble des possibilités de traitement conservateur avaient été explorées. Il avait discuté avec l’assurée d'une dernière solution chirurgicale, soit une arthroscopie associée à une résection ouverte du centimètre externe de la clavicule et une ténotomie du long chef du biceps, mais lui avait expliqué que ce geste ne pouvait garantir l'amélioration totale de sa symptomatologie, bien qu’il puisse avoir des effets sur les douleurs et le confort de vie. L’assurée avait accepté cette intervention, eu égard à ses douleurs devenues insupportables.
i. Cette troisième intervention a été pratiquée le 18 janvier 2023. Dans son rapport du 8 juin 2023, le Dr B______ a qualifié l’évolution de peu favorable, avec une persistance des douleurs malgré la physiothérapie.
j. L’assurée a consulté le docteur D______, spécialiste en anesthésie, le 11 octobre 2023. Celui-ci a proposé dans un premier temps des patchs et des perfusions de lidocaïne, voire de kétamine. S’il n’y avait pas d’amélioration, des séances de stimulation magnétique cérébrale non invasive (rTMS) seraient organisées pour traiter la douleur neuropathique et permettre une désensibilisation centrale à la douleur, et des blocs du nerf sus-épineux pourraient être proposés.
k. Dans un rapport du 19 décembre 2023, le Dr B______ a noté une situation inchangée, avec des douleurs persistantes et une limitation de la force et de la mobilité. Il n’y avait pas d’indication chirurgicale et le traitement de la douleur devait être optimisé. Il convenait d’insister auprès de l’assurance-invalidité pour une prise en charge au moins partielle et discuter d'une reconversion. En effet, la position la plus supportable pour l’assurée était debout, avec travail les bras proches du corps.
l. Le 31 janvier 2024, le docteur E______, spécialiste en orthopédie et médecin d’arrondissement de la SUVA, a examiné l’assurée. Celle-ci ne progressait pas et n’allait pas très bien. Elle pouvait conduire une voiture automatique, mais ne faisait pas les courses ou peu. Elle cuisinait en s’aidant de la main gauche. Pour le Dr E______, il fallait explorer les possibilités de prise en charge de la douleur, mais le cas était stabilisé. Les consultations étaient admissibles, mais « une corticalisation importante de la douleur, qui ne trouvait plus aucun substratum local cohérent, était probable ». Le métier de coiffeuse n’était plus exigible, et les limitations fonctionnelles empêchaient de soulever des charges de plus de 8 kg le bras le long du corps, de plus de 5 kg en élévation coude au corps et de plus de 2 kg en direction de l’horizontale. Le travail n’était pas possible au-delà de l’horizontale avec le membre supérieur droit. L’activité exigible était « un travail volontiers bimanuel où le bras droit, à condition de ne pas soulever en direction de l’horizontale et de ne pas être soumis non plus à des vibrations, permet une exigibilité à 100% sans perte de rendement. Le travail donc exigible est un travail léger » (sic).
m. Le 6 février 2024, le Dr E______ a évalué l’atteinte à l'intégrité à 15%, en se référant à la table n° 1 de la SUVA relative aux troubles fonctionnels des membres supérieurs, laquelle prévoyait un tel taux en cas d’épaule mobile jusqu'à l'horizontale.
n. Le 13 février 2024, la SUVA a annoncé à l’assurée qu’elle mettait fin au paiement des soins médicaux et des indemnités journalières au 31 mars 2024. Elle a repris les limitations fonctionnelles décrites par le Dr E______.
o. Le 26 février 2024, la SUVA a calculé le taux d’invalidité. Elle s’est fondée pour le revenu sans invalidité sur le salaire d’un employé semi-qualifié selon la Convention collective de travail (CCT) 2024 du domaine de la coiffure, soit CHF 48'600.-. Le gain d’invalide était fondé sur les chiffres de l'enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) de 2020, niveau de compétence 1, ligne Total, soit CHF 56'214.59 après indexation à 2024 et adaptation à la durée normale de travail de 41.7 heures.
p. Par décision du 26 février 2024, la SUVA a nié à l’assurée le droit à une rente en l’absence d’invalidité. Une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 15% lui était allouée.
q. Le 5 mars 2024, le Dr B______ a rappelé à la SUVA l’évolution peu favorable de l’assurée, avec des douleurs chroniques difficilement gérables. Il s’est dit surpris des capacités fonctionnelles retenues, qu’il pensait surestimées. La seule solution professionnelle qu’il envisageait était un travail debout, les bras proches du corps mais avec un poids fortement limité. Les charges de 8 et 5 kg admises par le Dr E______ ne lui paraissaient pas adéquates, et il considérait que la charge maximale les bras le long du corps ne dépassait pas 2 kg. Par ailleurs, toute charge avec les bras le long du corps était impossible. La capacité de travail dans une telle activité n’était pas réalisable à temps complet, et une reprise du travail devrait être limitée à 50%. Il était également surpris de l’indemnité pour atteinte à l'intégrité de 15%, qui ne permettait même pas d’envisager une reconversion auprès de l'assurance-invalidité.
r. Le 15 mars 2024, l’assurée, par son mandataire, s’est opposée à la décision de la SUVA. Elle a contesté le taux de diminution de 15% (sic). Elle a dit souffrir d'une situation fortement handicapante, avec des limitations fonctionnelles du membre supérieur droit et des douleurs chroniques. Les capacités fonctionnelles retenues étaient irréalistes. Elle a également contesté une pleine capacité de travail dans une activité adaptée. Elle a requis la mise en œuvre d’une expertise.
s. Par décision du 17 juillet 2024, la SUVA a écarté l’opposition. Elle a repris son calcul d’invalidité, et soutenu qu’aucun élément médical ne permettait de remettre en cause l’évaluation de l’indemnité pour atteinte à l'intégrité par le Dr E______.
C. a. Par écriture du 16 septembre 2024, l’assurée a interjeté recours contre la décision de la SUVA. Elle a conclu, sous suite de dépens, préalablement, à ce qu’elle soit autorisée à produire des documents médicaux et à compléter son recours, à ce qu’une expertise pluridisciplinaire soit mise en œuvre, à l’audition des Drs B______ et F______, spécialiste en orthopédie, et à son audition, et sur le fond à l’annulation de la décision de l’intimée, et à ce qu’il soit dit qu’elle avait droit à une rente dès le 1er avril 2024 et à une indemnité pour atteinte à l'intégrité de plus de 15%. Elle a contesté les conclusions du Dr E______, annonçant qu’elle produirait une attestation. Le Dr B______ avait sollicité l’avis du Dr F______, lequel avait constaté d’importantes limitations fonctionnelles de l’épaule droite, ce qui corroborait la capacité de travail de 50% retenue par le Dr B______. Elle a soutenu que ses fortes douleurs diminuaient sa capacité de travail. Elle a en outre contesté l’indemnité pour atteinte à l'intégrité allouée, déclarant à ce sujet qu’elle se référait aux motifs déjà évoqués dans son écriture et à l’expertise qu’elle requérait.
La recourante a produit un courrier du Dr F______ du 27 août 2024, rapportant qu’il évaluait la fonctionnalité de son épaule selon le score SANE (Single Assesment Numeric Evaluation) à 50%. Le Dr C______ préconisait une limitation à 3 kg des charges à bout de bras et une reconversion professionnelle.
b. Dans sa réponse du 8 novembre 2024, l’intimée a conclu au rejet du recours.
c. Dans sa réplique du 1er septembre 2025, la recourante a persisté dans ses conclusions. Elle a produit plusieurs documents :
- Un courrier du 30 septembre 2024 du Dr B______, mentionnant les limitations fonctionnelles suivantes : poids de 5 kg le long du corps, 3 kg coude au corps et à peine 1 kg à l’horizontale. La seule possibilité était un travail manuel uniquement en-dessous de l’horizontale, avec une charge très limitée, et le rendement serait néanmoins affecté.
- Une attestation du 23 janvier 2025 du Dr B______, mentionnant que les limitations fonctionnelles étaient la réalisation de gestes proches du corps, la manipulation de charges excédant 5 kg, l’évitement d’activités impliquant le levage ou le maintien de charges avec les membres supérieurs au-dessus de l’horizontale. Il ne voyait aucune contre-indication à un métier exercé dans le secteur de l’hôtellerie.
- Un courrier du 2 avril 2025 du Dr B______ à la SUVA, relatant que la recourante avait débuté une activité d’agente hôtelière au sein des HUG, qui ne tenait toutefois pas compte de l’ensemble de ses limitations fonctionnelles. Celles-ci l’empêchaient de reprendre une vie professionnelle adéquate. Il sollicitait une nouvelle expertise.
- Un rapport du 26 mai 2025 à la suite de la mesure Retour Emploi mise en œuvre par l’office cantonal de l’emploi (OCE) et suivie de février à avril 2024, concluant que l’activité dans l’hôtellerie n’était pas adaptée selon la recourante.
- Un courrier du 12 août 2025 du Dr B______ confirmant son avis de septembre 2024.
d. Dans sa duplique du 17 septembre 2025, l’intimée a persisté dans ses conclusions.
e. Sur ce, la cause a été gardée à juger.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA).
2. Le recours porte sur le droit de la recourante à une rente d’invalidité et sur le taux de l’indemnité pour atteinte à l'intégrité.
3. L'assurance-accidents est en principe tenue d'allouer ses prestations en cas d'accident professionnel ou non professionnel en vertu de l'art. 6 al. 1 LAA. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique ou mentale (art. 4 LPGA). La loi prévoit notamment les prestations suivantes en cas d’accident.
3.1 Si l'assuré est invalide (art. 8 LPGA) à 10% au moins par suite d'un accident, il a droit à une rente d'invalidité (art. 18 al. 1 LAA). L'art. 8 LPGA précise qu'est réputée invalidité l'incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée. Est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur un marché du travail équilibré dans son domaine d'activité, si cette diminution résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (art. 7 LPGA).
En vertu de l'art. 19 al. 1 LAA, le droit à la rente prend naissance dès qu'il n'y a plus lieu d'attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l'état de l'assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l'assurance-invalidité ont été menées à terme. Le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente. La loi ne précise pas ce qu'il faut entendre par « une sensible amélioration de l'état de l'assuré ». Eu égard au fait que l'assurance-accident est avant tout destinée aux personnes exerçant une activité lucrative (cf. art. 1a et 4 LAA), ce critère se détermine notamment en fonction de la diminution ou disparition escomptée de l'incapacité de travail liée à un accident. L'ajout du terme « sensible » par le législateur tend à spécifier qu'il doit s'agir d'une amélioration significative, un progrès négligeable étant insuffisant (ATF 134 V 109 consid. 4.3).
3.2 Conformément à l'art. 24 al. 1 LAA, l’assuré qui, par suite de l’accident, souffre d’une atteinte importante et durable à son intégrité physique, mentale ou psychique, a droit à une indemnité équitable pour atteinte à l’intégrité. L’indemnité est fixée en même temps que la rente d’invalidité ou, si l’assuré ne peut prétendre une rente, lorsque le traitement médical est terminé (al. 2). L’indemnité pour atteinte à l'intégrité est allouée sous forme de prestation en capital. Elle ne doit pas excéder le montant maximum du gain annuel assuré à l'époque de l'accident et elle est échelonnée selon la gravité de l’atteinte à l’intégrité. Le Conseil fédéral édicte des prescriptions détaillées sur le calcul de l'indemnité (art. 25 al. 1 et 2 LAA). Cette indemnité a pour but de compenser le dommage subi par un assuré du fait d'une atteinte grave à son intégrité corporelle ou mentale due à un accident et a le caractère d'une indemnité pour tort moral (Message du Conseil fédéral à l'appui d'un projet de loi sur l'assurance-accidents, FF 1976 III p. 171). Elle vise à compenser le préjudice immatériel (douleurs, souffrances, diminution de la joie de vivre, limitation des jouissances offertes par l'existence etc.) qui perdure au-delà de la phase du traitement médical et dont il y a lieu d'admettre qu'il subsistera la vie durant (ATF 133 V 224 consid. 5.1). Sa fixation dépend uniquement de facteurs médicaux objectifs, valables pour tous les assurés, sans égard à des considérations d’ordre subjectif ou personnel ; l’atteinte à l’intégrité est donc la même pour tous les assurés présentant un status médical identique. Son évaluation incombe avant tout aux médecins, qui doivent d'une part constater objectivement quelles limitations subit l'assuré et d'autre part estimer l’atteinte à l’intégrité en résultant (Jean-Maurice FRÉSARD / Margit MOSER-SZELESS, L'assurance-accidents obligatoire in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], 3e éd. 2016, nn. 311 et 317 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_442/2013 du 4 juillet 2014 consid. 2). Selon l'art. 36 de l'ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA - RS 832.202), édicté conformément à la délégation de compétence contenue à l’art. 25 LAA, une atteinte à l’intégrité est réputée durable lorsqu'il est prévisible qu'elle subsistera avec au moins la même gravité, pendant toute la vie. Elle est réputée importante lorsque l'intégrité physique, mentale ou psychique subit, indépendamment de la diminution de la capacité de gain, une altération évidente ou grave (al. 1). L’indemnité pour atteinte à l’intégrité est calculée selon les directives figurant à l'annexe 3 à l'ordonnance (al. 2). L'annexe 3 à l'ordonnance comporte un barème des lésions fréquentes et caractéristiques, évaluées en pour cent, dont le Tribunal fédéral a reconnu la conformité à la loi (ATF 124 V 29 consid. 1b). L'indemnité allouée pour les atteintes à l'intégrité désignées à l'annexe 3 à l'OLAA s'élève, en règle générale, au pourcentage indiqué du montant maximum du gain assuré (ch. 1 al. 1). Pour les atteintes à l'intégrité spéciales ou qui ne figurent pas dans la liste, le barème est appliqué par analogie, compte tenu de la gravité de l’atteinte (ch. 1 al. 2). La division médicale de la SUVA a établi des tables d’indemnisation en vue d'une évaluation plus affinée de certaines atteintes (Indemnisation des atteintes à l’intégrité selon la LAA). Ces tables n'ont pas valeur de règles de droit et ne sauraient lier le juge. Toutefois, dans la mesure où il s'agit de valeurs indicatives, destinées à assurer dans la mesure du possible l'égalité de traitement entre les assurés, elles sont compatibles avec l'annexe 3 à l'OLAA (ATF 124 V 209 consid. 4a/cc ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_219/2018 du 5 juillet 2018 consid. 4.2)
4. L’art. 16 LPGA prévoit que, pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation. Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient en principe de se placer au moment de la naissance du droit à la rente (ATF 128 V 174 consid. 4a).
4.1 Le revenu sans invalidité se détermine en établissant au degré de la vraisemblance prépondérante ce que l’intéressé aurait effectivement pu réaliser au moment déterminant s’il était en bonne santé (ATF 129 V 222 consid. 4.3.1). Ce revenu doit être évalué de manière aussi concrète que possible si bien qu’il convient, en règle générale, de se référer au dernier salaire que l’assuré a obtenu avant l’atteinte à sa santé, en tenant compte de l’évolution des salaires. En effet, selon l’expérience générale, la dernière activité aurait été poursuivie sans atteinte à la santé (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_934/2015 du 9 mai 2016 consid. 2.2). En revanche, si la perte de l'emploi est due à des motifs étrangers à l'invalidité, le revenu sans invalidité doit en principe être déterminé sur la base de valeurs moyennes (arrêt du Tribunal fédéral 9C_500/2020 du 1er mars 2021 consid. 4.1). À titre d’exemple, l’établissement du revenu avant invalidité en fonction des valeurs statistiques a été confirmé dans le cas d’un assuré percevant des indemnités de chômage avant son accident (arrêt du Tribunal fédéral 8C_259/2021 du 23 septembre 2021 consid. 4.3).
4.2 Pour déterminer le revenu d'invalide de l'assuré, il faut en l'absence d'un revenu effectivement réalisé se référer aux données salariales, telles qu'elles résultent des ESS (ATF 126 V 75 consid. 3b). La notion de marché équilibré du travail est une notion théorique et abstraite qui sert de critère de distinction entre les cas tombant sous le coup de l'assurance-chômage et ceux qui relèvent de l'assurance-invalidité. Elle implique, d'une part, un certain équilibre entre l'offre et la demande de main d'œuvre et, d'autre part, un marché du travail structuré de telle sorte qu'il offre un éventail d'emplois diversifiés, tant au regard des exigences professionnelles et intellectuelles qu'au niveau des sollicitations physiques. Il n'y a donc pas lieu d'examiner la question de savoir si un assuré peut être placé eu égard aux conditions concrètes du marché du travail, mais uniquement de se demander s'il pourrait encore exploiter économiquement sa capacité résiduelle de travail sur un marché où les places de travail disponibles correspondent à l'offre de main d'œuvre (arrêt du Tribunal fédéral 9C_326/2018 du 5 octobre 2018 consid. 6.2 et les références). Le revenu tiré d'activités simples et répétitives (niveau 4 jusqu'à l'ESS 2010 et niveau 1 dès l'ESS 2012) est une valeur statistique qui s'applique à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers (arrêt du Tribunal fédéral 9C_692/2015 du 23 février 2016 consid. 3.1). On soulignera en particulier que le caractère mono-manuel de l’activité adaptée ne suffit pas à exclure l’applicabilité du revenu de niveau 1 tiré d’activités simples et répétitives selon l’ESS. En effet, cette valeur statistique s'applique à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers (arrêt du Tribunal fédéral 9C_692/2015 du 23 février 2016 consid. 3.1). Le Tribunal fédéral a à plusieurs reprises admis que le revenu d’invalide soit fixé en référence à ce revenu dans le cas d’activités mono-manuelles légères (arrêts du Tribunal fédéral 9C_633/2016 du 28 décembre 2016 consid. 4.3 et 8C_670/2015 du 12 février 2016 consid. 4.3).
4.3 Selon la jurisprudence, il y a lieu de procéder à une réduction des salaires statistiques lorsqu'il résulte de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité ou catégorie d’autorisation de séjour et taux d’occupation) que le revenu que pourrait réaliser l'assuré en mettant en valeur sa capacité résiduelle de travail est inférieur à la moyenne. Un abattement global maximal de 25% permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 148 V 174 consid. 6.3). Savoir s'il convient de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison des circonstances du cas particulier constitue une question de droit, tandis que l'étendue de l'abattement justifié dans un cas concret constitue une question typique relevant du pouvoir d'appréciation (ATF 146 V 16 consid. 4.2).
5. Pour pouvoir trancher le droit aux prestations, l'administration ou l'instance de recours a besoin de documents que le médecin ou d'autres spécialistes doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 ; 115 V 133 consid. 2).
Selon le principe de la libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il convient que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3 ; 122 V 157 consid. 1c). Une expertise médicale établie sur la base d’un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d’appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l’assuré (RAMA 2001 n. U 438 p. 346 consid. 3d).
Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères (arrêt du Tribunal fédéral 8C_606/2021 du 5 juillet 2022 consid. 3.2). S'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 139 V 225 consid. 5.2).
6.
6.1 Dans le cas d’espèce, il n’est pas contesté que le cas de la recourante était stabilisé au plan médical et que l’intimée était ainsi fondée à mettre un terme au versement d’indemnités journalières au 31 mars 2024. En effet, à cette date, les médecins traitants n’envisageaient aucune option thérapeutique susceptible d’apporter une amélioration significative de l’état de santé de la recourante. En particulier, on ne saurait considérer que l’optimisation du traitement antalgique et les mesures proposées par le Dr D______ font obstacle à la stabilisation de l’état de santé, dès lors qu’il n’est pas question d'amélioration sensible de l'état de santé lorsque la mesure thérapeutique ne fait que soulager momentanément des douleurs occasionnées par un état par ailleurs stationnaire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_131/2018 du 25 juillet 2018 consid. 6.3).
6.2 La recourante conteste en revanche le taux de l’indemnité pour atteinte à l'intégrité. Cette indemnité a été évaluée par le Dr E______ en référence à la table n° 1 relative aux atteintes résultant de troubles fonctionnels des membres supérieurs, ce médecin ayant retenu le taux d’indemnisation applicable lorsqu’une épaule est mobile jusqu’à l’horizontale. Ceci correspond à la limitation fonctionnelle décrite par le Dr B______ dans son courrier du 30 septembre 2024. La recourante n’émet en outre aucune critique concrète quant à la fixation de cette indemnité, et ne fait pas état d’éléments objectifs dont le Dr E______ n’aurait pas tenu compte dans son évaluation. Elle se prévaut uniquement du courrier du 5 mars 2024 du Dr B______, lequel relève que le taux de l’indemnité pour atteinte à l'intégrité ne suffit pas à entreprendre une reconversion. Or, comme on l’a vu, l’indemnité pour atteinte à l'intégrité vise à compenser un préjudice moral, et est allouée indépendamment de la capacité de travail et de gain d’un assuré et d’une éventuelle indication à une reconversion professionnelle, comme le démontre le fait que son taux est identique pour tous les assurés, sans égard à la nature de leur emploi. La nécessité d’une reconversion professionnelle n’est ainsi pas pertinente pour fixer l’indemnité pour atteinte à l'intégrité. En l’absence de motif médical susceptible de mettre en doute l’évaluation du Dr E______, la mise en œuvre d’une expertise pour déterminer le taux d’indemnisation n’a pas lieu d’être. Le droit de faire administrer des preuves n'empêche en effet pas le juge de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, il a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (arrêt du Tribunal fédéral 2C_605/2018 du 24 octobre 2018 consid. 2.1).
6.3 En ce qui concerne la capacité de travail, tant le médecin d’arrondissement que les médecins traitants s’accordent sur l’inexigibilité de l’activité d’aide-coiffeuse. Leur position diverge en revanche s’agissant de l’étendue des limitations fonctionnelles et du taux auquel une activité adaptée pourrait être exercée. Tant le Dr B______ que le Dr C______ retiennent des charges maximales inférieures à celles admises par le médecin d’arrondissement, le premier admettant un poids maximal de 2 kg et le second de 3 kg. Il faut néanmoins relever que dans son attestation du 23 janvier 2025, le Dr B ______ semble admettre que des charges jusqu’à 5 kg peuvent être manipulées. Pour le surplus, les médecins traitants et le Dr E______ se rejoignent largement sur les caractéristiques d’une activité adaptée.
La chambre de céans observe en ce qui concerne les divergences quant aux charges maximales possibles que cet élément n’a pas une portée déterminante sur le droit à la rente, dès lors que le revenu avec invalidité est fixé sur une valeur statistique recouvrant des activités légères, et que le marché du travail équilibré est réputé comprendre des emplois adaptés à des activités mono-manuelles, et a fortiori des activités correspondant également aux limitations plus restrictives rapportées par les Drs B______ et C______. S’agissant en revanche du taux auquel une activité adaptée est exigible, le Dr E______ a conclu qu’elle était possible à temps complet. Il est vrai qu’aucun des médecins consultés par la recourante ne s’est prononcé sur la capacité de travail dans une activité adaptée, hormis le Dr B______, qui a mentionné une capacité de travail de 50% au plus dans son courrier à l’intimée du 5 mars 2024. À ce sujet, il convient de souligner que le score SANE de 50% mentionné par le Dr C______ ne peut être compris comme une diminution de cet ordre de la capacité de travail, et il s’agit d’ailleurs là d’un instrument d’auto-évaluation par le patient. On peut s’étonner du fait que le Dr B______ n’ait pas évoqué de capacité de travail limitée dans son attestation du 23 janvier 2025 portant sur l’indication de l’activité d’agente hôtelière. Il ne ressort pas non plus du rapport de la mesure Retour Emploi que la recourante n’aurait exercé cette activité qu’à temps partiel. Cela étant, ladite activité a consisté en trois jours de formation seulement, de sorte qu’elle n’est pas suffisamment représentative de la capacité de travail de la recourante dans une activité adaptée.
Si l’opinion divergente du Dr B______ sur le taux auquel une activité adaptée et exigible n’est guère motivée – celui-ci préconisant du reste une expertise afin de déterminer cette exigibilité dans son courrier du 2 avril 2025 –, il apparaît cependant que la recourante présente d’importantes douleurs. Le Dr E______ a du reste souligné l’importance d’explorer les options antalgiques possibles. Le médecin d’arrondissement ne s’est toutefois pas prononcé sur l’éventuelle incidence de ces douleurs sur la capacité de travail ou le rendement dans une activité adaptée, fût-ce pour l’exclure, et n’a pas suffisamment étayé ses conclusions sur ce point.
Eu égard à la position du chirurgien traitant et au vu de ces éléments, il existe ainsi un doute quant à la capacité de travail totale retenue dans une activité adaptée. L’intimée s’étant fondée sur le seul avis de son médecin-conseil sur ce point, sans solliciter l’appréciation d’un expert externe, des investigations complémentaires s’imposent, conformément à la jurisprudence. Il y a ainsi lieu de renvoyer la cause à l’intimée, à charge pour celle-ci de mettre en œuvre une expertise confiée à un spécialiste en chirurgie orthopédique indépendant. Au vu du caractère purement orthopédique de l’atteinte, il n’est pas nécessaire de mettre en œuvre une expertise pluridisciplinaire comme le requiert la recourante, celle-ci n’ayant d’ailleurs pas précisé quels domaines médicaux cette expertise devrait couvrir.
La décision de l’intimée doit ainsi être annulée en tant qu’elle porte sur le droit à la rente, le taux de l’indemnité pour atteinte à l'intégrité étant en revanche confirmé.
Au vu de l’issue du litige, la chambre de céans renoncera à l’audition des médecins traitants et de la recourante, par appréciation anticipée des preuves.
7. Le recours est partiellement admis.
La recourante a droit à des dépens, qui seront fixés à CHF 1'500.- (art. 61 let. g LPGA).
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet partiellement.
3. Annule la décision de l’intimée du 17 juillet 2024 en tant qu’elle porte sur le droit à la rente et la confirme pour le surplus.
4. Renvoie la cause à l’intimée pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.
5. Condamne l’intimée à verser à la recourante une indemnité de dépens de CHF 1'500.-
6. Dit que la procédure est gratuite.
7. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
| La greffière
Adriana MALANGA |
| La présidente
Valérie MONTANI |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le