Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1214/2025

ATAS/847/2025 du 04.11.2025 ( LAA ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1214/2025 ATAS/847/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 4 novembre 2025

Chambre 10

 

En la cause

A______

 

recourante

 

contre

BALOISE ASSURANCE SA

représentée par Me Michel D'ALESSANDRI, avocat

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’assurée) née le ______ 1964, travaille depuis le 1er février 1992 en qualité B______ à 90% auprès des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : les HUG ou l’employeur). À ce titre, elle est assurée contre les accidents professionnels et non-professionnels auprès de la BALOISE ASSURANCE SA (ci-après : l’assurance).

b. Par déclaration d’accident du 12 juillet 2024, l’employeur a annoncé à l’assurance que l’assurée s’était blessée au genou gauche le 10 juillet 2024. En descendant d’un muret, elle avait fait une mauvaise réception sur ledit genou.

c. L’assurée a été en incapacité de travail à 100% du 12 juillet au 25 août 2024 et à 50% du 26 août au 22 septembre 2024.

d. Des radiographies du genou gauche réalisées le 12 juillet 2024 par le
docteur C______, spécialiste en radiologie, ont conclu à un épanchement intra-articulaire en sous-quadricipital, sans fracture décelable.

e. Une imagerie par résonnance magnétique (ci-après : IRM) du genou gauche effectuée le 19 juillet 2024 a révélé une déchirure complète du ligament croisé antérieur, une gonarthrose du compartiment fémorotibial externe et
fémoro-pattellaire, un épanchement articulaire en quantité modérée, une fissure horizontale de la corne postérieure du ménisque interne et une déchirure complexe de la corne postérieure du ménisque externe.

f. Dans un rapport du 22 juillet 2024, le docteur D______, médecin auprès de la clinique et permanence d’E______, a indiqué à l’assurance que la patiente avait relaté avoir subi une torsion du genou gauche suite à une descente d’un muret avec d’importantes douleurs. Lors de son examen, il avait constaté une tuméfaction diffuse du genou sans hématome et un épanchement intra-articulaire, avec une flexion limitée à 90°.

g. Par rapport du 6 août 2024, le docteur F______, spécialiste en chirurgie orthopédique, a indiqué que l’assurée avait dû sauter un muret lors d’une randonnée pendant ses vacances le 10 juillet 2024, avec une mauvaise réception sur son membre inférieur gauche, avec une torsion de son genou gauche et la perception immédiate d’une douleur vive transitoire, qui s’était atténuée après quelques minutes. La patiente avait pu retourner à l’hôtel par ses propres moyens, où son genou avait augmenté de volume avec la récidive d’importantes douleurs. Elle avait consulté un médecin à son retour le 12 juillet 2024 et des investigations radiologiques avaient été réalisées. L’IRM du 19 juillet 2024 montrait un status après une déchirure complète du ligament croisé antérieur connue avec les signes de gonarthrose, à la fois fémoro-patellaire et fémoro-tibiale externe, un épanchement modéré, un clivage de la corne postérieure du ménisque interne atteignant la surface inférieure et une déchirure complexe de la corne postérieure du ménisque externe avec une amputation du bord libre, certainement séquellaire au geste arthroscopique de 2003. Il a précisé que la patiente avait présenté un antécédent de déchirure du ligament croisé antérieur survenue en 2003 qui avait été traitée conservativement, sinon un toilettage arthroscopique, et une probable méniscectomie partielle du ménisque externe à cette époque. En conclusion, la patiente avait présenté un traumatisme en torsion de son genou gauche sur une ancienne lésion du ligament croisé antérieur et une probable méniscectomie partielle du ménisque externe réalisée en 2003. Le récent bilan par IRM démontrait une fissuration de la corne postérieure du ménisque interne atteignant la face inférieure et une déchirure plus complexe de la corne postérieure du ménisque externe avec une composante verticale et un status après probable méniscectomie partielle ainsi que les signes d’arthrose fémoro-tibiale externe et fémoro-patellaire. À l’examen clinique du genou gauche, il a notamment relevé un morpho-type en X des membres inférieurs, majoré à gauche, la présence d’un petit épanchement, l’absence de signe méniscal, des douleurs à la palpation. Le test du tiroir rotatoire n’était pas réalisable en raison d’une défense involontaire.

h. Le 13 août 2024, répondant au questionnaire de l’assurance quant au déroulement précis de l’incident, l’intéressée a répondu « en descendant d’un muret par un petit saut je me suis mal réceptionnée sur mon genou gauche, j’ai tout de suite senti un craquement ». À la question de savoir si quelque chose de particulier, tel qu’un coup ou une chute ou une glissade, s’était produit l’intéressée a répondu « craquement au genou gauche lors de la réception du saut ». Elle a indiqué qu’elle avait tout de suite senti que son genou gauche avait été lésé, qu’il avait commencé à enfler le soir avec des douleurs, rendant difficile la mobilité et l’empêchant de dormir. Elle n’avait pas consulté sur place lors de ses vacances car son vol de retour était programmé le lendemain de l’incident, soit le 11 juillet 2024, et elle avait consulté le 12 juillet 2024 dans la matinée.

i. Le 22 août 2024, le docteur G______, médecin d’assurance et spécialiste en chirurgie orthopédique, a mentionné les diagnostics de status post genu valgum bilatéral, status post rupture du ligament croisé antérieur gauche en 2003, status post traitement conservateur de la rupture du ligament croisé antérieur gauche en 2003, status post probable méniscectomie partielle sous arthroscopie au genou gauche en 2003, status post arthrose fémoro-tibiale externe et fémoro-patellaire gauche le 19 juillet 2024. Il a estimé que l’évolution arthrosique était attendue en raison de la lésion du ligament croisé antérieur gauche et de la méniscectomie de l’année 2003. L’IRM du 19 juillet 2024 montrait une lésion des deux ménisques du genou gauche. L’examen clinique des ménisques par le chirurgien orthopédiste constatait l’absence de signe méniscal au genou gauche. Les lésions méniscales constituaient donc une découverte d’examen paraclinique. Le diagnostic de lésion méniscale, en raison de l’absence de signes lors des tests cliniques, ne pouvait donc pas être retenu au genou gauche. Par ailleurs, les autres diagnostics n’apparaissaient pas dans la liste exhaustive de l’art. 6 al. 2 loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20). Une nouvelle analyse ne se justifiait pas en raison d’un dossier clair et très bien instruit.

j. Dans un rapport du 23 novembre 2024, la docteure H______, spécialiste en médecine interne et médecin au Centre médical de I______, a diagnostiqué une entorse du genou gauche avec une lésion méniscale. Elle a indiqué que le pronostic était bon et qu’il n’y avait pas de circonstances particulières pouvant influencer de manière défavorable le processus de guérison. La patiente ne pouvait pas marcher et était suivie par un orthopédiste.

B. a. Par décision du 29 novembre 2024, l’assurance a nié le droit de l’assurée à des prestations. Elle a retenu que la description des circonstances de l’évènement annoncé ne remplissait pas la notion d’accident du point de vue juridique et que, d’après les conclusions de son service médical, le diagnostic de lésion méniscale ne pouvait pas être retenu en l’absence de signes lors des tests cliniques. Le cas n’était ainsi pas à sa charge et l’intéressée était invitée à l’annoncer à
l’assureur-accidents de son employeur de l’époque afin qu’il se détermine sur un éventuel droit à des prestations de sa part.

b. Le 9 janvier 2025, l’assurée a déclaré s’opposer à la décision précitée. Elle a relevé que tous les rapports médicaux faisaient état du caractère traumatique de la lésion résultant de l’accident du 10 juillet 2024. Ce jour-là, elle avait effectué un saut pour descendre d’un muret et son genou avait craqué à la réception. Le contact avec le sol, d’un corps de près de 90 kg, d’une hauteur de plus d’un mètre, était le facteur extérieur qui avait provoqué les atteintes à sa santé. Ce facteur était extraordinaire et résidait dans le déroulement du mouvement, soit le saut, qui par la mauvaise réception au sol avait entrainé la torsion du genou gauche et l’avait sollicité de manière anormale. Au lieu d’atterrir de manière coordonnée, elle avait heurté le sol durement avec un genou gauche tordu. Avant le 10 juillet 2024, elle était en excellente condition physique, n’avait aucune douleur au genou gauche et n’était aucunement empêchée dans ses mouvements, pouvant notamment pratiquer le ski. Rien n’indiquait que la déchirure du ligament croisé antérieur survenue en 2003, qui avait été traitée, se serait aggravée tout d’un coup en
juillet 2024 sans la survenance d’un accident, au point de nécessiter un arrêt de travail, une infiltration et de nombreuses séances de physiothérapie.

c. Par décision sur opposition du 28 février 2025, l’assurance a confirmé sa décision du 29 novembre 2024, relevant que les circonstances telles que décrites par l’intéressée ne remplissaient pas la notion d’accident au sens de la loi. Elle a relevé que dans une situation similaire à celle décrite par l’intéressée, le Tribunal fédéral avait conclu à l’absence d’accident car le fait que des douleurs apparaissaient lors ou après un mouvement corporel ne permettait pas à lui seul de conclure à une cause inhabituelle au sens d’un déroulement contraire au programme. Elle a également maintenu que les diagnostics retenus par son médecin-conseil dans son avis du 22 août 2024 ne faisaient pas partie de la liste exhaustive de l’art. 6 al. 2 LAA. Pour cette raison, une lésion au sens de cette disposition ne pouvait être retenue des suites de l’évènement annoncé en juillet 2024.

C. a. Par acte du 4 avril 2025, l’assurée a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre la décision précitée, concluant à son annulation, à ce qu’il soit dit et constaté que l’évènement du 10 juillet 2024 constituait un accident et à ce qu’il soit ordonné à l’intimée de fournir les prestations d’assurance découlant de cet évènement. Subsidiairement, elle a conclu à l’annulation de la décision entreprise, à ce qu’il soit dit et constaté que l’évènement du 10 juillet 2024 avait entrainé une déchirure du ménisque au sens de l’art. 6 al. 2 let. c LAA et à ce que l’intimée soit condamnée à fournir les prestations d’assurance découlant dudit évènement.

Elle a rappelé avoir précisé dans ses premières déclarations que le saut était la cause de l’accident et qu’elle avait confirmé, dans le questionnaire du
13 août 2024, que l’atteinte avait été causée par la mauvaise réception lors d’un saut. Au lieu d’atterrir de manière coordonnée en sautant du muret, elle avait heurté le sol durement avec un genou gauche tordu. Le caractère soudain et immédiat du craquement et des fortes douleurs au genou gauche qui avaient suivi était un élément concret qui démontrait le caractère accidentel de cet évènement.

La Dre H______ avait diagnostiqué, dans son rapport du 10 janvier 2025, une déchirure complexe de la corne postérieure du ménisque externe, ce qui correspondait à une lésion mentionnée à l’art. 6 al. 2 let. c LAA. De plus, tous les rapports médicaux faisaient état du caractère traumatique de la lésion résultant de l’accident du 10 juillet 2024 à l’exception de la conclusion du Dr G______, qui ne reposait pas sur son examen clinique, mais seulement sur un examen du dossier. Les éléments concrets de ce dernier démontraient qu’il s’agissait d’une lésion assimilée à un accident, en particulier sa bonne condition physique initiale ainsi que le caractère soudain du craquement qui avait été suivi de fortes douleurs au genou gauche. La déchirure du ménisque avait donc été causée par l’évènement du 10 juillet 2024.

La recourante a notamment produit un rapport du 10 janvier 2025 de la
Dre H______ relatif à sa consultation du 23 juillet 2024 en raison d’une entorse de genou. Elle a notamment indiqué que le genou était instable depuis la rupture complète du ligament croisé antérieur de 2003. Lors de son examen de 2024, les tests méniscaux étaient positifs. Elle a diagnostiqué une déchirure complexe de la corne postérieure du ménisque externe et une fissure horizontale de la corne postérieure du ménisque interne. Un avis chirurgical était évoqué et elle a préconisé du repos, sans physiothérapie en attendant.

b. Dans sa réponse du 5 juin 2025, l’intimée a conclu au rejet du recours.

Elle a relevé que les premières déclarations de la recourante faisaient uniquement état d’une descente d’un muret avec une mauvaise réception sur le genou gauche ou d’une descente d’un muret avec un petit saut et une mauvaise réception sur le genou gauche, sans évènement particulier tels que coups, chutes ou glissades. La descente d’un muret, par un petit saut, était parfaitement planifiée et l’intéressée avait effectué l’exact mouvement prévu sans aucun empêchement non-programmé lié notamment à l’environnement extérieur. Il n’y avait eu aucune différence par rapport au mouvement programmé qui aurait pu altérer la séquence normale des mouvements. La seule chose inhabituelle liée à l’évènement survenu le 10 juillet 2024 était l’apparition de douleurs. Il n’y avait eu ni choc, ni chute, ni glissement selon les propres déclarations de la recourante. Elle n’avait produit aucun effort extraordinaire et exceptionnel et aucun mouvement non-coordonné n’était intervenu. Aucun phénomène particulier ne l’avait au surplus contrainte de fournir involontairement un effort sur lequel elle n’aurait eu aucune maitrise. Il n’était survenu aucun changement de position du corps brusque ou incontrôlé apte à provoquer une lésion corporelle, étant rappelé que le point de savoir si le caractère extraordinaire du facteur extérieur était donné dans une situation particulière devait être examiné de manière objective. Les facultés et capacités individuelles de l’intéressée ne devaient pas être prises en considération. Partant, la lésion au genou gauche ne saurait être considérée comme résultant d’un accident en l’absence d’un facteur extérieur de caractère extraordinaire. Les déclarations de la recourante, postérieures à la décision du 9 novembre 2024, en particulier la référence à une torsion du genou gauche qui avait été sollicité de manière anormale, étaient sujettes à caution et ne sauraient être retenues.

Elle avait soumis le dossier au Dr G______, qui avait retenu que les diagnostics tels qu’ils résultaient de l’IRM du genou gauche pratiquée le 19 juillet 2024 résultaient de la déchirure complète du ligament croisé antérieur survenue en 2003, respectivement du toilettage arthroscopique pratiqué à cette date. La déchirure complète du ligament croisé antérieur était connue, avec des signes de gonarthrose à la fois fémoro-patellaire et fémoro-tibiale externe et épanchement modéré. Le clivage de la corne postérieur du ménisque interne et la déchirure complexe de la corne postérieure du ménisque externe avec amputation du bord libre était certainement séquellaire au geste arthroscopique de 2003 selon le
Dr F______. Ce dernier avait également constaté l’absence de signe méniscal au genou gauche, ce qui permettait d’établir que les diagnostics n’étaient en aucun cas consécutifs à l’évènement survenu le 10 juillet 2024, comme retenu par le Dr G______, mais étaient consécutifs à la déchirure du ligament croisé antérieur de 2003. Les symptômes dont souffrait l’intéressée n’avaient ainsi aucunement été déclenchés par l’évènement du 10 juillet 2024, lequel ne présentait aucune cause extérieure, mais par la déchirure du ligament croisé antérieur de 2003. Les conditions de l’application de l’art. 6 al. 2 LAA n’étaient ainsi pas remplies.

En tout état, s’il fallait considérer que ces diagnostics n’étaient pas consécutifs à la déchirure de 2003 ils étaient dus à plus de 50% de tous les facteurs en cause à l’usure ou à une maladie et n’étaient pas des lésions assimilées. D’ailleurs, aucun des documents médicaux probants ne contestait ce fait, étant rappelé que le Dr F______ avait reconnu que les troubles au genou gauche étaient connus et étaient séquellaires à la déchirure du ligament croisé antérieur et au geste arthroscopique de 2003. La Dre H______ avait relevé que le genou était instable depuis la rupture complète du ligament externe croisé antérieur en 2003.

Enfin, l’assureur-maladie n’avait pas formé opposition contre la décision du 29 novembre 2024, reconnaissant ainsi le caractère maladif des troubles et son obligation d’intervention en sa qualité d’assureur-maladie.

c. Dans sa réplique du 26 juin 2025, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Elle avait tout de suite annoncé qu’elle s’était mal réceptionnée, qu’il y avait eu un mouvement inhabituel et qu’il n’était évidemment pas prévu que son genou se torde à réception de son saut.

Le Dr F______ liait à l’évènement de 2003 la déchirure complète du ligament croisé antérieur ainsi que l’amputation du bord libre, tandis que la fissuration de la corne postérieure du ménisque interne atteignant la face inférieure et la déchirure complexe de la corne postérieure du ménisque externe avec une composante verticale étaient dues à l’accident de juillet 2024. Cela rejoignait les diagnostics posés par la Dre H______. Ainsi, les diagnostics pertinents au sens de
l’art. 6 al. 2 LAA étaient consécutifs à l’événement assuré. Par ailleurs, un signe méniscal négatif n’excluait pas une lésion du ménisque.

Pour le reste, que l’assurance-maladie n’ait pas formé opposition à la décision de l’intimée n’était pas le signe qu’elle reconnaissait le caractère maladif des troubles et son obligation d’intervention.

d. Dans sa duplique du 15 juillet 2025, l’intimée a également maintenu ses conclusions.

Les jurisprudences qu’elle avait citées portaient sur des faits plus ou moins semblables à ceux objets de la présente cause, et permettaient de démontrer l’absence de facteur extérieur de caractère extraordinaire. La descente du muret était planifiée et avait été exécutée sans aucun empêchement non programmé, lié notamment à l’environnement extérieur. Il n’était survenu aucun empêchement de position du corps brusque ou incontrôlé apte à provoquer une quelconque lésion corporelle. Selon les propres déclarations de l’intéressée, elle s’était uniquement mal réceptionnée sur le genou gauche, sans aucun coup, chute ou glissade. La lésion au genou gauche subie par la recourante ne saurait être considérée comme résultant d’un accident, en l’absence de tout facteur extérieur de caractère extraordinaire.

La recourante soutenait que le Dr F______ avait lié à l’évènement de 2003 la déchirure complète du ligament croisé antérieur ainsi que l’amputation du bord libre, tandis que la fissuration de la corne postérieure du ménisque interne atteignant la face inférieure et la déchirure complexe de la corne postérieure du ménisque externe avec une composante verticale seraient dues à l’accident survenu au mois de juillet 2024. Or, tel n’était aucunement le cas. Ce médecin avait en effet indiqué, que l’IRM démontrait un status après une déchirure complète du ligament croisé antérieur « connu » avec les signes d’une gonarthrose, à la fois fémoro-patellaire et fémoro-tibiale externe et un épanchement modéré. Il était décrit un clivage de la corne postérieure du ménisque interne atteignant la surface inférieure et une déchirure complexe de la corne postérieure du ménisque externe avec une amputation du bord libre « certainement séquellaire aux gestes arthroscopiques de 2003 ». La patiente présentait un antécédent de déchirure du ligament croisé antérieur survenue en 2003 qui avait été traitée conservativement, voire par un toilettage arthroscopique. L’examen clinique du genou montrait notamment l’absence de signe méniscal. Elle avait présenté un traumatisme de son genou gauche sur un « status » d’ancienne lésion du ligament croisé antérieur et probable méniscectomie partielle du ménisque externe en 2003. Il en résultait que l’allégation de la recourante relative aux lésions qui seraient dues à l’accident de juillet 2024 était contraire aux faits. Le Dr F______ retenait bien au contraire que les lésions telles que mises en évidence par l’IRM résultaient de la déchirure du ligament croisé antérieur et des gestes arthroscopiques de 2003. S’agissant de la lésion méniscale, le Dr F______ avait relevé que l’examen clinique du genou montrait l’absence de signe méniscal et le Dr G______ avait retenu cette constatation clinique et relevé que les lésions méniscales constituaient une découverte d’examen paraclinique et que le diagnostic de lésion méniscale, en raison de l’absence de signe lors des tests cliniques, ne pouvait pas être retenu au genou gauche. En tout état, il était constant qu’un signe méniscal négatif n’excluait pas une lésion du ménisque. La lésion du ménisque telle que mise en évidence par l’IRM du 19 juillet 2024 et confirmée par le Dr F______ était un diagnostic consécutif à la déchirure de 2003 et non à l’événement du 10 juillet 2024.

L’assureur-maladie avait qualité pour former opposition, ce qu’elle n’avait pas fait, reconnaissant ainsi le caractère maladif des troubles et son obligation d’intervention.

e. Le 7 octobre 2025, la chambre de céans a entendu les parties lors d’une audience de comparution personnelle.

La recourante a déclaré que le 10 juillet 2024, lors de ses vacances aux Açores, où beaucoup de murets délimitaient les terrains, elle effectuait une balade au bord des falaises. En sautant d’un muret, qui mesurait environ un mètre, elle s’était mal réceptionnée sur son genou gauche. Elle avait entendu et senti un craquement. Il aurait été plus intelligent de sa part de s’asseoir pour descendre que de sauter, mais elle se sentait en forme. Le sol était assez caillouteux, mais relativement plat, avec de la terre. Elle avait pu retourner à l’hôtel en voiture, mais plus les heures passaient, plus son genou était enflé et douloureux. Elle ne pouvait plus le plier. Étant donné que c’était le dernier jour de ses vacances et qu’elle rentrait le lendemain à Genève, elle avait décidé de consulter à son retour.

Sur question, elle a précisé que son genou s’était un peu tordu lors de la réception. Elle ne pouvait pas dire ce qui avait provoqué cette torsion. Elle n’avait pas le souvenir qu’elle aurait été dérangée par un évènement particulier lors de son saut ou de sa réception. Tout s’était passé très vite. Elle n’était pas tombée, mais elle avait un peu perdu l’équilibre. Elle avait eu l’impression de basculer sur son côté gauche suite au craquement. Elle avait déjà effectué de tels sauts de cette hauteur, étant ajouté qu’elle marchait depuis toute petite.

En février 2003, elle avait été victime d’un accident de ski et avait subi une déchirure complète du ligament croisé antérieur de son genou gauche. Elle n’avait pas eu de réparation de ce ligament, mais une arthroscopie avec toilettage avait été réalisée au mois de mai 2003. Elle n’avait plus trace de cette intervention, ni de l’IRM réalisée à l’époque. Elle avait tenté de contacter le médecin qui l’avait opérée, le Dr J______, lequel avait toutefois pris sa retraite. Elle avait également contacté la clinique où l’IRM avait été effectuée, mais ils n’avaient plus son dossier. À la suite de l’intervention de mai 2003, elle avait pu tout refaire, dont ses activités en montagne. Elle avait récupéré une mobilité complète et la seule limitation qu’elle pouvait ressentir était lors de descentes très rapides dans des pentes raides. Entre 2003 et 2024, elle n’avait plus consulté pour son genou gauche et n’avait eu aucun examen complémentaire.

Elle ne savait pas si elle avait subi une nouvelle déchirure complète du ligament croisé antérieur en 2024. Elle pensait que le Dr F______ avait conclu qu’une méniscectomie partielle avait été effectuée en 2003 sur la base du rapport d’IRM de 2024.

Le 12 juillet 2024, elle s’était rendue aux urgences à E______ et avait vu le
Dr D______. Par la suite elle avait été examinée par la Dre H______ le 23 juillet 2024, puis le suivi avait été assuré par le Dr F______, qu’elle pensait avoir rencontré à trois reprises. D’après ses certificats médicaux, la première consultation semblait remonter au 5 août 2024, étant précisé qu’elle n’avait pu obtenir de rendez-vous avec un spécialiste en orthopédie plus tôt en raison de la période des vacances estivales. Le Dr F______ avait préconisé du repos pendant six semaines afin de calmer l’inflammation. Il avait ensuite procédé à deux infiltrations, à la suite desquelles elle avait commencé de la physiothérapie. Sa dernière séance était prévue le 17 mars 2025. Malheureusement, ce jour-là, elle avait été victime d’un accident de vélo, avec une fracture du plateau tibial, ce qui avait naturellement aggravé sa situation.

Elle avait été en incapacité de travail à 100% à compter du 12 juillet 2024 et à 50% dès le 26 août 2024, avec une reprise d’activité à 100% dès le
25 septembre 2024. Elle avait été à nouveau en arrêt total suite à son accident du 17 mars 2025. Cela étant, même si elle avait pu reprendre son activité professionnelle à temps complet au mois de septembre 2024, ce n’était plus la même chose. Elle avait continué à ressentir des douleurs et à présenter des limitations. Elle devait notamment réfléchir pour ne pas se tordre le genou.

L’intimée a précisé que cette dernière avait versé des prestations d’assurance suite à l’accident de 2024, en prenant en charge les frais médicaux et en versant les indemnités journalières, mais les avait interrompues au motif que la qualification juridique de l’accident n’était pas donnée, conformément aux conclusions du rapport du Dr G______. L’employeur avait considéré qu’il s’agissait d’une rechute, de sorte qu’elle avait transmis le dossier à AXA, assureur accidents de la recourante en 2003. L’employeur avait proposé de lui rembourser les indemnités journalières versées. Elle n’avait pas eu d’échange direct avec AXA.

La recourante a précisé qu’elle avait eu un contact avec l’intimée qui l’avait informée que ce serait plutôt à son ancienne assurance accidents de prendre en charge l’événement de 2024. Elle avait ensuite contacté les ressources humaines de son employeur, mais elle n’avait plus eu de nouvelles à ce propos. Elle avait appris par la suite que tout avait été transféré à son assurance maladie. Elle avait donc dû payer les frais médicaux.

Sur questions, l’intimée a indiqué qu’il était dans sa pratique de transmettre l’intégralité du dossier médical en sa possession à son médecin conseil, de sorte que le Dr G______ avait eu connaissance de toutes les pièces pertinentes, dont les rapports de radiographie et d’IRM.

f. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à
l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances
sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur
l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

1.3 Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le droit de la recourante à des prestations de la part de l’intimée en lien avec l'événement survenu le 10 juillet 2024, singulièrement sur la question de savoir si cet événement peut être qualifié d'accident ou être assimilé à un accident.

3.             Conformément à l'art. 6 LAA, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle (al. 1). L’assurance alloue aussi ses prestations pour les lésions corporelles suivantes, pour autant qu’elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie (al. 2) : les fractures (let. a) ; les déboîtements d'articulations (let. b) ; les déchirures du ménisque (let. c) ; les déchirures de muscles (let. d) ; les élongations de muscles (let. e) ; les déchirures de tendons (let. f) ; les lésions de ligaments (let. g) ; les lésions du tympan (let. h).

Selon l’art. 4 LPGA, est réputée accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort.

3.1 La notion d'accident se décompose ainsi en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement réalisés : une atteinte dommageable ; le caractère soudain de l'atteinte ; le caractère involontaire de l'atteinte ; le facteur extérieur de l'atteinte ; enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur. Il suffit que l'un d'entre eux fasse défaut pour que l'événement ne puisse pas être qualifié d'accident (ATF 142 V 219 consid. 4.31 ; 129 V 402 consid. 2.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_159/2023 du 9 novembre 2023 consid. 3.1).

Suivant la définition même de l'accident, le caractère extraordinaire de l'atteinte ne concerne pas les effets du facteur extérieur, mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors, il importe peu que le facteur extérieur ait entraîné des conséquences graves ou inattendues. Pour admettre la présence d’un accident, il ne suffit pas que l’atteinte à la santé trouve sa cause dans un facteur extérieur. Encore faut-il que ce facteur puisse être qualifié d’extraordinaire. Cette condition est réalisée lorsque le facteur extérieur excède le cadre des événements et des situations que l'on peut objectivement qualifier de quotidiens ou d'habituels, autrement dit des incidents et péripéties de la vie courante (ATF 134 V 72 consid. 4.1 ; 129 V 402 consid. 2.1). Pour des lésions dues à l'effort (soulèvement, déplacement de charges notamment), il faut examiner de cas en cas si l'effort doit être considéré comme extraordinaire, en tenant compte de la constitution physique et des habitudes professionnelles ou autres de l'intéressé (arrêt du Tribunal fédéral 8C_827/2017 du 18 mai 2018 consid. 2.1). Il n'y a pas d'accident, au sens de ce qui précède, lorsque l'effort en question ne peut entraîner une lésion qu'en raison de facteurs maladifs préexistants, car c'est alors une cause interne qui agit, tandis que la cause extérieure – souvent anodine – ne fait que déclencher la manifestation du facteur pathologique (ATF 116 V 136 consid. 3b).

Selon la jurisprudence, le critère du facteur extraordinaire extérieur peut résulter d'un « mouvement non coordonné ». Lors d'un mouvement corporel, l'exigence d'une incidence extérieure est en principe remplie lorsque le déroulement naturel d'un mouvement corporel est influencé par un empêchement « non programmé », lié à l'environnement extérieur. Dans le cas d'un tel mouvement non coordonné, l'existence du facteur extérieur doit être admise, parce que le facteur extérieur – la modification entre le corps et l'environnement extérieur – constitue en même temps le facteur extraordinaire en raison du déroulement non programmé du mouvement (ATF 130 V 117 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_159/2023 du 9 novembre 2023 consid. 3.2 et les références). On peut ainsi retenir à titre d'exemples de facteurs extérieurs extraordinaires le fait de trébucher, de glisser ou de se heurter à un objet (RAMA 2004 n. U 502 p. 184 consid. 4.1 ; RAMA 1999 n. U 345 p. 422 consid. 2b). Le Tribunal fédéral a, dans un arrêt récent, nié le facteur extraordinaire chez un assuré qui avait monté un petit escalier normal en tenant quelque chose à la main (arrêt du Tribunal fédéral 8C_24/2022 du
20 septembre 2022, in SVR 2023 UV n. 13 p. 40).

Pour les accidents survenus dans l'exercice du sport, l'existence d'un événement accidentel doit être niée lorsque et dans la mesure où le risque inhérent à l'exercice sportif en cause se réalise. Autrement dit, le caractère extraordinaire de la cause externe doit être nié lorsqu'une atteinte à la santé se produit alors que le sport est exercé sans que survienne un incident particulier (arrêt du Tribunal fédéral 8C_410/2017 du 22 mars 2018 consid. 3.2).

3.2 La preuve d'un accident causant des lésions touchant l'intérieur du corps est soumise à des exigences strictes, en ce sens que la cause immédiate de la blessure doit être établie dans des circonstances particulièrement évidentes. En général, un accident entraîne des lésions qui sont perceptibles de l'extérieur, et son absence constitue une probabilité accrue qu'elle est d'origine maladive (ATF 99 V 136 consid. 1). À cet égard, le facteur externe est un élément central (ATF 134 V 72 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_225_2019 du 20 août 2019 consid. 3.4).

Lorsque la lésion se limite à une atteinte corporelle interne, qui pourrait également survenir à la suite d'une maladie, le mouvement non coordonné doit en apparaître comme la cause directe selon des circonstances particulièrement évidentes. Un accident se manifeste en règle générale par une lésion perceptible à l'extérieur. Lorsque tel n'est pas le cas, il est plus vraisemblable que l'atteinte soit d'origine maladive (arrêt du Tribunal fédéral 8C_693/2010 du 25 mars 2011 consid. 5.2).

3.3 À titre d'exemples, le Tribunal fédéral a admis le critère du facteur extérieur extraordinaire dans le cas d'une charge contre la balustrade subie par un hockeyeur (ATF 130 V 117 précité consid. 3), d'une réception au sol manquée par un gymnaste lors d'un « saut de carpe » (arrêt du Tribunal fédéral U 43/92 du
14 septembre 1992 consid. 3b, in RAMA 1992 n. U 156 p. 258), ou encore dans le cas d'un skieur dans un champ de bosses qui, après avoir perdu le contrôle de ses skis en raison d'une plaque de glace, aborde une nouvelle bosse qui le soulève et le fait retomber lourdement au sol (arrêt du Tribunal fédéral U 114/97 du
18 mars 1999, in RAMA 1999 n. U 345 p. 420). En revanche, il a été nié dans le cas d'un duel entre deux joueurs lors d'un match de basket-ball, lors duquel l'un est « touché » au bras tendu devant le panier par l'autre et se blesse à l'épaule en réagissant à cette action du joueur adverse (arrêt du Tribunal fédéral 8C_835/2013 du 28 janvier 2014 consid. 5, in SVR 2014 UV n. 21 p. 67).

Dans le cas d’une maîtresse d’éducation physique qui, lors d’une démonstration, s’était tordu le coude, le Tribunal fédéral a relevé que ce mouvement de torsion, non programmé, s'était effectué lors d'un enchaînement qui impliquait qu’elle mette tout le poids du corps sur son bras en appui, bloqué par un élément extérieur fixe (le caisson), et que la charge qui s'y exerçait était renforcée par la vitesse du mouvement. Ces circonstances permettent bien de constater l'existence d'un facteur extérieur extraordinaire et d'admettre, par conséquent, la survenance d'un accident au sens de l'art. 6 al. 1 LAA (arrêt du Tribunal fédéral 8C_159/2023 du
9 novembre 2023).

Le Tribunal fédéral a jugé que l’assuré qui avait sauté volontairement (ou a été déséquilibré) et était tombé d’un tronc d’une hauteur de 120 cm, entraînant un claquement de la mâchoire et une fissure de deux dents, avait été victime d’un accident. Que l’assuré ait sauté de par sa propre volonté ou ait été déséquilibré et soit tombé du tronc n'était pas déterminant pour trancher le point de savoir si l'événement annoncé devait être qualifié d'accident et si l'atteinte était due à une cause extérieure extraordinaire. En effet, que l’intéressé ait sauté de par sa propre volonté ou en raison d'un déséquilibre, c'était le contact avec le sol (d'un corps de près de 100 kg d'une hauteur d'au moins un mètre), soit un facteur extérieur, qui avait provoqué le claquement de la mâchoire d'une force telle que deux dents s’étaient fissurées. Le facteur extérieur extraordinaire résidait dans le déroulement du mouvement, qu'il soit qualifié de saut ou de chute, qui, par la mauvaise réception au sol, avait entraîné un claquement de la mâchoire et sollicité les dents de manière anormale (arrêt du Tribunal fédéral U 288/02 du 1er juillet 2003).

3.3.1 Se référant à cette jurisprudence, la chambre de céans a considéré, dans le cas d’un assuré victime d’une perte d’équilibre alors qu’il se trouvait sur un mur d’une hauteur de deux mètres et qui s’était réceptionné de tout son poids sur son genou droit, que le facteur extérieur extraordinaire résidait dans le déroulement du mouvement, soit le saut, qui, par la mauvaise réception au sol avait entraîné une lésion au genou droit de l’intéressé (ATAS/676/2017 du 14 août 2017).

En revanche, dans le cas d’un assuré ayant sauté sur le sol depuis un escabeau d’une hauteur d’environ un mètre après avoir été déséquilibré en cherchant un classeur, elle a relevé que les déclarations de l’intéressé et de son médecin ne faisaient pas état d’une mauvaise réception au sol ou d’une chute. Il n’était donc pas fait état d’une sollicitation particulière du corps qui dépasserait ce qui était normalement maîtrisé de ce point de vue. Par ailleurs, le mouvement en question ne supposait pas de risque de lésion accrue. Elle en a conclu qu’il s’agissait d’un saut relativement banal à l’issue duquel l’assuré avait ressenti des douleurs dans le talon. Ainsi, a priori, un tel événement n’excédait pas, dans le cas particulier, le cadre des événements et des situations que l'on pouvait, objectivement, qualifier de quotidiens ou d'habituels au sens de la jurisprudence. Elle a relevé que la situation était différente de celle de l’arrêt fédéral du 1er juillet 2003 car l’assuré avait sauté d’un escabeau, sans mauvaise réception, et la douleur s’était développée directement dans le talon, soit le point d’impact (ATAS/227/2006 du
2 mars 2006).

La chambre de céans a également jugé que le fait de ressentir une torsion du genou à la marche ne pouvait pas être qualifié de facteur extérieur extraordinaire, un mouvement non-coordonné n’étant pas présent. Le fait que l’intéressé et son collègue aient mentionné une glissade ne saurait, au vu des premières déclarations probantes du recourant, qui ne l’avait pas mentionnée, être retenu. Finalement, aucun trébuchement ou glissade ne s’étant produit, ni aucun mouvement non programmé ou non maitrisé, le caractère accidentel de l’événement de l’incident déclaré ne pouvait être admis (ATAS/404/2024 du 3 juin 2024).

Elle a toutefois considéré que le critère du facteur extérieur extraordinaire était rempli en présence d’une glissade du pied d’appui alors que l'assuré avait le haut de son corps suspendu et son genou en rotation externe, ce qui avait entraîné une torsion de celui-ci. Un tel enchaînement des faits excédait le cadre des événements quotidiens de la vie courante et constituait un mouvement non programmé, qui répondait à l'exigence d'un facteur extérieur extraordinaire. Au surplus, bien que l'assuré se soit blessé alors qu'il réalisait des exercices sportifs, il ne s'agissait pas d'un incident ordinaire inhérent à la pratique sportive en cause, mais d'un incident particulier et imprévu qui sortait des éventualités usuelles d'un entraînement sportif classique (ATAS/407/2025 du 30 mai 2025).

3.4 Selon la jurisprudence, lorsque l'assureur-accidents a admis l'existence d'un accident au sens de l'art. 4 LPGA et que l'assuré souffrait d'une lésion corporelle au sens de l'art. 6 al. 2 LAA, l'assureur-accidents doit prendre en charge les suites de la lésion en cause sur la base de l'art. 6 al. 1 LAA. En revanche, en l'absence d'un accident au sens juridique, le cas doit être examiné sous l'angle de l'art. 6 al. 2 LAA (ATF 146 V 51 consid. 9.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_445/2021 du 14 janvier 2022 consid. 3.1 et les références).

4.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

Les explications d'un assuré sur le déroulement d'un fait allégué sont au bénéfice d'une présomption de vraisemblance. Il peut néanmoins arriver que les déclarations successives de l'intéressé soient contradictoires avec les premières. En pareilles circonstances, selon la jurisprudence, il convient de retenir la première affirmation, qui correspond généralement à celle que l'assuré a faite alors qu'il n'était pas encore conscient des conséquences juridiques qu'elle aurait, les nouvelles explications pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (ATF 143 V 168 consid. 5.2.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016, déjà cité, consid. 4.3). Le Tribunal fédéral a admis qu'un questionnaire dépourvu de tout commentaire explicatif, que doit remplir un assuré à la suite d'un accident, ne permet pas d'exclure la survenance d'un événement particulier, même si l'assuré n'en fait pas expressément mention lorsqu'il remplit le questionnaire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_496/2007 du
29 avril 2008 consid. 4). En outre, un document qui fait état d'un renseignement recueilli oralement ou par téléphone ne constitue un moyen de preuve recevable et fiable que s'il porte sur des éléments d’importance secondaire, tels que des indices ou des points accessoires. Si les renseignements portent sur des aspects essentiels de l'état de fait, ils doivent faire l'objet d'une demande écrite (ATF 117 V 282 consid. 4c).

5.             En l’espèce, l’intimée conteste le caractère accidentel de l’événement du
10 juillet 2024, d’une part, et l’existence de lésions énumérées à l’art. 6 al. 2 LAA, d’autre part.

5.1 S’agissant des circonstances du sinistre, la chambre de céans relève que la déclaration d’accident du 12 juillet 2024, mentionnant uniquement une blessure au genou gauche en descendant d’un muret et une mauvaise réception sur ledit genou, a été remplie par l’employeur, comme il est d’usage. L’intéressée n’ayant pas complété elle-même ce formulaire, qu’elle n’a d’ailleurs pas signé, il n’est pas surprenant que tous les détails livrés par la suite n’y figurent pas.

Dans le questionnaire du 13 août 2024, la recourante a indiqué qu’elle avait descendu un muret en effectuant un petit saut et qu’elle s’était mal réceptionnée sur son genou gauche, ajoutant qu’elle avait tout de suite senti un craquement. Elle n’a pas fait état d’autres éléments, notamment d’un coup, d’une chute ou d’une glissade. Elle a uniquement mentionné un « craquement au genou gauche lors de la réception du saut », ajoutant avoir tout de suite senti que son genou avait été lésé, qu’il avait commencé à enfler le soir avec des douleurs, rendant difficile la mobilité et l’empêchant de dormir.

Dans son opposition du 9 janvier 2025, elle a rappelé qu’elle avait effectué un saut pour descendre d’un muret et que son genou avait craqué à la réception. Elle a précisé qu’elle pesait près de 90 kg et que le muret avait une hauteur de plus d’un mètre. Elle a confirmé la mauvaise réception au sol et ajouté que celle-ci avait entrainé la torsion du genou gauche. Elle avait ainsi heurté le sol durement avec un genou gauche tordu.

Contrairement à ce que soutient l’intimée, cette référence à une torsion du genou gauche, certes postérieure à la décision du 9 novembre 2024, n’est pas sujette à caution et ne saurait être écartée. En effet, tous les rapports des médecins consultés par la recourante font état d’une telle torsion. Ainsi le rapport de radiographies du genou gauche réalisées le 12 juillet 2024 retient, à titre d’indications, un « traumatisme par torsion ». Dans son rapport du 22 juillet 2024, le Dr D______ a noté une « torsion du genou gauche ». La
Dre H______ a diagnostiqué une « entorse » du genou gauche dans son appréciation du 23 novembre 2024, et le Dr F______ a indiqué que la patiente avait sauté un muret, avec une mauvaise réception sur son membre inférieur gauche « avec une torsion », dans son rapport du 6 août 2024. Il apparait donc hautement vraisemblable que la recourante a oublié de mentionner la torsion dans son questionnaire du 13 août 2024, torsion qu’elle a évoquée au personnel soignant consulté dans les suites immédiates du sinistre.

Dans ses écritures par-devant la chambre de céans, la recourante a confirmé qu’elle avait sauté d’un muret d’une hauteur d’environ un mètre, qu’elle s’était mal réceptionnée, qu’elle avait heurté le sol durement avec un genou gauche « tordu » et qu’elle avait immédiatement senti un craquement.

Enfin, elle a confirmé l’intégralité de ces déclarations lors de son audition du
7 octobre 2025, notamment le saut volontaire d’un muret, la hauteur de ce dernier d’environ un mètre, la mauvaise réception au sol sur son genou gauche, le craquement. Ce n’est que sur question qu’elle a évoqué la torsion de son genou, ce qui suggère qu’elle a accordé davantage d’importance au craquement, qu’elle a rappelé à chaque occasion, plutôt qu’au mécanisme. Interrogée à ce propos, elle a expliqué que son genou s’était un peu tordu lors de la réception, mais qu’elle ne pouvait pas dire ce qui avait provoqué la torsion. Elle n’avait pas le souvenir qu’elle aurait été dérangée par un évènement particulier lors de son saut ou de sa réception. Tout s’était passé très vite. Elle n’était pas tombée, mais elle avait un peu perdu l’équilibre. Le sol était assez caillouteux, mais relativement plat, avec de la terre. Elle avait eu l’impression de basculer sur son côté gauche à la suite du craquement.

La chambre de céans constate ainsi que la recourante n’a pas varié dans la description de l’événement du 10 juillet 2024, mais qu’elle a apporté des précisions, notamment sur la hauteur du muret, le déséquilibre après avoir percuté le sol et la consistance de ce dernier. Les éléments essentiels, soit le saut, la mauvaise réception, la torsion, le craquement et les douleurs immédiates ont été signalés dès le début.

5.2 Il peut donc être tenu pour établi, au degré de la vraisemblance prépondérante requis, que la recourante a sauté d’un muret d’une hauteur d’environ un mètre, qu’elle s’est mal réceptionnée de tout son poids (90 kg), qu’elle a été déséquilibrée au contact du sol et que son genou s’est tordu. La question de savoir si l’intéressée a été déséquilibrée en raison de la torsion du genou ou si cette entorse résulte du déséquilibre peut rester ouverte.

En effet, les circonstances du cas présent excèdent le cadre des événements quotidiens de la vie courante et constituent un mouvement non programmé, dès lors que la recourante s’est mal réceptionnée. Le facteur extérieur extraordinaire réside en l’occurrence dans le déroulement du mouvement non programmé, soit la mauvaise réception au sol de tout son poids et la torsion du genou gauche, mouvements sur lesquels l’intéressée n’avait aucune maîtrise. Elle a donc subi un changement de position du corps brusque et incontrôlé, susceptible de provoquer des lésions corporelles.

Les arrêts cités par l’intimée ne sont pas pertinents, puisqu’ils concernent des situations dans lesquelles il n’y avait pas eu de mouvement inhabituel ou imprévu, alors que, la recourante s’est mal réceptionnée au sol et s’est tordu le genou.

Par conséquent, il doit être constaté que le sinistre du 10 juillet 2024 répond à la notion d'accident, la condition du facteur extérieur extraordinaire étant donnée, à l'instar des autres éléments constitutifs, non remis en cause par l'intimée. Le droit aux prestations de la recourante doit donc être examiné en fonction de l'art. 6 al. 1 LAA exclusivement, et non de l'art. 6 al. 2 LAA, même si les atteintes subies font partie des lésions corporelles énumérées dans la liste de cette dernière disposition.

5.3 La chambre de céans observe que la situation médicale n’est pas claire et qu’il n’est pas possible de se déterminer sur le rapport de causalité entre les différents troubles présentés par la recourante et l’accident du 10 juillet 2024.

Le rapport d’IRM du 19 juillet 2024 a expressément conclu à l’existence d’une
« déchirure complète du ligament croisé antérieur », sans indiquer que les troubles mis en évidence seraient anciens et séquellaires à une précédente déchirure. Faute de toute explication, l’avis du Dr F______, qui a rapporté que cet IRM avait montré un « status après une déchirure complète du ligament croisé antérieur connue » et démontré des troubles méniscaux et de l’arthrose, sans référence à une atteinte ligamentaire (cf. rapport du 6 août 2024), ne s’explique pas. Il en va de même de l’appréciation du Dr G______, qui a posé le diagnostic de « status post rupture du ligament croisé antérieur gauche » sans même discuter le rapport d’IRM et sans argumenter les raisons pour lesquelles il ne retenait pas non plus de nouvelle lésion (cf. avis du 22 août 2024), et de celle de la Dre H______, laquelle n’a diagnostiqué que des troubles méniscaux, sans référence à l’atteinte ligamentaire (cf. rapport du 10 janvier 2025). En l’absence de toute motivation, ces documents ne permettent pas d’écarter l’existence d’une nouvelle déchirure complète du ligament croisé antérieur survenue dans les suites du sinistre du 10 juillet 2024, étant rappelé que la recourante elle-même n’a pas été en mesure de renseigner la chambre de céans sur ce point.

En outre, l’IRM du 19 juillet 2024 a mis en exergue une fissure horizontale de la corne postérieure du ménisque interne et une déchirure complexe de la corne postérieure du ménisque externe. Le Dr G______ a diagnostiqué un « status post probable méniscectomie partielle sous arthroscopie au genou gauche en 2003 » et relevé que l’IRM montrait une lésion de deux ménisques du genou gauche. Il a souligné que le Dr F______ avait constaté l’absence de signe méniscal au genou gauche lors de son examen clinique et considéré que lesdites atteintes constituaient une découverte d’examen paraclinique. Il en a conclu que le diagnostic de lésion méniscale, en raison de l’absence de signes lors des tests cliniques, ne pouvait pas être retenu au genou gauche. Cette affirmation, dépourvue de justification médicale, est pour le moins surprenante puisqu’elle s’oppose aux résultats de l’examen d’imagerie. De plus, la Dre H______, consultée le 23 juillet 2024, a quant à elle indiqué que les tests méniscaux étaient positifs, ce qui suggère une amélioration de la symptomatologie entre les examens de ces deux médecins, et non pas un examen clinique normal au niveau des ménisques dans les suites du sinistre. Il sied également de relever que le rapport du Dr F______, sur lequel s’est essentiellement fondé le Dr G______, ne comporte pas une anamnèse détaillée et est imprécis. Ce médecin a en effet indiqué que l’IRM décrivait « un clivage de la corne postérieure du ménisque interne atteignant la surface inférieure et une déchirure complexe de la corne postérieure du ménisque externe avec une amputation du bord libre, certainement séquellaire au geste arthroscopique de 2003 », sans préciser clairement quelle pathologie serait consécutive, selon lui, à l’arthroscopie de 2003, en particulier s’il s’agissait des lésions des deux ménisques, de la déchirure du ménisque externe, ou encore de l’amputation du bord libre au niveau du compartiment interne. On ajoutera encore que l’orthopédiste a évoqué une probable méniscectomie partielle du ménisque externe en 2003, mais n’a pas expliqué quel élément lui permettait de retenir un tel geste. On ignore à ce stade si la recourante a subi une lésion méniscale en 2003 et, cas échéant, si un geste opératoire a été effectué.

5.4 Au vu de l’instruction lacunaire du dossier, il se justifie de renvoyer la cause à l’intimée, laquelle s’est contentée d’un avis sommaire du Dr G______ qui ne pouvait en aucun cas se voir reconnaître une quelconque valeur probante. À cet égard, la chambre de céans relèvera encore qu’il est des plus surprenant que le médecin-conseil de l’intimée ait pu considérer que le dossier était « clair et très bien instruit », au vu des nombreuses incertitudes susmentionnées. L’intimée ne pouvait donc pas se fonder sur ce document pour exclure l’existence d’une lésion au sens de l’art. 6 al. 2 LAA.

6.             Au vu de ce qui précède, le recours est partiellement admis, la décision du
28 février 2025 annulée et la cause renvoyée à l’intimée pour qu’elle reprenne l’instruction médicale du dossier et statue sur le droit aux prestations de la recourante en application de l’art. 6 al. 1 LAA.

La recourante, qui obtient partiellement gain de cause, n'est pas représentée par un mandataire et n’a pas allégué des frais particulièrement importants pour défendre ses droits dans le cadre de la présente procédure, de sorte qu'aucune indemnité ne lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision du 28 février 2025.

4.        Renvoie la cause à l’intimée pour reprise de l’instruction dans le sens des considérants.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Melina CHODYNIECKI

 

La présidente

 

 

 

 

Joanna JODRY

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le