Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/810/2025 du 15.10.2025 ( PC ) , REJETE
En droit
| rÉpublique et | canton de genÈve | |
| POUVOIR JUDICIAIRE
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| A/707/2025 ATAS/810/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
| Arrêt du 15 octobre 2025 Chambre 4 | ||
En la cause
| A______
| recourant |
contre
| SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES | intimé |
A. A______ (ci-après : le bénéficiaire ou le recourant) est né le ______ 1981, originaire du Yemen, marié et père de quatre enfants, nés en 2007, 2013, 2015 et 2022.
Il a demandé les prestations complémentaires familiales le 17 juin 2024.
B. a. Par décision du 3 décembre 2024, le service de prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l’intimé) a informé le bénéficiaire avoir recalculé le montant de ses prestations complémentaires familiales dès le 1er janvier 2025. Il en résultait un droit aux prestations complémentaires familiales de CHF 1'192.- dès le 1er janvier 2025. À teneur du plan de calcul des prestations annexé à la décision, un gain hypothétique d’adulte non-actif était pris en compte à hauteur de CHF 21'035.50 dès le 1er janvier 2025 pour l’épouse du bénéficiaire, correspondant à un gain de CHF 21'035.50 pris en compte à 100%.
b. Le 7 février 2025, le bénéficiaire a contesté la décision du SPC du 3 décembre 2024 qui lui imposait une déduction punitive de CHF 21'035.50 de ses revenus familiaux fondée sur l’hypothèse erronée que son épouse était non-active. Cette décision méconnaissait de manière flagrante ses efforts d’intégration prescrits par l’État, ses obligations légales en tant qu’aidante familiale ainsi que les principes d’équité sociale et de soutien au handicap établis par le canton de Genève.
Conformément à l’art. 12 de la loi sur l’action sociale et l’aide aux personnes (« LASAP »), le bénéficiaire demandait une réévaluation de cette décision ainsi que la restitution intégrale des fonds retenus illégalement. L’affirmation selon laquelle son épouse n’avait pas entrepris de démarches en vue d’un emploi était infondée. Depuis le 12 janvier 2024, elle était inscrite à un programme structuré d’intégration supervisé par le département de l’Éducation, de la Formation et de la Jeunesse. Son épouse ne possédait aucun diplôme. Son inscription à une formation linguistique en français avait été imposée par le canton afin de faciliter son accès au marché du travail. Elle avait validé 120 heures de formation en français niveau A1 et suivait actuellement des cours quotidiens de 3 heures à l’OSEO Genève. Pénaliser son foyer pour avoir respecté un protocole d’intégration imposé par l’État constituait une violation du Cadre Politique d’Intégration 2025 de Genève ainsi que de l’art. 7 (2) de la « LASAP », qui exonérait explicitement les personnes en formation approuvés par l’État des calculs hypothétiques de revenus.
La décision du SPC ignorait également le rôle indispensable de son épouse en tant qu’aidante principale de leurs quatre enfants, y compris leur fille B______, qui avait été diagnostiquée avec des retards sévères de développement. Conformément à l’art. 14 de la loi fédérale sur la lutte contre les discriminations liées aux handicaps et à la charte genevoise de soutien aux familles, les aidants familiaux d’enfants en situation de handicap étaient expressément exemptés des imputations hypothétiques de revenus.
Alors que son épouse assumait son double rôle de stagiaire et d’aidante familiale, il était pour sa part activement en recherche d’emploi. La déduction imposée par le SPC avait plongé leur foyer de six personnes dans une précarité financière sévère, qui était contraire à la garantie de la dignité humaine inscrite dans l’art. 12 de la constitution fédérale Suisse.
L’emploi du temps quotidien de son épouse était structuré autour de ses responsabilités de soins pour leur fille B______ et de sa formation linguistique. Ce programme ne lui laissait aucune possibilité pour un emploi à ce stade.
c. Par décision sur opposition du 14 février 2025, le SPC a indiqué au bénéficiaire que la législation en vigueur prévoyait qu’un revenu hypothétique était retenu pour les personnes qui étaient en situation de chômage, de maladie, d’accident, de maternité, d’adoption ou de services, quand bien même leur incapacité de travail n’était pas de leur fait. Ainsi, elle commandait qu’un gain hypothétique soit imputé aussi bien aux personnes indemnisées pour leur perte de gain dans les situations susvisées qu’à celles qui ne l’étaient pas. C’était ainsi à juste titre que le SPC avait retenu un gain hypothétique pour sa conjointe. La chambre des assurances sociales avait confirmé dans son arrêt du 3 décembre 2020 (ATAS/1195/2020) que la jurisprudence relative à l’art. 11 al.1 let. g LPC (en vigueur avant le 1er janvier 2021) n’était pas applicable à la prise en considération d’un gain hypothétique dans le cadre du calcul du revenu déterminant pour l’octroi de prestations complémentaires familiales, la seule exception à la prise en compte d’un tel gain hypothétique étant celle prévue à l’art. 36E al. 5 LPCC. Or, cette exception ne pouvait lui être appliquée, dès lors qu’elle concernait uniquement les familles monoparentales avec un enfant de moins d’un an. En conséquence, il convenait de maintenir dans le calcul de ses prestations un gain hypothétique pour son épouse dès le 1er janvier 2025 et l’opposition était rejetée.
C. a. Le 28 février 2025, le bénéficiaire a formé recours contre la décision sur opposition du SPC reprenant en substance les griefs développés dans son opposition et concluant à son annulation.
b. Le 17 mars 2025, l’intimé a persisté dans ses conclusions.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 3 let. a de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations en matière de prestations complémentaires familiales prévues à l’art. 43 de la loi sur les prestations cantonales complémentaires du 25 octobre 1968 [LPCC - J 4 25]).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Selon l’art. 1A al. 2 LPCC, les prestations complémentaires familiales sont régies par les dispositions figurant aux titres IIA et III de la LPCC, les dispositions de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI du 6 octobre 2006 (loi sur les prestations complémentaires; LPC - RS 831.30) auxquelles la LPCC renvoie expressément, les dispositions d'exécution de la loi fédérale désignées par règlement du Conseil d'État et la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1).
Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA).
2. Le litige porte sur le bien-fondé de la prise en compte d’un gain hypothétique pour l’épouse du recourant dans le calcul de son droit aux prestations complémentaires dès le 1er janvier 2025.
3. Lorsque l'un des adultes composant le groupe familial n'exerce pas d'activité lucrative, il est tenu compte d'un gain hypothétique qui correspond à la moitié du montant destiné à la couverture des besoins vitaux de deux personnes selon l'art. 36B al. 2 LPCC (art. 36E al. 3 LPCC).
Il n'est pas tenu compte d'un gain hypothétique lorsque le groupe familial est constitué d'un seul adulte faisant ménage commun avec un enfant âgé de moins d'un an (art. 36E al. 5 LPCC).
La chambre de céans a jugé dans un arrêt de principe du 3 décembre 2020 (ATAS/1195/2020) que la seule exception à la prise en compte d’un gain hypothétique dans le cadre des prestations complémentaires familiales est celle prévue à l’art. 36E al. 5 LPCC et que les exceptions admises dans la jurisprudence relative l’art. 11 al. 1 let. g LPC concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI n’étaient pas applicables.
Selon l’art. 1 de la loi sur l’aide sociale et la lutte contre la précarité du 23 juin 2023 (LASLP- J 4 04) du 23 juin 2023, cette loi a pour but de renforcer la cohésion sociale, de prévenir l’exclusion et de lutter contre la précarité.
Elle met en place le dispositif cantonal d’aide sociale et d’accompagnement individuel qui prévoit des prestations destinées à venir en aide aux personnes dans le besoin et à favoriser durablement l’autonomie, l’insertion sociale et l’insertion professionnelle.
Selon l’art. 7 LASLP, le plan d’action cantonal contre la précarité identifie les besoins et détermine les objectifs prioritaires en matière d’action sociale, de lutte contre l’isolement et la précarité (al. 1). Il valorise et rassemble les actions et dispositifs des communes et d’organismes publics ou privés qui contribuent à l’atteinte des objectifs fixés par le plan cantonal (al. 2).
Selon l’art. 12 LASLP, dans le but de lutter contre l’exclusion et de favoriser l’autonomie, l’intégration sociale et l’insertion professionnelle, l’accompagnement social comprend notamment la prévention, l’information sociale, l’orientation, le conseil, ainsi que l’appui administratif (al. 1). Peuvent bénéficier d’un accompagnement social comprenant une ou plusieurs de ces prestations toutes les personnes majeures qui le demandent (al. 2).
4. En l’espèce, la décision querellée doit être confirmée s’agissant du gain hypothétique retenu par l’intimé pour l’épouse du recourant dans ses calculs du droit aux prestations, dès lors que la seule exception à cette prise en compte qui est prévue par l’art. 36E al. 5 LPCC – à savoir lorsque le groupe familial est constitué d'un seul adulte faisant ménage commun avec un enfant âgé de moins d'un an – n’est pas applicable au cas d’espèce. La LASLP ne concerne pas le droit aux prestations complémentaires familiales et ses art. 7 et 12 et ne permettent pas d’en juger autrement. Les autres références légales citées par le recourant non plus.
5. Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté.
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario et 89H al. 1 LPA).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. Le rejette.
3. Dit que la procédure est gratuite.
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
| La greffière
Janeth WEPF |
| La présidente
Catherine TAPPONNIER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le