Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/789/2025 du 17.10.2025 ( PC ) , ADMIS/RENVOI
En droit
| rÉpublique et | canton de genÈve | |
| POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
| A/2108/2025 ATAS/789/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
| Arrêt du 17 octobre 2025 Chambre 9 | ||
En la cause
| A______
| recourant |
contre
| SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES | intimé |
A. a. A______ (ci-après : le bénéficiaire), né le ______ 1953, bénéficie des prestations complémentaires fédérales et cantonales depuis le 1er mai 2014, lesquelles sont liées à sa rente de l’assurance-invalidité.
Il réside avec son épouse, B______, née le ______ 1965.
b. Par courrier du 17 février 2024, le bénéficiaire a informé le service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) qu’il n’avait pas touché l’intégralité de ses avoirs lors de sa retraite. Des démarches étaient entreprises pour éclaircir sa situation.
c. Par courrier du 15 février 2024, il a informé le SPC de « développements importants concernant son 2e pilier ». Il a produit un courrier de la FONDATION DE PRÉVOYANCE C______(ci-après : la fondation) du 9 février 2024 constatant qu’il n’avait jamais perçu de prestations de vieillesse de la part de la fondation et indiquant qu’il avait le choix de recevoir ses prestations au 31 mai 2018 sous la forme d’une rente de vieillesse ou d’un paiement unique de capital.
d. Le 16 octobre 2024, le SPC a imparti à l’intéressé un délai au 15 novembre 2024 pour la remise du justificatif de l’encaissement de la prestation en capital du 2e pilier ou de la décision de la rente de prévoyance professionnelle.
e. Faisant suite à cette demande de pièces, le bénéficiaire a transmis au SPC une attestation de versement de rente annuelle vieillesse depuis le 1er juin 2018, établie par C______ le 5 juillet 2024. Selon cette attestation, la rente annuelle s’élevait à CHF 12'197.10 et le rétroactif de rente s’élevait à CHF 75'215.80 au 12 juillet 2024.
Dite attestation a été reçue par le SPC le 1er novembre 2024.
f. Le 16 janvier 2025, le Service de l’assurance-maladie (ci-après : SAM) a communiqué au SPC le montant des subsides versés à A______ et B______ pour la période du 1er juin 2018 au 31 janvier 2025.
g. Le 4 février 2025, le SPC a informé le bénéficiaire avoir repris le calcul de ses prestations complémentaires avec effet au 1er juin 2018, en tenant compte de sa rente de vieillesse C______. Il apparaissait qu’un montant de CHF 70'120.60 avait été perçu en trop pour la période du 1er juin 2018 au 31 janvier 2025, soit CHF 41'729.- à titre de prestations complémentaires à l’AVS/AI et CHF 28'391.60 à titre de subsides pour l’assurance-maladie de base.
Il a transmis les décisions de prestations complémentaires et de remboursement des réductions individuelles de primes d’assurance-maladie, datées du 23 janvier 2025.
Selon les plans de calcul, une rente de CHF 12'197.10 a été intégrée au revenu déterminant à compter du 1er juin 2018 et le rétroactif de rente de CHF 75'215.80 a été intégré dans sa fortune à compter du 1er août 2024.
h. Par opposition du 6 mars 2025, complétée le 7 mai 2025, le bénéficiaire a fait valoir que les dépenses relatives à l’assurance obligatoire des soins avaient été omises du calcul des prestations pour les années 2018, 2019 et 2020. Il avait toujours fait preuve de bonne foi, s’efforçant d’informer le SPC au mieux des changements intervenus dans sa situation financière.
i. Par décision sur opposition du 15 mai 2025, le SPC a maintenu sa position.
En réclamant le remboursement des prestations versées à tort du 1er juin 2018 au 31 janvier 2025, il avait appliqué le délai de prescription de l’action pénale pour l’infraction prévue à l’art. 31 de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI du 6 octobre 2006 (loi sur les prestations complémentaires, LPC - RS 831.30), qui était de sept ans.
Il avait intégré dans le calcul des prestations complémentaires le montant de la rente LPP dès le 1er juin 2018 et le rétroactif de CHF 75'215.80 qui lui avait été versé dès le 1er août 2024, ainsi que les intérêts y relatifs. Ces corrections avaient été opérées par le SPC sur la base de l’attestation établie par C______ le 5 juillet 2024.
S’agissant des dépenses relatives à l’assurance obligatoire des soins, il a expliqué qu’avant l’entrée en vigueur le 1er janvier 2021 de la réforme des prestations complémentaires, le législateur prévoyait que la prime annuelle moyenne d’assurance-maladie pour le canton devait être prise en considération à titre de dépense. Dans le canton de Genève, la dépense relative aux primes
d’assurance-maladie était prise en charge par le SAM, sous la forme d’un subside pour le paiement des primes de l’assurance obligatoire des soins. Selon cette pratique, les assurés avaient droit à la couverture de leur prime
d’assurance-maladie, à concurrence de la prime moyenne cantonale, si, malgré l’absence du droit aux prestations complémentaires elles-mêmes, l’excédent du revenu déterminant était inférieur au montant de la prime annuelle moyenne de l’assurance-maladie, dès lors que cette prime n’était pas prise en compte au titre de dépenses par le SPC. Cette manière de procéder restait conforme à la législation en vigueur. Depuis le 1er janvier 2021, le montant des primes d’assurance-maladie figurait dans les plans de calcul à titre de dépenses. Toutefois, en pratique, l’ancien mode de calcul avait été sans incidence sur le droit aux prestations complémentaires du bénéficiaire, respectivement sur son droit aux réductions individuelles de primes d’assurance-maladie, lequel était déterminé par le SAM, et dont il avait bénéficié entre le 1er juin 2018 et le 31 décembre 2020.
B. a. Par acte du 16 juin 2025, le bénéficiaire a recouru devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre cette décision, concluant à son annulation, ainsi qu’à celles du 23 janvier 2025, notifiées le 4 février 2025.
Le SPC n’avait pas pris en compte ses primes d’assurance-maladie, ainsi que celles de son épouse, dans leurs dépenses reconnues entre 2018 et 2020. Ils avaient droit aux subsides de l’assurance-maladie durant toute la période considérée, de 2018 à 2025, de sorte que la décision de restitution de CHF 28'391.60 n’avait pas lieu d’être.
Il n’avait commis aucune infraction. Il n’était pas au courant qu’une rente LPP de C______ aurait dû être versée depuis juin 2018. L’institution de prévoyance ne l’avait jamais informé qu’une rente devait lui être versée. Il n’avait d’ailleurs aucun intérêt à ne pas la réclamer. Il avait, au demeurant, produit tous les documents nécessaires, dont l’attestation C______, qu’il avait transmise immédiatement après la demande du SPC du 16 octobre 2024.
À titre superfétatoire, c’était la prescription de cinq ans qui devait s’appliquer à son cas.
b. Le 11 juillet 2025, le SPC a conclu au rejet du recours.
La décision de C______ du 5 juillet 2024 n’avait été transmise au SPC que le 1er novembre 2024, en réponse à sa demande de pièces du 16 octobre 2024. Ce retard était constitutif d’une violation de l’art. 31 al. 1 let. a et d LPC, justifiant l’application du délai de prescription de sept ans. La rente avait été dûment intégrée dans le calcul dès le début du droit né le 1er juin 2018 et les prestations réclamées en restitution sur les périodes litigieuses lui avaient été versées à titre d’avances sur les rentes LPP auxquelles il aurait pu ou dû avoir droit.
Concernant la prise en compte des primes d’assurance-maladie, le recourant avait déjà été informé, dans la décision entreprise, des raisons pour lesquelles elles ne figuraient pas à titre de dépenses dans les plans de calcul du SPC jusqu’au 31 décembre 2020.
Enfin, les montants réclamés en restitution à titre de subsides de
l’assurance-maladie correspondaient à ceux communiqués au SPC par le service de l’assurance-maladie (ci-après : SAM), seul compétent pour la fixation de leur montant et leur versement aux assureurs-maladie.
c. Le 20 août 2025, le recourant a relevé que, contrairement à la situation prévalant dans l’ATAS/731/2022 – cité par le SPC –, il avait transmis la décision de C______ environ quatre mois après et immédiatement après la demande de pièces. Il ne réalisait pas les conditions de l’art. 31 al. 1 let. a et d LPC dès lors qu’il n’était pas au courant qu’une rente LPP de C______ aurait dû être versée depuis juin 2018 et qu’il avait toujours informé le SPC sans délai de tout changement dans sa situation.
d. La chambre de céans a transmis cette écriture au SPC.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la LPC. Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 43 LPCC).
2.
2.1 Des modifications législatives et réglementaires sont entrées en vigueur au
1er janvier 2021 dans le cadre de la réforme des PC (LPC, modification du
22 mars 2019, RO 2020 585, FF 2016 7249 ; OPC-AVS/AI [ordonnance du
15 janvier 1971 sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité ; RS 831.301], modification du 29 janvier 2020,
RO 2020 599).
Du point de vue temporel, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire, le droit applicable est déterminé par les règles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits, étant précisé que le juge n'a en principe pas à prendre en considération les modifications du droit postérieures à la date déterminante de la décision administrative litigieuse
(ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et les références ; 136 V 24 consid. 4.3 ; 130 V 445 consid. 1 et les références ; 129 V 1 consid. 1.2 et les références).
2.2 Dans la mesure où le recours porte sur la restitution de prestations complémentaires versées du 1er juin 2018 au 31 janvier 2025 le litige reste soumis à l'ancien droit s’agissant de la période antérieure au 1er janvier 2021, en l'absence de dispositions transitoires prévoyant une application rétroactive du nouveau droit.
3. Le litige porte sur le bien-fondé de la décision sur opposition du 15 mai 2025, par laquelle l’intimé a requis du recourant la restitution d’un montant de CHF 70'120.60 à titre de prestations complémentaires et de réductions individuelles de primes d’assurance-maladie indûment versées pour la période du 1er juin 2018 au 31 janvier 2025.
4.
4.1 Selon l'art. 25 LPGA, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l’intéressé était de bonne foi et qu’elle le mettrait dans une situation difficile (al. 1). Le droit de demander la restitution s’éteint trois ans après le moment où l’institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Si la créance naît d’un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est déterminant (al. 2).
L'obligation de restituer suppose que soient remplies les conditions d'une révision procédurale (art. 53 al. 1 LPGA) ou d'une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA) de la décision – formelle ou non – par laquelle les prestations en cause ont été allouées (ATF 142 V 259 consid. 3.2 et les références ; 138 V 426 consid. 5.2.1 et les références ; 130 V 318 consid. 5.2 et les références). En ce qui concerne plus particulièrement la révision, l’obligation de restituer les prestations indûment touchées et son étendue dans le temps ne sont pas liées à une violation de l’obligation de renseigner (ATF 122 V 134 consid. 2e). Il s’agit simplement de rétablir l’ordre légal, après la découverte du fait nouveau.
À cet égard, la jurisprudence constante distingue la révision d'une décision entrée en force formelle, à laquelle l'administration est tenue de procéder lorsque sont découverts des faits nouveaux ou de nouveaux moyens de preuve susceptibles de conduire à une appréciation juridique différente (ATF 129 V 200 consid. 1.1 ;
127 V 466 consid. 2c et les références), de la reconsidération d'une décision formellement passée en force de chose décidée sur laquelle une autorité judiciaire ne s'est pas prononcée quant au fond, à laquelle l'administration peut procéder pour autant que la décision soit sans nul doute erronée et que sa rectification revête une importance notable. Ainsi, par le biais d'une reconsidération, on corrigera une application initiale erronée du droit (ATF 147 V 167 consid. 4.2 et la référence).
4.2 Lorsqu'il statue sur la créance de l'institution d'assurance en restitution de prestations indûment versées, le juge doit examiner, à titre préjudiciel, si les circonstances correspondant à une infraction pénale sont réunies et, partant, si un délai de péremption plus long que les délais relatifs (trois ans) et absolus (cinq ans) prévus par l'art. 25 al. 2, première phrase, LPGA est applicable dans le cas particulier. Pour que le délai de péremption plus long prévu par le droit pénal s'applique, il n'est pas nécessaire que l'auteur de l'infraction ait été condamné (ATF 140 IV 206 consid. 6.2 et les références). Un acte punissable au sens de l'art. 25 al. 2, seconde phrase, LPGA suppose la réunion des éléments tant objectifs que subjectifs de l'infraction. En matière de prestations complémentaires, ce sont principalement les infractions réprimées aux art. 146 CP (escroquerie), 148a CP (obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale [en vigueur depuis le 1er octobre 2016]) et 31 LPC (manquement à l'obligation de communiquer) qui entrent en considération au titre d'infractions pouvant impliquer l'application d'un délai de péremption plus long (ATF 140 IV 206 consid. 6.3; arrêt 9C_97/2020 du 10 juin 2020 consid. 2.2).
Lorsqu’il y a lieu de décider si la créance en restitution dérive d'un acte punissable soumis par les lois pénales à une prescription de plus longue durée, le degré de la preuve requis est celui qui prévaut en procédure pénale ; la présomption d’innocence s’applique, et le degré de la vraisemblance prépondérante reconnu habituellement en droit des assurances sociales n’est pas suffisant. En tout état de cause, il appartient à l’autorité qui entend se prévaloir d’un délai de prescription selon le droit pénal de produire les moyens permettant d’apporter la preuve d’un comportement punissable, singulièrement la réalisation des conditions objectives et subjectives de l’infraction (ATF 138 V 74 consid. 6.1 et 7 et les références).
4.3 L'art. 31 al. 1 LPC, applicable à titre de droit cantonal supplétif
(cf. art. 45 LPCC), prévoit qu'est puni celui qui, par des indications fausses ou incomplètes, ou de toute autre manière, obtient d’un canton ou d’une institution d’utilité publique, pour lui-même ou pour autrui, l’octroi indu d’une prestation au sens de la présente loi (let a) et celui qui manque à son obligation de communiquer (art. 31 al. 1 LPGA ; let. d).
L’infraction visée à l’art. 31 al. 1 LPC consiste en l’obtention du paiement de prestations complémentaires par des indications trompeuses. Cette infraction est réalisée lors du premier paiement de la prestation complémentaire. C’est à ce moment que tous les éléments objectifs et subjectifs sont réalisés (ATF 138 V 74 consid. 5.1).
L'art. 31 LPC est subsidiaire aux crimes et délits de droit commun (arrêt du Tribunal fédéral 6S.288/2000 du 28 septembre 2000 consid. 2) et prévoit une peine pécuniaire n'excédant pas 180 jours-amendes en cas de violation du devoir d’informer. Selon l'art. 97 al. 1 CP, l'action pénale se prescrit par 30 ans si l'infraction était passible d'une peine privative de liberté à vie, par 15 ans si elle était passible d'une peine privative de liberté de plus de trois ans, et par sept ans si elle était passible d'une autre peine. Le délai de prescription de l'action pénale pour une infraction telle que celle décrite à l’art. 31 LPC est donc de sept ans, celui de l’infraction visée à l'art. 146 al. 1 CP de quinze ans.
L’assuré qui, en vertu de l’art. 31 LPGA, a l’obligation de communiquer toute modification importante des circonstances déterminantes pour l’octroi d’une prestation, ne respecte pas cette obligation et continue à percevoir les prestations allouées initialement à juste titre n’adopte pas un comportement actif de tromperie. Le fait de continuer à percevoir les prestations allouées ne saurait être interprété comme la manifestation positive – par acte concluant – du caractère inchangé de la situation. Il convient en revanche d’analyser la situation de façon différente lorsque la perception de prestations est accompagnée d’autres actions permettant objectivement d’interpréter le comportement de l’assuré comme étant l’expression du caractère inchangé de la situation. Tel sera le cas lorsque l’assuré ne répond pas ou pas de manière conforme à la vérité aux questions explicites de l’assureur destinées à établir l’existence ou la modification de la situation personnelle, médicale ou économique ; il n’est en effet plus question alors d’une escroquerie par omission, mais d’une tromperie active (ATF 140 IV 11
consid. 2.4.1 et consid. 2.4.6 in fine ; voir également l’arrêt du Tribunal fédéral 6B_791/2013 du 3 mars 2014 consid. 3.1.1).
L’avis de la modification doit intervenir dès la connaissance des faits, sous la forme d’une seule annonce à l’assureur compétent. La personne concernée doit remplir son obligation personnellement. L’annonce doit intervenir spontanément, et non sur demande de l’assureur (Guy LONGCHAMP, Commentaire LPGA, n. 17 ad art. 31 LPGA)
L'art. 24 OPC-AVS/AI dispose que l'ayant droit ou son représentant légal ou, le cas échéant, le tiers ou l'autorité à qui la prestation complémentaire est versée, doit communiquer sans retard à l'organe cantonal compétent tout changement dans la situation personnelle et toute modification sensible dans la situation matérielle du bénéficiaire de la prestation. Cette obligation de renseigner vaut aussi pour les modifications concernant les membres de la famille de l'ayant droit.
L'infraction est intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant (ATF 140 IV 206 consid. 6.5). Pour apprécier s’il y a dol éventuel au sens de l’art. 12 al. 2, 2e phr. CP, il y a lieu, en l’absence d’aveu, de se fonder sur les circonstances du cas d’espèce. En font partie l’importance du risque de réaliser l’infraction dont l’auteur avait conscience, la gravité de la violation du devoir de diligence par celui-ci, ses mobiles ainsi que la manière dont il a agi. On conclura d’autant plus aisément au fait que l’auteur de l’infraction a tenu pour possible la réalisation de l’infraction et l’a acceptée pour le cas où elle se produirait à mesure que s’accroît la probabilité de réaliser les éléments constitutifs objectifs d’une infraction et que s’aggrave la violation du devoir de diligence (ATF 138 V 74 consid. 8.4.1).
Par le biais des dispositions pénales figurant dans les diverses lois d'assurances sociales (voir également l'art. 87 al. 5 LAVS ainsi que les art. 70 LAI, 25 LAPG et 23 LAFam, qui tous trois renvoient à la LAVS), le législateur a entendu garantir, compte tenu des moyens financiers limités de la collectivité publique, de l'exigence d'un emploi ciblé et efficace des ressources ainsi que des principes généraux du droit administratif, que des prestations d'assurances sociales ne soient versées qu'aux personnes qui en remplissent les conditions légales. Le but poursuivi par ces normes est, d'une part, de permettre la mise en œuvre conforme au droit et, si possible, efficiente et égalitaire de l'assurance sociale et, d'autre part, de garantir le respect du principe de la bonne foi qui doit régir les relations entre les autorités et les personnes qui sollicitent des prestations sociales. Il ressort de la systématique de la loi que l'existence de dispositions pénales spéciales exclut le fait que l'on puisse assimiler une simple violation du devoir d'annoncer au sens de l'art. 31 LPGA à une escroquerie au sens de l'art. 146 CP. Certes, les dispositions pénales précitées réservent l'existence d'un crime ou d'un délit frappé d'une peine plus élevée. De telles infractions ne peuvent toutefois entrer en ligne de compte que dans la mesure où interviennent des circonstances qui dépassent la simple violation du devoir d'annoncer, sans quoi les dispositions pénales spéciales s'avéreraient superflues si on pouvait qualifier d'escroquerie une simple violation du devoir d'annoncer (ATF 140 IV 206 consid. 6.3.2.2 ; 140 IV 11 consid. 2.4.6 et les références).
Le Tribunal fédéral a estimé notamment que la non déclaration de l'héritage perçu par l’épouse d’un bénéficiaire de prestations et de l'acquisition commune d'un bien immobilier à l’étranger réalisaient les conditions objectives de l'infraction réprimée à l'art. 31 al. 1 let. d LPC. En outre, compte tenu des informations demandées dans le formulaire de demande de prestations, lesquelles concernaient aussi bien sa situation personnelle que celles de son épouse ou de ses enfants, le bénéficiaire ne pouvait ignorer l'importance que revêtait la communication de toute information d'ordre économique le concernant lui ou un membre de sa famille. Dans ces conditions, le bénéficiaire était conscient qu'il retenait des informations qu'il avait l'obligation de transmettre au service recourant, commettant ainsi un acte par dol éventuel (ATF 140 IV 206 consid. 6.4 et 6.5).
Viole son obligation de renseigner au sens de l’art. 31 al. 1 LPGA, la personne assurée bénéficiaire de prestations complémentaires qui n’annonce pas au SPC faire partie d’une hoirie à la suite du décès de l’un de ses parents. L’obligation de renseigner concernant les successions mentionnées dans le formulaire administratif concerne tant les successions partagées que les successions en indivision (arrêt du Tribunal fédéral 9C_532/2022 du 27 juillet 2023 consid. 4.2).
En se limitant à communiquer leur changement de domicile sans indiquer qu’ils vivaient à nouveau sous le même toit, le Tribunal fédéral a considéré que les époux, qui bénéficiaient de rentes de vieillesse non-plafonnées, ont violé leur devoir d’informer, au sens de l’art. 31 al. 1 LPGA (arrêt du Tribunal fédéral 9C_294/2023 du 20 décembre 2023).
4.4
4.4.1 Au plan cantonal, l'art. 24 al. 1 LPCC prévoit que les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile.
Conformément à l’art. 43A LPCC, les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si le bénéficiaire ou le service découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits avant (al. 1). Le SPC peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu’elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable (al. 2).
L'art. 14 du règlement relatif aux prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 25 juin 1999 (RPCC-AVS/AI - J 4 25.03) précise que le SPC doit demander la restitution des prestations indûment touchées au bénéficiaire, à ses héritiers ou aux autres personnes mentionnées à l'art. 2 OPGA appliqué par analogie (al. 1). Il fixe l'étendue de l'obligation de restituer par décision (al. 2).
4.4.2 Conformément à l’art. 33 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal - J 3 05), les subsides indûment touchés doivent être restitués en appliquant par analogie l’art. 25 LPGA (al. 1). Lorsque les subsides ont été indûment touchés par un bénéficiaire de prestations du SPC, ce service peut en demander la restitution au nom et pour le compte du service de l’assurance-maladie (al. 2).
4.5 Selon l’art. 65 al. 1 LAMal, les cantons doivent accorder une réduction de prime de l'assurance-maladie aux assurés de condition économique modeste, notion qu'il leur appartient de définir, par le biais de règles de droit cantonal autonome (ATF 131 V 202 consid. 3.2.2 ; 124 V 19 consid. 2 ; ATAS/459/2018 du 31 mai 2018 consid. 2).
Aux termes de l’art. 22 al. 7 LaLAMal, les bénéficiaires d’une prestation annuelle, fédérale et/ou cantonale, complémentaire à l’AVS/AI versée par le service ont droit à un subside qui correspond au montant de la prime moyenne cantonale pour le calcul des prestations complémentaires à l’AVS/AI, à concurrence de la prime effective.
4.6 Selon l’art. 9 LPC, le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants (al. 1).
Les revenus déterminants comprennent un quinzième de la fortune nette, un dixième pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, dans la mesure où elle dépasse CHF 50'000.- pour les couples (art. 11 al. 1 c LPC) ainsi que les rentes, pensions et autres prestations périodiques, y compris les rentes de l’AVS et de l’AI (let. d).
Selon l’art. 10 al. 3 LPC, dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2021, est reconnu comme dépense le montant pour l’assurance obligatoire des soins. Il consiste en un montant forfaitaire annuel qui correspond au montant de la prime moyenne cantonale ou régionale pour l’assurance obligatoire des soins (couverture accidents comprise), mais qui n’excède pas celui de la prime effective.
5.
5.1 En l’espèce, dans la décision entreprise, l’intimé a intégré le montant de la rente de vieillesse LPP dès le 1er juin 2018, ainsi que le rétroactif de rente à compter du 1er août 2024.
Il n’est pas contesté qu’à réception de l’attestation de la fondation datée du 5 juillet 2024, le 1er novembre 2024, l’intimé a découvert des faits nouveaux importants qui ne lui avaient pas été signalés, à savoir que le recourant bénéficiait d’une rente de vieillesse annuelle à compter du 1er juin 2018 et qu’un rétroactif de rentes lui avait été versé le 12 juillet 2024. La décision de restitution des prestations indûment touchées se fonde ainsi sur l’existence de motifs de révision procédurale des précédentes décisions entrées en force. Le recourant ne soutient pas que l’intimé n'aurait pas fait preuve de la diligence requise lorsqu’il a appris les motifs fondant sa décision sur révision, ni que cette dernière serait tardive. À toutes fins utiles, il sera relevé que l’intimé a réceptionné le document pertinent le 1er novembre 2024. Il a ensuite sollicité des pièces complémentaires le 18 novembre 2024, interpelé le SAM sur le montant de restitution à réclamer le 14 janvier 2025 et établi des nouveaux calculs de prestations par décisions du 23 janvier 2025.
Le recourant conteste avoir violé son obligation de renseigner. Il fait valoir qu’il n’était pas au courant du fait qu’une rente de vieillesse LPP de la fondation C______ aurait dû lui être versée depuis juin 2018.
L’intéressé perd toutefois de vue que l’obligation de restituer des prestations complémentaires en cas de versement ultérieur d’une prestation arriérée n’est pas liée à une violation de l’obligation de renseigner. La restitution doit simplement permettre de rétablir l’ordre légal, après la découverte du fait nouveau, soit l’existence d’un élément de revenu inconnu au moment de la décision de prestations complémentaires, mais qui aurait dû être prise en compte parce qu’il existait déjà, du moins sous forme de créance ou de prétention (ATF 146 V 331 consid. 5.4 ; 122 V 134 consid. 2). Le fait qu’il n’ait été informé par la fondation C______ de son droit à une rente de vieillesse avec un effet rétroactif au 1er juin 2018 qu’en juillet 2024 n’a dès lors aucune incidence sur le caractère indu des prestations complémentaires versées dès le 1er juin 2018. Le recourant a perçu des prestations complémentaires indûment dès cette date et celles-ci peuvent faire l’objet d’une restitution, sous réserve du délai de péremption selon l’art. 25 al. 2 LPGA.
Il convient donc d’examiner ce point, étant précisé que le recourant conteste l’application du délai de péremption de sept ans.
Dans la décision entreprise, considérant que les circonstances du cas d’espèce étaient constitutives d’une infraction pénale, soit de l’art. 31 let. a et d LPC, l’intimé a étendu la demande de restitution aux sept années antérieures à sa décision.
Il convient donc de déterminer si le recourant s’est rendu coupable d’une infraction à l’art. 31 let. a et d LPC en ne transmettant pas spontanément l’attestation de la fondation C______ datée du 5 juillet 2024.
En l’espèce, il ressort du dossier que, par courriers des 17 janvier et 15 février 2024, le recourant a dûment informé le SPC du fait qu’il avait droit à des prestations de vieillesse depuis le 1er juin 2018. Il a également transmis le courrier de la fondation du 9 février 2024 l’invitant à choisir entre une rente annuelle et un capital de vieillesse. En transmettant ces informations à l’intimé, le recourant s’est ainsi dûment conformé à son obligation de renseigner. Certes, l’intéressé n’a pas spontanément et immédiatement transmis l’attestation de rente datée du 5 juillet 2024, celle-ci n’ayant été produite que dans le cadre d’une demande de pièces de l’intimé du 16 octobre 2024. Il n’en reste pas moins que la modification importante de sa situation financière avait déjà été spontanément annoncée à l’intimé. Ainsi, depuis février 2024, l’intimé savait que le recourant avait droit à des prestations de vieillesse depuis juin 2018, ignorant uniquement la forme de la prestation choisie par le recourant. On ne se trouve donc pas dans la situation d’un assuré qui retient intentionnellement des informations, dont il ne peut ignorer l’importance pour le calcul de ses prestations. C’est le lieu de rappeler que l’art. 31 LPC constitue une infraction intentionnelle et suppose que l’auteur ait, au moins par dol éventuel, conscience de l’existence et de son devoir d’annonce, ainsi que la volonté de tromper (arrêt du Tribunal fédéral 6B_886/2022 du 29 mars 2023 consid. 2.1.3), ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Compte tenu de ce qui précède, c'est à tort que l'intimé a appliqué le délai de prescription plus long de l'action pénale. La demande de restitution des prestations complémentaires et subsides d'assurance-maladie ne peut porter que sur la période comprise entre le 1er février 2020 et le 31 janvier 2025, soit sur les cinq ans précédant la demande de restitution du 23 janvier 2025 correspondant au délai de péremption absolu ordinaire de l'art. 25 al. 2 1re phrase LPGA, étant par ailleurs relevé que l'intimé a agi dans le délai relatif de péremption dès qu'il a eu connaissance de la rente de vieillesse LPP.
5.2 Reste à examiner le bien-fondé de la décision de restitution.
Comme précédemment relevé, il ressort des pièces du dossier que le recourant a droit à une rente vieillesse annuelle de CHF 12'197.10 depuis le 1er juin 2018. Or, conformément à l’art. 11 al. 1 let. c et d LPC, cet élément est à prendre en compte dans ses revenus à compter du 1er juin 2018. C’est partant à juste titre que l’intimé en a tenu compte dans son revenu déterminant. Par ailleurs, et dans la mesure où le versement du rétroactif de rentes intervenu en juillet 2024 est venu augmenter son épargne, c’est également à juste titre que l’intimé en a tenu compte dans sa fortune dès le 1er août 2024. Le recourant ne remet d’ailleurs pas en cause ces éléments.
Il conteste, en revanche, l’absence de prise en compte, dans ses dépenses reconnues, de ses primes d’assurance-maladie pour la période du 1er juin 2018 au 31 décembre 2020.
Or, ainsi que l’a expliqué l’intimé dans la décision litigieuse, jusqu’au 1er janvier 2021, les primes d’assurance obligatoire des soins n’étaient certes pas intégrées dans les plans de calcul au titre de dépenses. Il n’en demeure pas moins que la dépense relative aux primes d’assurance-maladie était prise en charge par le SAM sous la forme d’un subside pour le paiement des primes. Le recourant a ainsi eu droit à la couverture de sa prime d’assurance-maladie à concurrence de la prime moyenne cantonale lorsque, malgré l’absence d’un droit aux prestations complémentaires, l’excédent de son revenu déterminant était inférieur au montant de la prime annuelle moyenne d’assurance-maladie. À ce titre, l’intéressé ne conteste pas avoir bénéficié, avec son épouse, de subsides alloués par le SAM à hauteur de CHF 5'898.20 (3'299.10 + 2'599.10) du 1er juin au 31 décembre 2018, de CHF 9'015.20 (5'083.20 + 3'932) du 1er janvier au 31 décembre 2019, de CHF 2'914.80 du 1er janvier au 31 décembre 2020, de CHF 4'448.40 (2'224.20 + 2'224.20) du 1er janvier au 31 janvier 2023, de CHF 5'575.- (2'787.50 + 2'787.50) du 1er janvier au 31 décembre 2024 et de CHF 540.- (270 + 270) du 1er janvier au 31 mars 2025. Son grief doit partant être rejeté.
Pour le reste, le recourant ne conteste pas les montants figurant dans les plans de calcul de la décision entreprise, qui apparaissent conformes aux pièces au dossier.
6. Le recours sera donc partiellement admis. La décision sur opposition du 15 mai 2025 sera annulée en tant qu’elle porte sur la période du 1er juin 2018 au 31 janvier 2020, et confirmée pour le surplus. La cause sera renvoyée à l’intimé pour nouveau calcul du montant à restituer.
Le recourant obtenant partiellement gain de cause et étant assistée d’un conseil, il a droit à des dépens qui seront fixés à CHF 1'000.- (art. 61 let. g LPGA).
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario et 89H al. 1 LPA).
******
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet partiellement.
3. Annule la décision sur opposition du 15 mai 2025, en tant qu’elle porte sur la restitution des prestations complémentaires et subsides d'assurance-maladie pour la période du 1er juin 2018 au 31 janvier 2020.
4. La confirme pour le surplus.
5. Renvoie la cause à l’intimé pour nouveau calcul du montant à restituer dans le sens des considérants.
6. Alloue au recourant, à la charge de l’intimé, une indemnité de dépens de CHF 1'000.-.
7. Dit que la procédure est gratuite.
8. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
| La greffière
Sylvie CARDINAUX |
| La présidente
Eleanor McGREGOR |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le