Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1457/2025

ATAS/756/2025 du 09.10.2025 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1457/2025 ATAS/756/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 9 octobre 2025

Chambre 5

 

En la cause

A______

représentée par l'APAS-Association pour la permanence de défense des patients et des assurés, mandataire

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L’ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______(ci-après : l’assurée), née B______ en ______ 1976, est mariée et mère de deux enfants majeurs, nés en 1999 et 2001. Elle a également donné naissance à un troisième enfant, mort-né le ______ 2012.

b. Après avoir suivi sa scolarité et fréquenté une école de commerce au Kosovo, elle est arrivée en Suisse en avril 1993, pays dont elle a acquis la nationalité en avril 2011. Elle a exercé divers emplois dès 1998 dans le commerce de détail (responsable de boulangerie/pâtisserie jusqu’en 2002) et le nettoyage (responsable du personnel entre 2004 et 2006), puis elle s’est tournée vers le domaine médical, en exerçant l’activité d’aide en bloc opératoire, d’abord à la Clinique C______ du 1er mars 2008 au 31 août 2019, puis à la Clinique D______(ci‑après : l’employeur) dès le 1er septembre 2019. Elle est titulaire d’un certificat d’assistante technique spécialisée en salle d’opération (ci-après : ATSSO) obtenu en 2018.

B. a. Le 18 février 2022, l’assurée a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI) en indiquant qu’elle bénéficiait d’un suivi médical depuis le 8 octobre 2021, en raison de douleurs lombaires. Selon les certificats d’arrêt de travail produits, sa capacité de travail était fluctuante depuis lors (0% du 8 au 15 octobre 2021, 50% du 16 au 23 octobre 2021, 100% dès le 24 octobre 2021, 0% du 3 novembre au 5 décembre 2021, 100% du 6 au 8 décembre 2021, 0% du 9 décembre 2021 au 8 mars 2022).

b. Dans un rapport du 16 novembre 2021, relatif à une IRM lombaire effectuée le même jour, le docteur E______, spécialiste en radiologie, a conclu à la présence d’un canal lombaire étroit d’origine constitutionnelle, à une discopathie en L4-L5 et à un rétrolisthésis de grade I en L5-S1.

c. Dans un rapport du 21 février 2022, le docteur F______, spécialiste en neurochirurgie, a indiqué que l’IRM du 16 novembre 2021 montrait pour l’essentiel une dégénérescence discale L4-L5 sous forme d’une dessiccation avec un signal noir mais sans perte importante de la hauteur intersomatique. Il existait également une protrusion étalée comblant la zone foraminale gauche. Au total, l’assurée présentait une atteinte biradiculaire non déficitaire en L4-L5 sur une protrusion foraminale et extraforaminale L4-L5 gauche. Tous les éléments étaient réunis pour proposer une décompression chirurgicale. Cependant, l’indication à une telle intervention dépendrait avant tout de l’incidence des symptômes sur la qualité de vie. Le cas échéant, le Dr F______ proposerait une discectomie, complétée d’une foraminotomie et d’une distraction interépineuse.

d. Dans un rapport du 26 juin 2023 au service médical régional (ci-après : le SMR) de l’OAI, la docteure G______, spécialiste en médecine interne, a indiqué que l’assurée ne devait pas rester dans la même position de façon prolongée. Elle devait pouvoir se lever et se coucher en fonction de ses douleurs et ne pas porter de charges dépassant 5 kg. Elle faisait son ménage par étapes et avait des difficultés à préparer les repas car cette tâche impliquait de devoir rester en position debout de façon prolongée. Dans une activité adaptée à ces limitations, la capacité de travail était entière.

e. Par avis du 27 juillet 2023, le SMR a estimé que les atteintes à la santé incapacitantes consistaient en une atteinte principale, à savoir un syndrome vertébral avec lombalgies non déficitaires, et en d’autres atteintes, prenant la forme de discopathies lombaires multi-étagées et d’un canal lombaire étroit constitutionnel. Le début de l’incapacité de travail durable (100%) remontait au 7 octobre 2021. Dans l’activité habituelle d’aide en bloc opératoire, la capacité de travail était nulle depuis lors. Les limitations fonctionnelles liées aux diagnostics précités impliquaient de devoir éviter les positions statiques prolongées, le port de charges supérieures à 5 kg, les positions en porte-à-faux ou accroupies, les flexions/extensions/rotations du rachis soutenues et les microtraumatismes induits (vibrations par marteau-piqueur, etc.). Une aptitude à la réadaptation était donnée depuis juin 2023. Dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles précitées, la capacité de travail était entière depuis juin 2023.

f. Dans un rapport de consultation du 22 novembre 2023, le Dr F______ a indiqué avoir revu l’assurée les 9 et 22 novembre 2023. La symptomatologie s’était un peu atténuée mais elle restait toujours très présente et invalidante en raison de douleurs lombaires basses mécaniques avec une irradiation dans le membre inférieur gauche. À l’examen, on retrouvait un franc syndrome vertébral mais sans signe de compression radiculaire ni de déficit neurologique. L’IRM qu’il avait fait répéter montrait une double discopathie L3-L4 et L4-L5. En L3-L4, il existait une hernie extraforaminale gauche et en L4-L5, une sténose mixte à prédominance gauche. Au total, le Dr F______ avait suggéré à l’assurée de ne pas se faire opérer à ce stade-là. En effet, une intervention à deux niveaux risquait d’augmenter ses lombalgies ou alors nécessiterait la mise en place d’un fixateur interne, ce qui lui semblait « bien agressif ». Il avait donc proposé à l’assurée de laisser les choses se décanter. La hernie avait de bonnes chances de se résorber.

g. Dans un rapport de consultation du 12 janvier 2024, la docteure H______, spécialiste en neurologie, a indiqué que l’examen était inchangé par rapport à celui qu’elle avait effectué en 2022, avec une absence de signes de dénervation aigüe/active ou de dénervation-réinnervation chronique dans les myotomes de L2 à S2 examinés à gauche. Ces résultats ne permettaient pas d’exclure une radiculalgie irritative (non lésionnelle) et/ou une radiculopathie sensitive proximale au ganglion rachidien. Pour la douleur, on pouvait peut-être envisager un traitement de Duloxétine à la place du traitement antidépresseur actuel (à discuter avec la psychiatre traitante), pour autant qu’il n’ait pas encore été essayé. L’examen des membres inférieurs ne révélait pas d’amyotrophie. Le tonus était normal et la force normale et symétrique. La marche sur les pointes et les talons était possible mais lors de l’examen clinique, l’assurée faisait tout « lentement avec précaution ».

h. Le 2 février 2024, l’assurée a eu un entretien téléphonique avec l’OAI. Selon la note de travail rédigée à cette occasion, la situation avait changé, en ce sens que l’assurée voulait tenter une éventuelle opération. Étant donné que le Dr F______ émettait des réserves à ce sujet (risque que les douleurs des cicatrices soient plus invalidantes que les douleurs actuelles, sans parler des risques opératoires), elle avait pris contact avec un autre médecin, la docteure I______, spécialiste en médecine interne et en rhumatologie. À la suite de l’apparition d’une dépression, elle était également suivie par la docteure J______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie.

i. Dans un rapport du 16 février 2024 à l’OAI, la Dre I______ a indiqué qu’il n’y avait pratiquement aucune évolution depuis 2022. Les traitements administrés jusqu’ici avaient souvent été mal tolérés (pregabaline, tramadol, etc.) et les infiltrations périradiculaires effectuées en juillet et septembre 2022 (en L4-L5) n’avaient eu qu’un effet transitoire et très partiel. Une intervention ne semblait plus indiquée. La situation était stabilisée de longue date et la douleur s’était chronicisée. Sur le plan des limitations fonctionnelles, les lombsciatalgies empêchaient l’assurée de marcher longtemps, de rester assise et de porter des charges. De plus, un état dépressif aggravait le tableau. Dans les activités courantes de la vie, l’assurée faisait le ménage par petits bouts, sortait marcher 20 à 30 minutes puis devait s’asseoir. Elle s’allongeait plusieurs fois dans la journée, faisait les repas mais pas les courses. Elle n’arrivait pas à porter 2 kg en raison des douleurs lombaires et du membre inférieur gauche qui augmentaient à chaque pas. Dans l’activité habituelle, l’incapacité de travail était totale et durable. Au vu des souffrances que l’assurée exprimait et de son incapacité d’effectuer une tâche complète à domicile, une réadaptation ne semblait pas possible et vouée à l’échec. Enfin, la Dre I______ ne pensait pas qu’il existait une activité adaptée aux limitations fonctionnelles précitées.

j. Dans un rapport du 21 février 2024 à l’OAI, la Dre J______ a posé le diagnostic de trouble dépressif « moyen-léger » avec symptômes somatiques (F32). D’un point de vue psychique, un travail était possible en soi, mais à condition d’être adapté à ses douleurs (lombalgies). En l’état actuel, l’assurée ne pouvait pas travailler, même dans une activité adaptée.

k. Dans un rapport du 7 mars 2024 à l’OAI, la Dre G______ a indiqué qu’en novembre 2023, la situation était marquée par une double discopathie en L3-L4 (hernie extra foraminale) et L4-L5 (sténose mixte à prédominance gauche). S’y ajoutait un syndrome vertébral franc sans déficit neurologique. Ces diagnostics étaient incapacitants. En lien avec l’exercice d’une activité professionnelle, les limitations fonctionnelles ne lui permettaient pas de rester debout 1 heure et assise 2 heures. Elle devait s’allonger plusieurs fois par jour. La capacité de travail était nulle dans toute activité, aucune activité n’étant adaptée à ces limitations.

l. Dans un rapport du 18 mars 2024, la division réadaptation de l’OAI a relevé que les médecins de l’assurée considéraient unanimement que la capacité de travail de cette dernière était nulle dans toute activité pour le moment. En conséquence, la division réadaptation a mis fin à son mandat d’intervention précoce, vu l’incapacité de travail totale existant dans toute activité depuis le 7 octobre 2021.

m. Par projet de décision du 15 avril 2024, l’OAI a envisagé d’octroyer une rente entière d’invalidité à partir du 1er octobre 2022, sur la base d’un degré d’invalidité de 100%.

n. Dans une note de travail du 8 mai 2024, relatant un entretien téléphonique avec l’assurée, l’OAI a mentionné que celle-ci déclarait être « inscrite au chômage avec une capacité de 20% dès le 01.10.2023 » et qu’elle percevait des indemnités à hauteur de 70% de son dernier salaire.

o. Par pli du 27 mai 2024, l’OAI a informé l’assurée qu’il allait procéder à un nouvel examen du dossier.

p. Le 6 juin 2024, l’OAI a reçu des informations de la part de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE). Il en ressortait :

-          que l’assurée bénéficiait d’un délai-cadre d’indemnisation courant du 18 octobre 2023 au 17 octobre 2025 et que le taux d’activité recherché était de 100% ;

-          que l’assurée avait effectué des recherches d’emploi en avril 2024 pour un poste d’ATSSO dans diverses cliniques du canton ;

-          que selon les arrêts de travail délivrés tantôt par la Dre G______, tantôt par la Dre J______, son incapacité de travail était de 80% du 27 octobre au 27 décembre 2023, de 100% dès le 28 décembre 2023 (Dre J______) et de 80% du 24 janvier au 31 mai 2024 ;

-          que selon les précisions apportées par la Dre G______ dans le certificat d’arrêt de travail du 27 octobre 2023, la capacité de travail de 20% de l’assurée était donnée dans une activité n’impliquant pas le port de charges de plus de 2 kg et permettant de se lever, de s’asseoir et de se coucher en fonction de son état.

q. Dans un rapport du 17 juin 2024 à l’OAI, la Dre G______ a indiqué que les restrictions de l’assurée restaient inchangées et impliquaient l’absence de position debout et assise prolongée ainsi que la nécessité de pouvoir s’allonger plusieurs fois par jour. La capacité de travail était nulle dans l’activité habituelle comme dans une activité adaptée. En effet, aucune activité ne semblait pouvoir répondre aux restrictions précitées.

r. Dans un rapport du 19 juin 2024, la Dre J______ a indiqué que l’incapacité de travail attestée médicalement était de 80% du 28 novembre 2023 au 30 juin 2024. Le trouble dépressif avec symptômes somatiques (F32) était sans incidence sur la capacité de travail. En lien avec l’exercice d’une activité professionnelle, les limitations étaient d’ordre physique (douleurs ostéo-articulaires).

s. Par avis du 28 juin 2024, le SMR a estimé que si l’instruction effectuée après le 27 mai 2024 confirmait que la capacité de travail de l’assurée était nulle dans l’activité habituelle, il subsistait des incohérences concernant l’exigibilité d’une activité adaptée, à savoir :

-          un traitement antalgique qui n’était pas maximal ;

-          des fluctuations dans les appréciations de la Dre G______ (capacité de travail dans une activité adaptée oscillant entre 0%, 100% en passant par 20%) ;

-          un comportement précautionneux de l’assurée lors de l’examen neurologique ;

-          une comorbidité psychiatrique non incapacitante mais n’ayant pas empêché la délivrance de plusieurs arrêts de travail – dont l’un attestant d’une incapacité de travail totale – par la Dre J______.

Dans ces circonstances, le SMR a estimé qu’il était nécessaire d’ordonner une expertise bi-disciplinaire (psychiatrique et orthopédique).

t. Le 4 juillet 2024, l’OAI a informé l’assurée qu’il entendait confier la réalisation d’une expertise bi-disciplinaire au centre SWISS EXPERTISES MÉDICALES Sàrl (SEM) plus précisément aux docteurs K______, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, et L______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie.

u. Les 30 août et 4 septembre 2024, l’assurée a été examinée par ces experts, qui ont rendu leurs conclusions le 26 septembre 2024.

Au plan psychiatrique, l’assurée n’était pas déprimée. La modulation affective était efficiente et la capacité hédonique partiellement conservée. En outre, elle se projetait dans l’avenir et il n’y avait pas d’anxiété épisodique paroxystique (crainte de mourir ou de devenir folle). Même si elle peinait ponctuellement à se concentrer, elle maintenait un focus d’attention efficace et n’était pas confuse. Ni délirante ni dissociée, elle avait « correctement fonctionné jusqu’aux faits en cours aujourd’hui » et n’était porteuse ni d’un éventuel trouble spécifique de la personnalité (F60), ni d’une éventuelle majoration de symptômes physiques pour des raisons psychologiques (F68.0). Il n’existait en définitive aucun diagnostic psychiatrique.

Au plan orthopédique, l’expert K______ a retenu les diagnostics de discopathies L3-L4 et L4-L5 avec hernie discale L4-L5 foraminale et extra-foraminale gauche comprimant la racine L4 gauche. Il notait aussi des rétrécissements foraminaux en L3-L4, L4-L5 et en L5-S1 à gauche. Les limitations fonctionnelles concernaient le port de charges supérieures à 5 kg, les déplacements supérieurs à 30 minutes, les positions debout ou assise prolongées supérieures à 1 heure et les travaux en porte-à-faux.

Motivant leur appréciation de la capacité de travail globale, les experts ont retenu en substance qu’en l’absence de psychopathologie incapacitante, la capacité de travail au plan psychiatrique était entière dans toute activité depuis toujours. Au plan orthopédique, la capacité de travail dans l’activité habituelle était nulle depuis octobre 2021. En revanche, dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles précitées, l’assurée avait une capacité de travail de 50% un an après l’apparition des lombosciatalgies, soit depuis octobre 2022 environ.

v. Par avis du 8 octobre 2024, le SMR a relevé à la lecture du rapport d’expertise qu’au plan orthopédique, l’état était stabilisé et qu’à l’instar du Dr F______, l’expert K______ ne retenait pas, en l’état, d’indication chirurgicale. Aucun diagnostic n’avait été retenu au plan psychiatrique et le traitement antidépresseur pouvait être remis en cause. Faisant siennes les constatations et l’appréciation des experts, le SMR a conclu que la capacité de travail de l’assurée était nulle depuis octobre 2021 dans l’activité habituelle et de 50% dans une activité adaptée depuis octobre 2022. Complétant les explications des experts à ce sujet, le SMR a observé qu’en tenant compte d’une durée de prise en charge conservatrice d’une année, on se situait, de facto, en novembre 2022. Aussi convenait-il de considérer qu’une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée existait depuis novembre 2022.

w. Dans une note du 31 janvier 2025, l’OAI a fixé le degré d’invalidité de l’assurée à 65.35% en 2023 et 69.20% en 2024.

x. Par courrier du 31 janvier 2025, l’OAI a informé l’assurée que dans la mesure où la procédure d’audition était à présent terminée, la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse) allait procéder au calcul de la rente et lui ferait parvenir une décision sujette à recours.

y. Par décision du 14 mars 2025, l’OAI a reconnu à l’assurée le droit à une rente entière d’un taux de 100% du 1er octobre 2022 au 31 janvier 2023, suivie d’une rente d’un taux de 65% du 1er février au 31 décembre 2023, respectivement de 69% dès le 1er janvier 2024. Des mesures d’ordre professionnel n’étaient pas nécessaires dans sa situation. Selon les calculs de la caisse, l’assurée avait droit à une rente mensuelle de CHF 2’180.- du 1er octobre au 31 décembre 2022 et de CHF 2’234.- en janvier 2023. Après quoi, le montant de celle-ci s’établissait à CHF 1’453.- par mois du 1er février au 31 décembre 2023, respectivement à CHF 1’542.- du 1er janvier au 31 décembre 2024 et CHF 1’586.- dès le 1er janvier 2025.

C. a. Par acte du 28 avril 2025, l’assurée a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) d’un recours contre cette décision, concluant en substance à son annulation et à l’octroi d’une rente entière d’invalidité, non limitée dans le temps, dès le 1er octobre 2022.

À l’appui de sa position, elle a fait valoir qu’elle contestait en particulier la capacité de travail de 50% que l’OAI lui reconnaissait dans une activité adaptée. Dans la mesure où une copie de son dossier AI ne lui avait pas été transmise à ce jour, elle ignorait sur quelle base une telle capacité de travail résiduelle avait été retenue, aussi a-t-elle également demandé à pouvoir compléter son recours.

b. Par réponse du 3 juin 2025, l’intimé a conclu au rejet du recours en soulignant que le recouvrement d’une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée se fondait sur les conclusions du rapport d’expertise du 26 septembre 2024. Sur la base des conclusions de ce rapport, le SMR avait considéré que la recourante présentait une capacité de travail de 50% dès novembre 2022 dans une activité adaptée, en raison de ses atteintes physiques – l’expert psychiatre ayant exclu toute atteinte à la santé psychique. Après comparaison des revenus, la recourante avait droit à une rente entière du 1er octobre 2022 au 31 janvier 2023, puis à une rente partielle, respectivement de 65% du 1er février au 31 décembre 2023 et de 69% dès le 1er janvier 2024.

c. Par réplique du 23 juin 2025, la recourante, représentée par l’Association pour la permanence de défense des patients et des assurés (APAS), a contesté la valeur probante du rapport d’expertise du 26 septembre 2024, motif pris que l’évaluation de la capacité de travail par les experts ne tenait pas compte des effets secondaires du traitement morphinique visant à combattre les douleurs. Pour le surplus, la recourante contestait qu’il existât suffisamment d’activités simples et répétitives accessibles sur le marché de l’emploi respectant ses limitations fonctionnelles, raison pour laquelle elle demandait que le service de réadaptation de l’intimé se prononce de manière formelle à ce sujet, ce qu’il n’avait pas fait à ce jour. Enfin et à titre subsidiaire, la recourante contestait les modalités de la comparaison des revenus effectuée dès le 1er février 2023.

d. Le 8 juillet 2025, l’intimé a dupliqué et renvoyé à ses précédentes écritures.

e. Le 10 juillet 2025, la chambre de céans a remis, pour information, une copie de cette écriture à la recourante, ensuite de quoi la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

f. Les autres faits seront mentionnés, si nécessaire, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

 

 

 

 

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA – RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI – RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.

La procédure devant la chambre de céans est ainsi régie par les dispositions de la LPGA et de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA ‑ E5 10).

1.3 Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 LPA).

Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais du 7e jour avant Pâques au 7e jour après Pâques (art. 60 al. 2 LPGA, renvoyant à l’art. 38 al. 4 let. a LPGA ; cf. aussi l’art. 89C let. a LPA), le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le point de savoir si la recourante peut prétendre au maintien de sa rente entière d’invalidité au-delà du 31 janvier 2023.

3.              

3.1 Dans le cadre du développement continu de l’AI, la LAI, le règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201) et l’art. 17 LPGA notamment ont été modifiés avec effet au 1er janvier 2022 (modifications des 19 juin 2020 et 3 novembre 2021 ; RO 2021 705 et RO 2021 706).

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2 et les références).

Dans les cas de révision selon l’art. 17 LPGA, conformément aux principes généraux du droit intertemporel (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1), il convient d’évaluer, selon la situation juridique en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, si une modification déterminante est intervenue jusqu’à cette date. Si tel est le cas, les dispositions de la LAI et celles du RAI dans leur version valable jusqu’au 31 décembre 2021 sont applicables. Si la modification déterminante est intervenue après cette date, les dispositions de la LAI et du RAI dans leur version en vigueur à partir du 1er janvier 2022 sont applicables. La date pertinente de la modification est déterminée par l’art. 88a RAI (arrêts du Tribunal fédéral 8C_55/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.2 ; 8C_644/2022 du 8 février 2023 consid. 2.2.3).

3.2 Selon la jurisprudence, une décision par laquelle l’assurance-invalidité accorde une rente d’invalidité avec effet rétroactif et, en même temps, prévoit l’augmentation, la réduction ou la suppression de cette rente, correspond à une décision de révision au sens de l’art. 17 LPGA, applicable par analogie (ATF 148 V 321 consid. 7.3.1 ; 145 V 209 consid. 5.3 ; 125 V 413 consid. 2d).

3.3 En l’occurrence, il n’est pas contesté que, tant la naissance du droit à une rente que le motif de révision de celle-ci sont survenus après le 31 décembre 2021, de sorte les dispositions applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.

4.              

4.1 L’art. 17 al. 1 LPGA dispose que la rente d’invalidité est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée, réduite ou supprimée, lorsque le taux d’invalidité de l’assuré :

a. subit une modification d’au moins 5 points de pourcentage, ou

b. atteint 100%.

4.1.1 Tout changement important des circonstances, propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA (ATF 149 V 91 consid. 7.5 et les références). La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important. Tel est le cas lorsque la capacité de travail s’améliore grâce à l’accoutumance ou à une adaptation au handicap (ATF 147 V 167 consid. 4.1 et les références).

Une amélioration de la capacité de gain ou de la capacité d’accomplir les travaux habituels de l’assuré n’est déterminante pour la suppression de tout ou partie du droit aux prestations qu’à partir du moment où l’on peut s’attendre à ce que l’amélioration constatée se maintienne durant une assez longue période. Il en va de même lorsqu’un tel changement déterminant a duré trois mois déjà, sans interruption notable et sans qu’une complication prochaine soit à craindre (art. 88a al. 1 RAI). Le fardeau de la preuve quant à cette amélioration de la capacité de travail incombe à l’administration (arrêt du Tribunal fédéral 8C_510/2020 du 15 avril 2021 consid. 2.2 et les références).

En revanche, il n’y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 147 V 167 consid. 4.1 et les références). Un motif de révision au sens de l’art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier. La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral I 111/07 du 17 décembre 2007 consid. 3 et les références).

4.1.2 La base de comparaison déterminante dans le temps pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une révision de la rente est constituée par la dernière décision entrée en force qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit (ATF 147 V 167 consid. 4.1 et la référence). Cependant l’octroi rétroactif d’une rente d’invalidité limitée dans le temps présuppose, en règle générale, l’existence de motifs de révision, c’est-à-dire un changement ayant une incidence sur le droit à la rente intervenu avant même que la décision de rente ne soit rendue (ATF 148 V 321 consid. 7.3.1 ; 145 V 215 V 215 consid. 8.2 ; 145 V 209 consid. 5.3). Selon la jurisprudence, en cas d’octroi rétroactif d’une rente d’invalidité échelonnée ou limitée dans le temps, outre la disposition de révision de l’art. 17 al. 1 LPGA, la règle de l’art. 88a al. 1 RAI concernant la modification du droit aux prestations en cas d’amélioration de la capacité de gain s’applique par analogie lorsqu’un changement influant sur le droit aux prestations est survenu avant la première décision de rente (arrêt du Tribunal fédéral 8C_94/2013 du 8 juillet 2013 consid. 4.1). Dans le cas de l’octroi rétroactif d’une rente temporaire ou échelonnée, les bases de comparaison déterminantes sont, d’une part, la date du début du droit à la rente et, d’autre part, la date de la modification du droit à la rente compte tenu du délai de trois mois de l’art. 88a RAI (arrêt du Tribunal fédéral 8C_51/2024 du 2 juillet 2024 consid. 2.4 et les références).

L’art. 88a al. 1 RAI prévoit que si la capacité de gain s’améliore, ce changement n’est déterminant pour la suppression de toute ou partie du droit aux prestations qu’à partir du moment où l’on peut s’attendre à ce que l’amélioration constatée se maintienne durant une assez longue période (1re phrase). Il en va de même lorsqu’un tel changement déterminant a duré trois mois déjà, sans interruption notable et sans qu’une complication prochaine soit à craindre (2e phrase). En règle générale, il convient d’examiner pour l’avenir (pro futuro) si une amélioration de la capacité de gain est susceptible de durer longtemps (arrêt du Tribunal fédéral 8C_36/2019 du 30 avril 2019 consid. 5 et les arrêts cités).

Le Tribunal fédéral applique généralement la 2e phrase de l’art. 88a al. 1 RAI et accorde ou confirme la rente plus élevée perçue jusqu’alors pendant trois mois après le changement de l’état de santé (cf. arrêts du Tribunal fédéral 8C_94/2013 du 8 juillet 2013 consid. 4.1 ; 8C_670/2011 du 10 février 2012 consid. 5.1 ; 9C_491/2008 du 21 avril 2009 consid. 2 ; plus récemment, par exemple, 9C_544/2018 du 5 février 2019 consid. 7.3 ; 8C_220/2018 du 14 novembre 2018 consid. 5.3 ; 9C_112/2018 du 20 septembre 2018 consid. 4.2 ; 8C_309/2018 du 2 août 2018 consid. 6). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il n’y a lieu de renoncer à l’octroi d’un délai d’attente jusqu’à la suppression/modification du droit à la rente que dans des cas exceptionnels. La suppression « immédiate » de ce droit a ainsi été jugée justifiée, par exemple, parce qu’une amélioration était déjà prévisible depuis un certain temps, mais que la date de la modification de la capacité de travail n’était documentée nulle part (arrêt du Tribunal fédéral 9C_603/2010 du 6 octobre 2011 consid. 4.2), ou parce que l’évolution de la capacité de travail ne pouvait être déterminée avec précision mais que cela n’avait été possible qu’au moyen d’une expertise s’écartant des incapacités de travail attestées en temps réel (arrêt du Tribunal fédéral 9C_810/2010 du 16 septembre 2011 consid. 4.2). Dans ces cas, le Tribunal fédéral a fait coïncider la date de la suppression/modification de la rente avec le moment de l’expertise (arrêt du Tribunal fédéral 8C_36/2019 du 30 avril 2019 consid. 5 précité).

4.2 Aux termes des art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI, est réputée invalidité, l’incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d’une infirmité congénitale, d’une maladie ou d’un accident. Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de l’assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d’une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu’elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain.

De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

4.3 La notion d’invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l’incapacité fonctionnelle qu’il importe d’évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

5.              

5.1 Selon l’art. 28b LAI, en vigueur depuis le 1er janvier 2022, la quotité de la rente est fixée en pourcentage d’une rente entière (al. 1). Pour un taux d’invalidité compris entre 50 et 69%, la quotité de la rente correspond au taux d’invalidité (al. 2). Pour un taux d’invalidité supérieur ou égal à 70%, l’assuré a droit à une rente entière (al. 3). Pour les taux d’invalidité compris entre 40 et 49%, la quotité de la rente s’échelonne de 25 à 47.5% (cf. al. 4).

A droit à une rente d’invalidité, l’assuré dont la capacité de gain ou la capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles, qui a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable et qui, au terme de cette année, est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (art. 28 al. 1 LAI).

5.2 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l’art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l’art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d’un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l’AI, les diminutions de la capacité de gain que l’assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel la classification internationale des maladie (CIM) ou le DSM-IV (Diagnostic and Statistical Manual) (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

5.3 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d’évaluation de la capacité de travail, respectivement de l’incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d’affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d’évaluation au moyen d’un catalogue d’indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d’évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d’atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d’un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l’art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d’exclusion définis dans l’ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l’absence d’une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d’assurance, si les limitations liées à l’exercice d’une activité résultent d’une exagération des symptômes ou d’une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d’un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d’une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l’allégation d’intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l’absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l’anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l’expert, ainsi que l’allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

5.4 L’organe chargé de l’application du droit doit, avant de procéder à l’examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d’une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l’AI, c’est-à-dire qui résiste aux motifs dits d’exclusion tels qu’une exagération ou d’autres manifestations d’un profit secondaire tiré de la maladie (ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.2 et la référence).

5.5 Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d’une procédure d’établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d’évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d’une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d’autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L’accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d’exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence). 

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-          Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3) :

A.    Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1).

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.     Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles ; consid. 4.3.2).

C.     Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3).

-          Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement ; consid. 4.4).

Limitation uniforme du niveau d’activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l’anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

6.              

6.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d’autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 ; 115 V 133 consid. 2 ; 114 V 310 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_442/2013 du 4 juillet 2014 consid. 2).

6.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

6.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d’apprécier certains types d’expertises ou de rapports médicaux.

6.3.1 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d’observations approfondies et d’investigations complètes, ainsi qu’en pleine connaissance du dossier, et que l’expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu’aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

6.3.2 Le but des expertises multidisciplinaires est de recenser toutes les atteintes à la santé pertinentes et d’intégrer dans un résultat global les restrictions de la capacité de travail qui en découlent. L’évaluation globale et définitive de l’état de santé et de la capacité de travail revêt donc une grande importance lorsqu’elle se fonde sur une discussion consensuelle entre les médecins spécialistes participant à l’expertise. La question de savoir si, et dans quelle mesure, les différents taux liés aux limitations résultant de plusieurs atteintes à la santé s’additionnent, relève d’une appréciation spécifiquement médicale, dont le juge ne s’écarte pas, en principe (ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_162/2023 du 9 octobre 2023 consid. 2.3 et les références).

6.3.3 Un rapport du SMR a pour fonction d’opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu’il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d’une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d’un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l’office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

6.3.4 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l’expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S’il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l’objectivité ou l’impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l’éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l’existence d’éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

6.3.5 On ajoutera qu’en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n’est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s’apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu’au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d’expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l’administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu’un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n’en va différemment que si ces médecins traitants font état d’éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l’expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l’expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).

7.              

7.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3, 126 V 353 consid. 5b, 125 V 193 consid. 2). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

7.2 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu’il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu’ils n’auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu’il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu’une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu’il considère que l’état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l’expertise administrative n’a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu’ici, lorsqu’il s’agit de préciser un point de l’expertise ordonnée par l’administration ou de demander un complément à l’expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151 consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

8.             En application de la jurisprudence précitée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_51/2024 du 2 juillet 2024 consid. 2.4 et les références), il convient de comparer la situation telle qu’elle se présentait au moment de la naissance du droit à la rente, en octobre 2022, avec celle qui existait le 31 janvier 2023, soit à l’issue du délai de trois mois à compter de la modification de l’état de fait survenue en novembre 2022 (cf. ci‑dessus : consid. 4.1.2).

8.1 En l’espèce, il ressort du rapport d’expertise du 26 septembre 2024 qu’au terme du délai d’attente d’un an, soit en octobre 2022, la recourante avait une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles retenues par les experts. Le SMR a toutefois estimé, par avis du 8 octobre 2024, qu’en tant que les experts faisaient naître le recouvrement d’une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée une année après l’apparition des lombosciatalgies, il convenait de tenir compte du fait qu’en octobre 2022, le traitement antalgique conservateur (trois infiltrations périradiculaires subies entre le 23 novembre 2021 et le 12 septembre 2022 ; cf. expertise, p. 7-9) n’avait pas encore duré une année et qu’ainsi, la capacité de travail de 50% dans une activité adaptée retenue par les experts ne pouvait être admise qu’à compter du mois de novembre 2022. Aussi l’intimé a-t-il estimé qu’en application de l’art. 88a RAI, l’incapacité de gain totale au moment de la naissance du droit à la rente justifiait l’octroi d’une rente entière jusqu’au 31 janvier 2023, l’amélioration constatée ayant duré trois mois à ce moment-là.

La décision attaquée retient ainsi, sur la base de cet avis du SMR, une capacité de travail nulle dans l’activité habituelle depuis le 7 octobre 2021, mais de 50% dans une activité adaptée depuis novembre 2022. Dite décision retient également qu’au vu de la comparaison des revenus effectuée après le rapport d’expertise précité, la recourante ne subissait qu’une perte de gain de CHF 47’170.- (soit 65.35%) en 2023, respectivement CHF 49’949.- (soit 69.20%) en 2024, justifiant ainsi la suppression de la rente entière au 31 janvier 2023 (cf. art. 88a al. 1 RAI) et son remplacement par une rente de 65% du 1er février au 31 décembre 2023, respectivement une rente de 69% dès le 1er janvier 2024.

Si le raisonnement qui sous-tend l’octroi d’une rente entière n’est pas contesté, il n’en va pas de même pour la période postérieure au 31 janvier 2023, la recourante contestant avoir une capacité de travail de 50% que les experts lui reconnaissent dans une activité adaptée. Aussi convient-il d’examiner la valeur probante de l’expertise bi-disciplinaire.

8.2 Dans leur rapport du 26 septembre 2024, les experts ont retenu les diagnostics suivants, de nature exclusivement somatique :

-          discopathies L3-L4 et L4-L5 avec hernie discale L4-L5 foraminale et extra-foraminale gauche comprimant la racine L4 gauche ;

-          rétrécissements foraminaux L3-L4, L4-l5 et L5-S1 gauches.

Sur le plan orthopédique, l’expert K______ a mentionné que l’assurée avait subi trois infiltrations rachidiennes – la dernière en septembre 2022 – sans amélioration durable, qu’elle prenait une médication antalgique par morphiniques depuis décembre 2023, « correspondant à une intensité douloureuse majeure » (rapport d’expertise p. 17). Les diagnostics précités entraînaient des limitations fonctionnelles pour le port de charges supérieures à 5 kg, les déplacements supérieurs à 30 minutes, les positions debout ou assise prolongées supérieures à 1 heure et les travaux en porte-à-faux (expertise, p. 34). Concernant les troubles actuels, l’expert K______ a relevé que l’assurée rapportait avoir essayé « toutes les médecines alternatives », qu’elle avait ainsi consulté un ostéopathe, un chiropraticien, un acupuncteur et un magnétiseur, que ces traitements alternatifs avaient permis un léger mieux au début des symptômes en 2021-2022 mais plus du tout par la suite. L’assurée « [concédait ainsi] une amélioration [de ses troubles] » par rapport à la situation prévalant au début des symptômes en octobre 2021 (la jambe gauche était alors « paralysée » ; expertise, p. 26 in fine). En outre, l’expert K______ a constaté que « durant l’entretien de près de 45 minutes, [l’assurée était] en mesure d’observer une position assise sans signe d’inconfort » (expertise, p. 20), qu’elle avait pu « se déplacer de manière autonome [jusqu’à Aigle] pour la procédure expertale » (ce qui représentait environ deux heures de trajet en transports publics ; expertise, p. 29), se rendre en avion au Kosovo et en Turquie pour les vacances durant l’été 2024 (expertise, p. 28), qu’elle « [entrait] aisément en contact avec l’expert » et s’exprimait parfaitement en français (expertise, p. 18). Estimant que l’assurée disposait ainsi de ressources et de capacités, l’expert K______ a considéré au terme de l’examen clinique que si l’activité habituelle ne pouvait plus être exercée, l’exercice d’une activité adaptée aux limitations fonctionnelles précitées n’en restait pas moins exigible à 50% (soit 4 heures à 4 heures et demie sur une demi-journée, sans diminution de rendement ; expertise, p. 34), comme par exemple dans le domaine de l’horlogerie ou dans toute autre profession permettant l’alternance des positions debout et assise (expertise, p. 28 in fine).

Sur le plan psychiatrique, l’expert L______ n’a retenu aucune psychopathologie et donc aucune diminution de la capacité de travail pour des motifs psychiques. Cela étant, il n’en a pas moins procédé à des constatations et appréciations en lien avec la prise de morphiniques en citant notamment un rapport de consultation du 27 août 2024 de la Dre I______, envoyé par l’assurée aux experts, dans lequel il était indiqué que « le Palexia la shoote sans améliorer les douleurs [et qu’elle] se plaint de perte de mémoire et de fatigue ». Dans ce rapport, cette rhumatologue mentionnait également que durant ses vacances en Turquie, l’assurée « [avait] dû rester allongée » (expertise, p. 15 ; cf. aussi dossier AI, doc. 97, p. 410). Dans le même ordre d’idées, l’expert L______ a constaté dans l’examen des ressources de l’assurée que celle-ci présentait une hyposthénie « liée à une consommation antalgique de dérivés morphinique[s] » et qu’en conséquence, elle « [n’était] actuellement pas capable de persévérer suffisamment longtemps et pendant le temps habituellement exigé dans une activité professionnelle ou autre en maintenant un niveau de rendement continu » (expertise, p. 19). En l’absence d’atteinte à la santé psychique, l’expert psychiatre laissait toutefois le soin à son confrère orthopédiste d’apprécier les répercussions du traitement en question en ces termes : « [l’assurée] consomme un traitement antalgique morphinique potentiellement sédatif. Cela s’explore ailleurs » (expertise, p. 17).

À ce stade de l’analyse, la chambre de céans constate que sur le plan orthopédique, l’état de l’assurée n’a pas connu d’évolution depuis la légère amélioration des symptômes intervenue en 2021-2022, soit peu après l’apparition des lombosciatalgies le 7 octobre 2021. Il s’ensuit que l’examen effectué par l’expert K______ le 4 septembre 2024, en particulier les déductions qui en sont tirées quant à une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée depuis octobre 2022 (novembre 2022 selon le SMR) ne prêtent a priori pas le flanc à la critique, ce d’autant que tant le volet psychiatrique (non contesté) que le volet rhumatologique de l’expertise remplissent en principe les réquisits jurisprudentiels qui permettraient d’en reconnaître la valeur probante, sous réserve de ce qui suit : on constate en effet que l’expert orthopédiste K______ ne prend position que de manière lacunaire sur le traitement morphinique précité, administré « depuis fin 2023 » (cf. expertise, p. 26), lequel ferait obstacle à un « rendement continu » aux dires de l’expert psychiatre L______. L’expert K______ ne retient certes aucune diminution de rendement pour l’exercice d’une activité adaptée à 50%. Toutefois, le raisonnement proposé pour parvenir à cette conclusion n’en reste pas moins tronqué. En effet, le fait de retenir que « les plaintes douloureuses rachidiennes de l’assurée demeurent cohérentes et plausibles » et que « l’intensité douloureuse alléguée par l’assurée est corroborée par la prise quotidienne d’une antalgie par morphiniques » (expertise, p. 31) n’a de sens que si ces éléments caractérisant l’atteinte à la santé font eux-mêmes l’objet d’une analyse exhaustive de leurs éventuelles conséquences fonctionnelles négatives, ce qui n’est pas le cas. En effet, contrairement à l’expert psychiatre, l’expert orthopédiste n’aborde nulle part les éventuelles répercussions du traitement antalgique par morphiniques. Son examen reste centré sur le status orthopédique. De plus, son inventaire des ressources (maîtrise parfaite du français, diplôme ATSSO obtenu en 2018, possibilité de se rendre de manière autonome au centre d’expertise, contact aisé avec l’expert, soutien affectif des filles et du mari) n’est tempéré par aucune analyse des « facteurs pesants » pourtant prévue dans la mission d’expertise (expertise, p. 33, ch. 7.2). Sous l’angle d’une appréciation médicale censée être consensuelle, cette lacune est d’autant plus inexplicable que l’expert L______ retient, à titre de « facteur pesant », l’hyposthénie liée à la consommation de dérivés morphiniques en précisant que cette question est explorée ailleurs par l’expert K______ (cf. expertise, p. 17, 19, 52-54), ce qu’elle n’est pas dans les faits.

8.3 En l’état lacunaire de l’instruction, il n’est donc pas établi, au degré requis de la vraisemblance prépondérante, que la capacité de travail de 50% recouvrée dans une activité adaptée dès novembre 2022 se serait maintenue à ce taux jusqu’à la date de la décision litigieuse, vu la prise de dérivés morphiniques dès décembre 2023 par l’assurée et les répercussions de ces substances sur le « rendement continu » aux dires de l’expert psychiatre L______. Aussi se justifie-t-il d’annuler la décision litigieuse. On rappellera néanmoins que lorsque dans le cadre de l’octroi rétroactif d’une rente d’invalidité échelonnée, seule la réduction ou la suppression des prestations est contestée, ce qui est le cas en l’espèce, le pouvoir d’examen du juge (et de l’administration, en cas de renvoi de la cause) s’étend également aux périodes pour lesquelles l’octroi des prestations n’est pas remis en cause (ATF 125 V 413).

9.             Compte tenu de ce qui précède, le recours est partiellement admis, la décision du 14 mars 2025 est annulée et la cause renvoyée à l’intimé pour instruction complémentaire au sens des considérants (ci-dessus : consid. 8.2), le cas échéant au moyen d’un complément d’expertise, pour qu’il examine le droit de la recourante à une rente d’invalidité, au besoin pour la période du 1er octobre 2022 au 31 janvier 2023.

10.          

10.1 Obtenant partiellement gain de cause et étant assistée par un conseil, la recourante a droit à une indemnité à titre de participation à ses frais et dépens, que la chambre de céans fixera à CHF 1’500.- (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

10.2 La procédure n’étant pas gratuite (art. 69 al. 1bis LAI) et vu l’issue du litige, il y a lieu de condamner l’intimé au paiement d’un émolument de CHF 200.-.

 

*****


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement au sens des considérants.

3.        Annule la décision du 14 mars 2025 et renvoie la cause à l'intimé pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

4.        Alloue à la recourante, à charge de l’intimé, une indemnité de CHF 1’500.- à titre de participation à ses frais et dépens.

5.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le