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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1580/2025

ATAS/759/2025 du 07.10.2025 ( CHOMAG ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1580/2025 ATAS/759/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 7 octobre 2025

Chambre 2

 

En la cause

A______

représenté par le Syndicat SIT, mandataire

 

 

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI

 

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l'assuré, l'intéressé ou le recourant), né en 1981, célibataire, ressortissant d’un État non européen et titulaire d’une autorisation de séjour (permis B) avec autorisation d’activité lucrative en Suisse, s’est inscrit le 10 juin 2024 à l’assurance-chômage, en vue d’un emploi à 50%.

À teneur du formulaire « Inscription au chômage », il avait exercé une activité lucrative d’employé de maison à 100%, emploi dont il avait été licencié le 28 mars 2024 avec effet au 30 mai 2024. Il était immédiatement disponible pour des entretiens auprès de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE, l’office ou l’intimé), tout en répondant « non » à la question « Vous disposez d’un ordinateur (caméra et microphone) et d’une connexion Internet » mais en acceptant que l’office utilise son adresse courriel – qui était indiquée avec le numéro de son téléphone portable – « au moyen d’une messagerie standard afin de communiquer avec [lui] et de [lui] transmettre des documents en lien avec [son] placement et [ses] droits et obligations envers l’assurance-chômage ».

b. L’assuré n’a pas réagi à la suite d’un courriel du 14 juin 2024 de la conseillère en personnel de l’office régional de placement (ci-après : ORP) qui convoquait l’intéressé à un « premier entretien » dans les locaux de l’ORP le mardi 18 juin 2024 à 15h30, ni à un courrier du 18 juin 2024 de l’ORP intitulé « Souhaitez vous maintenir votre inscription à l’ORP ? », qui, compte tenu de son absence au premier entretien, lui impartissait un délai de dix jours à compter de la date de cette lettre pour répondre, dans des cases, s’il désirait rester inscrit et remplir ses obligations ou s’il souhaitait se désinscrire, puis renvoyer ledit courrier ainsi complété, avec la précision que passé ce délai de dix jours et sans réponse de sa part, il serait considéré qu’il renonçait à son inscription à l’ORP et son dossier serait annulé.

Par lettre du 1er juillet 2024, l’ORP a informé l’assuré de l’annulation de son dossier en qualité de demandeur d’emploi au 1er juillet 2024.

c. Par courriel du 18 juillet 2024 du Syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs (SIT ; ci-après : le syndicat), plus précisément B______(ci‑après : la secrétaire syndicale), l'intéressé, se référant à cette annulation de son dossier, a fait valoir auprès de l'OCE que, comme confirmé par l'office cantonal de la population et des migrations (OCPM), il résidait légalement sur le territoire genevois, et, par courriel du même jour, il a transmis à l’office une procuration signée le 28 mars 2024 en faveur du syndicat.

Par courriel du 22 juillet 2024 du syndicat, il a fait part à l'office d'un changement d'adresse à l'intérieur du canton de Genève - la nouvelle adresse étant celle indiquée dans le formulaire " Inscription au chômage " -, de même que du fait qu'il était séparé de la mère de son fils qui gardait son domicile auprès d'elle.

Par décision sur opposition rendue le 29 août 2024 par sa division juridique et adressée à l’adresse privée de l’assuré, l’OCE a rejeté l’opposition formée le 18 juillet 2024 contre l’annulation de son dossier au 1er juillet 2024 et a confirmé celle-ci, au motif que l’intéressé ne s’était pas soumis au devoir de contrôle en ne se présentant pas à son premier entretien prévu le 18 juin 2024 puis n’avait pas donné suite au courrier de l’ORP du 18 juin 2024 lui demandant s’il souhaitait rester inscrit à l’assurance-chômage.

d. Par acte du 26 septembre 2024, l’assuré, toujours représenté par le syndicat – qui avait demandé le dossier par courriel du 3 septembre 2024 à l’office en joignant la procuration du 28 mars 2024 susmentionnée –, a, auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales ou la chambre de céans), interjeté recours contre cette décision sur opposition.

Comme demandé par le recourant, une audience de comparution personnelle des parties s’est tenue le 17 décembre 2024 devant la chambre des assurances sociales.

e. Par arrêt du 11 mars 2025 (ATAS/140/2025, cause A/3156/2024), la chambre de céans a, à la forme, déclaré le recours recevable en tant qu’il tendait à ce que la décision sur opposition rendue le 29 août 2024 par l’intimé ainsi que l’annulation du dossier en qualité de demandeur d’emploi au 1er juillet 2024 soient annulées, mais irrecevable en tant qu’il concluait à la restitution de tous les délais éventuels pour les formalités d’ouverture de dossier ou autres délais pour faire valoir son droit auprès des caisses de chômage. Au fond, elle a admis le recours dans ses conclusions recevables et a annulé la décision sur opposition rendue le 29 août 2024 par l’intimé ainsi que l’annulation du dossier du recourant en qualité de demandeur d’emploi au 1er juillet 2024, étant donné qu’aucun indice ni aucune circonstance ne permettaient de penser que l’assuré aurait eu connaissance de l’existence dudit courrier de l’ORP du 18 juin 2024, envoyé par pli simple, avant la réception de la décision sur opposition du 29 août 2024.

B. a. Entretemps, le 12 septembre 2024, l’intéressé s’est réinscrit le 10 juin 2024 à l’assurance-chômage, en vue d’un emploi à 100%, c/o son frère dans le canton de Genève dont l’adresse était indiquée.

À teneur de la « confirmation d’inscription », il s’engageait à être atteignable dans les 24 heures ainsi qu’à relever quotidiennement sa boîte aux lettres et sa messagerie pour prendre connaissance des communications de l’OCE et y donner suite dans les délais.

b. Par cinq courriers des 8 et 13 novembre 2024 de sa division juridique, l’office a reproché à l’assuré des recherches personnelles d’emploi (ci-après : RPE) insuffisantes avant l’inscription au chômage (ci-après : le 1er manquement reproché), des RPE manquantes en septembre 2024, période du 12 au 30 septembre (ci-après : le 2ème manquement reproché), son absence non excusée à l’entretien de conseil fixé au 7 novembre 2024 à 8h00 (ci-après : le 3ème manquement reproché), des RPE manquantes en octobre 2024 (ci-après : le 4ème manquement reproché) et son absence non excusée à l’entretien de conseil fixé au 12 novembre 2024 à 9h15 (ci-après : le 5ème manquement reproché). À cela se sont ajoutées des lettres de l’OCE des 22 novembre et 3 décembre 2024 reprochant à l’intéressé ses absences non excusées à l’entretien de conseil fixé au 20 novembre 2024 à 8h20 de même qu’à celui prévu au 2 décembre 2024 à 12h00 (ci-après : les 6ème et 7ème manquements reprochés). Dans chacun de ces sept courriers, un délai lui était accordé pour exercer son droit d’être entendu.

c. Par courriel du 21 novembre 2024 du syndicat, plus précisément de la secrétaire syndicale, indiquant avoir été mandaté par l’assuré selon une procuration qui était jointe, puis par courriel du 26 novembre 2024, l’intéressé a sollicité un report de 15 jours du délai pour se déterminer sur les cinq premiers manquements reprochés susmentionnés, report qui a été accepté jusqu’au 11 décembre 2024 par courriel de la direction juridique de l’OCE du 27 novembre 2024.

Par courriel du 5 décembre 2024, la secrétaire syndicale a expliqué à l’office les circonstances ayant mené selon elle aux six premiers manquements reprochés susmentionnés et a sollicité de l’OCE une copie de tous les courriers et courriels qu’il avait adressés à l’intéressé depuis le 22 novembre 2024 « et à l’avenir ».

d. Par décision du 6 décembre 2024, l’OCE a prononcé contre l’intéressé une suspension du droit à l’indemnité de chômage de 9 jours en raison du 1er manquement reproché, par décision du 9 décembre 2024 une suspension de 8 jours pour le 2ème manquement reproché, par décision du 10 décembre une suspension de 13 jours pour le 4ème manquement reproché, par décision du 12 décembre une suspension de 14 jours pour le 3ème manquement reproché, et par décision du 13 décembre une suspension de 18 jours pour le 5ème manquement reproché (ci-après : les cinq décisions de sanction de décembre 2024). Ces cinq décisions « de sanction » émanant de la direction juridique étaient adressées par pli simple à l’assuré, c/o son frère.

e. Par courriel du 19 décembre 2024, se référant à un entretien téléphonique du même jour, la division juridique de l’OCE a transmis à la secrétaire syndicale, en pièces jointes, les cinq décisions de sanction de décembre 2024, une décision rendue le même jour et déclarant l’intéressé inapte au placement dès le 21 novembre 2024 en raison des manquements répétés objets de ces cinq décisions de sanction, de même qu’un courrier du 12 décembre 2024 impartissant à l’intéressé un délai au 6 janvier 2025 pour s’exprimer sur son absence à l’entretien de conseil fixé au 9 décembre 2024 à 12h00.

f. En parallèle, par courrier de la secrétaire syndicale du même 19 décembre 2024, faisant suite à un écrit de l’ORP du 10 décembre 2024 adressé à l’assuré à teneur duquel le dossier de l’assuré avait été annulé avec effet au 12 décembre 2024, celui-ci a contesté cette annulation et a sollicité le maintien de son inscription à l’assurance-chômage.

g. Par écriture du syndicat du 30 janvier 2025, reçue le lendemain par l’office, l’assuré a formé opposition contre les cinq décisions de sanction de décembre 2024 de même que contre la décision d’inaptitude au placement prononcée le 19 décembre 2024.

h. Par cinq décisions sur opposition rendues les 8, 9, 10, 11 et 14 avril 2025 par sa direction juridique concernant chacune une des cinq décisions de sanction de décembre 2024, l’OCE a déclaré irrecevable ladite opposition du 30 janvier 2025. En effet, aucune élection de domicile valable n’avait été établie en faveur du syndicat, de sorte que lesdites cinq décisions de sanction étaient considérées comme ayant été valablement notifiées à l’intéressé à l’adresse mentionnée par ce dernier dans son inscription à l’assurance-chômage. Le syndicat avait reçu ces décisions en copie le 19 décembre 2024 mais n’avait formé opposition que le 30 janvier 2025, ce alors qu’il appartenait à l’assuré de s’opposer auxdites décisions dans le délai légal de 30 jours, et celui-là n’avait invoqué aucun empêchement d’agir dans ledit délai.

C. a. Par actes – séparés – du 7 mai 2025 – enregistrés sous les numéros de cause A/1580/2025, A/1582/2025, A/1584/2025, A/1585/2025 et A/1586/2025 –, l’assuré, toujours représenté par le syndicat, a interjeté recours contre ces cinq décisions sur opposition, concluant, préalablement, à la tenue d’une audience de comparution personnelle des parties, au fond, à l’annulation desdites décisions sur opposition, au renvoi du cas à l’intimé, à la déclaration de recevabilité de l’opposition du 30 janvier 2025 ainsi qu’à la restitution de tous les éventuels délais relatifs aux formalités d’ouverture de dossier ou autres délais pour faire valoir son droit auprès des caisses de chômage. En effet, les notifications à l’adresse du recourant étaient irrégulières, étant donné que celui-ci était valablement représenté par le syndicat sur la base de la procuration transmise le 3 septembre 2024 à l’office. Le représentant n’avait pris connaissance des cinq décisions de sanction de décembre 2024 que le 19 décembre 2024. L’opposition du 30 janvier 2025 était donc recevable. Subsidiairement, faire valoir que l’assuré n’avait émis aucune élection de domicile valable était contraire au principe de la bonne foi.

b. Par ordonnance, la chambre de céans a ordonné la jonction des causes A/1580/2025, A/1582/2025, A/1584/2025, A/1585/2025 et A/1586/2025 sous la cause n. A/1580/2025, les faits étant très similaires et les questions à examiner étant superposables.

c. Par réponse du 5 juin 2024 de sa direction juridique, l’intimé a conclu au rejet du recours, en l’absence non de la qualité de mandataire du syndicat mais d’une élection de domicile.

d. Par réplique du 1er juillet 2025, le recourant a persisté dans ses conclusions de recours, faisant notamment valoir une élection de domicile tacite et présumée et proposant l’audition en qualité de témoin du conseiller en personnel de l’ORP en charge de son dossier (ci-après : conseiller en personnel).

e. Le 25 juillet 2025, l’intimé a maintenu sa position et s’est opposé à l’audition du conseiller en personnel, inutile selon l’office.

f. Le 31 juillet 2025, le recourant a précisé en quoi l’audition du conseiller en personnel serait d’après lui déterminante.

g. Le 21 août 2025, sur question de la chambre des assurances sociales, le recourant a confirmé que la procuration signée le 28 mars 2024 était celle qui avait toujours été adressée à l’OCE, y compris en annexe du courriel du 3 septembre 2024.

h. Le 22 août 2025, l’intimé a déposé un chargé de pièces complémentaire.

i. Le 23 septembre 2025 s’est tenue devant la chambre de céans une audience de comparution personnelle des parties, lors de laquelle celles-ci ont persisté dans leurs conclusions au fond respectives et à l’issue de laquelle, avec leur accord, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l'art. 1 al. 1 LACI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l’assurance-chômage obligatoire et à l’indemnité en cas d’insolvabilité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

1.3 Interjetés dans la forme et le délai – de trente jours – prévus par la loi, les recours sont recevables (art. 56 ss LPGA et 62 ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA ‑ E 5 10]), en tant qu’ils tendent à l’annulation des cinq décisions sur opposition querellées.

Comme déjà indiqué dans l’ATAS/140/2025 précité (consid. 1.3), est en revanche irrecevable la conclusion (n° 7) tendant à la restitution de tous les éventuels délais relatifs aux formalités d’ouverture de dossier ou autres délais pour faire valoir son droit auprès des caisses de chômage, étant donné que l’intimé ne peut pas donner d’ordres à la caisse de chômage compétente et qu’aucune décision de celle-ci n’a fait l’objet d’un recours auprès de la chambre de céans.

2.             Le litige porte uniquement sur le bien-fondé des cinq décisions sur opposition rendues par l’intimé en tant qu’elles déclarent irrecevable l’opposition formée le 30 janvier 2025 par le recourant contre les cinq décisions de sanction de décembre 2024, au motif que cet acte serait tardif.

3.              

3.1 Aux termes de l’art. 49 LPGA, l’assureur doit rendre par écrit les décisions qui portent sur des prestations, créances ou injonctions importantes ou avec lesquelles l’intéressé n’est pas d’accord (al. 1). Les décisions indiquent les voies de droit. Elles doivent être motivées si elles ne font pas entièrement droit aux demandes des parties. La notification irrégulière d’une décision ne doit entraîner aucun préjudice pour l’intéressé (al. 3).

Conformément à l’art. 52 al. 1 LPGA, les décisions peuvent être attaquées dans les trente jours par voie d’opposition auprès de l’assureur qui les a rendues, à l’exception des décisions d’ordonnancement de la procédure.

3.2 Pour ce qui concerne en particulier les questions de représentation d’une personne assurée par un mandataire, l’art. 37 LPGA dispose qu’une partie peut, en tout temps, se faire représenter, à moins qu’elle ne doive agir personnellement, ou se faire assister, pour autant que l’urgence d’une enquête ne l’exclue pas (al. 1). L’assureur peut exiger du mandataire qu’il justifie ses pouvoirs par une procuration écrite (al. 2). Tant que la partie ne révoque pas la procuration, l’assureur adresse ses communications au mandataire (al. 3).

Le Tribunal fédéral a, notamment dans un arrêt (2C_869/2013 du 19 février 2014), précisé la jurisprudence afférente à l’art. 11 al. 3 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021) – dont le contenu est identique à celui de l’art. 37 al. 3 LPGA –, jurisprudence applicable aussi aux assurances sociales (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_268/2019 du 8 mai 2019), de la manière qui suit. Le litige concerne uniquement la détermination du domicile de notification de la partie recourante. Cette question doit être distinguée de la désignation d'un représentant, car agir par l'entremise d'un mandataire ne signifie pas forcément que les actes peuvent être notifiés à ce dernier pour le compte du représenté. Du reste, lorsque la partie et son avocat sont domiciliés à l'étranger, la notification au mandataire à l'étranger est même exclue, sous réserve de conventions internationales (cf. art. 11b al. 1 PA). Certes, lorsque le représentant est domicilié en Suisse, l'art. 11 al. 3 PA prévoit que, tant que la partie ne révoque pas la procuration, l'autorité adresse ses communications au mandataire. La notion de communication comprend la notification des décisions. Ce principe a été posé dans l'intérêt de la sécurité du droit, afin d'établir une règle claire quant à la notification déterminante pour le calcul du délai de recours (ATF 99 V 177 consid. 3, confirmé notamment par les arrêts du Tribunal fédéral 2C_869/2013 précité consid. 4.1 et les références ; 9C_529/2013 du 2 décembre 2013 consid. 4). Il n'en demeure pas moins qu'il incombe normalement aux parties de se constituer un domicile de notification, les dispositions légales ayant seulement valeur de clause de sauvegarde. Partant, la partie, agissant en personne ou par le biais de son avocat (art. 396 al. 2 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse [CO, Code des obligations - RS 220]), peut choisir un autre domicile de notification que celui prévu à l'art. 11 al. 3 PA. Il faut toutefois qu'elle en informe clairement les autorités à la procédure, afin qu'il n'existe aucun doute sur le domicile de notification choisi. En cas d'ambiguïté, la sécurité du droit implique que la notification au mandataire de la partie au sens de l'art. 11 al. 3 PA sera réputée régulière (arrêt du Tribunal fédéral 2C_869/2013 précité consid. 4.1 ; cf. aussi Vera MARANTELLI-SONANINI/Said HUBER, in VwVG – Praxiskommentar Verwaltungsverfahrensgesetz, 2023, n. 29 ad art. 11 PA).

Par « communications » au sens de l’art. 37 al. 3 LPGA, il faut entendre à tout le moins les décision (art. 49 LPGA) et les décisions sur opposition (art. 52 al. 2 LPGA ; Anne-Sylvie DUPONT, in Commentaire romand, LPGA, 2025, n. 25 ad art. 37 LPGA).

L’art. 49 al. 3 LPGA cité plus haut consacre un principe général du droit qui concrétise la protection constitutionnelle de la bonne foi et les garanties conférées par l'art. 29 al. 1 et 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; ATF 145 IV 259 consid. 1.4.4 ; 144 II 401 consid. 3.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_239/2022 du 14 septembre 2022 consid. 5.1). Cependant, la jurisprudence n’attache pas nécessairement la nullité à l’existence de vices dans la notification. La protection des parties est suffisamment garantie lorsque la notification irrégulière atteint son but malgré cette irrégularité. Il y a lieu d'examiner, d'après les circonstances du cas concret, si la partie intéressée a réellement été induite en erreur par l'irrégularité de la notification et a, de ce fait, subi un préjudice. Il convient à cet égard de s’en tenir aux règles de la bonne foi qui imposent une limite à l’invocation du vice de forme (ATF 122 I 97 consid. 3a/aa ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_239/2022 précité consid. 5.1). En vertu de ce principe, l'intéressé est tenu de se renseigner sur l'existence et le contenu de la décision dès qu'il peut en soupçonner l'existence, sous peine de se voir opposer l'irrecevabilité d'un éventuel moyen pour cause de tardiveté (ATF 139 IV 228 consid. 1.3 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_239/2022 précité consid. 5.1).

Selon la jurisprudence – applicable aussi à l’opposition –, dans l'hypothèse particulière où la partie représentée par un avocat reçoit seule l'acte, il lui appartient de se renseigner auprès de son mandataire de la suite donnée à son affaire, au plus tard le dernier jour du délai de recours depuis la notification (irrégulière) de la décision litigieuse; le délai de recours lui-même court dès cette date (arrêts du Tribunal fédéral 9C_239/2022 du 14 septembre 2022 consid. 5.1 ; 9C_266/2020 du 24 novembre 2020 consid. 2.3 ; 2C_1021/2018 du 26 juillet 2019 consid. 4.2 et les références ; ATAS/60/2025 du 3 février 2025 consid. 1.2.4).

3.3 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités revêtent une importance significative ou entrent raisonnablement en considération (ATF 144 V 427 consid. 3.2 et la référence ; 139 V 176 consid. 5.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

4.              

4.1 En l’espèce, dans ses écritures et une fois lors de l’audience, l’intimé indique ne pas remettre en cause la validité de la représentation selon la procuration du 28 mars 2024 valable, mais seulement l'élection de domicile. Toutefois, lors de la même audience, il considère également que cette procuration était très générale et bien antérieure à l'inscription au chômage, de sorte qu’il ne pouvait pas la prendre en considération, y compris pour la notification des cinq décisions de sanction de décembre 2024 (des 6 au 13 décembre 2024).

4.2 Cela étant, il convient de considérer ce qui suit.

4.2.1 À teneur de ladite procuration, l’intéressé donne procuration au syndicat « afin d’accomplir tout acte juridique en qualité de mandataire général, avec pouvoir de substitution. La procuration s’étend notamment : - à la représentation extrajudiciaire ; à la représentation devant toute autorité judiciaire, prud’homale, administrative ou arbitrale ; - aux pouvoirs nécessaires à toute élection de for ; - à la transaction, au compromis, au recours, au désistement, à l’exécution de tout jugement ou transaction ; (…) ».

Bien que formulée sans référence à des procédures, autorités ou questions précises et bien qu’antérieure à la première inscription à l’assurance-chômage, cette procuration apparaît être valable et contenir tous les éléments constitutifs d’un mandat de représentation complet, étant au surplus relevé que des pouvoirs de représentation conférés oralement ou par actes concluants sont valables dans le cadre de l’art. 11 PA (ATF 99 V 177 consid. 3) – et donc aussi dans celui de l’art. 37 al. 3 LPGA (Anne-Sylvie DUPONT, op. cit., n. 20 ad art. 37 LPGA).

4.2.2 Certes, ladite procuration ne mentionne pas l’existence d’une élection de domicile.

Cependant, comme cela ressort des principes juridiques énoncés plus haut concernant les assurances sociales, l'art. 37 al. 3 LPGA – que l’intimé n’a pas pris en compte – prévoit qu'une procuration, même sans élection de domicile expresse, inclut, s'il n'y a pas d'autres précisions à ce sujet, le devoir de l'autorité de communiquer ses décisions au mandataire.

Si l’OCE avait eu des doutes quant à la portée concrète de la procuration du 28 mars 2024, y compris relativement au destinataire des communications émanant en particulier de sa direction juridique, il aurait dû interpeler le syndicat à ce sujet et, le cas échéant, lui demander de présenter une procuration plus ciblée sur le type de procédure concerné, en application à tout le moins par analogie de l’art. 37 al. 2 LPGA, ce que l’office n’a jamais fait.

4.2.3 L’assuré n’a jamais eu des propos oraux ou écrits ni adopté un comportement qui aurait pu laisser penser à l’office qu’il entendait choisir un autre domicile de notification que celui prévu à l’art. 37 al. 3 LPGA.

Au contraire, le syndicat, comme représentant de l’intéressé, a transmis à l’OCE la procuration du 28 mars 2024 par courriels des 18 juillet et 3 septembre 2024, et il a représenté le recourant dans le cadre de la procédure de recours A/3156/2024 précitée sur la base de ladite procuration, sans que la mention d’une élection de domicile dans l’acte de recours du 26 septembre 2024 – comme dans ceux du 7 mai 2025 – soit susceptible de faire douter d’une application de l’art. 37 al. 3 LPGA pour d’autres procédures ou contentieux.

4.2.4 Qui plus est, par son courriel du 5 décembre 2024, le syndicat, par la secrétaire syndicale, a expliqué à l’office les circonstances ayant mené selon lui aux six premiers manquements reprochés à son mandant – dont les cinq premiers sont précisément l’objet des cinq décisions de sanction de décembre 2024 contestées par l’opposition du 30 janvier 2025 –, ce à quoi s’ajoutait à la fin le paragraphe suivant : « Enfin, selon toute vraisemblance son incapacité à comprendre le français écrit l’empêche d’accéder à ses droits, raison pour laquelle nous vous prions de bien vouloir nous adresser une copie de tous les courriers et courriels que vous lui avez adressés depuis le 22 novembre 2024 et à l’avenir afin que nous puissions l’accompagner dans ses démarches » (NDR : « le français écrit » en gras).

Or les cinq décisions de sanction de décembre 2024 ont commencé à être envoyées juste après ce courriel, dès le 6 décembre 2024.

Compte tenu de l’ensemble des circonstances, le fait que, dans ce courriel du 5 décembre 2024, le syndicat ait sollicité des copies – et non des originaux – des courriers n’exclut aucunement la pleine application de l’art. 37 al. 3 LPGA relativement à l’obligation pour l’intimé d’adresser ses communications, notamment ses décisions, au mandataire, en principe en original. Au demeurant, l’OCE n’a pas communiqué au syndicat les cinq décisions de sanction de décembre 2024 avant le 19 décembre 2024 – comme confirmé en audience par les représentantes de l’office – et ne saurait en conséquence, eu égard notamment au principe de la bonne foi qui exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement (cf. 9 Cst.), se prévaloir comme dies a quo du délai d’opposition, de la réception desdites décisions par l’assuré personnellement.

4.2.5 Vu ce qui précède, le délai pour former opposition contre les cinq décisions de sanction de décembre 2024 n’a pas commencé à courir avant le lendemain du 19 décembre 2024, cette date étant largement antérieure à l’échéance du délai d’opposition.

4.3 Or le 20 décembre 2024, comme le 19 décembre 2024, se trouvait dans la période du 18 décembre au 2 janvier inclusivement durant laquelle, conformément à l’art. 38 al. 4 let. c LPGA, les délais en jours ou en mois fixés par la loi ou par l’autorité ne courent pas.

Partant, le délai d’opposition (art. 52 al. 1 LPGA) a commencé à courir le 3 janvier 2025 et est arrivé à échéance, vu le report du délai échéant un samedi, un dimanche au premier jour ouvrable qui suit (art. 38 al. 3 LPGA), le lundi 3 février 2025, donc après l’envoi de l’opposition du 30 janvier 2025, laquelle n’était dès lors pas tardive mais formée dans le délai légal.

4.4 Pour le reste, il n’est ni contesté ni contestable que les autres conditions de recevabilité de cette opposition ont été respectées, cette conclusion rendant en tout état de cause inutile, par appréciation anticipée des preuves (cf. à ce sujet notamment ATF 124 V 90 consid. 4b ; 122 V 157 consid. 1d), l’audition en qualité de témoin du conseiller en personnel.

5.             En conséquence, les cinq décisions sur opposition rendues les 8, 9, 10, 11 et 14 avril 2025 par l’intimé seront annulées et la cause sera renvoyée à celui-ci pour entrée en matière au fond sur l’opposition formée le 30 janvier 2025 par le recourant contre les cinq décisions de sanction de décembre 2024 puis nouvelles décisions sur opposition au sujet de cette opposition.

6.             Le recourant, qui obtient pour l’essentiel gain de cause, est représenté par un syndicat, mandataire professionnellement qualifié, de sorte qu’une indemnité de CHF 3’500.-, eu égard notamment à la nécessité de rédiger cinq actes de recours séparés, lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

La procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA et vu l'art. 61 let. fbis LPGA).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare irrecevables les conclusions des recours interjetés contre les cinq décisions sur opposition rendues les 8, 9, 10, 11 et 14 avril 2025 par l’intimé tendant à la restitution de tous les éventuels délais relatifs aux formalités d’ouverture de dossier ou autres délais pour faire valoir son droit auprès des caisses de chômage.

2.        Déclare les autres conclusions recevables.

Au fond :

3.        Admet lesdits recours dans leurs conclusions recevables.

4.        Annule les cinq décisions sur opposition rendues les 8, 9, 10, 11 et 14 avril 2025 par l’intimé.

5.        Renvoie la cause à l’intimé pour entrée en matière au fond sur l’opposition formée le 30 janvier 2025 par le recourant contre les cinq décisions de sanction de décembre 2024 puis nouvelles décisions sur opposition au sujet de cette opposition.

6.        Alloue au recourant une indemnité de dépens de CHF 3'500.-, à charge de l’intimé.

7.        Dit que la procédure est gratuite.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Christine RAVIER

 

Le président

 

 

 

 

Blaise PAGAN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le