Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/763/2025 du 08.10.2025 ( LAA ) , REJETE
En droit
| rÉpublique et | canton de genÈve | |
| POUVOIR JUDICIAIRE 
 | ||
| A/1820/2025 ATAS/763/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
| Arrêt du 8 octobre 2025 Chambre 4 | ||
En la cause
| A______ représenté par Me Murat Julian ALDER, avocat 
 
 | recourant | 
contre
| SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS 
 
 | intimée | 
A. a. A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né en 1987, a été employé en tant que conducteur par les Transports publics genevois (ci-après : TPG) dès le 1er juillet 2020. À ce titre, il était assuré contre les accidents et les maladies professionnelles auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après : la SUVA ou l’intimée).
b. Le 21 décembre 2022 vers 7h du matin, l’assuré a été heurté par un véhicule dans la rue à la hauteur de son domicile, route B______ au C______. Il a été grièvement blessé, et a notamment subi un traumatisme crânio-cérébral sévère. Il a été hospitalisé aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci‑après : HUG) et est en incapacité de travail totale depuis cette date.
c. La SUVA a pris en charge le cas et a notamment versé des indemnités journalières s’élevant à CHF 172.65.
B. a. Selon le rapport de police établi le 2 avril 2023 relatif à l’accident, la route était mouillée lors de l’accident et il pleuvait. Il était reproché à l’assuré de ne pas avoir utilisé le passage pour piétons, sis à moins de 50m. La police avait constaté à son arrivée sur les lieux que l’endroit était particulièrement sombre, certains lampadaires ne fonctionnant pas en raison d’une panne. Au lieu de l’accident, à peu près à la hauteur du domicile de l’assuré, la chaussée était composée de plusieurs voies de circulation séparées par un long terre-plein central. La voie à droite de ce terre-plein était réservée aux riverains, aux transports publics et aux taxis, les autres usagers devant le contourner par la gauche. Au bout de ce terre‑plein, la voie réservée aux transports publics redevenait une voie de circulation standard, et les autres usagers ayant dû contourner le terre-plein par la gauche devaient regagner cette même voie en cédant la priorité. Une borne rétroréfléchissante jaune et noire était fixée sur la fin dudit terre-plein. La police avait été avertie de l’accident par un automobiliste qui avait découvert l’assuré gisant sur la chaussée. Celui-ci venait probablement d'être renversé par un véhicule, lequel n'était plus sur place. La conductrice de ce véhicule, D______(ci-après : la conductrice), était ensuite revenue sur place. Elle avait d'emblée reconnu avoir ressenti un choc, pensant avoir uniquement heurté une bordure. Réalisant par la suite que son pare-brise était fissuré, elle avait expliqué qu’elle s’était arrêtée plus loin pour vérifier l'état de son véhicule. En constatant l'ampleur des dégâts, elle disait avoir soupçonné qu’elle avait heurté une personne et était alors retournée sur les lieux. Le visionnage des images avait confirmé les dires de cette automobiliste, qui indiquait avoir suivi un taxi. Le chauffeur de taxi avait pu être identifié et avait expliqué qu’il n’avait rien remarqué de particulier le jour en question, hormis la météo pluvieuse. La distance entre le point d’impact et le passage pour piétons était de 48.5 m. Le rapport du groupe audio-visuel et accident (GAVA, groupe d’experts en analyse d’accidents de la circulation de la police de Genève) avait établi son rapport le 30 mars 2023. Ce rapport avait établi que le point de choc se situait au milieu de la chaussée, à la toute fin du terre-plein central, sur la droite de la voie de circulation empruntée par l’automobiliste ayant heurté l’assuré, et que le choc ne s’était pas produit frontalement mais plutôt entre l'avant droit puis le flanc droit du véhicule. L’étude des vidéos révélait que tant la conductrice que le taxi la précédant roulaient aux environs de 50 km/h peu avant l'accident. Les divers relevés techniques et les explications de ces deux conducteurs permettaient d'avancer deux hypothèses. Dans la première, l’assuré s’était engagé sur la chaussée devant le taxi, ce qui correspondrait aux explications de la conductrice, qui avait indiqué que le taxi roulait quasiment en parallèle. Le chauffeur de taxi n’ayant pas fait mention d'un piéton traversant devant son véhicule, il était possible qu’il ne l’ait pas vu ou que l’assuré se soit engagé derrière sa voiture. En conclusion, la police pouvait avancer l'explication suivante : quittant son domicile, l’assuré se rendait au travail vêtu de son uniforme, composé d’une veste et d’un pantalon bleu marine, et s’était engagé sur la route B______ dans la probable intention de prendre un bus de la ligne F. En traversant perpendiculairement la chaussée, l’assuré avait certainement dû, premièrement, s'assurer qu'aucun véhicule ne survenait de la gauche. Il avait soit dû s'engager sur la chaussée immédiatement après le passage du taxi, soit, si celui‑ci se trouvait encore assez éloigné, s'engager devant celui-ci. Parvenu à la hauteur du terre-plein central, il avait ensuite dû focaliser son attention sur la droite de la chaussée, soit sur les véhicules venant de l'autoroute, ainsi qu'en direction du bus de la ligne E______, lequel devait approcher l'arrêt ou y être déjà stationné. Le terre-plein ne séparait pas complètement les deux sens de la circulation. Par conséquent, alors que l’assuré poursuivait son chemin à travers les voies de circulation, le regard certainement porté sur la droite, il n'avait pas aperçu le véhicule qui venait de la gauche de l'autre côté du terre-plein central, et ce véhicule avait heurté son côté gauche. L’assuré avait été alors projeté en arrière sur la voie de circulation réservée aux TPG, taxis et riverains. Au vu du manque de visibilité causé par la défaillance de l'éclairage public, de la présence d'un signal placé à la fin du terre-plein central, des conditions météorologiques et de la tenue foncée de l’assuré, il était plausible que D______ n'ait pas été en mesure de l'apercevoir avant le choc. Elle réfutait toute inattention, et aucun élément ne permettait d’infirmer ses dires. Il était probable que l’assuré n’ait pas forcément manqué de circonspection en s'engageant sur la chaussée, mais qu'il s'agissait plutôt d'une erreur d'appréciation due à l'heure matinale et à la configuration particulière des lieux. Bien qu’il soit naturel du point de vue de l’assuré, habitant en face d’un arrêt de transport public, de le rejoindre par l'itinéraire le plus court, un passage pour piétons se trouvait à moins de 50 m du lieu de l'accident. Les mesures et analyses révélaient que la coque du rétroviseur droit de la voiture de D______ était endommagée à une hauteur de 1.05 m. Ces dégâts provenaient du heurt entre une partie du corps de l’assuré et le rétroviseur droit. Cet élément démontrait que celui-ci ne s’était pas fait « charger » sur la voiture. Il avait consécutivement heurté le pare-chocs, le montant du pare-brise et le rétroviseur droit avant d'être projeté à 28 m du point de choc. L'absence de dégâts sur le toit de la voiture confirmait ce déroulement des faits. Les dégâts relevés sur la voiture et la distance de projection de l’assuré étaient compatibles avec la vitesse brute de 50 km/h calculée sur les images vidéo.
b. Lors de son séjour à la Clinique romande de réadaptation (CRR) en novembre 2023, l’assuré a subi un examen neuropsychologique. Dans son rapport, la neuropsychologue a noté que celui-ci mentionnait une évolution favorable de ses capacités mnésiques. Il avait présenté une longue période d’amnésie à la suite de son accident. Au fil du temps et grâce aux témoignages de ses proches et des médecins, il serait néanmoins parvenu à reconstituer les faits.
c. Par décision du 17 juin 2024, la SUVA a réduit de 10% dès le 24 décembre 2022 le montant des indemnités journalières versées. Selon les éléments en sa possession, l’assuré n’avait pas utilisé un passage pour piétons se trouvant à une distance de moins de 50 m. Il avait ainsi commis une faute grave.
d. Selon une note d’entretien téléphonique du 20 juin 2024, l’assuré a indiqué à la SUVA qu’il ne savait pas s’il allait s’opposer à sa décision, car il ne se souvenait de rien.
e. L’assuré, par son mandataire, s’est opposé à la décision de la SUVA par écriture du 18 juillet 2024. Il a conclu à son annulation. Il a contesté avoir commis une faute lors de son accident. Le rapport de police ne retenait pas de négligence, mais évoquait une erreur d’appréciation. La procédure pénale était encore en cours.
f. Le 23 juillet 2024, la SUVA a informé l’assuré de la suspension de la procédure dans l’attente de la décision du Ministère public.
g. Par courrier du 17 février 2025, la SUVA a informé l’assuré de la reprise de la procédure, dès lors qu’elle n’était pas liée par l’appréciation du juge pénal et qu’elle estimait avoir suffisamment d’éléments pour statuer sur l’existence d’une négligence grave.
h. Le 18 mars 2025, l’assuré a complété son opposition en ce sens qu’il a conclu à la suspension de la procédure en matière d’assurance-accidents jusqu’à droit jugé dans la procédure pénale, à ce qu’il soit constaté qu’il n’avait commis aucune faute grave lors de son accident, et à ce qu’aucune réduction ne soit opérée sur les prestations dues. La SUVA ne disposait que d’un rapport de police, qui n’était pas de nature à établir clairement les faits. Le fait de traverser une rue sans utiliser le passage pour piétons situé à 48.5 m n’était pas un comportement violant les devoirs élémentaires de prudence, et l’assuré n’avait pas pu constater la présence d’un passage pour piétons à moins de 50 m. De plus, la conductrice fautive n’avait pas remarqué qu’elle avait renversé l’assuré. La responsabilité de celle-ci était entière, et aucune faute ne pouvait être imputée à l’assuré.
i. Par décision du 17 avril 2025, la SUVA a écarté l’opposition. Se référant au rapport de police, elle a retenu que l’assuré n’avait pas fait preuve de la prudence élémentaire en traversant la chaussée, dans de mauvaises conditions de luminosité. Il avait ainsi commis une négligence grave, responsable des lésions subies, de sorte que le principe de la réduction était établi. Le dossier qu’elle avait constitué était suffisamment instruit, et il n’y avait pas lieu d’attendre l’ordonnance ou le jugement pénal.
C. a. Par recours du 26 mai 2025, l’assuré a interjeté recours contre la décision de la SUVA. Il a conclu, sous suite de dépens, à la forme (sic), à la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé dans la procédure pénale P/1______/2022, à son audition dès la reprise de la procédure, à ce qu’il soit autorisé à compléter son recours, à l’annulation de la décision du 17 juin 2024 et de la décision sur opposition du 17 avril 2025, à ce qu’il soit dit et constaté qu’il n’avait commis aucune faute au sens de la loi lors de l’accident du 21 décembre 2022, à ce qu’il soit dit et constaté qu'aucune réduction ne serait opérée sur les prestations dues, à ce qu’il soit ordonné à l’intimée de restituer au recourant les montants correspondant aux réductions opérées sur ses indemnités journalières, avec intérêts de 5% l'an pour chaque prestation mensuelle.
Il a en substance contesté toute faute lors de son accident, laquelle ne pouvait pas non plus se déduire du rapport de police. Il a répété qu’il ne pouvait repérer un passage pour piétons à près de 50 m. Il n’était pas soutenable d'affirmer que traverser la chaussée hors d’un passage pour piétons constituait une violation grossière d'une règle de la circulation routière sans circonstances atténuantes. De toute évidence, une personne raisonnable aurait très probablement adopté le même comportement dans les mêmes circonstances, dès lors qu'aucun passage pour piétons ne se trouvait à proximité immédiate.
b. Dans sa réponse du 16 juin 2025, l’intimée a conclu au rejet du recours. Le recourant connaissait la configuration des lieux et devait connaître l’existence du passage pour piétons proche. S’agissant du manque de circonspection évoqué par la police, il ne liait pas l’intimée, qui s’était fondée sur les faits objectifs et le comportement du recourant, l’environnement étant clairement dangereux pour traverser hors d’un passage pour piétons. Le comportement du recourant pourrait également éventuellement tomber sous le coup d'un délit au sens du droit de la circulation routière, ce qui justifierait une réduction de plus grande ampleur, à laquelle l’intimée avait toutefois renoncé.
c. Le 6 juin 2025, l’assuré a été entendu par le Ministère public. Il a relaté ses problèmes de santé après son accident, mentionnant des problèmes de mémoire à court terme l’empêchant de répondre à certaines questions du procureur, notamment sur les dates de ses séjours hospitaliers et ses séquelles physiques, sauf à consulter ses notes. Il a également déclaré lors de cette audition qu’il se souvenait du déroulement de l’accident. Il a indiqué être ce jour sorti de chez lui pour prendre sa voiture, garée derrière son immeuble, afin de se rendre au travail. En sortant de son immeuble, il avait vu en face de lui un objet qui brillait sur la route. Il avait poursuivi son chemin sur 15 m pour accéder à sa voiture, tout en se demandant si l’objet brillant n’était pas un objet de valeur, auquel cas il irait le déposer au service des objets trouvés. Il avait alors décidé de traverser le passage pour piétons sis près du consulat portugais, puis le second passage pour piétons sur la route B______ afin d’emprunter le terre-plein central en toute sécurité pour se diriger vers l’objet qui brillait. Il avait marché jusqu’au bout de ce terre-plein, et avait à ce moment regardé si un véhicule arrivait en provenance de la ville de Genève, ce qui n’était pas le cas. Il y avait des phares au loin, mais pas à proximité. Il s’était alors engagé entre les deux lignes après la borne et avait fait quelques pas pour atteindre l’objet. Il avait constaté alors qu’il s’agissait de lunettes de soleil. Il avait alors voulu faire demi-tour, et « là, [c’était] le trou noir ». Avant le « trou noir », il se trouvait dans le losange, regardant en direction du Jura, et il ne s’était pas retourné. Il se souvenait de s’être penché et d’avoir ramassé l’objet, de s’être relevé, puis le « trou noir » ensuite. Il n’avait même pas eu le temps de voir la voiture et ne se souvenait pas d’avoir entendu du bruit. Interpellé par le procureur sur le fait qu’il aurait pu directement traverser la route pour voir l’objet, l’assuré a expliqué sa prudence par son passé de gendarme, qui l’avait exposé à des accidents très graves. Il faisait encore sombre lors de l’accident, et c’était les phares des voitures qui lui avaient fait remarquer l’objet qui brillait. L’assuré a exposé au sujet de ces souvenirs qu’il ne les avait pas toujours eus, et que tout était flou lorsqu’il s’était réveillé du coma après l’accident. Les souvenirs étaient ensuite devenus progressivement plus clairs lorsqu’il était rentré chez lui, en juin 2023, et en particulier en novembre 2023 au moment de son hospitalisation à la CRR.
d. Dans sa réplique du 6 août 2025, le recourant a persisté dans ses conclusions. Il a produit le procès-verbal de son audition du 6 juin 2025 par le Ministère public dans la procédure pénale P/1______/2022, qu’il a cité. Ses déclarations lors de cette audition contredisaient le rapport de police sur lequel se fondait l’intimée, et qui avait été établi sans qu’il soit entendu. Comme il l’avait déclaré, il n’avait jamais traversé la chaussée en dehors du passage pour piétons. Il n’entendait pas prendre le bus mais se rendre en voiture au travail, comme il avait coutume de le faire.
e. Dans sa duplique du 25 août 2025, l’intimée a persisté dans ses conclusions. Elle a pris note des déclarations du recourant devant le Ministère public, dont elle s’est étonnée, dès lors que celui-ci avait déclaré qu’il ne se souvenait de rien lors d’un entretien téléphonique avec elle et que selon la CRR, il avait présenté une longue période d'amnésie, mais il serait parvenu à reconstituer les faits au fil du temps et grâce aux témoignages de ses proches et des médecins. Or, ceux-ci n’étaient pas sur le lieu de l’accident. Cela étant, en tout état de cause, il fallait admettre que le recourant n'avait pas fait preuve de la prudence élémentaire en se trouvant sur un périmètre de route dangereux, dans des conditions de luminosité dangereuses, sans être sur un passage pour piétons ou un îlot sécurisé, mais sur une chaussée ouverte à la circulation. L’intimée n’avait de plus pas fondé sa position sur la seule version de l’automobiliste ayant percuté le recourant, d’autres personnes ayant été entendues, et des relevés techniques ayant été effectués.
f. Par écriture du 1er septembre 2025, le recourant a persisté dans ses conclusions, notamment celles tendant à la suspension de la procédure et à son audition.
g. La chambre de céans a transmis copie de cette écriture à l’intimée le 2 septembre 2025.
h. Sur ce, la cause a été gardée à juger.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA).
Le recourant a pris des conclusions constatatoires, lesquelles ne sont en principe pas recevables. Dans le cas d’espèce, celles-ci n’ont toutefois aucune portée propre, mais uniquement un caractère préparatoire par rapport aux conclusions condamnatoires également prises (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_364/2013 du 23 septembre 2013 consid. 1.1).
2. Le litige porte sur le point de savoir si c’est à juste titre que l’intimée a procédé à une réduction de 10% des indemnités journalières versées au recourant.
3. Le recourant a sollicité la suspension de la procédure jusqu’à droit jugé au plan pénal.
Selon l’art. 14 al. 1 de la loi sur la procédure administrative (LPA - E 5 10), lorsque le sort d’une procédure administrative dépend de la solution d’une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d’une autre autorité et faisant l’objet d’une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu’à droit connu sur ces questions.
L'art. 14 al. 1 LPA est une norme potestative, et sa lettre ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu'une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie. La suspension de la procédure ne peut pas être ordonnée chaque fois que la connaissance du jugement ou de la décision d'une autre autorité serait utile à l'autorité saisie, mais seulement lorsque cette connaissance est nécessaire parce que le sort de la procédure en dépend (Stéphane GRODECKI / Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, Berne 2017, n. 203 ad art. 14 LPA). En l’espèce, dès lors que la réduction des prestations par l’assureur-accidents n’est pas subordonnée à la commission d’un délit ou d’un crime (ATF 148 V 195 consid. 5.5.5), et que le juge des assurances sociales n'est en toute hypothèse pas lié par les constatations et l'appréciation du juge pénal, ni en ce qui concerne la désignation des prescriptions enfreintes, ni quant à l'évaluation de la faute commise (ATF 125 V 237 consid. 6a ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_750/2013 du 23 octobre 2014 consid. 5.1), l’issue de la procédure pénale n’est pas déterminante pour trancher le présent litige.
Partant, la chambre de céans ne fera pas droit à la demande de suspension de la présente procédure du recourant.
4. Aux termes de l’art. 16 LAA, l’assuré totalement ou partiellement incapable de travailler (art. 6 LPGA) à la suite d’un accident a droit à une indemnité journalière (al. 1). Le droit à l’indemnité journalière naît le troisième jour qui suit celui de l’accident. Il s’éteint dès que l’assuré a recouvré sa pleine capacité de travail, dès qu’une rente est versée ou dès que l’assuré décède (al. 2). En vertu de l’art. 17 al. 1 LAA, l’indemnité journalière correspond, en cas d’incapacité totale de travail (art. 6 LPGA), à 80% du gain assuré. Si l’incapacité de travail n’est que partielle, l’indemnité journalière est réduite en conséquence.
5. Aux termes de l’art. 37 al. 2 LAA, si l’assuré a provoqué l’accident par une négligence grave, les indemnités journalières versées pendant les deux premières années qui suivent l’accident sont, en dérogation à l’art. 21 al. 1 LPGA, réduites dans l’assurance des accidents non professionnels. La réduction ne peut toutefois excéder la moitié du montant des prestations lorsque l’assuré doit, au moment de l’accident, pourvoir à l’entretien de proches auxquels son décès ouvrirait le droit à des rentes de survivants.
Les accidents pour se rendre ou revenir du travail ne sont pas réputés accidents professionnels selon l’art. 7 al. 2 LAA a contrario (ATF 120 V 40 consid. 2b et 2c).
5.1 Selon la jurisprudence et la doctrine, constitue une négligence grave la violation des règles élémentaires de prudence que toute personne raisonnable eût observées dans la même situation et les mêmes circonstances, pour éviter les conséquences dommageables prévisibles selon le cours ordinaire des choses (ATF 138 V 522 consid. 5.2.1, ATF 134 V 340 consid. 3.1). En matière de circulation routière, la notion de négligence grave selon la LAA est plus large que celle de violation grave d'une règle de la circulation au sens de l'art. 90 al. 2 de la loi fédérale sur la circulation routière (LCR - RS 741.01), laquelle suppose un comportement sans scrupules ou lourdement contraire aux normes, c'est-à-dire une faute particulièrement caractérisée (arrêt du Tribunal fédéral U 349/04 du 20 décembre 2005 consid. 3.2). Il y a lieu de retenir une négligence légère en cas de faute subjective légère telle qu’une inattention ou un manque de concentration par exemple (Kaspar GEHRING in HÜRZELER / KIESER [éd.], Kommentar zum Schweizerischen Sozialversicherungsrecht, UVG, 2018, n. 68 ad art. 37 LAA). Tout manquement à une règle de la circulation à l'origine d'un accident ne constitue pas nécessairement une négligence grave, faute de quoi il n’y aurait plus de distinction avec une négligence légère. Même la violation d'une règle élémentaire de circulation ne conduit pas nécessairement à retenir une négligence grave, dès lors qu’il ne faut pas se fonder uniquement sur les éléments constitutifs de l’infraction retenue. Il convient plutôt d'apprécier l'ensemble des circonstances du cas concret et d'examiner s'il existe des circonstances atténuantes subjectives ou objectives qui permettent de considérer la faute sous un jour plus favorable et, par conséquent, de ne pas considérer l'infraction au code de la route comme grave (ATF 118 V 305 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_9/2023 du 10 mai 2023 consid. 3.3 et 8C_201/2021 du 1er juillet 2021 consid. 2.3).
5.2 Une réduction suppose par ailleurs l'existence d'un lien de causalité naturelle et adéquate entre la négligence et l'événement accidentel ou ses suites (ATF 126 V 353 consid. 5b, arrêt du Tribunal fédéral 8C_437/2024 du 21 mai 2025 consid. 3.2) L’exigence de causalité naturelle est remplie lorsqu’il y a lieu d’admettre que, sans la faute, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu’il ne serait pas survenu de la même manière. La causalité est adéquate si, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s’est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 148 V 138 consid. 5.1.1). Il n’est pas nécessaire pour qu’un lien de causalité naturelle soit retenu que la négligence grave soit la cause unique ou immédiate de l’accident, il suffit que le comportement fautif ait avec d’autres circonstances conduit à l’accident. La faute concomitante d’un tiers n’atténue pas la faute de l’assuré. Une telle faute concomitante ne doit être prise en compte qu’exceptionnellement, lorsqu’elle est d’une importance telle que le lien de causalité entre le comportement de l'assuré et l'accident n'apparaît plus comme adéquat, et est donc considéré comme rompu (arrêt du Tribunal fédéral U 195/01 du 6 mai 2002 consid. 4a/aa et 4a/bb et les références, cf. pour un exemple d’application ATF 126 V 353 consid. 5c).
5.3 La réduction doit être proportionnée au degré de gravité de la faute. Le taux de réduction ne saurait, en pratique, être inférieur à 10% (Jean-Maurice FRÉSARD / Margit MOSER-SZELESS in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], L'assurance-accidents obligatoire, vol. XIV, 3ème éd. 2016, n. 401). La réduction des prestations relève d'une question d'appréciation que le juge des assurances contrôle quant à l'application du droit. S'agissant en revanche de la quotité, il s'impose une certaine retenue et n'a pas à substituer sa propre appréciation à celle de l’assureur sans motifs valables (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 212/05 du 1er février 2006 consid. 5).
5.4 Dans un arrêt rendu en 2004, le Tribunal fédéral a relevé que les réductions pour négligence grave dans l'assurance sociale allaient à l'encontre de la tendance législative qui s’était dégagée dans ce domaine depuis plus d'une dizaine d'années, et que ce système de réduction en matière d’assurance-accidents demeurait sous forme de dérogation à la LPGA et correspondait ainsi à un régime d’exception (ATF 130 V 546 consid. 4.3). Certains auteurs qualifient la réduction des indemnités journalières dans l’assurance des accidents non professionnels comme un vestige qui n’est guère justifié, que ce soit sous l’angle de la prévention ou de l’incidence des primes (FRÉSARD / MOSER-SZELESS, op. cit., p. 1018 n. 397).
5.5 La Commission ad hoc sinistres LAA a été créée afin que les divers organismes appliquent la LAA de façon uniforme. Elle émet dans ce but des recommandations. Ces recommandations ne sont ni des ordonnances administratives, ni des directives de l'autorité de surveillance aux organes d'exécution de la loi. Elles ne créent pas de nouvelles règles de droit. Même si elles ne sont pas dépourvues d'importance sous l'angle de l'égalité de traitement des assurés, elles ne lient pas le juge (ATF 139 V 457 consid. 4.2). La recommandation ad hoc LAA n° 26/84, aujourd’hui abrogée, conseillait notamment en cas de non-respect de la priorité dans des cas clairs une réduction de 10%.
Le site https://www.koordination.ch/fr/droit-de-lassurance-sociale/laa/negligence-grave/#c773 mentionne de nouvelles lignes directrices fondées sur cette ancienne recommandation, parmi lesquelles une réduction de 10% en cas de non-utilisation des trottoirs ou des passages pour piétons. Une partie de la doctrine renvoie à ces lignes directrices (Andreas BRUNNER / Doris VOLLENWEIDER in Basler Kommentar zum UVG, 2019, n. 62 ad art. 37 LAA).
5.6 On peut citer la casuistique suivante en matière d’accidents impliquant des piétons.
La Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du Valais a retenu dans le cas d’une assurée ayant traversé la chaussée en fin d’après-midi en été, à 36 m du passage pour piétons le plus proche, que celle-ci était contrevenue au devoir de prudence et avait ainsi commis une négligence grave, justifiant une réduction de 10% des prestations (arrêt S2 14 15 du 28 avril 2015 consid. 3).
S’agissant d’une assurée qui avait traversé au rouge un passage pour piétons dans une circulation dense, alors qu’il pleuvait, parce qu’un automobiliste s’était arrêté pour lui céder la priorité, et qui avait été percutée par un deuxième véhicule dépassant le premier, le Tribunal fédéral a annulé la réduction de 10% des prestations car l’assurée ne pouvait s’attendre à ce qu’une deuxième voiture arrive sur la droite de l’automobiliste lui ayant cédé le passage, la route étant composée d’une seule piste à cet endroit (arrêt du Tribunal fédéral U 233/04 du 2 février 2005).
Les juges saint-gallois ont considéré dans le cas d’une assurée qui avait traversé la chaussée à 8 m d’un passage pour piétons pour se rendre près de places de parc, et dont les indemnités journalières avaient été réduites de 10%, qu’elle n’avait pas commis de négligence grave. Ils ont retenu que l’accès aux places de parc était difficilement visible et malaisé pour les piétons, et que l’accident était survenu un dimanche matin, soit à un moment auquel la route était peu fréquentée selon l’expérience. Les circonstances exactes de l’accident ne pouvaient en outre pas être établies au degré de la vraisemblance prépondérante, de sorte qu’on ne pouvait retenir une négligence grave (arrêt du tribunal cantonal de St. Gall UV 2011/38 du 19 janvier 2012).
Dans le cas d’un assuré chargé de filmer un défilé autorisé, réunissant plus de deux mille motards, qui vêtu d’un gilet de sécurité fluorescent s’était installé à cheval sur la glissière séparant deux voies de circulation, un pied de chaque côté de la berme centrale, et avait été heurté de dos par un motard qui avait perdu la maîtrise de son véhicule en accélérant et en faisant un wheeling (roue arrière), la chambre de céans a admis que la position adoptée par l’assuré apparaissait certes périlleuse dans des circonstances normales d’une route ouverte à la circulation, mais qu’en l’espèce, seuls les motards participant au défilé circulaient sur les voies. L’assuré était clairement visible et immobile, et ne gênait pas la circulation. Avant l’impact, il n’avait effectué aucun mouvement brusque, ne s’était pas déplacé, ni élancé sur la chaussée. Le temps était beau, la route était sèche et la visibilité bonne. L’accident avait été causé par la perte de maîtrise du conducteur de la moto lors d’un wheeling. La faute de l’assuré devait être considérée comme négligeable et reléguée au second plan dans le déroulement de l’accident, de sorte que les indemnités journalières ne devaient pas être réduites (ATAS/243/2018 du 16 mars 2018).
6. L’art. 90 LCR dispose que celui qui viole les règles de la circulation prévues par la présente loi ou par les dispositions d’exécution émanant du Conseil fédéral est puni de l’amende (al. 1). Celui qui, par une violation grave d’une règle de la circulation, crée un sérieux danger pour la sécurité d’autrui ou en prend le risque est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire (al. 2).
Aux termes de l’art. 49 LCR, les piétons utiliseront le trottoir. À défaut de trottoir, ils longeront le bord de la chaussée et, si des dangers particuliers l’exigent, ils circuleront à la file. À moins que des circonstances spéciales ne s’y opposent, ils se tiendront sur le bord gauche de la chaussée, notamment de nuit à l’extérieur des localités (al. 1). Les piétons traverseront la chaussée avec prudence et par le plus court chemin en empruntant, où cela est possible, un passage pour piétons. Ils bénéficient de la priorité sur de tels passages, mais ne doivent pas s’y lancer à l’improviste (al. 2).
Selon l’art. 47 de l’ordonnance sur les règles de la circulation routière du 13 novembre 1962 (OCR - RS 741.11), les piétons s’engageront avec circonspection sur la chaussée, notamment s’ils se trouvent près d’une voiture à l’arrêt, et traverseront la route sans s’attarder. Ils utiliseront les passages pour piétons ainsi que les passages aménagés au-dessus ou au-dessous de la chaussée qui se trouvent à une distance de moins de 50 m (al. 1). Hors des passages pour piétons, les piétons accorderont la priorité aux véhicules (al. 5).
7. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 144 V 427 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_346/2023 du 16 août 2023 consid. 2.2).
Selon le principe de la déclaration de la première heure développé par la jurisprudence et applicable de manière générale en assurances sociales, en présence de deux versions différentes et contradictoires d'un fait, le juge peut accorder sa préférence à celle que l'assuré a donnée alors qu'il en ignorait peut‑être les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être consciemment ou non le résultat de réflexions ultérieures (ATF 142 V 590 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_663/2009 du 1er février 2010 consid. 3.2).
8. En l’espèce, on peut ajouter aux indications sur les lieux de l’accident ressortant du rapport de police les précisions suivantes, que révèle la consultation des images de Google Maps et Google Street View : en longeant l’immeuble où vit le recourant en direction F______, on rejoint un passage pour piétons traversant G______, parallèle à la route B______. En parcourant encore quelques mètres sur la route B______, on atteint un passage pour piétons doté d’un îlot au milieu, permettant de traverser cette route. L’îlot est borné de chaque côté par un terre-plein. Le terre-plein sis du côté en direction du centre du C______ est arboré, et des panneaux d’affichage y sont disposés. Le terre‑plein en direction de B______ est légèrement surélevé et bétonné. Une ligne blanche est peinte sur le sol de chaque côté du terre-plein, et ces lignes se rejoignent quelques mètres après le bout du terre-plein en direction de B______.
8.1 L’intimée a réduit les prestations, reprochant au recourant d’avoir commis une négligence grave en traversant la chaussée en dehors d’un passage pour piétons. Elle s’est fondée sur le déroulement de l’accident tel que la police l’a hypothétisé, soit une traversée de la chaussée hors du passage pour piétons pour gagner l’arrêt de bus sis en face du domicile du recourant. Dans son opposition de mars 2025, le recourant, par son mandataire, a contesté que le fait de ne pas emprunter un passage pour piétons relève d’une négligence grave, sans remettre en cause l’état de fait retenu par l’intimée.
Si l’on s’en tient à cette version, il convient de noter que le passage pour piétons se situait à moins de 50 m de l’endroit où le recourant aurait traversé la route, et qu’on ne saurait suivre celui-ci lorsqu’il soutient qu’il ne pouvait en soupçonner l’existence. En effet, il habite l’immeuble en face duquel l’accident est survenu, et il paraît invraisemblable qu’il ne connaisse pas la configuration des lieux. Comme on l’a vu, selon les lignes directrices rappelées ci-dessus, une réduction de 10% entre en considération lorsqu’un usager traverse à pied la route hors d’un passage pour piétons, et la jurisprudence a également confirmé une réduction de cette ampleur dans un tel cas. Ces lignes directrices n’ont certes aucune valeur légale, et elles ne relèvent pas même d’une recommandation de la Commission ad hoc sinistres LAA. On peut par ailleurs se demander si le fait de traverser la route hors d’un passage pour piétons - alors qu’un tel passage existe à moins de 50 m - relève systématiquement d’une négligence grave.
Force est toutefois d’admettre que tel est bien le cas ici, au vu des circonstances. Il sied de répéter que la circulation sur le tronçon en question présente certaines difficultés, notamment au vu de l’existence d’une voie réservée à certains usagers que les autres véhicules doivent rejoindre à la fin du terre-plein. Une borne est fixée sur ce terre-plein et peut obstruer la visibilité des conducteurs qui doivent rejoindre la voie de droite. Lors de l’accident, survenu en décembre vers 7h du matin, il faisait encore nuit et il pleuvait. Plusieurs lampadaires ne fonctionnaient pas. Enfin, le recourant portait des vêtements foncés, et était de ce fait encore plus difficilement visible. Le témoin arrivé sur la scène après l’accident a du reste exposé lors de son audition par la police le 9 janvier 2023 qu’il n’avait dans un premier temps distingué qu’une « masse » au sol, pensant même dans un premier temps à un sac-poubelle, avant de se rendre compte qu’il s’agissait d’une personne. Il a souligné que lui et les autres usagers s’étant arrêtés pour porter secours au recourant ne s’étaient pas sentis en sécurité, que la situation était dangereuse et qu’ils ne voyaient rien malgré les lampes des téléphones portables allumées. Ils avaient ainsi failli être renversés une fois avant l’arrivée des secours. Enfin, il paraît opportun de souligner que le recourant est conducteur de bus, et qu’il paraît ainsi particulièrement en mesure d’apprécier les risques encourus à traverser une route assez périlleuse dans la pénombre, avec un éclairage public en panne, par temps de pluie et sur un tronçon délicat, qui plus est habillé de sombre.
Dans ces circonstances, si l’on admet que l’accident est survenu alors que le recourant traversait la chaussée devant son domicile, on peut retenir que ce comportement relève d’une négligence grave justifiant une réduction, comme l’impose l’art. 37 al. 2 LAA. Malgré les critiques de la jurisprudence et de la doctrine sur le système de réduction, le juge et les autres autorités sont en effet tenus d’appliquer la loi, conformément à l’art. 190 de la Constitution fédérale suisse (Cst. - RS 101).
La quotité de la réduction correspond en outre au montant minimal, de sorte qu’elle ne prête pas le flanc à la critique.
8.2 Lors de son audition par le Ministère public le 6 juin 2025, le recourant a certes livré une version différente de l’accident.
La chambre de céans partage les doutes de l’intimée quant à cette nouvelle version, précise et détaillée, des événements ayant précédé l’accident. En effet, le recourant souffrait selon la lettre de transfert du 28 mars 2023 du service de neuro-rééducation des HUG d’une amnésie circonstancielle lors de son admission. Le recourant a indiqué au Ministère public que ses souvenirs étaient devenus progressivement plus clairs en novembre 2023 lors de son séjour à la CRR. Or, le rapport d’examen neuropsychologique qui a eu lieu lors de ce séjour a mentionné que le recourant serait parvenu à reconstituer les faits au fil du temps et grâce aux témoignages de ses proches et des médecins. Toutefois, comme le souligne à juste titre l’intimée, ni les proches du recourant ni ses médecins n’ont assisté à l’accident, et ne peuvent donc raconter à celui-ci ce qui s’est passé. De plus, ce rapport fait état d’une reconstitution grâce à la narration par des tiers, et non par la résurgence des propres souvenirs de l’assuré. L’allégation de réminiscences dès novembre 2023 paraît en outre peu compatible avec la déclaration du recourant lors de l’entretien téléphonique avec la SUVA en juin 2024 – soit après qu’il aurait recouvré ses souvenirs selon ses explications au Ministère public –, aux termes de laquelle il ne se souvenait de rien, étant souligné qu’il ne conteste pas avoir tenu ce propos. Enfin, on comprend mal qu’il n’ait pas exposé cette version de l’accident à l’appui de son opposition en mars 2025, alors qu’il avait selon ses dires recouvré la mémoire sur l’accident à cette date.
Compte tenu de ce qui précède, et eu égard au principe de la première déclaration, on peut se demander quel crédit donner à la description de l’accident donnée par le recourant le 6 juin 2025. Certes, celui-ci n’avait auparavant pas fait de déclaration sur le déroulement du sinistre, mais il revient néanmoins sur ses déclarations initiales, dans la mesure où il avait dans un premier temps exposé n’avoir aucun souvenir des circonstances de l’événement.
Cela étant, même s’il fallait considérer comme établie au degré de la vraisemblance prépondérante la version de l’accident telle que relatée par le recourant au Ministère public, cela ne modifierait pas le bien-fondé de la réduction opérée par l’intimée.
Dans cette version, le recourant a cheminé sur le terre-plein central, ce qui n’est pas conforme aux règles sur la circulation routière. Le terre-plein dont il est question ici n’est pas destiné à être utilisé par des piétons, et il s’achève sur une route à trois voies. De plus, selon les déclarations du recourant, celui-ci se serait avancé sur la chaussée à la fin de ce terre-plein, dos à la circulation, à l’endroit même où les voitures venant de la voie de gauche doivent rejoindre la voie de droite selon le rapport de police, en se penchant pour ramasser l’objet aperçu, ce qui le rendait moins visible encore pour les automobilistes devant rejoindre la voie de droite. Dans les conditions particulièrement difficiles de visibilité, ce comportement contrevient aux règles les plus élémentaires de prudence, et doit également être qualifié de négligence grave.
Partant, même s’il fallait admettre que la version de l’accident donnée le 6 juin 2025 par le recourant correspond à la réalité, il y aurait néanmoins lieu de confirmer la réduction de 10% à laquelle l’intimée à procéder.
8.3 La chambre de céans rappelle encore que quelle que soit la version de l’accident retenue, le recourant ne saurait s’exonérer d’une négligence en raison de la faute qu’il reproche à D______. Selon les conclusions du rapport de police, celle-ci circulait à une vitesse adaptée. Les différentes applications de messagerie et d'appel de celle-ci ont été vérifiées, et aucune communication n'a été relevée au moment de l'accident. Aucune inattention de sa part n’a pu être démontrée. Enfin, l’expertise technique du véhicule de cette automobiliste n'a laissé apparaître aucune défectuosité susceptible d’être à l’origine de l’accident selon le rapport de l’office cantonal des véhicules du 16 février 2023. Il ne saurait ainsi être question ici d’une faute de D______ d’une gravité telle qu’elle serait de nature à interrompre le lien de causalité entre le comportement du recourant et l’accident.
8.4 Au vu de ces éléments, la décision de l’intimée doit être confirmée.
Le recourant a requis son audition. Toutefois, au vu de ce qui précède, une telle mesure paraît superfétatoire, par appréciation anticipée des preuves (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1), de sorte que la chambre de céans n’y procèdera pas.
9. Le recours est rejeté.
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).
PAR CES MOTIFS,
 LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. Le rejette.
3. Dit que la procédure est gratuite.
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
| La greffière 
 
 
 
 Janeth WEPF | 
 | La présidente 
 
 
 
 Catherine TAPPONNIER | 
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le