Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/715/2025 du 23.09.2025 ( AVS ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
| rÉpublique et | canton de genÈve | |
| POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
| A/1201/2025 ATAS/715/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
| Arrêt du 23 septembre 2025 Chambre 10 | ||
En la cause
| A______
| recourante |
contre
| CAISSE INTERPROFESSIONNELLE AVS DE LA FÉDÉRATION DES ENTREPRISES ROMANDES FER CIAM 106.1
| intimée |
A. a. B______(ci-après : l'assuré), né en 1949, de nationalité égyptienne, marié et père de deux enfants nés en 2000 et 2001, a été affilié à la CAISSE INTERPROFESSIONNELLE AVS DE LA FÉDÉRATION DES ENTREPRISES ROMANDES FER CIAM 106.1 (ci-après : la caisse) en tant que personne de condition indépendante.
b. Depuis le 1er juillet 2014, l'assuré a bénéficié d'une rente ordinaire de l'assurance-vieillesse et de deux rentes pour enfant liées, ces dernières n'ayant cependant plus été versées depuis juillet 2020, l'assuré n'ayant pas transmis d'attestations d'études.
c. Par décision du 28 mars 2024, la caisse a demandé la restitution de CHF 19'500.- d'allocations familiales versées à tort depuis septembre 2021, au motif que l'assuré n'atteignait pas le revenu minimum pour prétendre au versement de ces prestations par la caisse des personnes actives. Cette décision n’a pas été contestée.
d. L'assuré est décédé le ______ 2024, laissant pour héritiers son épouse,
A______ (ci-après : l'intéressée), et leurs deux enfants.
B. a. Par décision du 26 juillet 2024 adressée à la succession de l'assuré, la caisse a établi devoir CHF 29'501.- à titre d'arriéré de rentes pour enfants liées à la rente de vieillesse du père pour la période d'octobre 2021 à juin 2024, compte tenu des périodes d'études de ceux-ci. Le solde à verser était cependant nul, en raison de compensations exercées pour combler des cotisations sociales non acquittées par l'assuré en faveur de la caisse.
b. Par lettre du 5 août 2024 reçue le 3 septembre 2024 par la caisse, l'intéressée s'est opposée à la décision de compensation des rentes pour enfants avec les cotisations manquantes, indiquant que sa famille était dans une situation financière précaire depuis plusieurs années et que, malgré les manquements de leur père, les enfants avaient droit à leurs rentes de formation. Elle a de plus requis le détail des cotisations non versées par feu son époux.
c. Par décision du 9 août 2024, la caisse a alloué, dès le 1er juillet 2024, une rente de veuve à l'intéressée et deux rentes d'orphelin de père en faveur des enfants.
d. Le 6 mars 2025, statuant sur l'opposition, la caisse l'a déclarée recevable et l'a rejetée. En tant que caisse de compensation, elle avait l'obligation de compenser des cotisations dues, frais de poursuites et autres frais administratifs, avec des prestations échues. Compte tenu de ce que les rentes pour enfants étaient en lien étroit avec les cotisations personnelles d'indépendant de l'assuré, qui avaient servi de base de calcul à la rente de vieillesse, la compensation était justifiée même si les sujets de droit à celle-ci n'étaient pas les mêmes. La caisse a par ailleurs transmis un extrait de compte de cotisations de l'assuré depuis 2012, laissant notamment apparaître des intérêts moratoires/rémunératoires à hauteur de CHF 15'793.25 en tant que passif, et un solde de CHF 47'240.95 en faveur de la caisse, après les compensations exercées.
C. a. Le 4 avril 2025, l'intéressée, en personne, a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) d'un recours contre la décision sur opposition du 6 mars 2025, sollicitant son annulation, le réexamen de son dossier compte tenu d'une nouvelle décision du 17 mars 2025, la clarification et si nécessaire l'annulation de l'intérêt moratoire mentionné dans l'extrait de compte, et la reconnaissance de son droit aux prestations.
La recourante a produit une décision du 17 mars 2025 du service des allocations familiales de l'office cantonal des assurances sociales aux termes de laquelle, pour la période du 1er septembre 2021 au 30 juin 2024, après validation par la caisse des non-actifs, des allocations familiales de CHF 22'820.- devaient lui être allouées, sous déduction d'un montant de CHF 19'500.- en compensation d'une facture en faveur de l'intimée, soit un montant de CHF 3'320.-.
b. Par mémoire de réponse du 19 mai 2025, l'intimée a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision entreprise. Elle avait à juste titre compensé les rentes rétroactives pour enfants avec les cotisations personnelles d'indépendant de l'assuré restées impayées, les créances opposées en compensation se trouvant en relation étroite, du point de vue de la technique d'assurance ou du point de vue juridique. Dans une telle situation, il n'était pas nécessaire que l'administré soit en même temps créancier et débiteur de l'administration. Les éléments soulevés par la recourante relatifs aux allocations familiales n'avaient par ailleurs pas d'incidence sur le litige et ne diminuaient pas la créance résiduelle de cotisations sociales. La décision du 17 mars 2025 rendue par la caisse des non-actifs avait fixé les allocations familiales dues par cette caisse et avait compensé CHF 19'500.- avec le montant d'allocations familiales versées à tort entre septembre 2021 et février 2024 par la caisse auprès de laquelle l'assuré était affilié en tant qu'indépendant, alors que son salaire n'était pas suffisant.
L'intimée a par ailleurs produit un courrier électronique qu'elle avait adressé à la recourante le 7 avril 2025, l'informant de ce que le montant de CHF 15'793.25 mentionné dans l'extrait de cotisations de feu son époux se rapportait aux intérêts moratoires dus par le précité pour les années 2012 à 2016, en raison de ce que les acomptes de cotisations qu'il avait versés durant cette période étaient inférieurs d'au moins 25% aux cotisations effectivement dues et qu'il n'avait pas réglé le solde dans les délais. Étaient jointes à ce courriel cinq décisions rendues par l'intimée le 27 décembre 2022, fixant le montant des intérêts moratoires pour les cinq années en question, ainsi qu'un bulletin de versement récapitulatif, faisant état du montant de CHF 15'793.25 en sa faveur. En outre, à l'appui de sa réponse, l'intimée a encore produit une copie de la lettre qu'elle avait adressée à la recourante le 15 avril 2025, l'informant de la reprise du versement de la rente d'orphelin en faveur de son fils encore en formation, à compter du mois de
mars 2025, à la suite de la réception de l'attestation d'études.
c. Invitée à se déterminer sur ces éléments, la recourante n'y a pas donné suite.
d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).
Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté dans les trente jours suivant la notification de la décision querellée, le recours est intervenu en temps utile (art. 60 al. 1 LPGA).
1.3 En tant que de besoin, il sera précisé que la recourante dispose de la qualité pour recourir au sens de l'art. 59 LPGA, la décision sur opposition du 6 mars 2025 lui ayant été notifiée à titre personnel. Héritière de feu l'assuré, elle disposait par ailleurs de la qualité pour s'opposer à la décision du 26 juillet 2024 adressée à l'ensemble de la succession, l'arriéré de prestations tombant dans la masse successorale, et chaque héritier étant légitimé à agir seul (Jean MÉTRAL, in Commentaire romand de la LPGA, 2025, n. 29 ad art. 59 LPGA ; ATF 130 V 560 consid. 3.2 concernant la qualité pour former opposition).
1.4 Le recours est par conséquent recevable.
2. Le litige porte sur la question de savoir si l'intimée était en droit de compenser l'arriéré de rentes pour enfants liées à la rente de vieillesse de l'assuré avec des cotisations personnelles ouvertes de ce dernier.
3.
3.1 Aux termes de l'art. 20 LAVS, le droit aux rentes est soustrait à toute exécution forcée (al. 1). Peuvent cependant être compensées avec des prestations échues les créances découlant notamment de la LAVS (al. 2 let. a).
3.2 De manière générale, la compensation, en droit public – et donc notamment en droit des assurances sociales – est subordonnée à la condition que deux personnes soient réciproquement créancières et débitrices l'une de l'autre conformément à la règle posée par l'art. 120 al. 1 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220). Cette règle n'est cependant pas absolue. Il a toujours été admis, en effet, que l'art. 20 LAVS y déroge dans une certaine mesure pour prendre en compte les particularités relatives aux assurances sociales en ce qui concerne précisément cette condition de la réciprocité des sujets de droit posée par l'art. 120 al. 1 CO. La possibilité de compenser s'écarte de l'art. 120 al. 1 CO quand les créances opposées en compensation se trouvent en relation étroite, du point de vue de la technique d'assurance ou du point de vue juridique : dans ces situations, il n'est pas nécessaire que l'administré ou l'assuré soit en même temps créancier et débiteur de l'administration. Une relation étroite de cette nature existe, par exemple, entre les cotisations personnelles dues par le père décédé et la rente d'orphelin de père. La faculté d'opérer compensation a aussi maintes fois été affirmée en ce qui concerne les cotisations personnelles du mari décédé et la rente ou l'allocation unique revenant à sa veuve. Une créance de cotisations à l'encontre d'un débiteur décédé peut aussi être compensée avec les rentes de survivants revenant à ses héritiers, quand bien même ceux-ci ont répudié la succession. Il a également été jugé admissible de compenser des cotisations personnelles, y compris les frais d'administration et de poursuites, dues par l'ancien mari décédé et produites dans la procédure de bénéfice d'inventaire, avec une rente de veuve revenant à la femme divorcée. De même, la moitié de la rente pour couple réclamée par l'épouse pouvait être compensée avec une créance en réparation du dommage
(art. 52 LAVS). Par contre, la jurisprudence a considéré que la dette d'une mère nourricière tenue à restitution d'une rente de veuve touchée indûment ne pouvait pas être compensée avec la rente d'orphelin revenant à l'enfant recueilli, faute de connexité juridique entre les deux rentes. Une rente pour enfant versée par erreur au père ne peut pas davantage être compensée avec la rente d'invalidité à laquelle peut prétendre ultérieurement l'enfant. La compensation a été admise, en revanche, dans une affaire où l'assuré, bénéficiaire d'une rente simple de vieillesse, n'avait pas annoncé tout de suite son mariage à l'administration de l'AVS et les époux avaient continué à percevoir deux rentes simples ordinaires de vieillesse, en lieu et place d'une rente pour couple. Par la suite, le mari avait renoncé à percevoir une rente pour couple, pour permettre le versement d'une rente ordinaire, d'un montant plus élevé, en faveur de son épouse. La possibilité de compenser une créance en restitution de la caisse à l'endroit de l'époux avec la rente plus élevée revenant à l'épouse constituait une condition sine qua non de validité de renonciation à une rente pour couple (ATF 130 V 505 consid. 2.4 et les références ; voir aussi ATF 137 V 175 consid. 2 ; 138 V 235 consid. 7.3 ; 140 V 233 consid. 3.2). Le Tribunal fédéral a également jugé que la créance en restitution d'une rente d'invalidité assortie de rentes complémentaires (remplacée par la suite par une rente de vieillesse et des rentes complémentaires) à l'encontre de l'un des conjoints peut être compensée par des arrérages de rentes d'invalidité versés à l'autre conjoint, même si la personne du débiteur et celle du créancier de l'administration ne sont pas identiques (ATF 130 V 505).
Contrairement à la teneur littérale de l'art. 20 al. 2 LAVS, la caisse de compensation a non seulement le droit mais aussi l'obligation, dans le cadre des prescriptions légales, de compenser des cotisations dues, frais de poursuites et autres frais administratifs avec des prestations échues (ATF 115 V 341 consid. 2a et les arrêts cités).
3.3 En raison de la nature des créances qui sont en jeu et par référence à
l'art. 125 ch. 2 CO, une créance d'une institution de sécurité sociale ne peut être compensée avec une prestation due à un assuré, si de ce fait les ressources de celui-ci descendent au-dessous du minimum vital (ATF 138 V 235 consid. 7.2 et les références). Lorsque les revenus de la personne assurée n'excèdent pas le minimum vital, la compensation est exclue. Lorsque la dette ne peut être amortie par compensation, la caisse de compensation déclarera les cotisations irrécouvrables (art. 34c al. 1 du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 [RAVS - RS 831.101]). En revanche, lorsque les revenus de la personne tenue de payer des cotisations dépassent le minimum vital, la compensation est possible tant qu'elle ne porte pas atteinte à ce dernier. Si la compensation de l'intégralité de la dette n'est pas possible en une seule fois, elle s'applique à des fractions de la dette réparties mensuellement (ATF 111 V 99 consid. 3b ; 115 V 341 consid. 2c).
Selon les directives concernant les rentes (ci-après : DR) édictées par l'Office fédéral des assurances sociales (ci-après : OFAS), en principe, la compensation d'une rente ou d'une allocation pour impotent est admissible dans la mesure où l'administration ne doit pas entamer le minimum vital de la personne tenue à restituer ; à cet égard, la notion du minimum vital est celle qui ressortit au droit de la poursuite et de la faillite (ch. 10212 ; RCC 1983 p. 69).
La question de savoir si la compensation est admissible au regard de la garantie du minimum vital se pose non seulement en présence de rentes en cours, versées mensuellement, mais également en cas de paiements rétroactifs de rentes. En effet, ceux-ci ont également pour but de couvrir le besoin existentiel des assurés pour la période pour laquelle les rentes ont été versées rétroactivement
(ATF 136 V 286 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral I 305/03 du
15 février 2005 consid. 4).
En cas de versement rétroactif de prestations périodiques, la limite de compensation relative au minimum vital doit être examinée pour la même période, soit pour l'espace de temps auquel le versement rétroactif des prestations est destiné (arrêt du Tribunal fédéral 8C_804/2017 du 9 octobre 2018 consid. 3.1 et les références).
Selon la jurisprudence, si les autorités compétentes en matière d'aide sociale ont versé des avances à la personne assurée pendant la période pour laquelle l'arriéré de rente est alloué, le minimum vital du droit des poursuites ne constitue pas une limite à la compensation (ATF 136 V 286).
Au surplus, lors d'un paiement rétroactif de prestations et de compensations de créances en restitution, le minimum vital du droit des poursuites ne doit pas être pris en compte comme limite de compensation lorsque la rente allouée à titre rétroactif remplace simplement une rente accordée pour une période antérieure et que les deux s'excluent mutuellement (ATF 138 V 402). Par conséquent, lors du remplacement – avec effet rétroactif – d'une rente par une autre rente, la compensation est, en règle générale, admissible pour le montant entier de la créance (ch. 10214 et 10215 DR).
3.4 Aux termes de l'art. 120 al. 3 CO, la compensation d'une créance prescrite peut être invoquée, si la créance n'est pas éteinte par la prescription au moment où elle pouvait être compensée.
Selon les directives de l'OFAS, la créance doit être échue, mais non prescrite. Des créances de cotisations non encore éteintes au moment de la naissance du droit à la rente peuvent dans tous les cas faire l'objet d'une compensation avec la rente (ch. 10202 DR).
L'art. 16 LAVS traite de la prescription. Conformément à son al. 1, les cotisations dont le montant n'a pas été fixé par voie de décision dans un délai de cinq ans à compter de la fin de l'année civile pour laquelle elles sont dues ne peuvent plus être exigées ni versées. S'il s'agit de cotisations visées aux art. 6 al. 1, 8 al. 1, et 10 al. 1, le délai n'échoit toutefois, en dérogation à l'art. 24 al. 1 LPGA, qu'un an après la fin de l'année civile au cours de laquelle la taxation fiscale déterminante est entrée en force. Si le droit de réclamer des cotisations non versées naît d'un acte punissable pour lequel la loi pénale prévoit un délai de prescription plus long, ce délai est déterminant.
L'art. 16 al. 2 LAVS stipule par ailleurs que la créance de cotisations, fixée par décision notifiée conformément à l'al. 1, s'éteint cinq ans après la fin de l'année civile au cours de laquelle la décision est passée en force. Pendant la durée d'un inventaire après décès (art. 580 et s. du Code civil suisse du 10 décembre 1907 [CC - RS 210]) ou d'un sursis concordataire, le délai ne court pas. Si une poursuite pour dettes ou une faillite est en cours à l'échéance du délai, celui-ci prend fin avec la clôture de l'exécution forcée. L'art. 149a al. 1, de la loi fédérale du
11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP - RS 281.1) n'est pas applicable. La créance non éteinte lors de l'ouverture du droit à la rente peut en tout cas être encore compensée conformément à l'art. 20 al. 3 LAVS (à l'art. 20
al. 3 LAVS, dans la teneur du 30 septembre 1953, correspond actuellement
l'art. 20 al. 2 LAVS, dans la teneur du 7 octobre 1994, cf. note de bas de page
ad art. 16 al. 2 dernière phrase LAVS).
L'échéance de l'un ou de l'autre des délais de l'art. 16 LAVS entraîne péremption : il ne subsiste aucune obligation naturelle susceptible d'être exécutée volontairement ou par compensation. La loi fait une exception à ce principe à la dernière phrase de l'art. 16 al. 2 LAVS : la créance non éteinte lors de l'ouverture du droit à la rente peut en tout cas être encore compensée conformément à
l'art. 20 al. 2 LAVS. Le motif pour lequel le législateur a introduit cette exception réside dans le fait que les cotisations fixées dans une décision passée en force, mais non encore payées, peuvent être formatrices de rentes. Cette exception ne concerne que le délai de péremption de cotisations fixées par décision notifiée dans le délai prévu à l'art. 16 al. 1 LAVS. Une fois acquise la prescription selon l'art. 16 al. 1 LAVS, toute possibilité de compensation au sens de l'art. 16 al. 2, dernière phrase, LAVS fait défaut. Cette disposition n'est ainsi applicable que si les cotisations ont été fixées dans le délai prévu au 1er alinéa et si le délai de perception n'était pas encore échu lors de l'ouverture du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral 9C_741/2009 du 12 mars 2010 consid. 1.2 et les références).
4. En l'espèce, par décision du 26 juillet 2024, l'intimée a compensé l'arriéré de rentes pour enfants liées à la rente de vieillesse de l'assuré portant sur la période d'octobre 2021 à juin 2024 dont elle était débitrice, représentant CHF 29'501.-, avec des arriérés de cotisations de l'assuré défunt.
4.1 Contrairement à ce que soutient la recourante, en procédant de la sorte, l'intimée a bel et bien tenu compte de ce que ses enfants étaient toujours en formation et avaient ainsi droit à des rentes pour enfant liées à la rente de vieillesse de leur père. La remise des attestations d'études a précisément permis de calculer le rétroactif de prestations dues à ce titre et de rendre la décision du 26 juillet 2024. L'absence de versement effectif des prestations s'explique ainsi uniquement par la compensation opérée, et non par le fait que l'intimée n'aurait pas pris en considération les études suivies par les enfants.
4.2 Il s'agit maintenant d'examiner si l'intimée était en droit de compenser les rentes en faveur des enfants avec la dette de cotisations de l'assuré.
La question de la validité de la compensation se pose en premier lieu au regard de l'absence d'identité des sujets de droit, en ce sens que l'arriéré de prestation dû était destiné aux enfants, tandis que la créance invoquée par l'intimée en compensation représentait des cotisations dues par l'assuré.
Or, comme l'a établi à maintes reprises la jurisprudence, l'art. 20 al. 2 LAVS déroge précisément à la condition de la réciprocité des sujets de droit pour tenir compte des particularités des assurances sociales ; il suffit que les créances opposées en compensation se trouvent en relation étroite, du point de vue de la technique d'assurance ou du point de vue juridique (cf. consid. 3.2 supra).
En l'occurrence, il ne fait guère de doute que la créance d'arriéré de rentes pour enfants et celle afférente aux cotisations et intérêts moratoires dus par l'assuré se trouvent en étroite relation, que ce soit du point de vue juridique ou de la technique d'assurance. En effet, la rente pour enfant se rapporte, d'une part,
ex lege, à la rente principale de vieillesse du parent bénéficiaire et est versée comme celle-ci (art. 22ter al. 2 1ère phrase LAVS) et, d'autre part, les cotisations réclamées servent directement à son calcul et à en fixer le montant.
Ainsi, les griefs soulevés par la recourante, selon lesquels l'arriéré de rente serait dû aux enfants en raison de leurs formations et que ceux-ci ne seraient pas concernés par les manquements de leur père en matière de paiement des cotisations, tombent à faux ; la compensation opérée par l'intimée doit, sous cet angle, être approuvée.
4.3 La recourante se prévaut par ailleurs d'une décision du 17 mars 2025 qui devrait, d'après elle, être prise en compte dans l'évaluation du dossier.
Or, comme l'a exposé l'intimée, cette décision émane de la caisse des non-actifs rattachée à l'office cantonal des assurances sociales et porte sur les allocations familiales à allouer à la recourante par cette institution, ensuite de la décision de restitution des allocations familiales versées à tort par la caisse des personnes actives, du 28 mars 2024. Dans cette dernière décision, il avait en effet été constaté que l'assuré n'atteignait pas le revenu minimum pour pouvoir prétendre aux allocations familiales de la caisse des personnes actives, de sorte que des prestations lui avaient été versées à tort depuis septembre 2021. Le solde de CHF 19'500.- avait ainsi été réclamé. C'est précisément ce montant qui a été déduit dans la décision du 17 mars 2025, afin de dédommager la caisse ayant presté à tort, et d'éviter le versement à double des allocations familiales.
Par conséquent, la décision du 17 mars 2025 et la compensation de CHF 19'500.- concernent exclusivement les allocations familiales et sont sans rapport avec la problématique de l'arriéré de rentes pour enfants et les cotisations dues par l'assuré.
Cette décision n'a par conséquent aucune influence sur le litige.
4.4 Enfin, la recourante conteste le bien-fondé de la dette en CHF 15'793.25 de feu son époux envers l'intimée, constituée, à teneur de l'extrait de compte, d'intérêts moratoires/rémunératoires.
Au vu des explications apportées par l'intimée dans son mémoire de réponse et des pièces fournies, la chambre de céans ne décèle aucune irrégularité à cet égard, étant précisé que l'art. 41bis al. 1 let. f RAVS – dont le Tribunal fédéral a admis la conformité à la loi (ATF 134 V 202) – pose en effet le principe du paiement d'intérêts moratoires lorsque les acomptes versés par la personne exerçant une activité lucrative indépendante étaient inférieurs d'au moins 25% aux cotisations effectivement dues, et que les cotisations n'ont pas été versées dans les délais prescrits. Conformément à l'art. 42 al. 2 RAVS, le taux des intérêts moratoires s'élève par ailleurs à 5% par année, taux en l'occurrence appliqué par l'intimée.
Pour le surplus, non contestées, les diverses décisions du 27 décembre 2022 émises par l'intimée fixant le montant précis des intérêts moratoires dus pour les années 2012 à 2016 (totalisant CHF 15'793.25), sont entrées en force et ne peuvent être revues dans la présente cause.
4.5 Cela étant, au vu du dossier remis par l'intimée, il n'apparaît pas qu'elle ait examiné si la compensation réalisée portait atteinte au minimum vital selon le droit des poursuites.
Or, d'après les principes dégagés par la jurisprudence, la garantie du minimum vital se pose aussi en cas de paiements rétroactifs de rentes, cette question devant être examinée pour chaque période de temps correspondante, par comparaison des moyens de subsistance et des prestations à verser chaque mois (cf. consid. 3.3
ci-dessus).
De plus, cet examen du minimum vital était nécessaire en l'occurrence, l'octroi rétroactif de rentes en faveur des enfants n'ayant pas remplacé d'autres prestations de même nature, mais ayant comblé leur absence préalable, liée au fait que l'assuré n'avait pas communiqué les attestations de formation de ses enfants.
On ignore en l'espèce quels étaient les revenus et charges de la famille durant les périodes concernées par la compensation, la recourante ayant toutefois affirmé, dans son opposition du 5 août 2024, que la situation financière était précaire depuis plusieurs années.
La cause doit ainsi être renvoyée à l'intimée afin qu'elle instruise cette question et notifie, par la suite, une nouvelle décision intégrant cet élément.
4.6 À l'occasion de la nouvelle décision à rendre, l'intimée devra également examiner si l'arriéré de cotisations dont elle se prévaut en compensation était totalement ou partiellement périmé au sens de l'art. 16 LAVS, au vu des années concernées (2012 à 2016). S'il est tout à fait envisageable que tel ne soit pas le cas, l'assuré ayant été de condition indépendante et l'extrait de compte produit faisant état de factures de cotisations personnelles rendues en décembre 2022 après taxation fiscale définitive (cf. art. 16 al. 1 2ème phrase LAVS qui énonce que, dans le cas de cotisations perçues sur le revenu provenant d'une activité indépendante [art. 8 al. 1 LAVS], le délai n'échoit qu'un an après la fin de l'année civile au cours de laquelle la taxation fiscale déterminante est entrée en force), la nouvelle décision devra motiver ce point et la recourante être mise en possession des différentes factures et taxations fiscales afin de pourvoir, le cas échéant, s'exprimer à ce propos.
5. Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis, la décision du
6 mars 2025 annulée et la cause renvoyée à l'intimée pour instruction complémentaire et nouvelle décision.
Bien qu'obtenant partiellement gain de cause, la recourante, qui n'est pas représentée et n'a pas fait valoir de frais engendrés par la présente procédure, n'a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA a contrario ; ATAS/698/2024 du 17 septembre 2024 consid. 8 et les références).
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario et 89H al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985
[LPA -E 5 10]).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L'admet partiellement.
3. Annule la décision du 6 mars 2025.
4. Renvoie la cause à l'intimée pour instruction complémentaire et nouvelle décision, au sens des considérants.
5. Dit que la procédure est gratuite.
6. Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
| La greffière
Melina CHODYNIECKI |
| La présidente
Joanna JODRY |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le