Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/599/2025 du 15.08.2025 ( ARBIT ) , ADMIS
En droit
Par ces motifs
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/547/2023 ATAS/599/2025 ARRÊT DU TRIBUNAL ARBITRAL DES ASSURANCES | ||
du 15 août 2025 |
En la cause
HELSANA ASSURANCES SA
| demanderesse |
contre
A______
| défendeur |
A. a. Le docteur A______ (ci-après : le médecin ou le défendeur), né le ______ 1985, titulaire d'un diplôme de médecin obtenu en Belgique en juin 2010, d'un titre postgrade de chirurgien depuis le 3 octobre 2016 et d'une attestation complémentaire de droit privé de radioprotection en chirurgie délivrée le 1er juillet 2022, exerce en tant qu'indépendant à la Polyclinique B______, à Genève. Il est enregistré sous le code-créancier 1______ (ci-après : RCC), lequel l’autorise à facturer à charge de l’assurance obligatoire des soins.
B. a. Le médecin-conseil de HELSANA ASSURANCES SA (ci-après l'assureur) a constaté que des traitements de correction de cicatrices effectués par le médecin consistaient en séances d'électroporation non prises en charge par l'assurance obligatoire des soins. Par courrier du 7 avril 2022, l'assureur en a informé le médecin. Celui-ci lui a alors renvoyé une nouvelle facture, corrigée, en ce sens que la position TARMED 04.2430 avait été remplacée par la position TARMED 29.2200. À réception de cette nouvelle facture, l'assureur a attiré son attention sur le fait qu'il ne disposait pas de la valeur intrinsèque pour la position TARMED 29.2200.
Un entretien s'est déroulé le 27 juillet 2022, au cours duquel une solution à l'amiable a été recherchée (pièce 6). Faisant suite à cet entretien, l'assureur a, par courriel du 29 juillet 2022, proposé au défendeur de s'acquitter du montant de CHF 75'466.05 d'ici au 30 septembre 2022, afin de régler le litige à l'amiable. Le 8 novembre 2022, le défendeur a répondu en proposant une rencontre à son cabinet pour le 15 novembre 2022. Finalement toutefois, les parties n'ont pas été en mesure de retenir une date leur convenant.
C. a. Le 15 février 2023, l'assureur a déposé auprès du Tribunal arbitral des assurances (ci-après : le tribunal de céans) une demande visant à la restitution de la somme de CHF 75'466.-, au motif que le défendeur facturait des prestations qui n'étaient pas à la charge de l'assurance obligatoire des soins, et pour lesquelles il ne possédait pas la valeur intrinsèque de la position TARMED concernée.
b. Les audiences de tentative de conciliation, prévues les 26 et 30 avril, et les 14 et 23 juin 2023, ont dû être annulées. Aussi la présidente du tribunal de céans a-t-elle finalement informé les parties qu'elle considérait que la tentative de conciliation avait échoué. Un délai au 22 juillet 2023 a été imparti au défendeur pour produire sa réponse et choisir son arbitre.
c. Par courrier du 9 juillet 2023, le défendeur a toutefois informé le tribunal de céans qu'il souhaitait se concilier avec l'assureur.
Un délai lui a alors été accordé à cet effet au 15 septembre 2023.
Invité à faire connaitre sa position au sujet de la proposition du défendeur, l'assureur a versé au dossier copie du courrier qu'il lui avait adressé le 26 juin 2023, aux termes duquel la discussion ne pourrait porter que sur les modalités du remboursement et non pas sur le mode de facturation des séances d'électroporation. Il a indiqué le 27 septembre 2023, qu'il était sans nouvelle du défendeur.
L'instruction a été reprise le 29 septembre 2023.
d. Le défendeur a désigné le Docteur C______ en tant qu'arbitre le 16 octobre 2023.
Un rappel a été adressé au défendeur le 24 octobre 2023 s'agissant de son mémoire de réponse et un délai d'un mois lui a été accordé.
Le 22 novembre 2023, le défendeur a répété qu'il entendait se concilier avec l'assureur, ce, en présence de son arbitre.
La présidente du tribunal de céans s'est opposée à ce qu'une tentative de conciliation ait lieu avec un seul des arbitres et a fixé au 19 janvier 2024 une audience de comparution personnelle des parties.
Le défendeur ne n'est ni présenté, ni excusé. Un délai lui a à nouveau été imparti pour le dépôt de son mémoire de réponse.
Maître D______ s'étant dans l'intervalle constitué pour la défense des intérêts du défendeur, le délai a été prolongé à sa demande au 15 mars 2024, puis au 12 avril 2024.
Dans sa réponse du 12 avril 2024, le défendeur a conclu au rejet de la demande. Il a expliqué que l'électroporation, que ses patients appréciaient tout particulièrement, était utilisée pour les douleurs aigües ou chroniques et qu'il disposait dans son cabinet du matériel nécessaire. Il a ajouté que ce traitement faisait également l'objet, depuis 2015, d'évaluations dans les domaines du cancer et de la prostate.
Il a fait valoir qu'il avait été de bonne foi. La société E______SA, à l'origine de la conception du matériel d'électroporation, lui avait assuré que les prestations effectuées avec ce matériel pouvaient être facturées sur la base de la position TARMED 29.2200 jusqu'à l'entrée en vigueur du nouveau système de facturation TARDOC. Il était ainsi parti de l'idée que cette société s'était préalablement annoncée auprès de TARMED pour s'accorder sur l'utilisation de la position 29.2200. Le fait que l'assureur ait ensuite remboursé ses factures durant près d'une année, soit du 17 août 2021 au 10 mai 2022, l'avait conforté dans la conviction qu'il agissait conformément aux dispositions de la loi sur l'assurance‑maladie.
Le défendeur a relevé que les seuls cas prévus de restitution par le fournisseur de prestations d'une somme payée par l'assureur-tiers payant concernaient, soit des prestations qui excèdent la mesure exigée par l'intérêt de l'assuré et le but du traitement selon l'art. 56 al. 1 de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10), soit des sanctions administratives prévoyant un remboursement punitif des honoraires selon l'art. 59 al. 1 let. b LAMal. Or, il n'était concerné par aucun de ces cas, de sorte que l'assureur ne pouvait fonder sa demande en restitution que sur l'enrichissement illégitime (art. 62 al.1 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse - CO, Code des obligations - RS 220). Les conditions d'un tel enrichissement n'étaient toutefois pas réunies.
Enfin, le défendeur a considéré, au cas où le tribunal de céans devait admettre la demande du 15 février 2023 que seul un montant de CHF 56'170.33, représentant uniquement les prestations facturées sur la base de la position TARMED 29.2200, et non les consultations elles-mêmes, dont la prise en charge n'était pas contestée, pourrait lui être réclamé.
D. a. Dans sa réplique du 20 juin 2024, l'assureur a persisté dans ses conclusions, et contesté que le défendeur puisse se prévaloir du principe de la bonne foi.
E. a. Dans sa duplique du 21 août 2024, le défendeur a insisté sur le fait qu’il connaissait et maîtrisait parfaitement la technique médicale de l’électroporation, qu’il avait suivi des formations complémentaires en éthique médicale et qu’il était d’une manière générale, très impliqué dans le développement de techniques de soins et d’innovations dans le domaine médical.
Le défendeur s'est en outre réservé le droit de solliciter une expertise sur le coût hypothétique d'un traitement qui serait reconnu par l'assureur comme étant efficace en lieu et place de l'électroporation.
F. a. Par courrier du 30 août 2024, l'assureur a indiqué que, souhaitant se déterminer sur la duplique, il avait soumis à son médecin-conseil les nouvelles pièces produites par le défendeur et était dans l'attente du rapport y relatif. Un délai lui a dès lors été accordé au 15 octobre 2024.
b. Le 14 octobre 2024, l'assureur a versé au dossier ce rapport, daté du 26 septembre 2024, et considéré sur cette base que les conditions de l'art. 32 LAMal n'étaient pas réalisées. Il ajoute à cet égard que les articles produits par le défendeur ne peuvent être qualifiés de scientifiques, car publiés dans des revues non-référencées.
G. a. Le défendeur, représenté par Maître F______, Me D______ ayant annoncé qu'il cessait d'occuper par courrier du 4 novembre 2024, s'est déterminé le 25 novembre 2024.
S'agissant de la « littérature scientifique », le défendeur souligne qu'elle fait précisément état du succès de l'électroporation, laquelle est dispensée par de plus en plus de médecins et dont les résultats positifs ont été reconnus notamment par la Commission européenne. Il ne comprend pas pour quelle raison l'assureur a écarté les articles qu'il a versés au dossier, considérant au contraire qu'ils ont valeur probante, en ce sens que la mesure de l'influence de ces articles (impact factor) est « vraiment très très élevée ».
Il reprend chacune des conditions de l'art. 32 LAMal à la lumière de ces articles pour en conclure qu'elles sont bel et bien remplies.
Le défendeur relève que l'assureur fait preuve d'un formalisme excessif en prétendant qu'il n'aurait apporté aucun argument sur le défaut de valeur intrinsèque. Il rappelle à cet égard son parcours académique extrêmement complet, et ses nombreuses spécialisations, notamment celle suivie en Italie sur le traitement des pathologies vulvo-vaginales, rectales et de la douleur par radio‑fréquence et électroporation. Il constate du reste que l'assureur ne remet pas en cause ses compétences.
Il répète avoir été quoi qu'il en soit de bonne foi.
Certes résulte-t-il de l'arrêt cité par la demanderesse, rendu par le Tribunal fédéral le 29 mai 2024 (9C_115/2023), qu'une formation suivie en UE/AELE n'était pas automatiquement reconnue en Suisse. Le défendeur allègue toutefois que c'est la première fois que notre Haute Cour précise ce point, de sorte que jusqu'alors les médecins pouvaient, en toute bonne foi, penser qu'ils étaient en droit de facturer la position en question.
b. Me F______ a informé le tribunal de céans le 4 décembre 2024 qu'il n'était plus mandaté pour la défense des intérêts du défendeur.
H. a. Dans une détermination spontanée du 13 décembre 2024, l'assureur a résumé sa position, soulignant que, dans la mesure où le défendeur ne possédait pas la valeur intrinsèque de l'AFC traitement interventionnel de la douleur, ce que ce dernier admettait du reste, il n'avait pas le droit de facturer la position TARMED 29.2200. Peu importe à cet égard les conditions de l'art. 32 LAMal, celles-ci n'étant quoi qu'il en soit pas remplies.
Il conteste enfin que le défendeur ait été de bonne foi.
I. a. Constatant qu'aucun délai n'avait été accordé au défendeur suite aux dernières écritures de l'assureur, la présidente du tribunal de céans a informé le défendeur, le 2 juin 2025, qu'il avait encore la possibilité de lui faire part d'éventuelles observations d'ici au 20 juin. Elle a précisé que sans nouvelles de sa part à cette date, la cause serait gardée à juger.
Le défendeur ne s'est pas manifesté dans le délai imparti.
1.
1.1 Selon l’art. 89 al. 1 LAMal, les litiges entre assureurs et fournisseurs sont jugés par le Tribunal arbitral. Est compétent le Tribunal arbitral du canton dont le tarif est appliqué ou dans lequel le fournisseur de prestations est installé à titre permanent (art. 89 al. 2 LAMal). Le Tribunal arbitral est aussi compétent si le débiteur de la rémunération est l’assuré (système du tiers garant, art. 42 al. 1 LAMal) ; en pareil cas, l’assureur représente, à ses frais, l’assuré au procès (art. 89 al. 3 LAMal). La procédure est régie par le droit cantonal (art. 89 al. 5 LAMal).
1.2 En l’espèce, la qualité de fournisseur de prestations au sens des art. 35ss LAMal et 38ss de l’ordonnance sur l’assurance-maladie du 27 juin 1995 (OAMal - RS 832.102) du défendeur n’est pas contestée. Quant à l'assureur, il entre dans la catégorie des assureurs au sens de la LAMal, étant précisé à toutes fins utiles que HELSANA ASSURANCES SA et PROGRÈS ASSURANCES SA ont fusionné au 1er janvier 2022, la première ayant repris tous les actifs et passifs de la seconde. La compétence du Tribunal arbitral du canton de Genève est également acquise ratione loci, dans la mesure où le cabinet du défendeur y est installé à titre permanent.
1.3 Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2.
2.1 La présidente du tribunal de céans a constaté, à l'issue de l'audience du 23 juin 2023, l'échec de la tentative obligatoire de conciliation.
2.2 Les parties ont été invitées à désigner leur arbitre. L'assureur a désigné Monsieur G______ le 29 juin 2023, puis, en raison de la démission de celui-ci, Madame H______, le 4 septembre 2024, et le défendeur, le Dr C______, le 16 octobre 2023.
2.3 Le tribunal de céans a ainsi été constitué.
3. La demande déposée le 15 février 2023 respecte les conditions de forme prescrites par les art. 64 al. 1 et 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
Elle est dès lors recevable.
4. Le litige porte sur la question de savoir si le défendeur possède la valeur intrinsèque des positions TARMED qu'il a facturées à l'assureur et si la thérapie dispensée est ou non à la charge de l'assurance obligatoire des soins, et, dans la négative, si l'assureur est habilité à réclamer la restitution des sommes versées.
5. Le défendeur reproche à l'assureur de ne pas expliquer comment il passe de la prise en charge d'un soin au remboursement de la facture par le médecin. Il considère que l'assureur ne peut fonder son action que sur l'enrichissement illégitime (art. 62 al. 2 CO), mais que l'enrichissement illégitime présuppose un paiement effectué sans cause, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, puisqu'il a bel et bien fourni une prestation médicale, pour laquelle une facture a été établie. Il en conclut que c'est au client de l'assureur d'assumer les frais des soins qu'il a reçus.
Le défendeur conteste l'application des art. 56 et 59 LAMal, la demande en restitution étant en lien avec la facturation de positions TARMED, et non pas avec un cas de polypragmasie, ou avec des sanctions administratives prévoyant un remboursement punitif des honoraires.
5.1 Aux termes de cette disposition légale, le fournisseur de prestations doit limiter ses prestations à la mesure exigée par l’intérêt de l’assuré et le but du traitement. La rémunération des prestations qui dépasse cette limite peut être refusée et le fournisseur de prestations peut être tenu de restituer les sommes reçues à tort au sens de cette loi.
5.2 Il importe de préciser que l'art. 56 al. 2 2ème phr. LAMal n'est pas applicable uniquement aux cas de restitution à raison d'un traitement non économique, mais également aux autres situations dans lesquelles des prestations ont été touchées de manière indue (ATF 130 V 377 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_571/2019 du 23 juillet 2020 consid. 2.2 ; 9C_258/2010 du 30 novembre 2011, consid. 5.4) ; arrêt K 174/05 du 24 mai 2006 consid. 3.1 ; ATAS/638/2019 du 3 juillet 2019).
Un cas de polypragmasie est ainsi également réalisé lorsque des positions tarifaires sont elles-mêmes cumulées de façon prohibée, car les prestations ne sont ainsi plus limitées à la mesure exigée par l'intérêt de l'assuré et au but du traitement (arrêts du Tribunal fédéral 9C_21/2016 du 17 novembre 2016 consid. 6.2 ; K 116/03 du 23 novembre 2004, consid. 4.2 avec réf. à Gebhard EUGSTER, Wirtschaftlichkeitskontrolle ambulanter ärztlicher Leistungen mit statistischen Methoden, 2003, p. 86 ch. 211).
Aussi l'art. 56 al. 2 LAMal constitue-t-il une base légale valable pour toutes les situations où des prestations ont été touchées de manière indue par un fournisseur de prestations. On peut ajouter que l'art. 59 al. 1 LAMal s'applique également lorsque les fournisseurs de prestations n'ont pas respecté « les dispositions relatives à la facturation ».
Quant aux dispositions du CO citées par le défendeur, elles ne sont pas applicables, s'agissant d'une prétention fondée sur le droit administratif, plus particulièrement la LAMal.
5.3 Il ressort de ce qui précède que le fondement juridique de la demande en restitution de l'assureur est bel et bien l'art. 56 LAMal.
6. Le défendeur fait valoir que la légitimation active de l'assureur n'est pas établie du point de vue des rapports contractuels et de leurs relations avec les assurés (tiers garant / tiers payant), comme elle l'est en matière de contrôle d'économicité (art. 56 LAMal).
6.1 Le point de savoir si une partie a la qualité pour agir (ou légitimation active) ou la qualité pour défendre (légitimation passive) – question qui est examinée d'office (ATF 110 V 347 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral non publié 9C_40/2009 du 27 janvier 2010, consid. 3.2.1) – se détermine selon le droit applicable au fond, également pour la procédure de l'action soumise au droit public. En principe, c'est le titulaire du droit en cause qui est autorisé à faire valoir une prétention en justice de ce chef, en son propre nom, tandis que la qualité pour défendre appartient à celui qui est l'obligé du droit et contre qui est dirigée l'action du demandeur (RSAS 2006 p. 46 ; ATF 125 III 82 consid. 1a). La qualité pour agir et pour défendre ne sont pas des conditions de procédure, dont dépendrait la recevabilité de la demande, mais constituent des conditions de fond du droit exercé. Leur défaut conduit au rejet de l'action, qui intervient indépendamment de la réalisation des éléments objectifs de la prétention du demandeur, et non pas à l'irrecevabilité de la demande (SVR 2006 BVG n° 34 p. 131 ; ATF 126 III 59 consid. 1 et 125 III 82 consid. 1a).
Aux termes de l'art. 42 LAMal.
« Sauf convention contraire entre les assureurs et les fournisseurs de prestations, l’assuré est le débiteur de la rémunération envers le fournisseur de prestations. L’assuré a, dans ce cas, le droit d’être remboursé par son assureur (système du tiers garant). En dérogation à l’art. 22 al. 1 LPGA [loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 - LPGA - RS 830.1], ce droit peut être cédé au fournisseur de prestations.
Assureurs et fournisseurs de prestations peuvent convenir que l’assureur est le débiteur de la rémunération (système du tiers payant). En cas de traitement hospitalier, l’assureur, en dérogation à l’al. 1, est le débiteur de sa part de rémunération ».
6.2 Ont ainsi qualité pour demander la restitution, dans le système du tiers garant, l’assuré ou, conformément à l’art. 89 al. 3 LAMal, l’assureur (art. 42 al. 1 LAMal), et, dans le système du tiers payant, l’assureur qui a effectivement pris en charge la facture (art. 42 al. 2 et 56 al. 2 let. b LAMal).
En l'espèce, les traitements sont pris en charge en tiers-payant, de sorte que c'est bien l'assureur qui est le débiteur. Quoi qu'il en soit, si les factures du défendeur avaient été émises en tiers garant, il est vrai qu'en principe, l'assureur n'aurait pas la légitimation active, le débiteur de la rémunération étant l’assuré (ATAS/1216/2019 du 19 décembre 2019), il pourrait toutefois, dans un tel cas, représenter, à ses frais, l’assuré au procès (art. 89 al. 3 LAMal).
6.3 Il y a en conséquence lieu d'admettre la qualité pour agir de l'assureur.
6.4 Même s'il reconnaît que selon la jurisprudence susmentionnée, la légitimation active des assureurs est également établie du point de vue des rapports contractuels et de leurs relations avec les assurés (tiers garant / tiers payant), le défendeur persiste à considérer qu'il est injuste que l'assureur puisse récupérer ce qu'il a prétendument versé à tort, non pas auprès de l'assuré, mais auprès du médecin, alors que celui-ci a valablement dispensé sa prestation de soins contre le paiement de sa facture. Le défendeur insiste à cet égard sur le fait qu'il a toujours porté son choix sur des traitements efficaces, certes innovants, mais permettant d'éviter des interventions superflues et coûteuses.
On ne saurait, au vu de ce qui précède, retenir le caractère prétendument injuste invoqué par le défendeur. Il importe en effet de rappeler que les caisses-maladie ont un droit propre à exiger d'un fournisseur de prestations la restitution des sommes qu'il a perçues indûment, même lorsque celles-ci lui ont été versées, selon le système du tiers garant, par l'assuré et non par la caisse (ATF 127 V 281).
7.
7.1 Aux termes de l'art. 25 al. 2 LPGA, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020, le droit de demander la restitution s'éteint un an après le moment où l'institution d'assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Le même délai s'applique aux prétentions en restitution fondées sur l'art. 56 al. 2 LAMal (ATF 133 V 579 consid. 4.1).
À noter que depuis le 1er janvier 2021, le délai de péremption a été porté à trois ans (art. 25 al. 2 LPGA). L’application du nouveau délai de péremption aux créances déjà nées et devenues exigibles sous l’empire de l’ancien droit est admise, dans la mesure où la péremption était déjà prévue sous l’ancien droit et que les créances ne sont pas encore périmées au moment de l’entrée en vigueur du nouveau droit (ATF 134 V 353 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_540/2014 du 5 janvier 2015 consid. 3.1). Si, au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, le délai de péremption relatif ou absolu en vertu de l’ancien art. 25 al. 2 LPGA a déjà expiré et que la créance est déjà périmée, celle‑ci reste périmée.
La question de la péremption doit être examinée d'office par le juge saisi d'une demande de restitution (ATF 140 V 521 consid. 2.1). Avant l'entrée en vigueur de la LPGA en date du 1er janvier 2003, l'art. 47 al. 2 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (ci-après : LAVS) était applicable par analogie pour ce qui concerne la prescription des prétentions en restitution, selon la jurisprudence (ATF 103 V 153 consid. 3). Cette disposition avait la même teneur que l'art. 25 al. 2 LPGA, de sorte que l'ancienne jurisprudence concernant la prescription reste valable.
Le délai de péremption commence à courir dès le moment où les assureurs auraient dû connaître les faits fondant l'obligation de restituer, en faisant preuve de l'attention que l'on pouvait raisonnablement exiger d'elles (ATF 122 V 270 consid. 5a). L'administration doit disposer de tous les éléments qui sont décisifs dans le cas concret et dont la connaissance fonde – quant à son principe et à son étendue – la créance en restitution à l'encontre de la personne tenue à restitution (ATF 148 V 217 consid. 5.1.1 et 5.2.1 et les références ; 146 V 217 consid. 2.1 et les références ; 140 V 521 consid. 2.1 et les références). Si l'administration dispose d'indices laissant supposer l'existence d'une créance en restitution, mais que les éléments disponibles ne suffisent pas encore à en établir le bien-fondé, elle doit procéder, dans un délai raisonnable, aux investigations nécessaires (ATF 133 V 579 consid. 5.1 non publié). À défaut, le début du délai de péremption doit être fixé au moment où elle aurait été en mesure de rendre une décision de restitution si elle avait fait preuve de l'attention que l'on pouvait raisonnablement exiger d'elle. Dans tous les cas, le délai de péremption commence à courir immédiatement s'il s'avère que les prestations en question étaient clairement indues (arrêt du Tribunal fédéral 9C_454/2012 du 18 mars 2013 consid. 4 non publié in ATF 139 V 106). Cependant, lorsque la restitution est imputable à une faute de l'administration, on ne saurait considérer comme point de départ du délai d'une année le moment où l'erreur a été commise par l'administration, mais le moment auquel celle-ci aurait dû, dans un deuxième temps (par exemple à l'occasion d'un contrôle), se rendre compte de son erreur en faisant preuve de l'attention requise. En effet, si l'on plaçait le moment de la connaissance du dommage à la date du versement indu, cela rendrait souvent illusoire la possibilité pour l'administration de réclamer le remboursement de prestations allouées à tort en cas de faute de sa part (ATF 124 V 380 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_193/2021 du 31 mars 2022 ; ATAS 987/2023 du 13 décembre 2023; ATAS/1155/2022 du 21 décembre 2022).
7.2 Il convient de déterminer quel est le point de départ du délai de l'art. 25 al. 2 LPGA.
7.2.1 L'assureur, en l'espèce, a remboursé des prestations facturées par le défendeur du 17 août 2021 au 10 mai 2022.
Le défendeur relève à cet égard que l'assureur a attendu presqu'une année entière avant d'attirer son attention sur le fait qu'il ne disposait pas de la valeur intrinsèque pour la position TARMED 29.2200.
Il importe toutefois de rappeler que, sur ces factures, figurait dans un premier temps la position TARMED 04.2430 (correction de cicatrice ou de tissu mou avec fermeture primaire), sans qu'il y soit question d'électroporation, que le 9 février 2022, le médecin conseil de l'assureur a requis du défendeur des explications relatives à cette position, qu'il a alors constaté que le traitement concerné consistait en séances d'électroporation.
Aussi l'assureur a-t-il, par courrier du 7 avril 2022, requis du défendeur qu'il annule toutes les factures en lien avec ce traitement, attirant son attention sur le fait que celui-ci ne pouvait être pris en charge par l'assurance obligatoire des soins (cf. pièce 9 chargé dem. du 15 février 2023). Le défendeur a alors remplacé la position TARMED 04.2430 par la 29.2200 (intervention diagnostique / thérapeutique sous échographie).
L'assureur a toutefois rappelé, le 27 juin 2022, que le traitement par électroporation ne faisait pas partie du catalogue de prestations remboursées par la LAMal et considéré que le défendeur ne disposait pas de la valeur intrinsèque qualitative lui permettant d'utiliser la position 29.2200 (cf. pièce 5 chargé dem. du 15 février 2023).
Aucune solution à l'amiable n'a par ailleurs été trouvée, nonobstant un entretien du 27 juillet 2022, suivi d'un échange de courriels de juillet 2022 à janvier 2023 (cf. pièces 6a à 6e chargé dem. du 15 février 2023).
7.2.2 Il est vrai qu'entre la première facture datée du 17 août 2021 et la demande de renseignements du 9 février 2022, six mois se sont écoulés. On ne saurait cependant reprocher à l'assureur d'avoir failli à son devoir de diligence, considérant, d'une part, ce laps de temps comme étant limité, et, d'autre part, la jurisprudence susmentionnée, selon laquelle on ne saurait considérer comme point de départ du délai de prescription le moment où l'erreur a été commise par l'administration, mais le moment auquel celle-ci aurait dû, dans un deuxième temps (par exemple à l'occasion d'un contrôle), se rendre compte de son erreur en faisant preuve de l'attention requise.
On peut également rappeler que si l'administration dispose d'indices laissant supposer l'existence d'une créance en restitution, mais que les éléments disponibles ne suffisent pas encore à en établir le bien-fondé, elle doit procéder, dans un délai raisonnable, aux investigations nécessaires. En l'occurrence, l'assureur a respecté ce « délai raisonnable » en sollicitant du défendeur, le 9 février 2022, la production des rapports susceptibles de lui permettre de confirmer ou non ses soupçons.
Il apparaît enfin que c'est lorsque l'assureur a pris connaissance des rapports communiqués par le défendeur, qu'il a disposé d'indices laissant supposer que le risque qu'une facturation non conforme aux dispositions TARMED était présent et supposé, partant, l'existence d'une créance en restitution. On ignore cependant la date à laquelle le défendeur lui a donné les renseignements requis. On sait en revanche que c'est lors de l'entretien du 27 juillet 2022 que le défendeur a clairement indiqué qu'il pratiquait l'électroporation. On peut ainsi considérer qu'à cette date, l'assureur a su quelle était la nature des traitements facturés et été en mesure, partant, de déterminer s'il avait ou non à réclamer au défendeur la restitution des montants qu'il lui avait remboursés.
7.2.3 La demande déposée le 15 février 2023 par l'assureur, après qu'il ait disposé de tous les éléments utiles pour calculer les montants dont il a demandé la restitution, l'a donc été en temps utile. Le délai de trois ans a été respecté.
8. L'assureur reproche au défendeur d'avoir utilisé la position TARMED 29.2200, du 17 août 2021 au 10 mai 2022, sans droit.
8.1 Les prestations facturées à charge de l’assurance obligatoire des soins (AOS) doivent être efficaces, appropriées et économiques (art. 32 LAMal). Elles doivent être prodiguées par des fournisseurs qui remplissent les conditions des art. 36 à 40 LAMal.
Dans sa teneur valable du 21 juin 2012 au 31 décembre 2021, l’art. 36 LAMal prévoit que sont admis à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins, les médecins titulaires du diplôme fédéral et d’une formation post-graduée reconnue par le Conseil fédéral (al. 1). Le Conseil fédéral règle l’admission des médecins titulaires d’un certificat scientifique équivalent (al. 2).
Les fournisseurs de prestations établissent leurs factures sur la base de tarifs ou de prix (art. 43 al. 1 LAMal).
Selon l’art. 43 al. 2 LAMal, le tarif est une base de calcul de la rémunération ; il peut notamment :
a. se fonder sur le temps consacré à la prestation (tarif au temps consacré) ;
b. attribuer des points à chacune des prestations et fixer la valeur du point (tarif à la prestation) ;
c. prévoir un mode de rémunération forfaitaire (tarif forfaitaire) ;
d. soumettre, à titre exceptionnel, en vue de garantir leur qualité, la rémunération de certaines prestations à des conditions supérieures à celles prévues par les art. 36 à 40, notamment à celles qui prévoient que les fournisseurs disposent de l’infrastructure, de la formation de base, de la formation post-grade ou de la formation continue nécessaires (exclusion tarifaire).
La facturation des médecins est fondée sur un tarif à la prestation et repose sur une structure tarifaire uniforme, le TARMED.
Le TARMED prévoit à son interprétation générale (IG) 10 que les prestations ne peuvent être facturées que par les spécialistes répondant aux exigences de valeur intrinsèque qualitative liées à ces prestations (exigences de formation post-graduée et continue, notamment titre de spécialiste et formations approfondies, attestations de formation complémentaire et certificats d'aptitude technique).
L’art. 7 al. 1 de la Convention-cadre TARMED (ci-après : CCT) du 5 juin 2002 stipule que les parties conviennent que le concept pour la reconnaissance des unités fonctionnelles et le concept « valeur intrinsèque » TARMED 9.0 (ci-après : Concept, version 9) servent de base pour la reconnaissance des infrastructures et des valeurs intrinsèques.
Tout médecin adhérant à ladite convention, qu'il soit membre ou non de la FMH, doit satisfaire aux critères de reconnaissance. Le respect de ces critères est une condition pour obtenir l'autorisation de facturation (art. 7 al. 2 CCT).
La valeur intrinsèque qualitative indique quels titres de formation post-graduée (titre de spécialiste, formation approfondie, attestation de formation complémentaire ou certificat d’aptitude technique selon la RFP) donnent le droit de facturer une prestation à la charge de l’assurance-maladie sociale (Concept « valeur intrinsèque » TARMED, version 9.0 ; ATAS/643/2022 du 4 juillet 2022).
Les médecins sont en droit de facturer des prestations selon la structure tarifaire TARMED, pour autant qu’elles correspondent notamment à leur valeur intrinsèque (titre de formation post-graduée) ou à la garantie des droits acquis.
Pour la facturation, il s’agit d’attester que les prestations portées en compte ont été fournies par un médecin habilité à le faire en vertu de sa valeur intrinsèque qualitative (ch. 4 Concept).
Chaque médecin reçoit des instances compétentes une validation de ses données en bonne et due forme (attestation de valeur intrinsèque).
Selon l’art. 1 de l’annexe 3 CCT, la FMH gère une banque de données où figurent, pour chaque médecin exerçant en Suisse, les prestations qu'il est autorisé à facturer.
La loi sur les professions médicales universitaires du 23 juin 2006 (LPMéd ‑ RS 811.11) entrée en vigueur le 1er septembre 2007, constitue la base légale de la formation pré-graduée, post-graduée et continue et règle l’exercice des cinq professions médicales universitaires.
L’ISFM, qui est un institut autonome au sein de la FMH, est responsable de la réglementation et de l’exécution de la formation post-graduée des médecins et se charge de décerner les titres de spécialiste dans le cadre des programmes de formation post-graduée accrédités par la Confédération (art. 4 de la réglementation pour la formation post-graduée du 21 juin 2000 - RFP).
Après l’obtention du diplôme fédéral de médecin, commence la formation post‑graduée, qui a pour but l’obtention d’un titre de formation post-grade fédéral figurant dans l’ordonnance relative à la LPMéd.
8.2 Il résulte de ce qui précède que les médecins sont en droit de facturer des prestations selon la structure tarifaire TARMED, pour autant qu’elles correspondent notamment à leur valeur intrinsèque (titre de formation post‑graduée).
En l'espèce, le défendeur a facturé un total de CHF 75'466.- pour la période du 17 août 2021 au 10 mai 2022, sur la base de la position TARMED 29.2200 (cf. pièce 8 du chargé dem. du 15 février 2023).
Cette position 29.2200 correspond à une prestation de consultation médicale spécialisée, spécifiquement axée sur la thérapie de la douleur, y compris la thérapie par AFC (Approche Focusing Corporelle / traitement interventionnel de la douleur - SSIPM), facturée par tranches de 5 minutes. Les procédés d’antalgie interventionnelle sont utilisés pour le diagnostic ou le traitement d’états douloureux dus à des causes diverses (musculosquelettiques, neuropathiques, ischémiques et/ou néoplastiques).
On peut rappeler que le défendeur avait initialement indiqué qu'il traitait des cicatrices par évaporation. Or, ce procédé relevant de l'esthétique, n'est pas pris en charge par l'assurance obligatoire des soins. Interpellé par l'assureur sur ce point, le défendeur a corrigé ses factures en adoptant la position TARMED 29.2200.
Il s'avère toutefois que le défendeur ne dispose pas de l'attestation de valeur intrinsèque y relative. La FMH l'a confirmé le 14 février 2023.
8.3 Le défendeur ne le conteste du reste pas, mais insiste sur le fait que son parcours académique est extrêmement complet, qu'il a suivi une formation spécialisée en Italie sur le traitement de pathologies vulvo-vaginales, rectales et de la douleur par radiofréquence et électroporation, et que ses patients sont entièrement satisfaits.
Il considère que l'assureur, qui se contente d'invoquer l'absence de thérapie par AFC pour justifier un manque de valeur intrinsèque, fait preuve d'un formalisme excessif.
Il fait également valoir que le TARMED n'a pas été mis à jour depuis une douzaine d'années, de sorte que les valeurs intrinsèques requises pour la technique de l'électroporation ne sont plus valables.
Les arguments avancés par le défendeur ne sauraient être pris en considération. Certes n'y a-t-il pas lieu de mettre en doute ses compétences et ses connaissances, ce qui importe cependant est de constater qu'il n'est au bénéfice d'aucune attestation de valeur intrinsèque. Il en résulte que le défendeur n'était pas en droit de facturer ses prestations sur la base de la position TARMED 29.2200.
8.4 Tout médecin qui a régulièrement fourni des prestations depuis 2001, trois ans avant l'entrée en vigueur du TARMED, sans être au bénéfice du titre de formation post-graduée requis, peut faire valoir lesdites prestations dans le cadre des droits acquis, mais il doit pouvoir attester d'une formation continue adéquate (cf. fiche d’information de TARMED SUISSE du 23 juin 2009 ; ATAS/235/2021 du 17 mars 2021 ; ATAS/643/2022 du 4 juillet 2022).
La question de savoir si le défendeur était en droit de facturer la position tarifaire litigieuse en application de la garantie des droits acquis, ne se pose pas en l'espèce, au vu de la date à laquelle il a obtenu son diplôme de médecin, soit en juin 2010, et étant rappelé que le TARMED est entré en vigueur le 1er janvier 2004.
8.5 Force est en conséquence de constater que la position TARMED facturée par le défendeur à charge de l'assurance obligatoire des soins du 17 août 2021 au 10 mai 2022, l'a été sans droit, dès lors qu'il ne disposait pas de la valeur intrinsèque qualitative y relative, et ne pouvait pas non plus se prévaloir de droits acquis. Aussi les versements effectués par l'assureur en faveur du défendeur l'ont‑ils été à tort.
9. Le défendeur conteste le fait que l'électroporation ne soit pas une thérapie admise en Suisse à charge de l'assurance obligatoire des soins, au motif que le traitement par électroporation montre des résultats positifs « très prometteurs et révolutionnaires » et satisfait toutes les conditions nécessaires pour être pris en charge par le système de santé.
9.1 L’assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts des prestations qui servent à diagnostiquer ou à traiter une maladie et ses séquelles (art. 25 al. 1 LAMal). Ces prestations comprennent notamment les examens, traitements et soins dispensés sous forme ambulatoire au domicile du patient, en milieu hospitalier ou semi-hospitalier ou dans un établissement médico-social par des médecins, des chiropraticiens et des personnes fournissant des prestations sur prescription ou sur mandat médical (cf. art 25 al. 2 let. a LAMal).
Aux termes de l’art. 33 al. 1 LAMal, le Conseil fédéral peut désigner les prestations fournies par un médecin ou un chiropraticien, dont les coûts ne sont pas pris en charge par l’assurance obligatoire des soins ou le sont à certaines conditions. Cette disposition se fonde sur la présomption que médecins et chiropraticiens appliquent des traitements et mesures qui répondent aux conditions posées par l'art. 32 al. 1 LAMal. D’après l’art. 33 al. 3 LAMal, le Conseil fédéral détermine également dans quelle mesure l’assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts d’une prestation nouvelle ou controversée, dont l’efficacité, l’adéquation ou le caractère économique sont en cours d’évaluation.
Le Département fédéral de l’intérieur (ci-après : DFI), auquel le Conseil fédéral a délégué à son tour les compétences susmentionnées (art. 33 al. 5 LAMal en relation avec l’art. 33 let. a et c OAMal), a promulgué l’ordonnance sur les prestations dans l’assurance obligatoire des soins en cas de maladie du 29 septembre 1995 (OPAS - RS 832.112.31).
Conformément à l’art. 1 OPAS, son annexe 1 énumère les prestations visées par l’art. 33 let. a et c OAMal – dispositions reprenant textuellement les règles posées aux al. 1 et 3 de l’art. 33 LAMal – qui ont été examinées par la Commission fédérale des prestations générales et des principes de l’assurance-maladie (ci‑après : CFPP) et dont l’assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts, avec ou sans condition, ou ne les prend pas en charge.
L’annexe 1 de l’OPAS précise qu’elle ne contient pas une énumération exhaustive des prestations fournies par les médecins à la charge ou non de l’assurance‑maladie, mais qu’elle indique :
- les prestations dont l’efficacité, l’adéquation ou le caractère économique ont été examinés par la Commission des prestations et dont les coûts sont pris en charge, le cas échéant à certaines conditions, soit ne sont pas pris en charge ;
- les prestations dont l’efficacité, l’adéquation ou le caractère économique sont encore en cours d’évaluation mais dont les coûts sont pris en charge dans une certaine mesure et à certaines conditions ;
- les prestations particulièrement coûteuses ou difficiles qui ne sont prises en charge par l’assurance obligatoire des soins que lorsqu’elles sont pratiquées par des fournisseurs de prestations qualifiés.
9.2 Il résulte de ce régime légal la présomption qu’une prestation médicale fournie par un médecin doit être prise en charge par l’assurance obligatoire des soins, pour autant qu'elle n’ait pas été exclue par l’OPAS (ATF 129 V 167 consid. 3.2). En présence de prestations fournies par un médecin (ou par un chiropraticien), qui n'ont pas été soumises à l'avis de la commission (art. 33 al. 3 LAMal et 33 let. c OAMal), il convient d'appliquer la présomption légale que le traitement répond aux critères d’efficacité, d’adéquation et d’économicité. En effet, nombre de traitements remplissent ces conditions sans pour autant figurer dans l'annexe 1 à l'OPAS (arrêt du Tribunal fédéral 9C_328/2016 du 10 octobre 2016 consid. 3.2 et l’arrêt cité). Il incombe ainsi au Conseil fédéral de dresser une liste « négative » des prestations qui ne répondraient pas aux conditions posées par l’art. 32 al. 1 LAMal ou qui n’y répondraient que partiellement ou sous condition. Comme l’a jugé le Tribunal fédéral des assurances, la réglementation de la LAMal repose donc sur le principe de la liste. Ayant pour but de fixer précisément le catalogue légal des prestations, ce principe de la liste découle d’un système voulu par le législateur, selon l’art. 34 LAMal, comme complet et contraignant dès lors qu’il s’est agi d’une assurance obligatoire financée en principe par des primes égales (art. 76 LAMal).
Pour les traitements qui n’ont pas fait l’objet d’un examen par la commission des prestations jusqu’à présent, la présomption de conformité légale fait foi, c’est‑à‑dire que l’on présume que la prestation médicale donnée correspond aux critères d’efficacité, d’économicité et d’adéquation démontrés scientifiquement (art. 32 al. 1 LAMal). Par conséquent, les traitements qui ne sont pas mentionnés dans l’annexe 1 de l’OPAS doivent être pris en charge par l’assurance obligatoire des soins dans le cas d’une maladie. Dès lors, il ne suffit pas qu’une caisse-maladie soutienne qu’un traitement est nouveau ou controversé et pas encore reconnu pour qu’elle soit affranchie de son obligation de fournir des prestations. Il lui incombe au contraire, en tant qu’organe d’exécution de l’assurance-maladie obligatoire, de vérifier l’efficacité, l’adéquation et le caractère économique du traitement en question ou d’établir qu’il est controversé (ATF 129 V 167 ; ATAS/325/2020 du 28 avril 2020 consid. 10).
Dans plusieurs arrêts, le Tribunal fédéral a rappelé qu'il s'imposait une grande retenue dans le cadre du contrôle de la légalité et de la constitutionnalité des ordonnances du Conseil fédéral ou du DFI, considérant, d’une part, qu'il ne disposait pas des connaissances nécessaires pour se faire une opinion sur la question sans recourir à l’avis d’experts, et, d’autre part, que l’ordonnance, souvent révisée, peut être corrigée à bref délai par le DFI . Dans l’examen auquel il procède, le juge ne doit ainsi pas substituer sa propre appréciation à celle de l’autorité dont émane la réglementation en cause. Dans le cadre de ce contrôle, il est en principe habilité à examiner le contenu d’une liste de maladies à prendre en considération ou de prestations. Néanmoins, il s’impose une grande retenue dans cet examen (ATF 129 V 167 ; 125 V 21 ; 131 V 338 consid. 5.2 et 7 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_328/2016 du 10 octobre 2016 ; 9C_835/2011 du 1er octobre 2012).
9.3 La doctrine relève le caractère hybride de la liste, laquelle contient non seulement des traitements qui ne sont pas pris en charge, mais également des traitements qui sont pris en charge sans condition et des traitements pris en charge sous certaines conditions. Elle considère que le fait d’avoir opté pour une liste négative et d’y avoir de surcroît ajouté des éléments de liste positive ou semi‑positive laisse subsister une incertitude quant à la reconnaissance des prestations. Elle conclut qu’en l’état actuel de la jurisprudence, il semblerait « qu’une prestation clairement refusée dans l’OPAS ne peut pas être repêchée par le biais de l’art. 32 LAMal, mais qu’une prestation non inscrite, donc a priori acceptée, doit encore passer le crible de l’art. 32 LAMal et peut se voir refusée ou assortie de conditions » (Gabrielle STEFFEN, Droit aux soins et rationnement, n° 5.3.1.2).
9.4 Il s’avère en l'espèce que l'électroporation ne figure pas dans la liste de l’annexe 1 de l'OPAS.
Or, la liste de l’annexe 1 de l’OPAS est une liste dite négative, en tant qu’elle mentionne les prestations qui ne répondraient pas aux critères d’efficacité, d’adéquation et d’économicité ou qui n’y répondraient que partiellement ou sous condition. Il convient alors d’appliquer la présomption légale selon laquelle le traitement par électroporation – ne figurant pas dans cette liste et n’ayant donc pas été soumis à l’avis de la CFPP (art. 33 al. 3 LAMal et 33 let. c OAMal) – répond aux critères d’efficacité, d’adéquation et d’économicité, de sorte que rien ne devrait s'opposer à ce qu'il soit mis à la charge de l'assurance obligatoire des soins.
On rappellera toutefois que d'innombrables prestations médicales ne figurent pas dans l'Annexe 1 de l'OPAS parce que la CFPP ne les a pas – ou pas encore – évaluées, faute de temps ou de moyens (ATF 129 V 167 consid. 4 p. 173), respectivement de demande de fournisseurs de prestations.
En tant qu'il s'agit en l'espèce, au vu des diverses publications produites par les parties, d'un traitement relativement nouveau – ce qui pourrait expliquer la raison pour laquelle ce traitement n'est pas à ce jour mentionné dans la liste négative de l'annexe 1 de l'OPAS –, l'assureur peut être libéré de son obligation de rembourser s'il parvient à établir que les conditions de l'art. 32 LAMal ne sont en l'occurrence pas réalisées.
10. Il y aurait en principe lieu d'examiner à ce stade si l'assureur est en mesure de renverser la présomption légale concernant les trois conditions prévues par cette disposition légale. Il est en effet présumé, ainsi que cela ressort du considérant précédent, qu'une prestation, qui n’est pas mentionnée dans la liste de l’annexe 1 de l’OPAS, respecte les critères requis par l’art. 32 LAMal, ce qui implique qu’il appartient aux caisses-maladie, et à elles seules, de démontrer qu’il n’en est rien en réalité et que, partant, les tribunaux n'ont pas à instruire ce point. Il ne suffit pas en effet qu’une caisse-maladie soutienne qu’un traitement est nouveau ou controversé et pas encore reconnu, pour qu’elle soit affranchie de son obligation de fournir des prestations.
Toutefois, quand bien même l'électroporation est présumée être à la charge de l'assurance obligatoire des soins, exiger de l'assureur qu'il démontre que les conditions de l'art. 32 LAMal ne sont pas réalisées est dans le cas d'espèce superfétatoire, dans la mesure où le défendeur n'est quoi qu'il en soit pas au bénéfice de la valeur intrinsèque qui lui aurait permis de facturer ses prestations sur la base de la position TARMED 29 2200 (cf. consid. supra 8).
10.1 Il suffira dans ces conditions de rappeler que l’efficacité, au sens de l'art. 32 al. 1 LAMal, doit être démontrée selon des méthodes scientifiques. Selon la jurisprudence, ces méthodes scientifiques sont fondées sur la recherche et la pratique médicale et non sur le résultat obtenu dans un cas particulier (ATF 142 V 249). Une prestation est efficace lorsqu'on peut objectivement en attendre le résultat thérapeutique visé par le traitement de la maladie, à savoir la suppression la plus complète possible de l'atteinte à la santé somatique ou psychique (ATF 130 V 532 consid. 2.2 ; 128 V 159 consid. 5c/aa).
10.2 Le défendeur a produit des publications scientifiques dans le but de démontrer l'efficacité de l'électroporation dans le traitement de la douleur. Il fait valoir que ces publications montrent que l'électroporation est « extrêmement efficace, voire révolutionnaire ». Il souligne qu'il s'agit-là d'« un soin qui doit à l'évidence être pris en charge par le système de soins suisse garanti aux justiciables par la Constitution et sa mise en œuvre par la LAMal ».
Il a également cité plusieurs extraits de sites Internet relatifs à l'électroporation, qui montrent des résultats très positifs (cf. pièces 19 à 27 chargé déf. du 19 août 2024).
Il a reproché à l'assureur de ne pas tenir compte des avancées technologiques et des publications plus récentes. Il se réfère à cet égard un article publié le 20 février 2024 et intitulé « l'électroporation, un traitement novateur des troubles du rythme cardiaque », ainsi qu'un article paru dans Ebiomedicine selon lequel l'électroporation est une stratégie d'ablation tumorale efficace qui induit la mort cellulaire immunologique et favorise l'immunité systémique anti-tumorale.
Il allègue que l'électroporation est de plus en plus utilisée par les médecins et en particulier dans de grands établissements de santé, tels que le Centre hospitalier universitaire de Grenoble-Alpes et souligne que les résultats positifs de cette méthode sont reconnus par la Commission européenne.
10.3 L'assureur a soumis à son médecin-conseil, la docteure J______, les textes versés au dossier par le défendeur.
Après avoir étudié la présentation de l'appareil de thérapie de diathermie et électroporation, celle-ci a indiqué que « toutes les informations fournies apparaissent comme des allégations, car aucune n'est associée à une étude clinique dûment référencée. La bibliographie fait référence à des études plutôt anciennes (1984, 1988, 1996, 1998), publiées dans des journaux sans impact factor, donc apparemment pas révisées par des experts du domaine ».
Elle a relevé que sept des publications versées au dossier par le défendeur avec sa duplique du 19 août 2024 (cf. pièce 23) ne pouvaient se voir reconnaitre une vraie valeur scientifique, dès lors qu'elles se bornaient à présenter des centres de traitement, et que les deux autres portaient sur des études n'ayant que peu d'intérêt quant à la question de l'électroporation, dans la mesure où elles concernent respectivement le cancer de la souris et un traitement oncologique (cf. pièce 15 chargé dem. du 14 octobre 2024).
10.4 Il convient, s'agissant de l’indépendance de ce médecin-conseil et de sa compétence en matière d’évaluation des preuves d’études cliniques, de rappeler que le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee ; ATAS/325/2020 du 28 avril 2020).
Il n'y a pas lieu, au vu de ce qui précède, d'écarter l'appréciation du médecin‑conseil, au motif qu'il ne serait pas compétent ou impartial.
Il ressort de ses commentaires, quant à la valeur scientifique des publications produites par le défendeur, que le critère de l'efficacité ne serait pas donné.
10.5 L'assureur a par ailleurs fait état d'un courriel du 31 mai 2023 adressé à l'un de ses collaborateurs par la docteure I______, médecin qui a participé à l'élaboration de l'article relatif à la présentation de l'appareil de thérapie et électroporation produit par le défendeur et mentionné ci-dessus, l'informant que « l'électrothérapie et la radiofréquence devraient, à mon humble avis, être facturées en LCA » (cf. pièce 14 chargé dem. du 20 juin 2024).
10.6 En conclusion, il appert que les articles produits par le défendeur sont non‑scientifiques, ou publiés dans des revues non référencées, de faible qualité et avec un facteur d'impact, soit l'indicateur de notoriété et de visibilité de revues le plus utilisé actuellement pour évaluer une publication scientifique, plutôt bas. Ils concernent bien l'électroporation, mais portent sur la cardiologie ou l'oncologie, et pas sur le traitement de la douleur, de sorte qu'ils n'ont aucune pertinence en l'espèce et ne permettent pas de démontrer le caractère efficace de l'électroporation dans le traitement de la douleur. Enfin, on ignore si les effets positifs reconnus par la Commission européenne visent effectivement le traitement de la douleur.
Il résulte de ce qui précède qu'au moment déterminant, soit celui de la date des traitements litigieux, il n'existait pas d'étude scientifique menée sur le long terme sur l'électroporation utilisée pour le traitement de la douleur, ni, a fortiori, de preuve de l'efficacité d'un tel traitement.
10.7 Le défendeur, enfin, a déploré que l'assureur n'ait pas pris la peine de se renseigner sur les conditions spécifiques des patients auxquels il a prodigué le traitement en cause.
On ne saurait cependant le reprocher à l'assureur, dès lors que selon la jurisprudence précitée, on ne peut conclure à l’efficacité d’une mesure de manière rétrospective et à la lumière des résultats obtenus concrètement dans des cas particuliers.
Certes le tribunal de céans ne dispose-t-il pas des connaissances nécessaires pour se faire une opinion sur la question de savoir quelles sont les études parmi celles produites qui peuvent être reconnues comme ayant valeur probante. Il n'est toutefois pas nécessaire de développer davantage ce considérant. On peut se contenter de constater que le critère de l'efficacité n'est en l'espèce et en principe pas rempli, étant au surplus précisé qu'il suffit qu'un seul des critères fasse défaut pour que la prestation concernée ne puisse être mise à la charge de l'assurance obligatoire des soins selon l'art. 32 LAMal.
On peut rappeler que la question aurait parfaitement pu être laissée ouverte, le défendeur n'étant quoi qu'il en soit pas au bénéfice de la valeur intrinsèque qui lui aurait permis de facturer ses prestations sur la base de la position TARMED 29 2200 (cf. consid. supra 8).
Dans un arrêt du 29 mai 2024 (9C_115/2023), le Tribunal fédéral a à cet égard confirmé que le médecin qui facture des prestations sur la base de positions TARMED pour lesquelles il ne dispose pas de valeurs intrinsèques, doit rembourser tous les montants qui lui ont été versés par l'assureur, quelle que soit la qualité des soins effectués et même si les conditions de l'art. 32 LAMal sont réalisées.
11. Le défendeur conteste le bien-fondé des prétentions de l'assureur, au motif que le principe de la bonne foi a été violé.
Déterminer si l'assureur est en droit de réclamer au défendeur, au regard de l'absence d'attestations de valeurs intrinsèques, la restitution des montants qu'il lui a versés sur la base de l'assurance obligatoire des soins, dépend en effet de savoir si le défendeur peut se prévaloir du principe de la bonne foi.
11.1 L'art. 56 al. 2 LAMal règle l'obligation de restitution du fournisseur de prestations, tandis que l'art. 25 LPGA a trait à l'obligation de restitution de l'assuré ou d'un tiers (Gebhard EUGSTER, Krankenversicherung, in : Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], soziale Sicherheit, 2016, ch. 919 p. 686). Selon cette dernière disposition, les prestations indûment touchées doivent être restituées, à moins que l'intéressé ait été de bonne foi et que la restitution le mettrait dans une situation difficile.
Dans un arrêt du 23 juillet 2020, le Tribunal fédéral a confirmé que la base légale pour la restitution des prestations indûment perçues par des fournisseurs de prestations était l'art. 56 al. 2 LAMal, même si l'économicité de la pratique médicale n'était pas en cause (9C_571/2019 consid. 2.2). Il a ajouté que l'obligation de restitution était toutefois limitée par la protection de la bonne foi (arrêt précité consid. 5.5). C'est ainsi que, constatant que les assureurs-maladie avaient accepté pendant des années de prendre en charge des prestations facturées par la société mise en cause, au sein de laquelle plusieurs médecins travaillaient sous le numéro RCC du médecin répondant, il a considéré que cette société pouvait croire, de bonne foi, que ces médecins n'avaient pas besoin d'une autorisation individuelle de pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins (9C_571/2019).
Découlant directement de l'art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101) et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 129 I 161 consid. 4.1 ; 128 II 112 consid. 10b/aa ; 126 II 377 consid. 3a et les arrêts cités). De la même façon, le droit à la protection de la bonne foi peut aussi être invoqué en présence d'un comportement de l'administration susceptible d'éveiller chez l'administré une attente ou une espérance légitime (ATF 129 II 381 consid. 7.1 et les nombreuses références citées), ainsi qu'à l'encontre des assureurs (arrêts du Tribunal fédéral 9C_571/2019 du 23 juillet 2020 ; 9C_528/2016 du 28 février 2017).
Selon la jurisprudence, le droit à la protection de la bonne foi est soumis à la réalisation de cinq conditions cumulatives. Un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que : a) l'autorité ait donné un renseignement sans aucune réserve ; b) le renseignement se réfère à une situation concrète touchant l'administré personnellement ; c) l'autorité ait agi dans les limites de ses compétences ou l'administré eût des raisons suffisantes de la tenir pour compétente ; d) l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu ; e) l'administré se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice ; f) la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée ; g) l'intérêt au respect du droit objectif n'est pas prépondérant par rapport à la protection de la bonne foi (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2 ; 137 I 69 consid. 2.5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8D_2/2021 du 15 mars 2022 consid. 6.2). Une autorité ne peut toutefois pas valablement promettre le fait d'une autre autorité (arrêt du Tribunal fédéral K 7/04 du 27 janvier 2005 consid. 3.1).
11.2 Il convient de déterminer si les conditions susmentionnées sont ou non réalisées.
11.2.1 Les prestations ont été remboursées dans des situations concrètes, sur la base de notes d'honoraires mentionnant le n° RCC du défendeur et portant sur des traitements dispensés par celui-ci (cf. consid. supra 11.1, conditions let. a et b).
11.2.2 L'assureur est compétent pour rembourser les frais médicaux de ses assurés aux fournisseurs de prestations (cf. consid. supra 11.1 , condition let. c).
11.2.3 Il s'agit à présent d'examiner si le défendeur pouvait ou non se rendre compte immédiatement que l'assureur lui remboursait à tort les prestations qu'il lui adressait (cf. consid. supra 11.1, let. d).
11.2.3.1.Le défendeur a à cet égard expliqué que les représentants de la société E______ SA, à laquelle il avait acheté les appareils d'électroporation nécessaires, lui avaient assuré que les prestations qu'il effectuerait avec leur matériel pouvaient être facturées sur la base de la position TARMED 29.2200. Il était ainsi parti du principe qu'elles seraient prises en charge par l'assurance obligatoire des soins. Il avait même pensé que la société s'était préalablement annoncée auprès de TARMED.
Le défendeur allègue ainsi s'être fié aux informations que lui donnait la société E______ SA, société italienne, alors qu'il s'agissait de l'application de la tarification TARMED. On ne peut que s'étonner de ce que le défendeur ait accordé toute sa confiance aux déclarations de la société qui lui a précisément vendu le matériel nécessaire aux séances d'électroporation. À noter, qui plus est, que la société ne lui a pas dit qu'elle s'était annoncée auprès de TARMED. C'est lui qui se l'est imaginé.
Au lieu de se contenter des assurances données par la société, manifestement inapte pour le faire, il lui incombait de se renseigner auprès de l'assureur, la Commission TARMED, ou de la FMH, une telle démarche apparaissant d'autant plus exigible qu'il était conscient de ne pas avoir la valeur intrinsèque nécessaire.
Il est difficile de concevoir qu'il n'ait pas compris, ni au moins douté, que cette société n'était pas qualifiée pour lui donner des informations sur lesquelles il était possible de se fonder.
11.2.3.2.Le défendeur fait également valoir que le fait que les factures qu'il avait ensuite adressées à l'assureur avaient sans autre été remboursées l'avait conforté dans l'idée qu'il agissait correctement, quand bien même il n'avait pas la valeur intrinsèque requise. Il souligne que l'assureur n'avait posé aucune question durant plusieurs mois, alors qu'il est tenu, selon l'art. 42 al. 3 LAMal, de contrôler les factures.
Il est vrai qu'il appartient aux caisses-maladies de contrôler les factures établies par les fournisseurs de prestations afin de vérifier qu'elles émanent de médecins autorisés à facturer à la charge de la LAMal (arrêt du Tribunal fédéral 9C_252/2022 du 15 mai 2023 consid. 7.5).
Le système du code RCC vise toutefois à les dispenser de l'examen étendu des conditions d'admission. Elles peuvent ainsi présumer que les fournisseurs de prestations, qui disposent d'un code RCC et lui soumettent une facture, satisfont aux conditions d'admission pour effectuer ses activités à la charge de l'assurance obligatoire des soins (ATF 135 V 237 consid. 2 ; 132 V 303 consid. 4.4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_214/2017 du 2 février 2018).
En l'espèce, l'assureur a remboursé les factures du défendeur du 17 août 2021 au 10 mai 2022. Le 9 février 2022, ayant constaté une erreur sur une facture, l'assureur a demandé des éclaircissements au défendeur. Celui-ci a alors corrigé ses factures en remplaçant la position TARMED 04.2430 par la 29.2200, ce qui a conduit l'assureur à attirer son attention, le 7 avril 2022, sur le défaut de valeur intrinsèque qualitative pour cette position (cf. pièces 5, 8 et 9 chargé dem. 16 février 2023). La facturation par analogie du traitement de l'électroporation via la position 29'2200 a permis à l'assureur de comprendre la nature de l'anomalie (cf. également consid. supra 7.2.1).
On ne saurait dans ces conditions reprocher à l'assureur d'avoir failli à son devoir de contrôle et de n'avoir pas agi aussitôt que possible.
11.2.3.3.Force est ainsi de constater qu'avec le minimum de diligence exigible de tout un chacun, le défendeur ne pouvait manquer de se rendre compte que l'assureur lui remboursait à tort les prestations qu'il lui adressait.
11.2.4 Le défendeur n'allègue pas avoir pris des dispositions auxquelles il ne peut plus renoncer sans subir de préjudice (cf. consid. supra 11.1, let. e).
11.2.5 Enfin, aucun changement susceptible d'avoir une influence sur la présente question litigieuse n'est intervenu depuis le moment où l'assureur a remboursé les factures du défendeur (cf. consid. supra 11.1, let. f).
11.2.6 Reste à relever que l'intérêt au respect des dispositions du TARMED, du concept et de son règlement, afin de réduire les frais médicaux à la charge des assurés, n'apparaît prépondérant par rapport à la protection de la bonne foi. (cf. consid. supra 9.1 let. g).
11.3 Il résulte de ce qui précède que les conditions cumulatives auxquelles est soumis le droit à la protection de la bonne foi ne sont pas réunies. Aussi le défendeur ne peut-il se prévaloir du principe de bonne foi pour nier le droit de l'assureur de lui réclamer la restitution des montants qui lui ont été versés.
12. Il y a, partant, lieu d'admettre les conclusions de l'assureur du 15 février 2023 tendant à la restitution par le défendeur des montants qui lui ont été remboursés à tort pour avoir facturé des prestations à charge de l'assurance obligatoire des soins sur la base de la position TARMED 29.220, du 17 août 2021 au 10 mai 2022, sans disposer de la valeur intrinsèque y relative.
12.1 L'assureur réclame au défendeur la restitution de la somme de CHF 75'466.-. Il résulte de la pièce 8 produite par l'assureur à l'appui de sa demande qu'il a versé ce montant au défendeur. Celui-ci ne conteste pas l'avoir reçu.
Constatant toutefois qu'il comprenait des prestations autres que la séance d'électroporation, le défendeur considère que seul le montant de CHF 56'170.33, concernant les prestations facturées sur la base de la position TARMED 29.2200, et elles seulement, serait dû.
12.2 Il s'avère en l'occurrence que le montant réclamé par l'assureur est composé des prestations relatives à la position TARMED 29.2200, mais aussi des positions 00.0010, 00.0026, 00.0030, d'une part, et 2000, d'autre part.
Il sied de rappeler que la position 29.2000 correspond à une prestation de consultation médicale spécialisée, spécifiquement axée sur la thérapie de la douleur.
La position 00.0010 porte sur une première période de 5 min (consultation de base).
Elle concerne toutes les prestations médicales fournies au patient par le spécialiste dans son cabinet, sans moyens auxiliaires ou avec des moyens simples (par exemple le contenu de la trousse médicale), pour les troubles et symptômes que le patient présente à sa venue chez lui et ceux qui apparaissent durant le traitement. Elle comprend les salutations à l'arrivée et au départ du patient, les discussions, examens et actes médicaux ne faisant pas l'objet d'une tarification spéciale (par exemple : injections spécifiques, pansements, etc.), l'accompagnement du patient pour le confier au personnel soignant (instructions comprises) en vue de tâches administratives, de prestations techniques et curatives et de la remise de médicaments (cas d'urgence et/ou dispensation initiale), la lecture du dossier médical et les annotations immédiatement avant et après la consultation.
La position 000026 vise la consultation pour les personnes au-dessus de 6 ans et de moins de 75 ans nécessitant plus de soins, par période de 5 min en plus.
Cette position est considérée comme exceptionnelle et doit être justifiée auprès de l'assureur par la nécessité de soins supplémentaires pour le patient. Elle est une option pour les cas où la consultation de base, ne suffit pas à couvrir le temps nécessaire pour traiter le patient.
La position 00.0030 : est un supplément qui s'ajoute à la consultation de base (00.0010) lorsque la consultation dure plus de 5 minutes et qu'une dernière période de 5 minutes est nécessaire. Ce supplément ne peut être facturé qu'une seule fois par consultation.
La position 2000 enfin sert à facturer le matériel utilisé (électrodes) lors des séances d'électroporation.
12.3 Il apparaît ainsi que les positions tarifaires 00.0010, 00.0026 et 00.0030 correspondent aux consultations qui permettent de préparer la séance d'électroporation (position 29.2000) ; elles constituent un préalable à la mise en place de la séance d'électroporation elle-même et la position 2000 vise le matériel qui doit y être utilisé. Ces positions sont toutes nécessaires au traitement lui-même . Il n'y aurait partant pas de sens à ce qu'elles soient traitées séparément.
12.4 Le défendeur doit en conséquence verser à l'assureur le montant de CHF 75'466.-.
13. La procédure devant le Tribunal arbitral n'est pas gratuite. Conformément à l'art. 46 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal - J 3 05), dans sa version en vigueur à compter du 11 mai 2024, les frais du tribunal et de son greffe sont à la charge des parties. Ils comprennent les débours divers, ainsi qu'un émolument global n'excédant pas CHF 50'000.-. Le tribunal fixe le montant des frais et décide quelle partie doit les supporter (art. 46 al. 2 LaLAMal).
Eu égard au sort du litige, les frais du tribunal de céans, par CHF 11'410.-, ainsi que l'émolument fixé à CHF 2'000.-, sont mis à la charge du défendeur.
LE TRIBUNAL ARBITRAL DES ASSURANCES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare la demande du 15 février 2023 recevable.
Au fond :
2. L'admet.
3. Condamne le défendeur à payer à HELSANA la somme de CHF 75'466.-.
4. Condamne le défendeur au paiement des frais du Tribunal arbitral, à raison de CHF 11'410.- et à un émolument fixé à CHF 2'000.-.
5. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Christine RAVIER |
| La présidente
Doris GALEAZZI |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Office fédéral de la santé publique par le greffe le