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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3420/2024

ATAS/493/2025 du 27.06.2025 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3420/2024 ATAS/493/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 27 juin 2025

Chambre 9

 

En la cause

A______

 

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1943 et mariée à B______, a formé une demande de prestations complémentaires auprès du service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) en 1994.

b. Par décision du 1er décembre 2023, le SPC a recalculé le montant des prestations complémentaires dès le 1er janvier 2024. Il en résultait que l’assurée avait droit à un montant de CHF 942.20 (soit CHF 479.25 pour elle et CHF 463.15 pour son époux), à titre de réductions individuelles de primes.

c. Au mois de mars 2024, le SPC a initié une révision de son dossier.

d. Le 8 avril 2024, l’assurée a rempli un formulaire de révision périodique et transmis plusieurs pièces dont un décompte des rentes versées à son époux par le « Centro nacional de pensões » (Portugal) faisant état d’un versement annuel de EUR 3'263.84 en 2023 et une attestation de l’Assurance Retraite (France) confirmant le versement mensuel de EUR 35.33 (soit EUR 423.96 pour l’année) en 2023.

e. Le 9 mai 2024, l’assurée a transmis plusieurs pièces dont un décompte des rentes versées en sa faveur par le « Centro nacional de pensões » (Portugal) faisant état d’un versement annuel de EUR 3'252.25 en 2023.

f. Le 4 juin 2024, le service de l’assurance-maladie (ci-après : SAM) a informé le SPC que, pour la période du 1er janvier au 30 juin 2024, des subsides de CHF 946.20 avaient été alloués à B______ et CHF 1'208.40 à l’assurée.

g. Par décision du 4 juin 2024, le SPC a recalculé son droit aux prestations et réclamé, au nom et pour le compte du SAM, le remboursement du montant de CHF 2'154.60, soit CHF 1'208.- (assurée) et CHF 946.- (son époux), à titre de réductions individuelles de primes d’assurance-maladie indûment versées pour la période du 1er janvier au 30 juin 2024.

Dans le plan de calcul annexé à la décision, le SPC a retenu un montant de CHF 11'436.- à titre de loyer, CHF 486.80 de frais d’entretien immobiliers, CHF 5'036.90 d’épargne, CHF 3'675.70 de dettes, CHF 54'078.- de fortune immobilière, CHF 2'434.- de produit hypothétique de la fortune immobilière, CHF 12'939.90 de rente LPP. Les réductions individuelles des primes mensuelles s’élevaient à CHF 810.-, soit CHF 405.- chacun.

h. L’assurée a formé opposition à cette décision. Elle a notamment produit :

-          Son certificat d’assurance établi le 3 octobre 2023 et faisant état de primes mensuelles selon l’assurance de base de CHF 601.05 ;

-          Un certificat d’assurance de son époux établi le 7 octobre 2023 et faisant état de primes mensuelles selon l’assurance de base de CHF 557.35 ;

-          Son attestation de subside d’assurance-maladie 2024 faisant état d’un montant mensuel de 100% ;

-          Une attestation de subside d’assurance-maladie 2024 de son époux faisant état d’un montant mensuel de 100%.

i. Par décision sur opposition du 2 octobre 2024, le SPC a maintenu sa position.

La différence entre les dépenses reconnues et les revenus déterminants ayant baissé, cela avait eu pour conséquence une diminution des réductions individuelles de primes de l’assurance-maladie et, par conséquent, une demande de remboursement d’une part de ces dernières. Sur la base des justificatifs reçus de la part de l’assurée, il avait rectifié les montants rétroactivement au 1er janvier 2024, de la manière suivante :

 

 

Décision du 01.12.2023

Décision du 04.06.2024

Dépenses reconnues

 

 

Loyer

11'148.-

11'436.-

Frais d’entretien immobiliers

2'152.80

486.80

Revenus déterminants

 

 

Epargne

2'460.-

5'036.90

Dettes

2'450.85

3'675.70

Fortune immobilière

54'270.-

54'078.-

Produit hypothétique de la fortune immobilière

2'442.15

2'434.-

Rente LPP

12'864.-

12'939.90

Rente étrangère

5'888.60

6'386.05

 

B. a. Par acte du 13 octobre 2024, l’assurée a recouru devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre cette décision, concluant à son annulation.

La balance des dépenses reconnues et des revenus restait identique. Elle n’avait reçu aucun revenu supplémentaire justifiant la demande de remboursement. Au contraire, en raison de la dévaluation de l’Euro, ses rentes provenant du Portugal avaient diminué, aggravant sa situation financière.

Son époux souffrait de plusieurs affections graves, notamment un diabète insulino-dépendant ainsi qu’un cancer de la peau. Ces maladies requéraient un régime alimentaire stricte ainsi que la prise de médicaments non couverts par l’assurance-maladie. Ces dépenses pesaient lourdement sur leur budget.

b. Par réponse du 13 novembre 2024, le SPC a conclu au rejet du recours.

La recourante ne semblait contester aucun des montants pris en compte dans les calculs de prestations complémentaires à l’AVS/AI, si ce n’était celui relatif aux rentes étrangères. Or, le montant pris en compte par le SPC, à savoir CHF 6'386.05, lui était même favorable, dès lors que c’était un montant de CHF 6'457.72 qui devait être pris en considération, selon le tableau suivant :

Période

Taux de conversation (EUR/CHF) de la BCE au 31.12.2023

Pays

Titulaire

 

Rente annualisée (EUR)

Source

 

Rente annualisée (CHF)

 

Total cumulé

 

 

Dès le 01.01.2024

 

 

0.9305

Portugal

Monsieur

3'263.84

Attestation 2023, reçue le 08.04.2024

3'037.-

 

 

6'457.72

Portugal

Madame

3'252.25

Attestation 2023, reçue le 13.05.2024

3'026.22

France

Monsieur

423.96

Attestation 2023, reçue le 08.04.2024

(EUR 35.33/mois)

394.49

 

c. La recourante n’a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA).

2.             Le litige porte sur le montant de CHF 2'154.- demandé en restitution à la recourante à titre de réductions de primes d’assurance-maladie (subsides) perçues en trop du 1er janvier au 30 juin 2024.

2.1 Conformément à l’art. 33 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal - J 3 05), les subsides indûment touchés doivent être restitués en appliquant par analogie l’art. 25 LPGA (al. 1). Lorsque les subsides ont été indûment touchés par un bénéficiaire de prestations du SPC, ce service peut en demander la restitution au nom et pour le compte du service de l’assurance-maladie (al. 2).

En vertu de l'art. 25 al. 1 PGA (dans sa teneur en vigueur à compter du 1er janvier 2021) – applicable à la question de la restitution des subsides d'assurance-maladie (cf. art. 33 al. 1 LaLAMal) –, les prestations indûment touchées doivent être restituées. Le droit de demander la restitution s'éteint trois ans après le moment où l'institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation (al. 2).

L'obligation de restituer suppose que soient remplies les conditions d'une révision procédurale (art. 53 al. 1 LPGA) ou d'une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA) de la décision – formelle ou non – par laquelle les prestations en cause ont été allouées (ATF 142 V 259 consid. 3.2 et les références ; 138 V 426
consid. 5.2.1 et les références ; 130 V 318 consid. 5.2 et les références).

2.2 Selon l’art. 65 al. 1 LAMal, les cantons doivent accorder une réduction de prime de l'assurance-maladie aux assurés de condition économique modeste, notion qu'il leur appartient de définir, par le biais de règles de droit cantonal autonome (ATF 131 V 202 consid. 3.2.2 ; 124 V 19 consid. 2 ; ATAS/459/2018 du 31 mai 2018 consid. 2).

Aux termes de l’art. 22 al. 7 LaLAMal, les bénéficiaires d’une prestation annuelle, fédérale et/ou cantonale, complémentaire à l’AVS/AI versée par le service ont droit à un subside qui correspond au montant de la prime moyenne cantonale pour le calcul des prestations complémentaires à l’AVS/AI, à concurrence de la prime effective.

Le service de l’assurance-maladie et le service se communiquent régulièrement par fichier informatique les données nécessaires à l’exécution de la présente loi, de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI, du 6 octobre 2006, et de la loi sur les prestations complémentaires cantonales, du 25 octobre 1968, notamment le nom des bénéficiaires des prestations, la date d’ouverture du droit aux subsides et, cas échéant, le montant, ainsi que la date de fin du droit aux subsides (art. 23A al. 1 LaLAMal).

Selon l’art. 11A RaLAMal, en application des art. 22 al. 7 et 23A al. 1 LaLAMal le SPC communique au service notamment le nom des assurés bénéficiaires de prestations complémentaires à l'AVS/AI, le montant du subside auquel ils ont droit, ainsi que le début et la fin de ce droit (al. 1). En cas de variation de dépenses ou de revenus donnant lieu à un changement du montant du subside déterminé selon l'art. 22 al. 7 LaLAMal, le subside est modifié ou supprimé (al. 2).

2.3 L’art. 9 al. 1 LPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants, mais au moins au plus élevé des montants suivants la réduction des primes la plus élevée prévue par le canton pour les personnes ne bénéficiant ni de prestations complémentaires ni de prestations d’aide sociale (let. a) ; 60 % du montant forfaitaire annuel pour l’assurance obligatoire des soins au sens de l’art. 10 al. 3 let. d (let. b). L’art. 10 al. 3 let. d précise que le montant pour l’assurance obligatoire des soins consiste en un montant forfaitaire annuel qui correspond au montant de la prime moyenne cantonale ou régionale pour l’assurance obligatoire des soins (couverture accidents comprise), mais qui n’excède pas celui de la prime effective.

L’art. 11 al. 1 let. d LPC inclut dans les revenus déterminants les rentes, pensions et autres prestations périodiques, y compris les rentes de l’AVS et de l’AI. Les rentes provenant de l’étranger sont entièrement prises en compte dans les revenus, même si elles sont versées à l’étranger, sous réserve qu’elles puissent servir à l’entretien de l’ayant droit, c’est-à-dire qu’elles soient exportables et qu’il existe une possibilité de transfert effectif en Suisse (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l’AI, ch. 74 p. 156 ad art. 12 LPC).

2.4 Au plan cantonal, l'art. 4 LPCC dispose qu'ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes dont le revenu annuel déterminant n'atteint pas le revenu minimum cantonal d'aide sociale applicable.

L'art. 5 LPCC renvoie à la réglementation fédérale pour le calcul du revenu déterminant, sous réserve notamment de l'ajout des prestations complémentaires fédérales au revenu déterminant et d’autres dérogations, non pertinentes en l’espèce.

2.5 Les directives concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (ci‑après : DPC) publiées par l'OFAS, dans leur teneur au 1er janvier 2023, prévoient à leurs chiffres 3452.01 à 3452.04 que pour les rentes et pensions qui sont versées en devises d'États parties à l'accord sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'Union européenne ou à la Convention AELE, le cours de conversion applicable est le cours du jour publié par la Banque centrale européenne. Le premier cours du jour disponible du mois qui précède immédiatement le début du droit à la prestation est déterminant (ch. 3641.03).

2.6 En l’espèce, la décision litigieuse fait état d’un montant de CHF 2'154.- à rembourser à titre de subsides versés en trop pour 2024.

Il n’est pas contesté que l’intimé a reçu de la recourante, les 8 avril et 13 mai 2024, les éléments nouveaux à l’origine de la demande de restitution, dont en particulier les attestations annuelles de rentes. Il ressort des pièces produites par la recourante que l’augmentation des rentes portugaises et française du couple a pris effet le 1er janvier 2023, si bien qu’il s’agit de faits existant déjà au moment de la décision précédente du 1er décembre 2023. Ainsi, ces éléments, découverts postérieurement aux décisions rendues par l’intimé pour les périodes concernées, justifient que celui-ci procède à la révision des décisions précédemment rendues dans la mesure où l’augmentation des revenus et la diminution des dépenses de la recourante en 2024 a entraîné un trop-perçu de subsides durant la période considérée. Ainsi, en réclamant la restitution de prestations versées en trop rétroactivement au 1er janvier 2024, l’intimé a respecté les délais de péremption relatif et absolu.

La recourante s’oppose à la demande de restitution, en faisant valoir que la balance de ses dépenses reconnues et des revenus serait restée identique. Il ressort toutefois de la comparaison des plans de calcul annexés aux décisions des 1er décembre 2023 et 4 juin 2024 que les montants retenus à titre de loyer, d’épargne, de dettes, de rente LPP et de rente étrangère ont augmenté, alors que ceux retenus à titre de frais d’entretien immobiliers, fortune immobilière et produit hypothétique de la fortune immobilière ont diminué. Devant la chambre de céans, la recourante ne conteste pas les chiffres retenus dans les plans de calcul. Elle fait uniquement valoir que ses dépenses auraient augmenté en raison de l’état de santé de son mari et que ses rentes provenant du Portugal auraient diminué en raison de la perte de valeur de l’Euro.

Or, les frais médicaux non couverts par l’assurance-maladie de base ne font pas partie des dépenses reconnues au sens de l’art. 10 LPC (et art. 6 LPCC).

En ce qui concerne les rentes étrangères, il n’est pas contesté que celles-ci doivent être incluses dans les revenus déterminants de la recourante. Selon les attestations reçues les 8 avril et 13 mai 2024, l’époux de la recourante était bénéficiaire d’une rente provenant du Portugal de EUR 3'263.84 et d’une rente provenant de France de EUR 423.96. La recourante était quant à elle bénéficiaire d’une rente provenant du Portugal de EUR 3'252.25. Il n’est pas contesté que le taux de conversion d’EUR en CHF de la BCE au 31 décembre 2023 était de 0.9305. Le total cumulé des rentes étrangères s’élève donc à CHF 6'457.72 (soit CHF 3'037.- + CHF 3'026.22 + CHF 394.49). Ainsi, en retenant un montant de CHF 6'386.05, au lieu de CHF 6'457.72, à titre de rentes étrangères, la décision apparaît favorable à la recourante. Son grief doit partant être écarté.

Il n’y a pas lieu de revenir sur les autres postes des plans de calcul, lesquels ne sont pas contestés par la recourante. Ainsi, sur la base de ces éléments, c’est à juste titre que l’intimé a retenu que la différence entre les revenus et les dépenses donnait lieu à des réductions individuelles de primes mensuelles de CHF 810.- (soit CHF 405.- chacun) depuis le 1er janvier 2024.

La recourante ne remet pas en cause le montant de la restitution de CHF 2'154.60, qui correspond aux chiffres figurant dans les pièces au dossier. La décision de restitution doit partant être confirmée.

En tant qu’elle se prévaut de sa situation financière difficile, la chambre de céans rappelle qu’il lui est loisible, cas échéant, de solliciter la remise de l’obligation de restituer.

3.             Eu égard aux considérations qui précèdent, le recours est rejeté.

La procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario et 89H al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10]).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le