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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1284/2025

ATAS/489/2025 du 25.06.2025 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1284/2025 ATAS/489/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 25 juin 2025

Chambre 4

 

En la cause

A______

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI

 

 

intimé

 


EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante) est née le ______ 1984, ressortissante allemande et iranienne, séparée et mère d’un enfant en bas âge.

b. Elle a effectué un doctorat en anthropologie et sociologie du développement à l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID) à Genève de 2011 à 2016. Son dernier emploi était celui de vice-présidence pour la transformation responsable au Bureau de l’égalité de l’B______ d’octobre 2021 à mars 2024.

c. Elle s’est inscrite auprès de l’office régional de placement (ci-après : ORP) à la recherche d’un emploi à 80% dès le 20 mars 2024.

d. Selon le contrat d’objectifs de recherches d’emploi du 12 mars 2024, le nombre minimum de recherches par mois était fixé à dix et elles devaient être réparties sur l’ensemble du mois.

e. L’assurée a été en arrêt maladie à 100% du 17 octobre au 17 novembre 2024, selon les certificats établis par la docteure C______, spécialiste FMH en médecine interne générale.

f. Le 17 octobre 2024, l’ORP a informé l’assurée que durant sa période d’incapacité, elle était dispensée d’effectuer des recherches d’emploi et de participer aux entretiens de conseil.

g. La docteure D______, spécialiste FMH en médecine interne générale, a attesté, les 18 et 29 novembre 2024, que l’assurée était totalement incapable de travailler pour maladie du 18 au 30 novembre 2024 et du 1er au 31 décembre 2024.

h. Le 13 décembre 2024, l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE ou l’intimé) a annulé le dossier de l’assurée au 17 décembre 2024 en raison de son incapacité de travail.

i. Le 16 décembre 2024, l’OCE a accordé un délai à l’assurée au 8 janvier 2025 pour se déterminer sur ses recherches d’emploi manquantes pour le mois d’octobre 2024.

j. Le 9 janvier 2024, l’assurée a adressé sa candidature à un poste de collaboratrice scientifique au E______, à Berne.

k. Par décision du 14 janvier 2025, l’OCE a prononcé une suspension du droit à l’indemnité de chômage de l’assurée de 3 jours, à compter du 1er novembre 2024, au motif que durant la période de contrôle du mois d’octobre 2024, elle n’avait pas démontré avoir effectué des recherches d’emploi. Il ressortait de son dossier qu’elle avait été en incapacité de travail du 17 au 31 octobre 2024. Invitée à s’exprimer à ce propos, elle n’avait pas répondu dans le délai imparti. Faute de justification, il y avait motif à sanction. Dans la quotité de celle-ci, il avait été tenu compte du fait qu’elle avait été dispensée d’effectuer des recherches d’emploi après le 17 octobre 2024.

l. Le 4 février 2025, l’assurée a formé opposition à la sanction du 14 janvier 2025. Elle confirmait ne pas avoir pu faire des recherches d’emploi entre le 1er et le 16 octobre 2024. Du 12 septembre au 15 octobre 2024, elle avait suivi une formation courte à l’Université de Genève afin d’améliorer son employabilité. Elle avait dû préparer un exercice en binôme pour le 15 octobre et cela avait été l’une de ses occupations principales durant les deux premières semaines du mois d’octobre. Le 23 septembre 2024, elle avait reçu une invitation à un entretien d’embauche pour le 4 octobre à la Ville de F______ et elle avait mis beaucoup de soin dans la préparation de cet entretien, ce qui l’avait occupée du 1er au 4 octobre compris. Malheureusement, l’entretien ne s’était pas passé à sa satisfaction, ce qui avait entrainé une certaine déception la semaine suivante. Elle avait également eu des rendez-vous de coaching les 3 et 14 octobre, mesure qui était financée par l’OCE.

D’autres éléments de sa vie personnelles ne lui avaient pas permis de répondre à sa charge de travail temporairement très importante. En effet, en septembre 2024, son mari avait commencé un travail à 100% à Thoune, de sorte que pendant trois jours par semaine, elle assumait seule, hors horaires de la crèche évidemment, la prise en charge de leur fille, qui avait alors 11 mois. Elle ne pouvait donc que très difficilement travailler plus de huit heures par jour. De plus, elle avait de la famille proche en Iran et les attaques de missiles entre l’Iran (1er octobre) et l’attente de la contre-attaque d’Israël (26 octobre) avait été une charge mentale considérable pour elle. Elle avait enfin souffert d’une grippe dès le 15 octobre. Lors de son entretien à l’ORP du 16 octobre, son conseiller avait compris qu’elle était dans un état d’épuisement. Elle lui avait dit qu’elle n’avait pas pu faire de recherche en octobre et qu’elle allait consulter son médecin de famille le lendemain. Elle lui avait demandé, si elle devait encore faire des recherches pour couvrir les deux premières semaines du mois et il lui avait dit que ce n’était pas nécessaire compte tenu du fait qu’elle n’était pas apte au placement en l’état actuel. Elle espérait que ces éléments prouveraient qu’elle avait été de bonne foi dans sa recherche de travail au mois d’octobre 2024, mais que les circonstances avaient fait qu’elle ne pouvait, pour des raisons logistiques et psychologiques, assumer la charge de travail importante qui lui avait été demandée pendant cette période.

m. Par décision sur opposition du 11 mars 2025, l’OCE a considéré que les explications fournies par l’assurée ne remettaient pas en cause la décision litigieuse, puisqu’elle avait suivi de sa propre initiative une formation auprès de l’Université de Genève, formation dont l’ORP avait du reste refusé la prise en charge. La préparation d’un entretien d’embauche ne justifiait pas une diminution du nombre de postulations à fournir mensuellement, pas plus que les éléments de la vie personnelle invoqués. La mesure de coaching à laquelle elle avait été assignée par l’ORP le 19 juillet 2024 mentionnait d’ailleurs expressément qu’elle était tenue de poursuivre ses recherches d’emploi durant la mesure. L’assurée n’ayant fourni aucune recherche d’emploi pour la période du 1er au 16 octobre 2024, c’était à juste titre qu’une sanction avait été prononcée à son encontre. La sanction de 3 jours respectait le barème du SECO et le principe de la proportionnalité s’agissant d’un premier manquement envers le chômage.

n. Le conseiller en personnel de l’assurée a indiqué, dans un procès-verbal lié à l’entretien du 16 octobre 2024, que celle-ci lui avait indiqué être épuisée moralement et qu’elle allait voir son médecin pour un potentiel certificat médical.

B. a. Le 10 avril 2025, l’assurée a formé recours contre la décision sur opposition du 11 mars 2025, faisant valoir que la charge mentale et l’état d’épuisement qu’elle avait décrits dans son opposition n’avaient pas été suffisamment pris en compte par l’intimé. Elle produisait un certificat médical de la Dre D______ résumant sa situation. La décision litigieuse devait être annulée, car elle n’avait pas été apte à la recherche d’emploi pendant les deux premières semaines d’octobre.

Dans son certificat du 3 avril 2025, la Dre D______ a attesté avoir repris le suivi médical de l’assurée depuis le 18 novembre 2025 et avoir constaté un épuisement et des symptômes psychologiques au premier plan avec une incapacité de travail à 100% qui, selon son anamnèse, était déjà présente en septembre 2024.

b. Par réponse du 9 mai 2025, l’intimé a relevé que la valeur probante d’un certificat médical rétroactif était relative, puisqu’un médecin ne pouvait juger qu’avec une certitude limitée si la prétendue incapacité de travail existait déjà avant l’examen.

L’attestation médicale remise par la recourante était descriptive et renseignait sur son état de santé, mais ne faisait état d’aucune période d’incapacité de travail pour la période du 1er au 16 octobre 2024. Il fallait relever que l’intéressée s’était rendue à son entretien de conseil du 16 octobre 2024 ainsi que chez son médecin et qu’elle avait produit un certificat daté du 16 octobre 2025 faisant état d’une incapacité totale de travail du 17 octobre au 17 novembre 2024. L’assurée avait mentionné sur son formulaire « Indications de la personne assurée » pour le mois d’octobre 2024 qu’elle avait été dans l’incapacité de travailler du 17 au 21 octobre 2024. Il en découlait qu’elle n’était pas en arrêt de travail du 1er au 16 octobre 2024, de sorte qu’elle devait entreprendre des recherches d’emploi durant cette période, ce qu’elle n’avait pas démontré avoir fait.

En conclusion, l’intimé persistait dans les termes de sa décision du 11 mars 2025.

c. La recourante n’a pas répliqué dans le délai qui lui était octroyé au 3 juin 2025.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA).

2.             À teneur de l’art. 1 al. 1 LACI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-chômage obligatoire et à l’indemnité en cas d’insolvabilité, à moins que la LACI n’y déroge expressément.

3.             Le litige porte sur le bien-fondé de la suspension du droit à l’indemnité de chômage du recourant durant 3 jours au motif qu’elle n’avait pas fait de recherches d’emploi en octobre 2024.

4.              

4.1 L’art. 8 LACI énumère les conditions d’octroi de l’indemnité de chômage. Conformément à l’art. 8 al. 1 LACI, l’assuré doit, pour bénéficier de cette prestation prévue par l’art. 7 al. 2 let. a LACI, notamment être apte au placement (let. f) et satisfaire aux exigences de contrôle (let. g).

Aux termes de l’art. 17 LACI, l’assuré qui fait valoir des prestations d’assurance doit, avec l’assistance de l’office du travail compétent, entreprendre tout ce que l’on peut raisonnablement exiger de lui pour éviter le chômage ou l’abréger. Il lui incombe en particulier de chercher du travail, au besoin en dehors de la profession qu’il exerçait précédemment (al. 1). Il doit apporter la preuve des efforts qu’il a fournis. L’assuré doit se conformer aux prescriptions de contrôle édictées par le Conseil fédéral (al. 2, 2e phase LACI).

Le fait de continuer à travailler pour son employeur n’est pas incompatible avec l’accomplissement de recherches d’emploi, dans la mesure où un grand nombre de personnes ne sont pas libérées de leur obligation de travailler pendant le délai de congé et sont dès lors obligées d’effectuer des recherches parallèlement à l’exercice de leur activité lucrative (cf. entre autres les arrêts ATAS/1281/2010 consid. 6 du 8 décembre 2010 et ATAS/267/2018 du 26 mars 2018).

Le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu lorsqu’il est établi que celui-ci ne fait pas tout ce qu’on peut raisonnablement exiger de lui pour trouver un travail convenable (art. 30 al. 1 let. c LACI).

Conformément à l’art. 30 al. 2 LACI, l’autorité cantonale prononce la suspension au sens de l’al. 1, let. c. La durée de la suspension est proportionnelle à la gravité de la faute selon l’art. 30 al. 3, troisième phrase, LACI. L’OACI distingue trois catégories de faute – à savoir les fautes légères, moyennes et graves – et prévoit, pour chacune d’elles, une durée minimale et maximale de suspension, qui est de 1 à 15 jours en cas de faute légère, de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne, et de 31 à 60 jours en cas de faute grave (art. 45 al. 3 OACI).

La durée de la suspension du droit à l’indemnité de chômage est fixée compte tenu non seulement de la faute, mais également du principe de proportionnalité (cf. Thomas NUSSBAUMER, op. cit., n. 855 p. 2435).

Le Bulletin LACI IC prévoit une suspension de l’indemnité de 3 à 4 jours en cas de recherche insuffisante d'emploi durant la période de contrôle pour la première fois (ch. D79).

La quotité de la suspension du droit à l'indemnité de chômage dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 8C_194/2013 du 26 septembre 2013 consid. 5.2). Le pouvoir d’examen de la chambre de céans n’est pas limité à la violation du droit mais s’étend également à l’opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »). En ce qui concerne l’opportunité de la décision en cause, l’examen du tribunal porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l’autorité, dans un cas concret, a adoptée dans le cadre de son pouvoir d’appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n’aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. Le juge des assurances sociales ne peut toutefois, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l’administration ; il doit s’appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_758/2017 du 19 octobre 2018 consid. 4.3 ; Boris RUBIN, op. cit., n. 110 ad art. 30).

5.             En l’espèce, les certificats médicaux produits par la recourante ne suffisent pas à retenir qu’elle n’était pas capable de travailler du 1er au 16 octobre 2024, ni de faire des recherches d’emploi, ce qu’elle n’a pas fait. Selon la jurisprudence, le fait de continuer à travailler pour un employeur n’est pas incompatible avec l’accomplissement de recherches d’emploi. La recourante ne se trouvait manifestement pas dans une situation justifiant un traitement différent. Il ressort en effet de ses propres déclarations qu’elle était capable de fonctionner pendant la première quinzaine du mois et de respecter ses rendez-vous et engagements. Elle a ainsi privilégié d’autres activités que son obligation de faire des recherches d’emploi.

La recourante ne saurait se prévaloir du fait que son conseiller en personnel lui aurait dit, le 16 octobre 2024, qu’elle n’avait pas à faire des recherches pour couvrir les deux premières semaines du mois, car elle devait faire ses recherches de façon répartie dans le mois selon son contrat d’objectifs de recherches d’emploi.

En prononçant une suspension de 3 jours, l'intimé a prononcé la sanction minimum pour le manquement en cause et, ce faisant, il a respecté le principe de la proportionnalité.

6.             Dans ces circonstances, la décision de l'intimé est conforme au droit et le recours sera rejeté.

La procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le