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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3105/2024

ATAS/228/2025 du 31.03.2025 ( PC ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3105/2024 ATAS/228/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 31 mars 2025

Chambre 6

 

En la cause

 

A______

B______

Représentés par Me Laurence MIZRAHI, avocate

 

recourants

contre

 

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : la recourante), mariée à B______ (ci-après : l’époux ou le recourant), est au bénéfice de prestations complémentaires fédérales (PCF) et cantonales (PCC).

b. Par deux décisions du 15 août 2022, l’office de l’assurance-invalidité (ci‑après : OAI) a alloué à l’époux, d’une part, un quart de rente d’invalidité du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2020 (soit un solde rétroactif de CHF 8'363.-) et, d’autre part, une demi-rente d’invalidité dès le 1er janvier 2021 (soit un solde rétroactif de CHF 13'839.-). Ces décisions ont été transmises au service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) le 20 octobre 2022.

B. a. Par décision du 25 novembre 2022, le SPC a recalculé le droit de la recourante à des prestations complémentaires et conclu à un solde rétroactif en sa faveur de CHF 22'328.- pour la période du 1er janvier 2019 au 30 novembre 2022.

b. Le 19 janvier 2023, la recourante a requis la remise de l’obligation de rembourser CHF 22'328.-, dès lors qu’elle avait transmis dès que possible toutes les modifications au SPC et qu’elle se trouvait dans une situation difficile.

Elle a communiqué un extrait du compte bancaire de son époux auprès de UBS SWITZERLAND AG (ci-après : UBS), attestant d’un solde négatif de CHF 65.76 au 31 décembre 2022 ainsi qu’une attestation du docteur C______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, du 13 décembre 2022, selon laquelle elle n’avait pas été en mesure de s’occuper de ses affaires administratives et était à risque d’une péjoration dépressive et anxieuse grave, suite au stress intense que la demande de remboursement suscitait pour elle.

c. Lors d’une entrevue au SPC le 14 juin 2023, l’époux a confirmé la demande de remise du 19 janvier 2023.

d. Par décision du 19 février 2024, le SPC a refusé la remise de l’obligation de restituer CHF 22'178.- (sic), montant correspondant au solde de la dette.

La bonne foi était admise pour les prestations perçues en trop de janvier 2019 à août 2022, date à laquelle la recourante avait eu connaissance du nouveau montant des rentes d’invalidité. En revanche, la bonne foi était niée pour la période de septembre à novembre 2022. Par ailleurs, vu le rétroactif de rente d’invalidité perçu par la recourante de CHF 22'202.-, la situation difficile ne pouvait être admise relativement à la demande de restitution de CHF 22'178.-. Faute de justificatifs probants, il y avait lieu de considérer que les moyens financiers résultant du versement rétroactif de l’OAI existaient encore au moment de la demande de restitution du 22 décembre 2022 (sic).

e. Le 19 mars 2024, la recourante et son époux ont fait opposition à la décision précitée et le 22 avril 2024 l’époux s’est entretenu avec un employé du SPC, en indiquant qu’il avait remboursé une partie de ses dettes avec le rétroactif de l’OAI.

f. Le 2 août 2024, le SPC a requis de la recourante les extraits bancaires du 1er août 2022 au 31 janvier 2023 et les justificatifs et explications relatifs à l’utilisation du versement rétroactif.

g. Le 12 août 2024, la recourante a transmis le relevé de compte UBS de son époux du 1er septembre 2022 au 31 janvier 2023. Celui-ci atteste d’un crédit de CHF 8'363.- le 17 août 2022 et de CHF 13'839.- le 5 septembre 2022 de la part de la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse), et d’un retrait au bancomat de CHF 8'000.- le 18 août 2022 et de CHF 13'800.- le 12 septembre 2022.

h. Par décision du 21 août 2024, le SPC a rejeté l’opposition, au motif que même si la bonne foi de la recourante était admise jusqu’à août 2022, la condition de la situation difficile n’était pas réalisée. D’importants retraits en espèces avaient eu lieu de façon concomitante aux versements des rétroactifs, sans explications sur leur utilisation.

C. a. Le 15 septembre 2024, la recourante et son époux ont saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice d’un recours à l’encontre de la décision précitée. Lorsque la recourante avait obtenu une rente d’invalidité en 2016, le SPC ne lui avait pas réclamé le rétroactif reçu, de telle sorte qu’ils avaient pensé qu’il en serait de même avec la rente de l’époux. Celui-ci avait remboursé une dette à un ami. Ils devaient encore CHF 50'000.- à d’autres personnes et CHF 50'000.- à l’office des poursuites. Ils n’avaient aucune économie et couvraient à peine leur minimum vital.

b. Le 21 octobre 2024, le SPC a conclu au rejet du recours.

c. Le 27 février 2025, la recourante et son époux, représentés par une avocate, ont répliqué, en faisant valoir que le frère de la recourante, D______, leur avait prêté une somme totale de CHF 29'881.23 entre 2004 et 2016. Dès réception du rétroactif des rentes d’invalidité, ils avaient remboursé D______ d’un montant de CHF 22'000.-.

Ils étaient de bonne foi aussi pour la période de septembre à novembre 2022 car ils pensaient que les décisions de l’OAI étaient automatiquement transmises au SPC. En septembre 2022, la recourante n’était pas à même de s’occuper de ses affaires administratives de sorte que l’annonce, à peine deux mois après réception du rétroactif, ne pouvait être considérée comme tardive. La condition de la situation difficile devait être admise car, au 25 novembre 2022, ils ne disposaient plus du montant réclamé. La remise de l’obligation de rembourser CHF 22'328.- devait être accordée.

 

 

Ils ont communiqué :

-     Une attestation sur l’honneur de D______ du 14 octobre 2024, signée à Naples, selon laquelle il avait prêté à sa sœur, entre 2004 et 2016, USD 29'000.- et il avait été remboursé de CHF 22'000.- en septembre 2022, lors de son séjour en Suisse. Était joint un extrait du compte de la recourante au CRÉDIT SUISSE, mentionnant un versement de CHF 5'107.65 le 4 mars 2008 de la part de « E______ ».

-     Un extrait du compte privé de la recourante au CRÉDIT SUISSE, attestant d’un crédit de CHF 5'107.55 le 6 août 2008 et d’un solde de CHF 887.85 au 31 décembre 2022.

d. Sur demande de la chambre de céans, le SPC a indiqué, le 18 mars 2025, que la simple déclaration de D______ sous forme de reconnaissance de dette n’était pas une preuve suffisante d’une dette. Il n’y avait pas de contreprestation équivalente.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Il y a lieu d’examiner la qualité pour recourir de l’époux de la recourante.

2.1 À teneur de l’art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir notamment les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a) et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (let. b).

Quant à l’art 59 LPGA, il prévoit que quiconque est touché par la décision ou la décision sur opposition et a un intérêt digne d’être protégé à ce qu’elle soit annulée ou modifiée a qualité pour recourir.

2.2 La jurisprudence considère comme intérêt digne de protection, au sens de cette disposition, tout intérêt pratique ou juridique à demander la modification ou l’annulation de la décision attaquée que peut faire valoir une personne atteinte par cette décision. L’intérêt digne de protection consiste ainsi en l’utilité pratique que l’admission du recours apporterait au recourant ou, en d’autres termes, dans le fait d’éviter un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; 120 V 38 consid. 2b). L’intérêt doit être direct et concret ; en particulier, la personne doit se trouver dans un rapport suffisamment étroit avec la décision, tel n’étant pas le cas de celui qui n’est atteint que de manière indirecte ou médiate (ATF 125 V 339 consid. 4a et les références).

2.3 La jurisprudence reconnaît la qualité pour recourir d'un enfant en vue d'obtenir la reconnaissance, en faveur de l'un de ses parents, du droit à une prestation complémentaire à une rente de l'assurance-invalidité, l'enfant étant légitimé à déposer la demande de prestations complémentaires pour le compte de son parent (ATF 138 V 292). Les mêmes prérogatives sont accordées au conjoint de l'ayant droit, selon les termes de l'art. 67 al. 1 du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101), applicable par renvoi de l'art. 20 al. 1 de l'ordonnance sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC‑AVS/AI ‑ RS 831.301) (arrêt du Tribunal fédéral 9C_301/2016 du 25 janvier 2017).

2.4 En l’occurrence, la recourante est seule bénéficiaire des prestations complémentaires, de sorte que c’est à raison que la décision litigieuse lui a été notifiée à l’exclusion de son époux. Elle dispose donc de la qualité pour recourir. Quant à son époux, en tant que conjoint de l’ayant droit, il dispose également du droit de demander des prestations complémentaires auprès de l’intimé, de sorte que la qualité pour recourir à l’encontre de la décision de l’intimé doit aussi lui être reconnue.

Partant, la recourante et son époux disposent de la légitimation active pour contester la décision litigieuse.

2.5 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA).

3.             Le litige porte sur la question de savoir si la recourante peut bénéficier d’une remise de l’obligation de rembourser CHF 22'328.-.

4.              

4.1  

4.1.1 Selon l'art. 25 al. 1 LPGA, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile. Ces deux conditions matérielles sont cumulatives et leur réalisation est nécessaire pour que la remise de l'obligation de restituer soit accordée (ATF 126 V 48 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_364/2019 du 9 juillet 2020 consid. 4.1).

L'art. 4 de l'ordonnance fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11) précise que la restitution entière ou partielle des prestations allouées indûment, mais reçues de bonne foi, ne peut être exigée si l'intéressé se trouve dans une situation difficile (al. 1). Est déterminant, pour apprécier s'il y a une situation difficile, le moment où la décision de restitution est exécutoire (al. 2).

4.1.2 À teneur de l’art. 24 de la loi cantonale sur les prestations cantonales complémentaires du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25), les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile (al. 1). Le règlement fixe la procédure de la demande de remise ainsi que les conditions de la situation difficile (al. 2).

L’art. 15 al. 1 du règlement relatif aux prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 25 juin 1999 (RPCC-AVS/AI - J 4 25.03) prévoit que la restitution entière ou partielle des prestations allouées indûment, mais reçues de bonne foi, ne peut être exigée si l'intéressé se trouve dans une situation difficile.

4.1.3 Au regard de la jurisprudence relative à l'art. 25 LPGA, la procédure de restitution des prestations implique trois étapes en principe distinctes : une première décision sur le caractère indu des prestations, soit sur le point de savoir si les conditions d'une reconsidération ou d'une révision procédurale de la décision par laquelle celles-ci ont été allouées sont réalisées (ATF 130 V 318 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral C 207/04 du 20 janvier 2006 consid. 4) ; une seconde décision sur la restitution en tant que telle des prestations, qui comprend en particulier l'examen des effets rétroactifs ou non de la correction à opérer en raison du caractère indu des prestations, à la lumière de l'art. 25 al. 1, 1re phrase LPGA et des dispositions particulières et, le cas échéant, une troisième décision sur la remise de l'obligation de restituer au sens de l'art. 25 al. 1, 2e phrase LPGA (cf. art. 3 et 4 OPGA ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_678/2011 du 4 janvier 2012 consid. 5.1.1 et 5.2).

Le délai de 30 jours prévu par l'art. 4 al. 4 OPGA pour le dépôt de la demande de remise est un délai d'ordre et non un délai de péremption (ATF 132 V 42 consid. 3).

4.2  

4.2.1 Selon l’art. 31 LPGA, l'ayant droit, ses proches ou les tiers auxquels une prestation est versée sont tenus de communiquer à l'assureur ou, selon le cas, à l'organe compétent toute modification importante des circonstances déterminantes pour l'octroi d'une prestation (al. 1). Toute personne ou institution participant à la mise en œuvre des assurances sociales a l'obligation d'informer l'assureur si elle apprend que les circonstances déterminantes pour l'octroi de prestations se sont modifiées (al. 2).

4.2.2 Selon l’art. 24 de l’ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI - RS 831.301), l'ayant droit ou son représentant légal ou, le cas échéant, le tiers ou l'autorité à qui la prestation complémentaire est versée, doit communiquer sans retard à l'organe cantonal compétent tout changement dans la situation personnelle et toute modification sensible dans la situation matérielle du bénéficiaire de la prestation. Cette obligation de renseigner vaut aussi pour les modifications concernant les membres de la famille de l'ayant droit.

À teneur de l’art. 11 al. 1 LPCC, le bénéficiaire ou son représentant légal doit déclarer au service tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations qui lui sont allouées ou leur suppression.

4.3 Savoir si la condition de la bonne foi, présumée en règle générale (art. 3 du Code civil suisse, du 10 décembre 1907 - CC - RS 210), est réalisée doit être examiné dans chaque cas à la lumière des circonstances concrètes (arrêt du Tribunal fédéral 8C_269/2009 du 13 novembre 2009 consid. 5.2.1). La condition de la bonne foi doit être remplie dans la période où l’assuré concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4.1 et les références).

La jurisprudence constante considère que l’ignorance, par le bénéficiaire, du fait qu’il n’avait pas droit aux prestations ne suffit pas pour admettre qu’il était de bonne foi. Il faut bien plutôt qu’il ne se soit rendu coupable, non seulement d’aucune intention malicieuse, mais aussi d’aucune négligence grave. Il s’ensuit que la bonne foi, en tant que condition de la remise, est exclue d'emblée lorsque les faits qui conduisent à l'obligation de restituer (violation du devoir d’annoncer ou de renseigner) sont imputables à un comportement dolosif ou à une négligence grave. En revanche, l'assuré peut invoquer sa bonne foi lorsque l'acte ou l'omission fautifs ne constituent qu'une violation légère de l'obligation d'annoncer ou de renseigner (ATF 138 V 218 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_640/2023 du 19 avril 2024 consid. 5.2).

4.3.1 On parlera de négligence grave lorsque l'ayant droit ne se conforme pas à ce qui peut raisonnablement être exigé d'une personne capable de discernement dans une situation identique et dans les mêmes circonstances (ATF 110 V 176 consid. 3d ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_640/2023 du 19 avril 2024 consid. 5.2). La mesure de l'attention nécessaire qui peut être exigée doit être jugée selon des critères objectifs, où l'on ne peut occulter ce qui est possible et raisonnable dans la subjectivité de la personne concernée (faculté de jugement, état de santé, niveau de formation, etc. ; ATF 138 V 218 consid. 4). Il faut ainsi en particulier examiner si, en faisant preuve de la vigilance exigible, l’assuré aurait pu constater que les versements ne reposaient pas sur une base juridique. Il n’est pas demandé à un bénéficiaire de prestations de connaître dans leurs moindres détails les règles légales. En revanche, il est exigible de lui qu’il vérifie les éléments pris en compte par l’administration pour calculer son droit aux prestations. On peut attendre d'un assuré qu'il décèle des erreurs manifestes et qu'il en fasse l'annonce (arrêt du Tribunal fédéral 9C_498/2012 du 7 mars 2013 consid. 4.2). On ajoutera que la bonne foi doit être niée quand l’enrichi pouvait, au moment du versement, s’attendre à son obligation de restituer, parce qu’il savait ou devait savoir, en faisant preuve de l’attention requise, que la prestation était indue (art. 3 al. 2 CC ; ATF 130 V 414 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_319/2013 du 27 octobre 2013 consid. 2.2).

Les comportements excluant la bonne foi ne sont pas limités aux violations du devoir d'annoncer ou de renseigner ; peuvent entrer en ligne de compte également d'autres comportements, notamment l'omission de se renseigner auprès de l'administration (arrêt du Tribunal fédéral 8C_441/2023 du 21 décembre 2023 consid. 3.2.2 et la référence).

A en particulier été niée la bonne foi d’une bénéficiaire de prestations complémentaires qui avait omis d’annoncer une rente AI versée à son conjoint, dont une partie était versée avec effet rétroactif : la bonne foi a été niée pour la période postérieure à la décision d’octroi de la rente AI ; en effet, à compter de la date de versement de la rente, la bénéficiaire avait pu prendre connaissance de la décision d’octroi de rente à son époux et aisément se rendre compte que l’existence d’un revenu supplémentaire dans le couple était de nature à influencer son droit aux prestations complémentaires ; il lui incombait dès lors d’informer immédiatement la caisse de cette nouvelle situation (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4.3).

4.3.2 En revanche, l’intéressé peut invoquer sa bonne foi si son défaut de conscience du caractère indu de la prestation ne tient qu’à une négligence légère, notamment, en cas d’omission d’annoncer un élément susceptible d’influer sur le droit aux prestations sociales considérées, lorsque ladite omission ne constitue qu’une violation légère de l’obligation d’annoncer ou de renseigner sur un tel élément (ATF 1387 V 218 consid. 4 ; 112 V 97 consid. 2c ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_16/2019 précité consid. 4 ; 9C_14/2007 du 2 mai 2007 consid. 4 ; DTA 2003 n. 29 p. 260 consid. 1.2 et les références ; RSAS 1999 p. 384 ; Ueli KIESER, Kommentar zum Bundesgesetz über den Allgemeinen Teil des Sozialversicherungsrechts - ATSG, 2020, n. 65 ad art. 25 LPGA).

4.4 Conformément à l’art. 4 OPGA, la restitution entière ou partielle des prestations allouées indûment, mais reçues de bonne foi, ne peut être exigée si l’intéressé se trouve dans une situation difficile (al. 1). Est déterminant, pour apprécier s’il y a une situation difficile, le moment où la décision de restitution est exécutoire (al. 2). Les autorités auxquelles les prestations ont été versées en vertu de l’art. 20 LPGA ou des dispositions des lois spéciales ne peuvent invoquer le fait qu’elles seraient mises dans une situation difficile (al. 3).

L'art. 16 RPCC-AVS/AI reprend les mêmes principes que la législation fédérale susmentionnée : est déterminant, pour apprécier s'il y a une situation difficile, le moment où la décision de restitution est exécutoire (al.1) ; il y a une situation difficile lorsque les conditions de l'art. 5 OPGA, appliqué par analogie, sont réalisées (al. 2).

4.4.1 Dans le cadre de l'examen de la condition de la situation difficile (art. 25 al. 1 LPGA), lorsqu'un assuré a reçu, pour une période pendant laquelle il a déjà perçu des prestations complémentaires, des éléments de fortune versés rétroactivement (par exemple un paiement rétroactif de rentes), il convient de prendre en considération cette circonstance. Le Tribunal fédéral a ainsi jugé que dans l'hypothèse où le capital obtenu grâce au paiement de la rente arriérée est encore disponible au moment de l'entrée en force de la décision de restitution, la situation difficile doit être niée. En cas de diminution du patrimoine avant l'entrée en force de la décision de restitution, il faut en examiner les raisons. S'il s'avère que l'assuré a renoncé à des éléments de fortune sans obligation juridique ou sans avoir reçu, en échange, une contre-prestation équivalente (sur ces notions, ATF 146 V 306 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_787/2020 ; 9C_22/2021 du 14 avril 2021 consid. 4.2 et les références), le patrimoine dont il s'est dessaisi devra être traité comme s'il en avait encore la maîtrise effective, en appliquant par analogie les règles sur le dessaisissement de fortune au sens des art. 11 al. 1 let. g aLPC et 17a aOPC-AVS/Al (arrêts du Tribunal fédéral 8C_954/2008 du 29 mai 2009 consid. 7.2 et les références ; 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4.2 ; C 93/05 du 20 janvier 2007 consid. 5.3.4 ; 9C_246/2022 du 6 décembre 2022 consid. 3.3).

Par ailleurs, la détermination des revenus et des dépenses doit être effectuée en tenant compte de l’ensemble des conditions d’existence de la personne tenue à restituer. Ainsi, pour les personnes mariées, le revenu et la fortune de deux conjoints sont pris en compte sans égard à leur régime matrimonial pour autant qu’ils ne soient pas séparés (ATF 116 V 290 consid. 2a). Si la restitution incombe aux héritiers, cette condition doit être remplie par chacun d’eux (ATF 96 V 72 consid. 2).

4.4.2 Dans le régime des prestations complémentaires, l'assuré qui n'est pas en mesure de prouver avec une vraisemblance prépondérante que ses dépenses ont été effectuées moyennant contre-prestation adéquate ne peut pas se prévaloir d'une diminution (supérieure à la moyenne) correspondante de sa fortune, mais doit accepter que l'on s'enquière des motifs de cette diminution et, en l'absence de la preuve requise, que l'on tienne compte d'une fortune hypothétique (ATF 146 V 306 consid. 2.3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral P 65/04 du 29 août 2005 consid. 5.3.2 ; 9C_377/2021 du 22 octobre 2021 consid. 3.3 et les références ; 9C_246/2022 du 6 décembre 2022 consid. 3.4).

4.4.3 À teneur des directives concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (ci-après : DPC), valables dès le 1er avril 2011 (état au 1er janvier 2021), pour l’établissement des revenus déterminants et de la fortune, on se fondera en règle générale sur les revenus obtenus au cours de l’année civile précédente et sur la fortune déterminante au 1er janvier de l’année civile au cours de laquelle la décision de restitution est exécutoire. S’agissant des rentes, pensions et autres prestations périodiques, ce sont toutefois les prestations de l’année en cours qui sont prises en compte. Si la situation économique s’est modifiée jusqu’au moment où la décision de restitution est exécutoire, il importe de tenir compte des changements intervenus (DPC n. 4653.03).

Si des PC doivent être restituées en raison d’un versement rétroactif de prestations d’assurances sociales, on ne saurait opposer à l’ordre de restitution une éventuelle situation difficile lorsque les versements rétroactifs de prestations sont d’un montant au moins identique et : qu’aux conditions prévues par l’art. 20 al. 2 LPC, le montant à restituer peut être compensé avec les prestations en question ; que les moyens financiers résultant du versement rétroactif existent encore au moment où la décision portant sur la restitution des PC est rendue ; ou que le bénéficiaire de PC a utilisé les moyens financiers résultant du versement rétroactif à d’autres fins malgré l’attente d’une éventuelle restitution des PC. En revanche, si le montant de la restitution est supérieur au montant du paiement rétroactif, la situation difficile ne peut exister que pour le montant de la différence (DPC n° 4653.04).

5.             En l’occurrence, dans la décision litigieuse, l’intimé admet la bonne foi de la recourante jusqu’au mois d’août 2022 et la nie de septembre à novembre 2022.

5.1 Les recourants estiment tout d’abord qu’ils étaient de bonne foi de septembre à novembre 2022, au motif qu’ils pensaient que les décisions de l’OAI étaient automatiquement transmises à l’intimé, qu’ils avaient annoncé le rétroactif de rente à l’intimé à peine deux mois après sa réception et qu’ils pensaient ne rien devoir à l’intimé, dès lors qu’aucun remboursement n’avait été exigé de la recourante lorsqu’elle avait reçu un rétroactif de rente d’invalidité en 2016.

Ces arguments ne résistent pas à l’examen.

Courant août 2022, les recourants ont été informés du droit du recourant à une rente d’invalidité depuis le 1er janvier 2019. Dans ces conditions, même s’ils pensaient que les décisions de l’OAI du 15 août 2022 étaient transmises automatiquement à l’intimé, ils devaient savoir, à tout le moins dès septembre 2022, que ce revenu supplémentaire serait pris en compte et pourrait aboutir à une demande de remboursement des prestations complémentaires versées en trop. En conséquence, même si les recourants estiment qu’ils ont transmis sans retard les décisions de l’OAI à l’intimé, soit le 20 octobre 2022, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par celui-ci, leur bonne foi ne peut être admise puisqu’ils devaient savoir qu’une partie des prestations complémentaires versées dès le mois de septembre 2022 pouvait être indue.

Enfin, la recourante ayant été mise au bénéfice de prestations complémentaires depuis le 1er juin 2017 seulement (cf. décision de l’intimé du 12 juin 2017), elle ne peut se prévaloir du fait qu’aucune prestation complémentaire ne lui aurait été demandée en remboursement à l’occasion du versement, qu’elle allègue, d’un rétroactif de sa rente d’invalidité, courant 2016.

Partant, c’est à raison que l’intimé a nié la bonne foi des recourants de septembre à novembre 2022. En conséquence, la remise de l’obligation de restituer pourrait, sous réserve de la réalisation de la condition difficile, être allouée pour les prestations reçues à tort du 1er janvier 2019 au 31 août 2022.

5.2 S’agissant de la condition difficile, l’intimé estime qu’elle n’est pas remplie, dès lors que, d’une part, les recourants ont reçu un rétroactif de rente d’invalidité supérieur au solde à rembourser, d’autre part, qu’ils n’ont pas été à même de justifier l’utilisation des montants reçus.

Quant aux recourants, ils font valoir qu’ils ont remboursé une dette envers le frère de la recourante.

5.2.1 La décision de restitution du 25 novembre 2022 était exécutoire fin décembre 2022, moment qui est ainsi déterminant pour apprécier l’existence d’une situation difficile.

Selon l’extrait du compte UBS du recourant, les montants reçus de la caisse, soit un total de CHF 22'202.- (soit CHF 8'363.- le 17 août 2022 et CHF 13'839.- le 5 septembre 2022) ont été quasiment en totalité retirés au bancomat pour CHF 8'000.- le 18 août 2022 et pour CHF 13'800.- le 12 septembre 2022, soit pour un montant total de CHF 21'800.-. Au 31 décembre 2022, le compte UBS du recourant présentait un solde négatif de CHF 65.76 et le compte CRÉDIT SUISSE de la recourante un solde positif de CHF 887.85. Le capital obtenu grâce au rétroactif de rente d’invalidité n’existait ainsi plus au moment où la décision de restitution était exécutoire.

5.2.2 Cependant, il y a encore lieu d’examiner les raisons de la diminution du patrimoine des recourants. Ceux-ci invoquent le remboursement de CHF 22'000.- en septembre 2022 d’une dette envers le frère de la recourante de CHF 29'881.23. Comme relevé par l’intimé, le remboursement de cette dette n’apparait pas, au degré de la vraisemblance prépondérante, comme étant établi. Les recourants ont annoncé cette dette seulement au stade du recours et elle n’est attestée que par un document signé du frère de la recourante le 14 octobre 2024, soit postérieurement à la décision litigieuse. Par ailleurs, ils ont effectué un retrait au bancomat de CHF 8'000.- le 18 août 2022 déjà, alors que le frère de la recourante a indiqué avoir séjourné en Suisse en septembre 2022 et obtenu à ce moment-là le remboursement. On comprend mal l’urgence d’un retrait d’argent cash pour en opérer un remboursement à tout le moins 18 jours plus tard (le second retrait ayant eu lieu le 5 septembre 2022). En outre, la preuve d’un versement de CHF 5'107.65 le 4 mars 2008 par la société E______, dont le lien avec le frère de la recourante n’apparait pas, n’est pas suffisant non plus pour attester d’une dette des recourants envers ce dernier, étant relevé que le solde de la dette n’est établi par aucun document. Quoi qu’il en soit, dès lors que les recourants devaient s’attendre, dès le versement du rétroactif de la rente d’invalidité, à devoir rembourser l’intimé des prestations versées en trop, le remboursement précipité de la dette envers le frère de la recourante, même avéré, ne permet pas d’admettre la condition de la situation difficile (à cet égard arrêt du Tribunal fédéral 9C_139/2015 du 9 mars 2015).

5.2.3 Le rétroactif de rente d’invalidité reçu, soit un montant de CHF 22'202.-, étant toutefois légèrement inférieur au montant dont la restitution est exigée, de CHF 22'328.-, la remise de l’obligation de restituer peut être admise pour le solde de CHF 126.- (CHF 22'328 - CHF 22'202).

6.             Partant le recours sera partiellement admis et la décision litigieuse du 21 août 2024 annulée, la demande de remise étant admise à hauteur de CHF 126.- et rejetée pour le surplus.

La procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision de l’intimé du 21 août 2024.

4.        Admet la demande de remise à hauteur de CHF 126.-.

5.        La rejette pour le surplus.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le